Prix du Moniteur 2005 - Le Moniteur des Pharmacies n° 2597 du 01/10/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2597 du 01/10/2005
 

Cahier formation

Difficile de départager les 71 dossiers ayant participé à la 2e édition du Prix du Moniteur. A tel point que le jury a décidé d'attribuer cette année non pas deux mais trois prix. Les trois dossiers récompensés avaient tous un point commun : ils montrent le rôle incontournable du pharmacien en matière de pharmacovigilance et de conseils. Encore Bravo !

71 dossiers reçus, 71 interventions positives. Tous les dossiers étaient intéressants, à tel point que la délibération du jury, le 7 juillet dernier, a attribué cette année non pas deux mais trois Prix.

Le dossier remportant le premier prix, attribué à la Pharmacie Vergnot de Bagneux (Hauts-de-Seine), montre une perspicacité et une rigueur qu'il faut saluer. « L'explication du rôle des cytochromes P450 est certes très pointue mais illustre parfaitement les mécanismes des interactions médicamenteuses en matière d'inhibition et d'induction enzymatique », souligne Vivien Veyrat, officinal et membre du jury.

L'interaction évoquée (Ketek prescrit à un patient sous trithérapie et Subutex) n'est pas encore répertoriée. Elle a été soupçonnée par l'équipe officinale et confirmée par le service de pharmacovigilance du laboratoire. Des troubles cardiaques graves étaient potentiellement en jeu.

Avec le deuxième prix, attribué à la Pharmacie Liron de May-sur-Orne (Calvados), nous voila revenus au quotidien du comptoir. Ce dossier consacré à la prescription de morphine chez une patiente cancéreuse est illustré de nombreuses photos (toutes ne sont pas reproduites ici, par manque de place) pour préciser le fonctionnement du matériel délivré. « Je décerne une mention spéciale à ce dossier : il a toutes les qualités et apporte beaucoup aux officinaux qui n'ont pas suivi de DU de MAD », commente Claire Sevin, titulaire et membre du jury. « La proposition d'utiliser la pince de Camus pour éviter le rebond de l'aiguille de Huber est vraiment la cerise sur le gâteau ! », ajoute Vivien Veyrat.

Le dossier remportant le troisième prix, celui de la Pharmacie Viel, à Langon (Ille-et-Vilaine), s'attache au rôle incontournable du pharmacien lors d'une modification de traitement qui ne semble pas rationnelle à première vue. Car pourquoi patienter trois mois avant d'arrêter un traitement antiépileptique suspecté d'effets indésirables ? Et comment convaincre le patient ?

Si le choix des gagnants a été difficile, l'explication est simple : la plupart des dossiers étaient excellents (voir la liste des dossiers sélectionnés pour le jury final en page 16). Parmi les 71 reçus, onze relataient des erreurs de prescription, des erreurs de posologie ou des prescriptions non conformes. Neuf rapportaient des interventions motivées par une interaction (dont 3 avec Ketek : attention à cet antibiotique au comptoir !). Certains thèmes sont récurrents, et dénotent une source de problèmes potentiels : les ordonnances d'aérosolthérapie, qui semblent revenir au goût du jour, ou encore celles de Roaccutane dont la conformité laisse souvent à désirer. Bon nombre de ces dossiers soulignent surtout la nécessité pour le pharmacien d'avoir accès au dossier médical personnalisé.

« L'intérêt de ce prix, c'est de présenter un maximum d'initiatives positives et réalistes, qui permettraient de faire école. Mais il faut penser au travail que cela demande ! », résume Claire Sevin. Et c'est vrai qu'entre comptoir et problèmes administratifs, il reste bien peu de temps pour rédiger un dossier d'intervention officinale ! Les étudiants de 6e année sont bien souvent les éléments moteurs (près de 60 équipes concourant comprenaient un étudiant), même si certaines équipes sans étudiants prennent le temps de rédiger de très bonnes interventions comme c'est le cas pour le premier et le troisième prix de ce cru 2005. Jean-Marie Gazengel, membre du jury, maître de conférences à la faculté de Caen et secrétaire du Collège français des conseillers et maîtres de stage, se réjouit de l'implication des étudiants de Caen ( 47 dossiers) et il ajoute : « Ces trois dossiers primés montrent la véritable valeur ajoutée du travail du pharmacien. Même si le caractère un peu trop académique à mon sens du premier prix peut en dérouter quelques-uns, j'encourage tous les stagiaires de 6e année à participer avec l'équipe officinale à cet accompagnement du patient lors de la dispensation de l'ordonnance non seulement pour espérer gagner le premier prix, mais surtout pour aider les patients face à des difficultés de compréhension de leur traitement. Ainsi, on ne devrait plus pouvoir se passer de son pharmacien d'officine. »

Alors prenez le temps de rédiger l'une de vos interventions. Elles sont nombreuses, nous n'en doutons pas. Et rendez-vous en 2006 pour le troisième Prix du Moniteur.

1er prix : Une interaction cachée

Bravo à la Pharmacie Vergnot de Bagneux pour son brillant exposé sur le risque d'interaction grave entre Ketek et antirétroviraux ! Il fallait être très perspicace pour détecter cette interaction non encore répertoriée.

Dr B.

Généraliste

10 octobre 2004

Monsieur Y.

39 ans, 70 kg

Subutex

zéro quatre milligrammes, deux comprimés le matin pendant quatre semaines

Subutex

Deux milligrammes l'après-midi pendant quatre semaines

Ketek

2 comprimés le soir, 5 jours

Pneumorel

3 comprimés par jour, 5 jours

Aturgyl

4 fois par jour dans les narines

Le patient est également traité par Reyataz, Viramune, Zerit et Effexor

1 Présentation du cas

Profil du patient

Monsieur Y., 39 ans, 70 kg pour 1,80 m, ancien toxicomane, est traité pour un sevrage aux opiacés par Subutex depuis quelques années et pour une infection par le VIH contractée à la suite de sa toxicomanie ainsi que pour dépression.

Régulièrement, il se rend chez son médecin généraliste pour des affections « banales » de type affections dentaires, bronchites, voire chez son pharmacien pour calmer une toux ou une poussée de fièvre, d'où l'importance de notre intervention dans le conseil pharmaceutique et l'orientation vers le médecin de ville ou hospitalier.

Objectifs thérapeutiques

Cette ordonnance présente les objectifs thérapeutiques suivants :

- poursuite du sevrage aux opiacés avec augmentation des doses,

- traitement d'une infection bronchique persistante avec toux.

Le patient ne s'est présenté qu'avec cette ordonnance mais nous avions appris quelque temps auparavant que son traitement antirétroviral avait été modifié : il passait à une nouvelle trithérapie avec notamment une antiprotéase récemment mise sur le marché, le Reyataz (atazanavir). Nous l'avions d'ailleurs appris par hasard, car il était venu nous demander s'il pouvait se la procurer en officine de ville, ce qui n'était pas le cas.

2 Validation du choix des médicaments

La prescription

- Subutex (buprénorphine) : utilisé dans le traitement substitutif du sevrage aux opiacés. Il peut être prescrit par tout médecin participant à un programme de prise en charge d'un patient présentant une pharmacodépendance majeure aux opiacés, dans le cadre des réseaux associant les centres spécialisés, les pharmaciens et les hôpitaux. Mais contrairement à la méthadone, il peut être prescrit d'emblée en ambulatoire par un médecin dès lors que celui-ci estime que l'état du patient ne nécessite pas une prise en charge très structurée en centre spécialisé. Il nécessite une adaptation posologique progressive avec rencontre mensuelle avec son prescripteur et délivrance du traitement par le pharmacien sur ordonnance sécurisée (7, 8).

- Ketek (télithromycine) : la télithromycine inaugure la classe des kétolides, antibiotique apparenté aux macrolides. Cette nouvelle molécule entre dans la composition de Ketek qui se présente sous forme de comprimés pelliculés dosés à 400 mg. Ce dérivé semi-synthétique de l'érythromycine A agit sur les germes à l'origine d'infections respiratoires. Ketek est indiqué au cours des pneumonies communautaires de gravité légère à modérée, des exacerbations de bronchites chroniques et des sinusites aiguës (11, 25).

- Pneumorel (fenspiride) : utilisé dans le traitement des signes fonctionnels (toux et expectoration) au cours de bronchopneumopathies. Il est prescrit à raison de 1 comprimé 3 fois par jour pendant 5 jours.

- Aturgyl (oxymétazoline) : utilisé dans le traitement local des états congestifs aigus au cours des rhinites et des sinusites. Il est prescrit à raison de une pulvérisation 4 fois par jour.

Les autres traitements

- Reyataz (atazanavir) : septième inhibiteur de la protéase du VIH, il est détenu par les pharmacies hospitalières et a été mis sur le marché en mars 2004. En traitement de première ligne, il permet une réduction du nombre de comprimés ou gélules à ingérer (6). Il a une demi-vie de 7 heures. Il subit un métabolisme intestinal et hépatique par le cytochrome 3A4 pour lequel il a une forte affinité, ce qui lui confère une forte propriété inhibitrice (16).

- Viramune 200 mg (névirapine) : inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse. Il a pour principale caractéristique pharmacologique d'avoir une demi-vie d'élimination prolongée (30 h), d'être éliminé par les cytochromes P450 (CYP 3A4) hépatiques et de posséder des propriétés inductrices enzymatiques via le CYP3A4 (16).

- Zerit 30 mg (stavudine) : inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse. Zerit est une prodrogue. Seul son dérivé triphosphorylé par la cellule est actif. Sa biodisponibilité est bonne. Il est peu fixé aux protéines plasmatiques et éliminé dans les urines sous forme inchangée (16).

- Effexor 25 mg (venlafaxine) : antidépresseur inhibiteur non sélectif de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Substrat du CYP2D6 majoritairement et du 3A4 ; la venlafaxine a aussi des propriétés inhibitrices sur le CYP2D6 (3).

3 Analyse des interactions

Subutex

Le Subutex est un morphinique qui expose à une série de risques d'interaction communs à l'ensemble des morphiniques. Il s'y ajoute le risque lié aux médicaments inhibiteurs enzymatiques du CYP3A4 car le Subutex est un substrat du CYP3A4. Les inhibiteurs du CYP3A4 vont augmenter la concentration plasmatique de buprénorphine et majorer ses effets indésirables (5).

- Subutex + Reyataz : le traitement par Subutex, en cours de modification pour ce patient, nécessite, notamment avec les antiprotéases, des précautions d'emploi car l'interaction induit une augmentation des concentrations de buprénorphine par diminution de son métabolisme hépatique avec risque de majoration de ses effets secondaires. L'association nécessite donc une surveillance clinique étroite, ce qui n'est pas vraiment compatible avec une prescription de ville (7, 8, 9, 14).

- Subutex + Ketek : le Subutex peut interagir avec le Ketek, également inhibiteur du CYP3A4.

- Subutex + Viramune : le Subutex peut avoir aussi ses concentrations diminuées par Viramune qui, lui, est inducteur du CYP3A4.

Il est bien sûr très difficile in vivo d'imaginer précisément le devenir du Subutex en compétition avec des inhibiteurs, un inducteur enzymatique, eux-mêmes substrats de plus ou moins forte affinité pour l'isoenzyme CYP3A4. La littérature nous permet de faire des interprétations d'interactions par rapport au CYP3A4 avec des conséquences physiologiques. Ce que l'on sait, c'est qu'il y aura compétition enzymatique. Le dosage du Subutex étant en cours d'évaluation clinique par rapport à la nouvelle trithérapie de ce patient, l'introduction d'un nouvel inhibiteur enzymatique dans une prescription de pathologie aiguë pourrait remettre en question la titration de la buprénorphine (15).

Ketek

La télithromycine est un inhibiteur de l'isoenzyme CYP3A4 et un faible inhibiteur du CYP2D6. Elle est elle-même métabolisée dans le foie par le CYP3A4 et par d'autres systèmes enzymatiques. Un risque d'interaction médicamenteuse est donc possible entre Ketek et les médicaments métabolisés par le CYP3A4 et ceux qui ont un effet inhibiteur ou inducteur sur ce même cytochrome. Le degré d'inhibition du métabolisme des différents substrats du CYP3A4 est difficile à prévoir. Par conséquent, Ketek ne doit pas être utilisé en association avec des substrats du CYP3A4 à moins que leurs concentrations plasmatiques, leur efficacité ou l'apparition d'effets indésirables puissent être étroitement surveillées. L'alternative à cette surveillance est l'arrêt du traitement par le substrat du CYP3A4 pendant le traitement par Ketek (7, 9, 17).

Avec une augmentation de la concentration en télithromycine du fait de l'administration conjointe d'un inhibiteur du CYP3A4, il pourrait y avoir allongement de l'espace QT (25).

- Ketek + Reyataz : les études d'interaction de certaines antiprotéases comme le ritonavir (Norvir) faites avec la clarithromycine, qui est comme la télithromycine un substrat du CYP3A4 et un inhibiteur de ce même cytochrome, ont montré une augmentation des concentrations plasmatiques de la clarithromycine (9, 12, 13).

Dans le Vidal, la monographie des antiprotéases comporte des mises en garde et précautions d'emploi vis-à-vis des médicaments inhibiteurs ou substrats du CYP3A4 en raison d'un risque d'augmentation de leurs taux et de leurs toxiques (7).

Dans le RCP (résumé des caractéristiques du produit) du Ketek, il est recommandé d'utiliser l'association avec le ritonavir avec précaution car elle pourrait conduire à une augmentation des concentrations en télithromycine (17).

- Ketek + Viramune : la névirapine est à la fois substrat et inducteur du CYP3A4. L'administration concomitante de Ketek et de médicaments inducteurs du CYP3A4 est susceptible d'entraîner des taux infrathérapeutiques de télithromycine et une perte d'efficacité (7, 9, 11,17).

- Ketek + Zerit : il n'y a pas d'interaction entre ces deux produits, le CYP3A4 n'intervient pas dans le métabolisme de Zerit (3).

- Ketek + Effexor : une attention particulière doit être portée lors d'une administration concomitante de substrat du CYP2D6 dont la posologie doit être adaptée au cas par cas. La télithromycine étant aussi inhibiteur du CYP2D6 et la venlafaxine substrat de celui-ci, il pourrait y avoir une augmentation de la concentration de venlafaxine avec augmentation de ses effets secondaires et risque cardiaque par allongement de l'espace QT (1).

Reyataz

L'atazanavir est métabolisé dans le foie par l'isoenzyme CYP3A4 du cytochrome P450, vis-à-vis de laquelle il exerce un effet inhibiteur. Le RCP indique que l'atazanavir ne doit pas être associé aux médicaments très dépendants du CYP3A4 pour leur élimination, ce qui l'implique dans de nombreuses interactions médicamenteuses (10) [...].

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ

4 Intervention pharmaceutique

Déroulement de l'intervention

Le choix d'un antibiotique récent fortement inhibiteur du cytochrome 3A4 en association avec une nouvelle antiprotéase, elle aussi inhibitrice du CYP3A4, et du Subutex, lui par contre substrat du 3A4, nous laisse supposer un risque d'interactions non négligeable et demandant, si l'antibiotique est utilisé, une surveillance médicale étroite, ce qui n'est pas réalisable dans ce cas précis.

La littérature accessible directement à l'officine concernant le Reyataz (base de données « Thériaque », « Pharmathèque ») fait un parallélisme avec le ritonavir et donc les interactions potentielles de celui-ci (20, 23).

Devant la complexité de ces interactions [...] et le manque de recul par rapport aux traitements associés au Reyataz, nous décidons de prendre un avis complémentaire sur l'interaction Ketek/Reyataz auprès du service de pharmacovigilance du laboratoire commercialisant l'antiprotéase. Actuellement, il n'y a pas de cas d'association Ketek/Reyataz, seule la pharmacologie de l'antiprotéase et la connaissance du ritonavir font déconseiller l'utilisation de l'antibiotique du fait de la possibilité d'allongement de l'espace QT par augmentation des concentrations sériques de ce dernier.

[...] Nous préférons donc éviter de déstabiliser le traitement chronique de notre patient et contactons le médecin prescripteur auquel nous proposons le changement de classe d'antibiotique ou l'utilisation d'un autre macrolide pour lequel le risque d'interaction est évité. Le choix du médecin s'oriente sur la prescription de Zithromax car le patient venait d'être traité juste auparavant par une céphalosporine (7, 9, 18,19, 21, 22). Une opinion pharmaceutique électronique est rédigée et archivée avec une photocopie de l'ordonnance.

Nous précisons sur l'ordonnance le changement d'antibiotique et la posologie du Zithromax [...] en accord avec le prescripteur.

Répercussions sur le travail d'équipe

- Renforcement de la procédure de validation des interactions médicamenteuses [...]

- Utilisation pratique à l'officine des sites Internet pour la validation des interactions médicamenteuses [...].

- Approfondissement des connaissances sur les traitements antirétroviraux [...].

- Gestion d'un fichier patient : nous envisageons de formaliser par informatique la tenue d'un dossier patient [...].

5 Conclusion

[...] La maîtrise des interactions médicamenteuses est un point important pour lequel médecins et pharmaciens sont particulièrement impliqués, d'autant que les molécules antirétrovirales sont le plus souvent largement utilisées à des stades très précoces de leur développement, bien avant l'obtention de l'AMM. Elle nécessite un partenariat fort entre médecins généralistes, médecins spécialistes, pharmaciens et patients ainsi qu'une vigilance accrue et une mise à jour permanente des connaissances car l'évolution est rapide dans le domaine des antirétroviraux (4).

Résumé

Nous sommes en présence d'un patient polymédiqué qui consulte pour la seconde fois son médecin généraliste afin de soigner une bronchite aiguë persistante. Le patient, ancien toxicomane, suit depuis quelques années une cure de sevrage aux opiacés par Subutex. Par ailleurs, nous savons qu'il est suivi en milieu hospitalier dans le cadre d'un traitement antirétroviral récemment modifié et d'un antidépresseur.

La bonne connaissance du patient et de son traitement médicamenteux permet de vérifier les interactions médicamenteuses, surtout quand il se présente avec une seule ordonnance pour un traitement aigu. Ceci met l'accent sur l'importance du dossier médical partagé qui donnerait au pharmacien une vision globale des traitements médicamenteux du patient.

Cela permettrait d'éviter tout problème d'interaction lors de la délivrance de médicaments prescrits ou lors de conseils pharmaceutiques et ainsi lutter contre l'iatrogénie médicamenteuse.

1000 Euro(s)

Pharmacie VERGNOT

2, place de la République

92220 Bagneux

- Participants :

Sylvie Wenzel, pharmacienne adjointe

Pascale Vergnot, pharmacienne titulaire

Cécile Nicolas, pharmacienne adjointe

Laurence Ndema, préparatrice

Muriel Servant, préparatrice

Evelyne Dantin, élève préparatrice

Sylvie Lemaitre, secrétaire

Bibliographie

(1) Revue « Prescrire », février 2005, tome 25, n° 258, page 105. (2) Cespharm : « Suivi des patients infectés par le VIH, conseils pour la dispensation », Dr Agnès Certain, fiche technique, mai 2003. (3) Service d'information sur les médicaments et Centre Romand de pharmacovigilance, tableau d'interactions médicamenteuses (par Internet). (4) « Le Généraliste », n° 2222, 8-11 : « Interactions médicamenteuses et effets indésirables ». (5) Revue « Prescrire », janvier 2004, tome 24, n° 246, page 52. (6) Revue « Prescrire » avril 2004, tome 24, n° 249, pages 280-288. (7) http://www.vidalpro.net. (8) Alliance Pharmathèque. (9) http://www.theriaque.org. (10) Revue « Prescrire », septembre 2004, tome 24, n° 253, pages 576-1 : 576-5. (11) « Le Moniteur des Pharmacies », n° 2456, 14 septembre 2002, page 50. (12) http://www.hiv-druginteractions.org. (13) « JAC », 2003, 51, 497-511. (14) http://www.afssaps.sante.fr (« Thesaurus des interactions médicamenteuses »). (15) Revue « Prescrire » novembre, tome 3, n° 244. (16) Rapport 2004 du professeur Delfraissy : « Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH ». (17) http://www.emea.eu.int/indexh1.htm. (18) http://www.antiinfectieux.org/antiinfectieux/PLG/PLG-interactions-PK.html. (19) http://www.antiinfectieux.org/antiinfectieux/PLS/Macrolides/PLS-macrolides-interact. (20) http://www.moniteurpharmacies.com. (21) http://www.theannals. com/cgi/content/abstract/29/9/906. (22) Revue « Prescrire », mai 1999, tome 19, n° 195, page 371. (23) Rapport Dormont : « Surveiller les interactions avec les médicaments antirétroviraux » (http://www.moniteurpharmacies.com). (24) « P 450 Table » par http://meecin.iupui.edu/flockhart/table.htm (Pubmed Database). (25) Revue « Prescrire », 2002, n° 233, pages 731-734. (26) « Pharmacie clinique et thérapeutique », F. Gimenez, M. Brazier, J. Calop, T. Dine, L. Tchiakpé, éditions Masson, pages 10 à 34. (27) Revue « Prescrire », supplément au n° 259, mars 2005, « Interactions médicamenteuses. Comprendre et décider ».

2e prix : Une prescription pour pompe à morphine

La Pharmacie Liron de May-sur-Orne nous présente un dossier très illustré sur la prise en charge d'une patiente sous pompe à morphine. Très pratique, il démontre que l'on peut concilier législation et confort du malade.

Dr A.

Médecin généraliste

Le 16 mars 2005

Mme P.

Morphine injectable

vingt-quatre milligrammes par jour à la PCA en continu avec des bolus de deux milligrammes toutes les deux heures si besoin.

Soit dose totale quotidienne possible :

trente six milligrammes.

qsp vingt-huit jours.

ALD

Figure C : effet rebond lors du retrait de l'aiguille.

1 Présentation du cas

Exposé du profil du patient et du condiv de délivrance

Cette ordonnance est destinée à une patiente, Mme P., âgée de 58 ans, suivie très régulièrement dans notre pharmacie, notamment, depuis bientôt un an, pour son traitement analgésique par divers opioïdes de palier III (stupéfiants).

Mme P., opérée il y a environ dix ans d'un cancer du sein, a développé des métastases osseuses, responsables de douleurs très intenses à l'origine de traitements antalgiques. De plus, cette patiente est équipée d'une chambre implantable (1,2) à travers laquelle, tous les mois, elle reçoit une administration de Zometa (3).

Mme P. a reçu de nombreux dérivés de morphine per os :

- mai 2004 : Skenan LP (sulfate de morphine) 60 mg/j,

- juin 2004 : Durogesic (fentanyl) 25 µg/h,

- octobre 2004 : Oxycontin LP (oxycodone) 20 mg/j + Actiq (fentanyl) 200 mg 6 fois/j,

- novembre 2004 : Sophidone LP (hydromorphone) 8 mg/j, allant jusqu'à 32 mg/j,

- février 2005 : Sophidone LP 48 mg/j + Sevredol (sulfate de morphine) 30 mg 6 fois/j, mais notre patiente supportait très mal ces traitements de morphine per os à cause des nausées et vomissements retentissant énormément sur son quotidien,

- mars 2005 : passage à la morphine injectable (ordonnance étudiée).

Objectif thérapeutique

Le but de ce nouveau traitement par morphine injectable est d'assurer une bonne analgésie tout en limitant la survenue des effets indésirables rencontrés par madame P.

La voie parentérale permet d'administrer moins de morphine car la biodisponibilité est totale, alors que pour avoir le même effet per os, il faut augmenter les doses (biodisponibilité per os = 30 % de celle en IV (4)), ce qui accroît les effets indésirables.

Mise en place du traitement

[...] Les réflexions soulevées par cette ordonnance visent à mettre en avant l'intégration du pharmacien d'officine et sa participation

dans le maintien à domicile, un secteur actuellement en pleine extension dont l'un des principaux domaines est la perfusion à domicile.

2 Justification de l'intervention du pharmacien

Vérification des contre-indications

Notre patiente ne présente aucun des profils de contre-indications de la morphine [...].

Détection des interactions médicamenteuses

Il existe des interactions médicamenteuses (4) entre la morphine injectable et :

- les agonistes-antagonistes morphiniques (diminution de l'effet antalgique) ;

- l'alcool (majoration de l'effet sédatif) ;

- les autres dépresseurs du système nerveux central (majoration de la dépression centrale).

En consultant ses ordonnances en cours, nous notons seulement que Mme P. prend du Stilnox (zolpidem), une benzodiazépine hypnotique dont l'interaction avec la morphine est à prendre en compte - mais n'entraîne pas ici de refus de délivrance.

Analyse des posologies

La morphine injectable est prescrite en continu à 24 mg/jour, dose à laquelle Mme P. peut ajouter selon la douleur des bolus de 2 mg toutes les 4 heures, soit un maximum de 12 mg/jour, et donc une dose totale de 36 mg/jour de morphine. Cette posologie est correcte. En outre, il n'existe pas de réelles doses maximales de morphine car elles sont adaptées pour chaque malade et sont augmentées progressivement pour atténuer toute douleur.

Avis pharmaceutique

1) On peut se demander si cette nouvelle voie d'administration de la morphine va pouvoir allier une analgésie suffisante avec une meilleure tolérance.

2) De plus, face à cette prescription de morphine injectable, le pharmacien n'a que peu de renseignements sur le mode d'administration - quelle pompe contrôlant l'analgésie (PCA) ? Contenance ?... -, sur la présence de matériel annexe nécessaire aux perfusions à domicile. C'est pourquoi le pharmacien d'officine doit entreprendre certaines démarches pour délivrer les médicaments et le matériel adéquats.

La délivrance peut se faire sur 28 jours, comme le prévoit la législation pour la morphine injectable en système actif (5, 6).

3 Déroulement de l'intervention pharmaceutique

Relations entre pharmacien et infirmière

Nous prenons contact avec l'infirmière, qui suit habituellement Mme P. pour savoir si elle connaît le matériel fourni. Ayant vu Mme P. à sa sortie de l'hôpital, elle nous informe que la PCA a été installée à l'hôpital par un prestataire de service et préremplie en morphine par les infirmières hospitalières.

Se pose alors le problème des conditionnements de morphine, pour fournir la dose nécessaire en adéquation avec le fonctionnement de la PCA.

Comment fonctionne la PCA ?

En appelant le prestataire, nous apprenons que cette pompe est alimentée par une cassette de 100 ml (7- figures A et B). Celle-ci est remplie par l'infirmière pour une durée de 7 jours, au bout desquels on change la cassette.

Ainsi, nous devons préparer une délivrance de morphine en 4 fractions de 7 jours, le tout délivré en une fois. Cette précaution importante permet le remplissage hebdomadaire de la cassette en morphine, tout en conservant intactes des ampoules de morphine non entamées (stérilité) pour les trois autres remplissages.

De plus, cette pompe ne fonctionne qu'avec la cassette entièrement remplie, ce qui implique l'addition de sérum physiologique, non prescrit : une nouvelle ordonnance s'avère nécessaire.

Calcul des doses et délivrance

Pour remplir la cartouche destinée à pourvoir les besoins prescrits à notre patiente pendant 7 jours, il faut :

24 mg en continu/jour

----#gt; 168 mg/semaine

+

2 mg/bolus avec un maximum de 6/jours ---#gt; 84 mg/semaine

Soit

Total de morphine pour

1 semaine = 252 mg

Pour apporter cette dose hebdomadaire de morphine, nous délivrons :

- 2 ampoules de 100 mg/5 ml -#gt; 200 mg de morphine, soit un volume de 10 ml,

- 6 ampoules de 10 mg/1 ml -#gt; 60 mg dont l'infirmière prélève seulement 52 mg de morphine, soit un volume de 5,2 ml.

Volume total : 15,2 ml.

Nous savons que la cassette possède un volume de 100 ml, il nous faut donc impérativement fournir un complément en sérum physiologique de 100 - 15,2 = 84,8 ml. Nous délivrons alors des poches souples de 100 ml de NaCl 0,9 %. Physiquement, il y a donc diminution de la concentration de morphine dans la cassette qui passe de 252 mg/15,2 ml (16,58 mg/ml) à 252 mg/100 ml (2,52 mg/ml). Ceci permet de déterminer le débit horaire correct de morphine (1 mg/h/2,52 mg/ml = 0,4 ml/h). La non-considération de ce paramètre aurait eu pour conséquence un débit trop faible de morphine (1 mg/h/16,58 mg/ml = 0,06 ml/h), favorisant les risques d'obstruction du cathéter relié à la chambre implantable (9).

Intervention auprès de notre patiente

- Effets secondaires

Après lui avoir délivré la morphine, nous évoquons ensemble le risque de constipation iatrogène, déjà survenue avec ce même traitement per os, nous lui rappelons de continuer à bien s'hydrater et à prendre des laxatifs doux.

De plus, voulant garder son autonomie, madame P. vient habituellement chercher elle-même ses médicaments à la pharmacie ; nous l'avertissons des risques éventuels de somnolence au volant.

Incommodée par les nausées et vomissements de la morphine per os, nous lui conseillons, si ces signes persistent, de continuer à prendre Motilyo, comme à l'habitude.

- Matériel annexe

Par ailleurs, l'ordonnance ne mentionnant aucune tubulure, aiguille de Huber ou set de pose sur chambre implantable, et n'ayant aucune autre ordonnance annexe, nous nous demandons si ces dispositifs n'ont pas été omis, alors qu'ils sont indispensables. Nous téléphonons au prescripteur pour le lui signaler.

- Patch anesthésiant

Un peu démoralisée, Mme P. nous confie qu'elle appréhende les poses de perfusion sur sa chambre implantable réalisées à domicile, à cause des douleurs ressenties, alors qu'elle n'en rencontre pas à l'hôpital. Pour améliorer son confort, nous lui proposons d'envisager avec son médecin la pose du patch anesthésiant Emla, qui peut être appliqué 1 h avant le soin sur la peau recouvrant la chambre implantable (10).

Intervention pharmaceutique auprès de l'infirmière

Au cours des discussions avec l'infirmière, celle-ci se plaint des risques d'effet rebond de l'aiguille, lors de son retrait (figure C (11)). Elle a entendu parler d'un dispositif permettant de l'éviter et nous demande davantage d'informations.

Nous lui parlons des pinces tactiles ou pinces de Camus (12) (figure D (13)), destinées spécifiquement à cet usage, et nous lui en avons procuré.

Figure D : pinces de Camus.

Résumé

A travers une ordonnance de morphine injectable, certes ne comportant qu'un seul principe actif, nous voulons montrer que l'intervention du pharmacien s'avère primordiale. Il doit entreprendre une réflexion aussi bien sur la prescription médicale que sur l'utilisation future du principe actif par l'infirmière.

En effet, pour permettre, dans le cadre du maintien à domicile, une administration à l'aide d'un dispositif bien particulier tel qu'une pompe contrôlant l'analgésie (PCA) ou pompe à morphine, le pharmacien se doit d'en connaître le fonctionnement afin de délivrer les conditionnements en morphine les mieux adaptés, de vérifier la mise à disposition des dispositifs médicaux nécessaires à ce type de perfusion (malheureusement souvent omis sur les prescriptions) et d'apporter des solutions aux problèmes rencontrés par le patient et l'infirmière. Tout ceci vise à assurer une utilisation optimum du dispositif par l'infirmière et un confort maximal à un patient, déjà durement atteint physiquement et psychologiquement par sa pathologie.

750 Euro(s)

Pharmacie LIRON

11, rue du Canada

14320 May-sur-Orne

Participants :

Frédéric Liron, pharmacien titulaire

Florence Liron, pharmacienne titulaire

Marlène Petit, étudiante en 6e année

Bibliographie

(1) Aldrighetti L., Caterini R., Ronzoni M., Jannello A., Ferla G., « Role of totally implantable systems for long-term vascular access in the treatment of neoplastic patient », « Minerva Chir »., 1995, mai ; 50(5), 447-54. (2) Starkhammar H., Bengtsson M., « Totally implanted device for venous access. Experience in tumour patients », « Acta Radiologica Oncology », 1985, 24 : 173-176. (3) Figure 1 (en haut) : réalisée par Mme Michel, photographe au centre François-Baclesse de Caen (2004) ; figure 2 (en bas) : « Critères d'éligibilité des patients à une chimiothérapie anticancéreuse à domicile », http://www.l-idel.net/pac.htm (consulté le 20.09.03). (4) « Vidal », « Morphine chlorhydrate Lavoisier sans conservateur », édition 2005, pp. 1304-1305. (5) Conseil central de la section A de l'ordre national des pharmaciens, « Sur la délivrance des stupéfiants... », « Le Pharmacien de France », 2005, n° 2, p. 27. (6) Rouchy A.-M., pharmacien-inspecteur régional de la DRASS de Basse-Normandie, « Prescription et dispensation des stupéfiants », version n° 1 de mai 1998 (mise à jour : arrêté du 6 février 1998 fixant la liste des stupéfiants bénéficiant des dispositions de l'article R. 5213 du CSP et abrogeant l'arrêté du 10 septembre 1992) ; version n°2 du 9 décembre 1998 (mise à jour : en italique, arr. du 09.11.1998, « Journal officiel » du 21.11.1998). (7) Documentation du laboratoire Deltec, « Guide de formation : pompe CADD-Legacy PCA modèle 6300 », novembre 2002. (8) Figure 3 : (figure A) réalisée à partir d'une photographie de Locapharm, agence de Caen (exposé de Cédric Indevuyst ; figure 4 : (figure B) Petit M., thèse pour le diplôme d'Etat de docteur en pharmacie : « Les perspectives de l'utilisation de la perfusion à domicile à travers deux exemples : la chambre implantable et la pompe à insuline », octobre 2004, p. 40. (9) Informations données par Cédric Indevuyst, infirmier à l'agence Locapharm de Caen. (10) Figure 5 : Petit M., thèse pour le diplôme d'Etat de docteur en pharmacie : « Les perspectives de l'utilisation de la perfusion à domicile à travers deux exemples : la chambre implantable et la pompe à insuline », octobre 2004, p. 59. (11) Figure 6 : (figure C) Boullier A., Gayraud S., « La manipulation et l'entretien des sites veineux implantables par les infirmières à domicile, thèse de fin d'études d'infirmières, 1999, p. 19. (12) Pauchet-Traversat A.-F., « Soins infirmiers », « Fiches techniques (soins de base, soins techniques centrés sur la personne soignée) », 2001, 3e édition, éditions Maloine, p. 108. (13) Figure 7 : (figure D) Aveline L., Calabro C., Camus B. et al., ß 9 : « Rôle infirmier et dispositifs veineux de longue durée », « Modulopratique de cancérologie », 2001, éditions ESTEM, pp. 145-170.

3e prix : Arrêt du traitement p our effet indésirable

Lorsqu'un traitement est responsable d'effets secondaires, il serait tentant de le stopper sans délai. Sauf si le rapport bénéfice/risque est en faveur d'un arrêt progressif. Démonstration faite par la Pharmacie Viel.

Dr B.

Neurologue

Le 26 novembre 2004

Monique A.

55 ans

Maintien de la Dépakine

Diminuer le Sabril à raison de 1 cp enlevé tous les jours, soit :

- 2-0-3 durant 15 jours puis 2-0-2 durant 15 jours, etc., jusqu'à l'arrêt

- remplacement par du Keppra 500, 1-0-1,

qsp 1 mois à renouveler pour 3 mois

1 Présentation du cas

Profil du patient et du condiv de délivrance

Nous sommes en présence d'une personne âgée de 78 ans qui vient tous les mois chercher les médicaments antiépileptiques de sa fille Monique âgée de 55 ans.

Celle-ci présente une déficience intellectuelle qui provient d'une infection à méningocoques survenue dans sa première année. En semaine, Monique se trouve placée dans un centre d'aide par le travail (CAT). Elle revient passer le week-end en famille. L'épilepsie est ancienne et pharmacorésistante. Le traitement par Sabril a été instauré dès l'arrivée de la molécule en officine (juin 1995). Initialement associé à deux benzodiazépines anticonvulsivantes (Urbanyl et Rivotril), le traitement avait été modifié en novembre 2002 : remplacement de l'Urbanyl par la Dépakine Chrono (antiépileptique de deuxième génération).

L'ordonnance présentée est rédigée par un neurologue vu par Monique pour la première fois. Auparavant les consultations spécialisées nécessaires au suivi de son traitement se déroulaient à l'hôpital proche du CAT. Au cours de sa consultation (26.11.2004), Monique a évoqué des troubles visuels. Le neurologue envisage donc l'arrêt progressif du Sabril.

Justification de l'intervention pharmaceutique

L'ordonnance présente quelques imprécisions qui amènent la mère de Monique à s'interroger sur la durée nécessaire pour l'arrêt du Sabril. Elle ne comprend pas que l'arrêt soit étalé sur plusieurs semaines alors que le Sabril est suspecté d'effets indésirables. De notre côté, nous souhaitons vérifier que l'effet inhibiteur de la Dépakine Chrono ne nécessite pas d'adaptation de posologie lors de l'instauration du traitement par Keppra (3, 13).

Afin de lever toute ambiguïté, nous décidons de prendre contact avec le prescripteur.

Celui-ci nous confirme précisément les modalités du traitement :

Dépakine Chrono 500 : 1 matin et 1 le soir,

Sabril : diminution d'un comprimé par paliers de 15 jours.

Keppra 500 : un matin et un le soir. A commencer immédiatement, les deux médicaments étant indépendants.

Après cet entretien téléphonique, la mère de Monique se sent plus rassurée pour expliquer le changement de traitement au CAT. Nous avons vérifié que l'interaction Dépakine/Keppra était relative.

2 Validation de la prescription

Objectifs thérapeutiques

Cette ordonnance présente les objectifs thérapeutiques suivants :

- arrêt du Sabril car Monique lors de sa consultation a mentionné un voile dans son champ visuel ;

- instauration d'un nouveau traitement antiépileptique : association Dépakine Chrono 500-Keppra 500.

Outre le changement de médicaments, différents examens cliniques sont programmés (EEG et champ visuel...).

Rappel physiopathologique

L'épilepsie résulte d'une manifestation anormale de l'activité électrique cérébrale dont les causes sont multiples. Le défaut de l'inhibition GABAergique a une place importante dans la genèse des crises. Le GABA intervient dans le processus de défense mis en oeuvre par le cerveau pour lutter contre l'extension des décharges. D'autres neurotransmetteurs (glutamate, aspartate) ont été mis en cause, ils appartiennent aux systèmes excitateurs (7).

Choix des médicaments ( 2, 4, 5, 11)

- Dépakine Chrono 500 (valproate de sodium)

L'acide valproïque inhibe le catabolisme du GABA et diminue la concentration en aspartate. Ses propriétés anticonvulsivantes s'exercent contre des types très variés de crises convulsives. Dépakine Chrono est une formulation à libération prolongée qui réduit les pics de concentration plasmatique. La posologie moyenne est de 20 à 30 mg/kg/24 h à répartir en 1 ou 2 prises. Sa toxicité hépatique impose un suivi biologique strict en début de traitement et une connaissance des signes évocateurs de l'ictère.

- Sabril (vigabatrine)

La vigabatrine entraîne une augmentation de la concentration du GABA, principal neurotransmetteur cérébral inhibiteur. C'est un inhibiteur irréversible sélectif de la Gabatransaminase, enzyme responsable du catabolisme du GABA. Sabril est indiqué dans les traitements des épilepsies partielles résistantes, avec ou sans généralisation secondaire, en association avec un autre traitement antiépileptique lorsque toutes les autres associations thérapeutiques appropriées se sont révélées insuffisantes ou mal tolérées. Cette molécule a vu sa délivrance légalement réduite en raison d'effets indésirables visuels rares mais graves qui n'avaient pas été détectés lors des études précédant la mise sur le marché.

Sabril s'administre en 1 ou 2 prises par jour. Chez l'adulte, la posologie initiale est de 1 g par jour en complément du traitement antiépileptique. La posologie quotidienne maximale est de 3 g avec une instauration progressive.

Le principal inconvénient du Sabril est la possibilité de rétrécissement concentrique du champ visuel, débutant au-delà du premier mois de traitement et parfois plusieurs années après, généralement non réversible, mais le plus souvent asymptomatique. Cet effet indésirable, vraisemblablement lié à une toxicité directe sur la rétine périphérique, survient dans 30 à 50 % des cas. Chez tous les patients présentant un âge mental de plus de 9 ans, le champ visuel en particulier est exploré par périmétrie avant l'instauration du traitement, tous les 6 mois pendant tout le traitement et à son arrêt.

- Keppra 500 (lévétiracétam)

Le lévétiracétam est un dérivé de la pyrrolidone. Le mécanisme d'action n'est pas connu, mais il ne semble pas lié à celui des produits existants. Son efficacité est comparable aux antiépileptiques de dernière génération. Le médicament, rapidement absorbé, peu lié aux protéines plasmatiques, a comme avantage une pharmacocinétique linéaire. De même, le profil de tolérance apparaît comme particulièrement favorable. Il est pour l'instant légalement indiqué en association dans les épilepsies partielles rebelles et les crises tonicocloniques de l'adulte, à la posologie de 1 000 mg à 3 000 mg/j en 2 prises.

Analyse des posologies

Les posologies sont correctes.

Pour le valproate de Na, la posologie de 1 000 mg est correcte au regard des 54 kg de Monique.

L'arrêt de la vigabatrine (Sabril), même en cas d'apparition d'effets secondaires, doit se faire progressivement sur une période de 2 à 4 semaines au minimum. Un article sur les « possibilités et méthodes d'arrêt d'un traitement antiépileptique », tiré du Bulletin d'information du médicament et de PHV n° 59, mai-juin 1995, nous confirme que la réduction doit être lente, d'autant plus que le traitement antérieur aura été lourd. Un exemple de protocole d'arrêt mentionne, pour une posologie initiale de 2 g/jour chez l'adulte, une diminution de Sabril de 500 mg tous les 15 jours.

Le risque d'un arrêt trop rapide (apparition de crise de rebond) est supérieur au bénéfice attendu (amélioration du champ visuel). Nous avions également téléphoné au centre régional d'information du médicament de l'hôpital de Pontchaillou (Rennes, Ille-et-Vilaine). Pour eux, après une durée d'utilisation prolongée (plus de 10 ans), et pour une épilepsie importante, il était préférable d'agir très progressivement, d'autant plus qu'il n'existe pas de corrélation entre la durée d'exposition et la gravité des effets secondaires. Il en est d'ailleurs de même pour la réversibilité des symptômes.

Pour le lévétiracétam (Keppra), la dose thérapeutique initiale est de 500 mg 2 fois par jour. Cette dose peut être débutée dès le premier jour de traitement. En fonction de la réponse clinique et de la tolérance, la dose quotidienne peut être augmentée jusqu'à 1 500 mg, 2 fois par jour. Les augmentations et diminutions posologiques peuvent se faire par paliers de 500 mg 2 fois par jour toutes les 2 à 4 semaines.

Analyse des interactions médicamenteuses (2, 5)

La vigabatrine n'est pas inducteur des enzymes hépatiques à cytochrome P450 et elle n'est ni métabolisée, ni liée aux protéines. Il y a donc peu de risque d'interaction avec d'autres médicaments. Les concentrations plasmatiques du valproate de sodium ont été surveillées lors d'essais cliniques chez des patients sous vigabatrine et aucune interaction significative n'a été observée.

Le lévétiracétam est faiblement lié aux protéines plasmatiques, son métabolisme hépatique est limité et ne dépend pas du cytochrome P450. Les études cliniques montrent que le lévétiracétam ne modifie pas les concentrations plasmatiques des autres médicaments antiépileptiques et que ceux-ci n'ont pas d'influence sur la pharmacocinétique de Keppra.

Ces deux médicaments sont peu ou pas métabolisés par le foie et sont éliminés pratiquement inchangés par voie urinaire, ils ne subissent donc pas l'effet inducteur enzymatique du valproate de sodium.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ

3 Intervention pharmaceutique

Lors du premier passage

Nous confirmons la nécessité des explorations programmées par le neurologue et recommandons à la mère de Monique de bien noter tous les rendez-vous.

L'observance médicamenteuse est directement en relation avec la qualité de l'information donnée. A l'heure actuelle, l'observance thérapeutique est moins souvent mesurée. En effet, les nouveaux médicaments épileptiques ne sont plus dosés car les dossiers d'AMM ont bien mis en exergue l'inutilité pharmacodynamique ou cinétique de leur dosage plasmatique. Par conséquent, délivrer un antiépileptique nécessite de s'assurer de la bonne compréhension du schéma de posologie par la personne responsable de la prise des médicaments.

Nous réalisons pour la mère de Monique et le CAT un schéma de posologie en indiquant que les antiépileptiques ne doivent jamais être interrompus brutalement (effet rebond).

Pour la pharmacie, nous rédigeons une opinion pharmaceutique.

Nous rappelons à la mère de Monique :

- d'éviter tous les facteurs pouvant déclencher une crise épileptique : manque de sommeil, stress, émotions, stimulations sensorielles (TV), boissons excitantes (café, alcool)...

- de bannir l'automédication sans avis médical car certains médicaments peuvent être rétinotoxiques (9) ou abaisser le seuil épileptogène (salicylés, vitamine A, caféine...) (10).

Nous lui rappelons également les signes évocateurs en cas d'hépatotoxicité par la Dépakine (asthénie, anorexie, somnolence, vomissements, douleurs abdominales et réapparitions des convulsions).

Pour que l'expérience du dialogue soit profitable à d'autres patients, nous décidons de mettre en valeur la campagne « Vos médicaments, parlez-en avec nous » au travers d'une vitrine éducative.

Au cours des mois suivants

Lors des passages à la pharmacie pour les renouvellements d'ordonnances, nous vérifions l'évolution de la posologie du Sabril par rapport aux données de notre opinion pharmaceutique.

L'ordonnance du 25 février 2005 semble indiquer que l'association Keppra-Dépakine convient dans la stabilisation de l'épilepsie (pas de crise déclarée depuis la modification de traitement).

Suite aux consultations neurologique et ophtalmologique du 26 avril 2005, le risque de troubles visuels lié à l'utilisation du Sabril a été définitivement écarté. Monique semble d'ailleurs soulagée. De ce fait, la déclaration d'effets indésirables visuels dus au Sabril à l'intention du centre de pharmacovigilance est devenue inutile.

500 Euro(s)

Pharmacie VIEL

1, rue de la Gare

35660 Langon

- Participants :

Anne Viel, pharmacienne titulaire

Pascale Mathieu, pharmacienne adjointe

Evelyne Clotteau, préparatrice

RÉSUMÉ

Voici l'ordonnance d'une patiente épileptique. Au cours de sa consultation médicale avec le neurologue, elle mentionne des troubles visuels. Il s'ensuit une modification de traitement : arrêt du Sabril, médicament responsable de ces effets secondaires.

Nous avons choisi ce dossier car, au travers d'un exemple simple, il nous rappelle qu'il faut toujours s'assurer de la bonne compréhension du traitement et que la prescription ne peut pas être interprétée différemment, surtout lorsqu'il s'agit de délivrer des médicaments à marge thérapeutique étroite où l'observance médicamenteuse joue un rôle important dans la stabilisation de la maladie.

Ainsi, avec la peur que les manifestations visuelles continuent à s'aggraver, et la méconnaissance du risque lié à l'arrêt brutal du médicament en cause, la mère de la patiente chargée de l'administration du traitement a été tentée d'appliquer un schéma plus rapide pour la suppression du produit. L'oubli d'un simple mot (« tous les jours » au lieu de « tous les 15 jours »), dans la phrase de présentation du schéma de posologie pouvait l'induire en erreur.

Ce dossier est intéressant au niveau de la pharmacovigilance. Il a sensibilisé l'équipe à la notion de suivi thérapeutique, notion qui prendra de l'importance avec l'arrivée des médicaments de la réserve hospitalière. Après une réévaluation, en 1998, du rapport risque/bénéfice et suite à diverses mesures peu efficaces, la vigabatrine est devenue un médicament à prescription restreinte nécessitant une surveillance particulière.

Afin de suivre notre patiente, nous avons rédigé une opinion pharmaceutique et, pour étendre notre démarche de vigilance, nous avons décidé de mettre en avant la campagne « Vos médicaments, parlez-en avec nous ».

Bibliographie

(1) « Acta Ophtalmologica Scandinavica », 2003 ; 81:41-45. (2) « Vidal » 2005. (3) « Le Moniteur des pharmacies », cahier II du n° 2402 du 9 juin 2001. (4) Conférence de consensus, « Rev Neurol » (Paris) 2004 ; 160 : hors-série 1, 5S252-64. (5) « Les nouveaux médicaments antiépileptiques », « La Presse médicale », 2003 ; 33 :419-9. (6) « Education thérapeutique et information », « Rev Neurol » (Paris) 2004 ; 160 : hors-série 1, 5S328-37. (7) « Pharmacie clinique et thérapeutique », F. Gimenez et coll., Ed Masson, Paris 2000 : p. 612. (8) « Les anticonvulsivants », H. Allain (http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pharmaco/anticonvulsivants.htm ). (9) « Drugs and the retina », « Expert Opin Drug Saf » 2004 ; 3 (3) : 249-59. (10) « Accidents des médicaments », Ph. Auzepy et coll., Ellipses 1990. (11) Afssaps, communiqué de presse Sabril et importance de la surveillance des champs visuels et diffusion d'« une carte patient », 16.09.2002. (12) Base de données « Pubmed » : http://www.ncbi.nlm.nih.gov. (13) « Lévétiracétam », revue « Prescrire » 2002 ; 22 (233) : 739-40.

Ils ne sont pas passés loin du prix 2005 !

Tous ces dossiers ont été sélectionnés pour participer au jury national le 7 juillet 2005. Et tous ont eu le plaisir de recevoir la troisième édition de l'ouvrage « Le Conseil dans la poche » (éditions Groupe Liaisons) pour les encourager à renouveler leur participation en 2006 !

Pharmacie Bauman-Lefèvre

La Folie-Couvrechef (Calvados)

Brigitte Bauman, titulaire

Marie-Christine Braud, titulaire

Noëlle Duval, préparatrice

Noémie Sesboüé, étudiante en 6e année

« Prescription d'aérosolthérapie : choix de l'appareil, conseils aux patients sur le déroulement de la séance et la désinfection de l'appareil. »

Pharmacie Malet

Touques (Calvados)

Clothilde Malet, titulaire

Sébastien Pierrot, étudiant en 6e année

« Prescription de Glivec chez un patient atteint de leucémie myéloïde chronique. Gestion des épigastralgies liées au changement de forme galénique. »

Pharmacie de l'Iris

Villeurbanne (Rhône)

Delphine Ulrich, titulaire

Murielle Valla, étudiante en 6e année

« Interaction gemfibrozil/répaglinide et utilisation de l'historique médicamenteux d'une patiente diabétique pour optimiser son traitement. »

Pharmacie Le Guern-Gluckman

Paris

Jean-Michel Gluckman, titulaire

« Hyperkaliémie due à une prescription de Diffu-K par un médecin homéopathe chez une patiente sous Aldalix. »

Pharmacie Sevin

Clamart (Hauts-de-Seine)

Christine Degery, Elisabeth Guillo, Régine Sarafian, Dominique Surun, adjointes

Marie Trincal, étudiante en 6e année

« Prescription d'HBPM et de bas de contention pour une thrombose veineuse profonde. Détection d'une erreur de posologie. »

Pharmacie des Drakkars

Cormelles-le-Royal (Calvados)

Fabienne Bagot, titulaire

Morgane Lebouvier, étudiante en 6e année, et l'équipe de la pharmacie

« Optimisation d'un plan de prise pour un patient de 80 ans souffrant de diabète, hypercholestérolémie et hypertension artérielle. »

Pharmacie Delsart

Brétigny-sur-Orge (Essonne)

Sophie Meyer, étudiante en 6e année

« Prescription d'Enantone LP 3,75 mg pour hémorragies gynécologiques.

Accompagnement de la patiente et éducation pour une meilleure observance du traitement. »

Grande Pharmacie d'Alésia

Paris

Olivier Sébastien, étudiant en 6e année

« Adaptation de la posologie d'Aricept pour améliorer l'observance tout en diminuant le coût de l'ordonnance. »

Pharmacie Helfre

Villeurbanne (Rhône)

Marc Blondeau, étudiant en 6e année

« Instauration d'un traitement immunosuppresseur par ciclosporine chez un patient greffé d'un rein et sous Chronadalate. Gestion de l'interaction. »

Pharmacie Gierden

Woippy (Meurthe-et-Moselle)

Isabelle Michel, adjointe

« Refus de délivrance de Celebrex hors AMM chez un patient présentant une coronaropathie. »

Pharmacie Mousseau

Draveil (Essonne)

Nicolas Mimoun, étudiant en 6e année

« Prescription de Fragmine et Préviscan. Adaptation d'un traitement devant un INR = 6,98. »

Pharmacie Housieaux

Saint-Sauveur (Somme)

Eric Housieaux titulaire, Sylvie Housieaux, adjointe, Cécilia Boulongne, Martine Dupont, préparatrices, Flore Fathi, étudiante en 6e année

« Interaction Lipanthyl/Tahor. Rédaction d'une opinion pharmaceutique pour traitements redondants. »

Pharmacie Lebrun

Meurchin (Pas-de-Calais).

Cécile Dewalckenaere, adjointe

« Intervention autour d'une ordonnance de FIV chez une patiente malentendante. »

Le jury

De haut en bas et de gauche à droite : Juliette Schenckéry (pharmacienne, rédactrice en chef adjointe et directrice scientifique du Moniteur des pharmacies), Thierry Philbet (pharmacien, rédacteur en chef du Moniteur des pharmacies), Jean Calop (professeur de pharmacie clinique, faculté de Grenoble, praticien hospitalier), Thérèse Dupin-Spriet (maître de conférences en pharmacie clinique, faculté de Lille), Jean-Marie Gazengel (maître de conférences, faculté de Caen, secrétaire du Collège français des conseillers et maîtres de stage), Florence Bontemps (pharmacienne, rédactrice au Moniteur des pharmacies), Claire Sevin (pharmacienne titulaire, Collège français des conseillers et maîtres de stage), Geneviève Chamba (professeur de pharmacologie et responsable de la filière officine, faculté de Lyon, vice-présidente de l'APPEX, Association pour la promotion des pharmacies expérimentales), Geneviève Grison (pharmacienne adjointe, professeur associé à la faculté de Nancy, présidente de l'APPEX), Vivien Veyrat (pharmacien adjoint, chargé des commentaires d'ordonnances à la faculté de Paris-XI), Olivier Bourdon (maître de conférences en pharmacie clinique, faculté de Paris V, praticien hospitalier) et Nicole Terrier (pharmacienne titulaire, professeur associé, faculté de Paris-V), absente le 7 juillet.

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