Tout ce qu'il faut savoir au comptoir - Le Moniteur des Pharmacies n° 2596 du 24/09/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2596 du 24/09/2005
 

PANDÉMIE GRIPPALE

Actualité

L'événement

Les experts de la grippe se sont réunis en début de semaine pour les 18e Rencontres européennes sur la grippe et sa prévention. Au programme, bien sûr, grippe aviaire et pandémie grippale. Nous leur avons posé vos questions.

En cas de pandémie grippale, les services hospitaliers seront vite saturés et les médecins généralistes débordés. Les patients pousseront alors la porte des officines. Ils vous posent déjà de nombreuses questions. Sachez leur répondre !

Quand arrivera la pandémie ?

La survenue d'une pandémie est certaine mais personne ne peut dire quand. Elle peut arriver dès cet hiver comme dans quelques années. C'est pour cela que la préparation s'organise dès à présent.

Faut-il s'inquiéter ?

Actuellement, il existe plusieurs raisons d'être rassuré. Tout d'abord, il existe des moyens préventifs contre les complications comme par exemple le vaccin contre les pneumocoques (les pneumonies sont en effet une des complications majeures de la grippe). Ensuite, les antibiotiques pourront prendre en charge les surinfections. Par ailleurs, tous les soignants seront mobilisés (contrairement à la période de la grippe espagnole en 1918/1919 par exemple). Enfin, les moyens de surveillance mondiaux actuels permettront d'identifier rapidement le virus.

D'où viendra la pandémie ? Quel virus en sera la cause ?

La transmission et la propagation du virus ne seront possibles et rapides que s'il est adapté à l'homme, ce qui n'est pas le cas du virus H5N1 de la grippe aviaire qui sévit en Asie du Sud-Est. Une pandémie sera due à un virus d'un nouveau sous-type issu d'une recombinaison (réassortiment génétique) entre une souche humaine et une souche aviaire. Il y a une plus grande probabilité de la voir apparaître dans les régions où les hommes et les animaux vivent ensemble et là où existe une grande concentration humaine, conditions réunies en Chine (côte est), en Inde, en Asie du Sud Est...

Comment se transmettra le virus ?

Probablement comme celui de la grippe humaine connue qui se transmet par les gouttelettes d'air humide expiré et un peu par manu portage. Le risque de contagion est maximal dans les deux mètres entourant le malade, surtout si l'air est confiné.

Le virus de la grippe aviaire, quant à lui, est présent surtout dans les fientes des oiseaux et un peu dans les gouttelettes expirées. Si des élevages français venaient à abriter des volailles atteintes de grippe aviaire, des plans d'urgence très précis seraient mis en place très rapidement, isolant la zone en cause. Le passage à l'homme ne se fait que dans des cas très particuliers de promiscuité avec les volailles.

Quels seront les signes ?

L'incubation dure 1 à 3 jours. Les signes cliniques seront probablement les mêmes que ceux de la grippe saisonnière. Mais des signes non spécifiques pourraient survenir type conjonctivite, troubles digestifs...

Est-il risqué de manger les volailles d'élevage ou les oiseaux sauvages ?

Non. Les volailles d'élevage ne sont pas contaminées. De plus, la cuisson tue le virus. Il y aurait un risque éventuel lors du plumage d'oiseaux malades abattus par des chasseurs (par dispersion dans l'air de poussières de fientes), mais ce risque est très improbable.

Quelles mesures d'hygiène conseiller pour éviter la propagation du virus ?

Les mesures d'hygiène isolées seront inutiles, il faudra combiner lavage des mains très soigneux, usage éventuel de masques, fermeture de certains lieux publics (cinémas, théâtres, écoles...), diminution des concentrations humaines et des voyages, quarantaine spontanée (en cas d'état grippal). Associées à un usage réfléchi des antiviraux et à la vaccination quand elle existera, ces mesures permettront de ralentir la propagation.

Quels masques faudra-t-il utiliser ?

Masques chirurgicaux, FFP1, FFP2. Lesquels choisir, comment les utiliser, quelle est leur efficacité, pendant combien de temps ? Les réponses sont actuellement inconnues. Aucune étude n'a mesuré leur efficacité en situation réelle. Les GROG (groupes régionaux d'observation de la grippe) sont mandatés par le directeur général de la santé pour tester les masques cet hiver lors de l'épidémie saisonnière. Les recommandations actuelles figurant dans le plan pandémie sont très coûteuses et irréalisables en pratique. Une réponse concrète devrait être disponible à la fin de l'hiver.

Toutefois, le plan de lutte contre une pandémie grippale du gouvernement prévoit une réserve de 200 millions de masques et le développement de la capacité de production nationale.

Existera-t-il un test de diagnostic rapide ?

Un test de diagnostic rapide pour la grippe existe. Il est utilisé par les GROG chaque hiver. S'il est assez spécifique, en revanche il n'est pas très sensible. Son principal défaut : il ne détermine pas la souche grippale. Il sera donc inutile en cas de pandémie. Il n'est utilisé que dans des situations particulières, pour l'alerte et dans le cadre d'études précises.

Quels antiviraux seront efficaces ?

Deux inhibiteurs de la neuraminidase - zanamivir (Relenza) et oseltamivir (Tamiflu) sont disponibles. L'oseltamivir paraît efficace, bien toléré et son stockage est facilité par ses formulations en gélules ou poudre en vrac (à reconstituer sous forme buvable le moment venu). Toutefois il semble important de relancer l'évaluation du zanamivir dans la perspective d'une pandémie.

Les molécules anciennes (amantadine et rimantadine) présentent des limites d'efficacité, des effets secondaires importants et des problèmes de production qui limiteront leur usage.

Les modalités pratiques d'utilisation en situation et en particulier les indications et les groupes prioritaires auxquels les antiviraux seront destinés ainsi que les circuits de cette distribution ne sont pas encore clairement déterminés. Des groupes de travail y réfléchissent.

Dans quel délai pourra être fabriqué un vaccin ?

Pour fabriquer un vaccin spécifique du virus pandémique, il faudra en identifier la souche. Entre la reconnaissance des premiers cas et l'isolement du virus il faudra deux à six mois. La conception du vaccin nécessitera de 1 à 2 mois. La fabrication durera de 1 mois (pour la sortie du premier million de doses) à 6 à 8 mois (comme pour le vaccin saisonnier). Les contrôles prendront de 1 à 3 mois. Dans l'hypothèse la plus optimiste, la distribution ne débutera que 6 mois après le début de la pandémie mais plus probablement un an après. Le vaccin ne sera donc pas disponible lors de la première vague d'infection.

De toute façon, la capacité de production actuelle (23 % de la population française vaccinée) ne permettra pas de fabriquer du vaccin pour tout le monde.

Autre souci, pendant que les unités de production seront occupées avec le vaccin pandémique, le vaccin de la grippe saisonnière ne sera plus fabriqué ! Or pourquoi les virus saisonniers cesseraient-ils leur ronde annuelle ?

Le vaccin annuel contre la grippe saisonnière aura-t-il une efficacité ?

Non. La souche vaccinale ne sera pas la même. Pour provoquer une pandémie le virus devra être inconnu.

Peut-on prévoir l'évolution de la pandémie et son ampleur ?

Quand un nouveau virus humain apparaîtra, il fera le tour du monde en trois à quatre jours. La pandémie mettra toutefois quelques mois voire trimestres pour se développer. Les leçons tirées des pandémies antérieures (grippe espagnole en 1918, grippe asiatique en 1957, grippe de Hongkong en 1968) montrent que la première vague épidémique est assez faible puis, quelques mois plus tard, une vague beaucoup plus importante se propage. Tout l'enjeu des « plans pandémie » est de mettre en place des mesures barrières pour freiner la propagation, le temps de s'organiser et d'éviter une catastrophe sociale (arrêt de la production d'électricité, des transports, du maintien de l'ordre, nombreux morts...).

Un quart à la moitié de la population mondiale sera touchée. L'Institut de veille sanitaire a estimé précisément les conséquences d'une pandémie en fonction de différents critères. Globalement, le virus pourrait toucher 9 à 20 millions de Français, entraînant jusqu'à 90 000 à 210 000 morts.

Quelle en sera la gravité ?

Au pire, la mortalité attendue sera de 2,5 % des cas (la grippe espagnole a tué 2,2 % des personnes atteintes). Cette pandémie constituera un « petit problème » individuel puisque la gravité ne sera pas très supérieure aux grippes saisonnières ; mais ce sera une catastrophe collective en raison de l'énormité du nombre de cas et donc des conséquences sur la vie sociale et économique.

La pandémie sera-t-elle amenée par les oiseaux migrateurs ?

Les oiseaux migrateurs transportent le virus grippal aviaire. Mais, le plus souvent, les oiseaux malades meurent ou ne sont plus en état de voler ! De plus, leur surveillance est bien organisée, depuis très longtemps. Le danger ne viendra donc sans doute pas de ce côté.

Quelles précautions prendre en cas de voyage en Asie ?

En Asie, il s'agit pour l'instant de se protéger contre le virus de la grippe aviaire. Des consignes sont affichées dans les aéroports. Il n'y a pas lieu de limiter les déplacements en l'état actuel des connaissances. Les recommandations de bon sens sont les suivantes : se laver les mains, ne pas aller sur les marchés aux volailles ou dans les élevages, éviter les combats de coqs...

Au retour, si une fièvre se déclare il faut consulter au plus vite, mais la probabilité du paludisme, voire de la dengue, est supérieure à celle d'une grippe aviaire.

A retenir : ne pas confondre pandémie grippale et grippe aviaire

La pandémie grippale ne sera pas due au virus H5N1, dit de la grippe aviaire, qui n'est pas adapté à l'homme, mais à une recombinaison de virus, probablement humain et aviaire. Sa gravité tiendra au fait que la population mondiale sera « naïve » immunitairement parlant.

En savoir plus : Le plan Pandémie français

Retrouvez toutes les informations officielles, dont le plan de lutte contre une pandémie grippale du gouvernement français, sur le site http://www.sante.gouv.fr (en recherchant à la lettre G de la liste alphabétique des dossiers).

Vous y trouverez également les estimations de l'Institut de veille sanitaire, des réponses pratiques...

Chaque semaine, un expert vous répond

- En cas de pandémie, le besoin d'information et d'orientation de la population sera énorme. « Les pharmaciens auront un rôle informatif considérable, avant même les médecins généralistes. Ils seront en première ligne et doivent donc être informés pour comprendre ce qui se passe », prévient le Dr Jean-Marie Cohen, coordinateur national des GROG (groupes régionaux d'observation de la grippe). Une information correcte permettra d'éviter la panique.

- Des questions vous brûlent encore les lèvres ? Chaque semaine Jean-Marie Cohen répondra à une question sur la pandémie grippale. Envoyez-nous vos interrogations par e-mail à jschenckery@groupeliaisons.fr.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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