Marques : La méfiance règne - Le Moniteur des Pharmacies n° 2589 du 02/07/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2589 du 02/07/2005
 

INTERVIEW : BRICE AUCKENTHALER

Cahier spécial

Marchés 2004

La guerre des prix fait rage, promettant toujours plus pour toujours moins. Derrière les étiquettes barrées, les marques disparaissent. Désormais, la seule qualité c'est le prix. Pas si sûr, rétorque Brice Auckenthaler, spécialiste du marketing.

« Le Moniteur » : Le constat est le même partout, les marques perdent de leur aura. Sommes-nous en train de passer du critère de la qualité à celui du prix ?

Brice Auckenthaler : On ne peut pas parler de mouvement de bascule de la qualité vers le prix, mais plutôt d'un condiv paradoxal où l'on veut à la fois la qualité et le prix. Ce phénomène s'appuie sur trois critères. Le premier est l'omniprésence de la qualité. Il n'y a pas si longtemps, le schéma était simple, il y avait les grandes marques et le reste. Or la qualité a beaucoup évolué. Désormais, il y a de la qualité partout et il est donc difficile, par exemple, de différencier les marques fabricants du hard discount. Autre critère de poids, le mouvement de peur, observé en France comme dans tout le monde occidental. Le moral des chefs d'entreprise est à la baisse. On observe également un comportement de défiance des consommateurs par rapport aux autorités politiques qui se répercute aussi sur les grandes marques.

La démarche du consommateur peut se traduire ainsi : « J'ai moins confiance dans les autorités politiques et religieuses et j'ai moins confiance dans les marques qui font beaucoup pour la communication mais qui ne reposent pas sur des arguments tangibles qui me convainquent que j'achète de la qualité. » La défiance, selon moi, est devenue le point de départ d'un nouveau cycle de consommation.

Enfin, il ne faut pas négliger la responsabilité des marques. Depuis un an et demi à peu près, on observe des comportements paradoxaux. Il faut aller vite et, du coup, on observe une chute de l'exigence sur la qualité différenciatrice. On lance, on propose à la distribution des innovations qui n'en sont pas ou tout du moins qui ne le font pas savoir.

Serions-nous en train d'assister à la victoire des « nonos » (ceux qui luttent contre les logos des marques) sur les gogos ?

B.A. : Non, on ne peut pas être aussi radical, même si l'analyse menée par la journaliste canadienne Naomi Klein, div de No Logo, qui dénonce l'emprise des marques sur le système marchand mondial, est tout à fait pertinente. Cependant, l'époque du gogo qui avalait compulsivement tout ce que les marques lui recommandaient est finie. Il est devenu « consom-acteur », voire « consommateur expert », qui résiste aux marketeurs. Il décortique les offres et leurs prix avant de choisir et met des cartons jaunes avec sa carte bleue, autrement dit, il boycotte quand il juge que la marque va trop loin. Le mouvement de désaffection des marques est une réponse aux erreurs commises par les marques. Lorsque la marque ne joue pas le jeu, alors il y a une sanction. Ce n'est pas le contraire. La sanction ne vient pas spontanément du consommateur. Maintenant, aux marques de refaire leur travail.

Pensez-vous qu'il est possible de sortir de la logique de prix barré et d'interrompre la transformation de la notion de valeur ajoutée en celle de valeur ôtée, telle que vous la décrivez dans votre ouvrage ?

B.A. : Face à la confusion de l'offre, le prix reste le seul élément tangible auquel le consommateur peut se raccrocher. Le prix a acquis une telle importance que l'on observe même une perte de pouvoir dans l'entreprise de la personne qui doit piloter la marque. Le directeur marketing perd son pouvoir au profit du directeur financier ou du directeur commercial. Il y a eu un grand problème avec la loi Sarkozy. Le combat de la baisse des prix est tel qu'il est difficile de rétablir l'équilibre des marques. Une marque, c'est un corps avec deux jambes : celle d'appui, dite de la mission, et celle du mouvement, dite de l'innovation. Une jambe moins musclée, et l'entreprise marche en crabe ! Actuellement, les marques font le grand écart. On frise la dislocation. Pour mener le retour à la confiance, il faut que les entreprises, d'une part, dopent et nourrissent le sens qu'elles veulent donner à leur marque, et, d'autre part, qu'elles associent cette démarche à des preuves très concrètes et perceptibles. Il faudrait peut-être que le sens de la marque soit plus proche de ses innovations. La preuve en est que les marques qui ont réussi à rester dans les principes d'équilibre arrivent à vivre en pratiquant parfois même des prix plus élevés que leurs concurrents. Tropicana s'est ainsi fait un nom sur le créneau des jus de fruits « premium » en vendant ses produits 20 % plus cher que les autres.

Quelles répercussions ce mouvement peut-il avoir sur les officines de pharmacie?

B.A. : Lorsqu'un monopole éclate, il s'opère une remise en question saine puisqu'il faut absolument que les acteurs du marché fassent un effort de différenciation. Mais aujourd'hui on est arrivé au point où les marques d'enseigne sont équivalentes à celles des fabricants (et parfois issues des mêmes chaînes de fabrication), ce qui fait qu'elles ont perdu leur capital confiance. En pharmacie, la situation est tout autre. Le monopole existe et le capital confiance est acquis a priori. Cette problématique de défiance semble donc épargner le monde de la pharmacie malgré le développement des génériques et celui des produits à la marque.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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