Dysfonction érectile : devenir le professionnel de confiance du client - Le Moniteur des Pharmacies n° 2587 du 18/06/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2587 du 18/06/2005
 

Actualité

Enquête

Même si une majorité de clients ne semblent pas gênés de présenter une ordonnance pour une dysfonction érectile (67 %), trop peu de pharmaciens leur donnent des informations spontanément (5 %).

L'arrivée en 1998 sur le marché de la « petite pilule bleue » a mis les troubles sexuels masculins sur le devant de la scène. En 2004, 480 000 Français ont reçu un traitement, sur les 32 % d'hommes concernés.

Malgré les campagnes de communication des laboratoires, la gêne persiste. Et ce n'est pas un hasard si les médecins prescrivent les médicaments sur une ordonnance à part des traitements habituels.

Les pannes sexuelles ne sont bien sûr pas l'apanage des seniors mais ce sont eux qui vont le plus souvent consulter. Les hommes de plus de quarante ans regrettant la vigueur de leur jeunesse « sont dans une démarche active et sont particulièrement ouverts au dialogue », explique Fabrice Barbu, chef de gamme Urologie pour Bayer. Demandeurs de conseils et d'écoute, les patients font cependant rarement le premier pas vers la discussion. Et nombre d'entre eux ne vont pas chercher leur médicament dans leur pharmacie habituelle. « Ils fréquentent les officines de centre commercial et des aéroports pour le côté anonyme », confirme-t-on chez Bayer. A la campagne, les patients n'hésitent pas à parcourir 20 à 30 kilomètres en voiture par peur d'être « catalogué impuissant » par leur pharmacien.

Les mentalités doivent évoluer.

« L'embarras existe aussi chez les professionnels de santé. Les échanges sont souvent limités, d'autant plus qu'il persiste une grande différence entre les termes médicaux et le langage des patients », observe Amandine Laforge, chef de produit Cialis. Faut-il pour autant ouvrir le dialogue à chaque ordonnance ? « Non, un patient bien suivi n'a pas forcément envie que le pharmacien s'en mêle. En revanche, s'il s'agit d'une ancienne ordonnance non encore utilisée, il faudra être particulièrement attentif et bien expliquer les conditions d'utilisation du médicament », poursuit Amandine Laforge.

« Nous sommes réellement des confidents sur le plan médical, constate Régis Bardyn, titulaire à Lille. La confiance des clients va nous permettre de les orienter vers des spécialistes si besoin. »

Fort de cette confiance, le pharmacien pourrait prendre l'initiative de parler de sexualité dans le cadre, par exemple, de programmes de prévention santé visant les cinquantenaires. « Au même titre qu'ils s'enquièrent du dosage de cholestérol, les pharmaciens pourraient demander si la personne a parfois des pannes », suggère-t-on chez Lilly. Rendez-vous dans une dizaine d'années, le temps de faire évoluer les mentalités...

« La femme est une confidente pour l'homme. »

Règle d'or selon les spécialistes interrogés : employer le vocabulaire du patient. Contrairement à une idée reçue, les médicaments ne sont pas des « pilules du désir ». « Il faut donc évoquer la nécessité du désir et de la stimulation en parlant de l'importance des préliminaires », affirme Fabrice Barbu. « L'harmonie avec la partenaire est une notion facile à faire passer, constate Sylvain Mimoun, psychosomaticien et directeur du centre d'andrologie de l'hôpital Cochin à Paris. Le pharmacien doit se focaliser sur les solutions avant de discourir sur le problème. Le patient n'attend pas de lui une réponse mais des indications sur le dosage ou la tolérance. »

Quant à la féminisation de la profession, est-ce un obstacle, sachant que les hommes souffrant de troubles sexuels préfèrent être servis par quelqu'un du même sexe ? Réponse de Sylvain Mimoun : « Pas forcément, car par définition la femme est une confidente pour l'homme. Exit la notion de compétition, il peut alors se livrer plus facilement. A condition que la personne en face de lui aborde elle aussi le sujet sans embarras. »

Un protocole de discrétion : Hervé Courio, titulaire à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes)

Les patients cherchent à s'adresser aux hommes, quitte à attendre un peu. Cependant, le sujet est beaucoup moins tabou qu'il y a 3-4 ans. Nous vendons près de 2 000 boîtes d'inhibiteurs de la phosphodiestérase par mois. Et la clientèle est de plus en plus jeune. Le côté incognito d'une grosse structure est apprécié. D'autant plus que nous avons mis en place une « procédure discrétion ». La personne vient avec son ordonnance et nous demandons la livraison du produit par l'automate. Nous ne prononçons jamais son nom, nous avons instauré une appellation avec les initiales. Le médicament arrive dans un serveur et est directement mis dans un sac opaque. Nous ne posons donc pas la boîte sur le comptoir. La première fois, nous demandons s'il y a besoin d'explications. Nous abordons aussi les contre-indications cardiologiques (spray nitré, pacemaker). Finalement, c'est comme si nous délivrions un antihypertenseur.

A savoir : Le secret professionnel

Toute enclave au secret professionnel est passible (article 226-13 du Code pénal) d'un an d'emprisonnement et de 15 245 euros d'amende. Il semble évident qu'aucun client ne pourra évoquer des sujets intimes s'il craint que ses voisins ne soient au courant dès le lendemain. « Or, si les patients ne doutent pas du secret médical, ils n'ont pas pris conscience que le secret pharmaceutique s'applique aussi », reconnaît Emmanuelle Marchal-Heussler (faculté de Nancy).

Je reste très naturelle : Imane Bodinier, pharmacie de l'Etoile (Paris 16e)

Depuis mon DU de gérontologie, je connais bien le sujet de la dysfonction érectile et j'en parle avec aisance. La majorité de mes clients arrivent très gênés la première fois. Ils ne veulent même pas me donner leur adresse ! Je précise que c'est confidentiel et ensuite j'ouvre la conversation en informant sur la présence ou l'absence d'interaction selon les cas. Le plus discrètement possible. Je présente toujours les avantages du médicament (bonne tolérance, efficacité, compatibilité avec l'alcool ou la nourriture pour certains....). Tout de suite, les patients se sentent rassurés. J'aborde alors les contre-indications et, s'il s'agit de seniors, je les dirige chez un cardiologue si besoin. J'explique aussi que sans désir, le médicament ne sert à rien. Chez les jeunes, j'insiste particulièrement pour qu'ils n'en donnent pas à leur copain. Je ne me moque jamais. Les personnes que j'ai en face de moi ne sont pas des obsédés ! Je reste très naturelle. Et les gens se confient souvent, parfois plus qu'à leur médecin. Ce qui m'importe ? Je veux qu'en sortant de la pharmacie, ils aient compris comment bien utiliser le médicament, qu'ils ne doutent pas de son efficacité sans pour autant qu'ils le considèrent comme une pilule miracle.

Attention à ne pas choquer ! Régis Bardyn, titulaire à Lille (Nord)

J'ai toujours promu la vente de préservatifs en leur consacrant un rayon important. Après tout, le pharmacien est le spécialiste de la contraception après le médecin. On en vend beaucoup mais les produits fantaisie restent minoritaires. Les tabous persistent. Le client vient chercher une boîte avant tout et ne vient pas pour un conseil. Attention à ne pas le choquer ! Quand je sens que la personne est ouverte, j'ouvre la discussion sur des questions générales (taille des boîtes) pour évoquer l'existence des préservatifs à valeur ajoutée et l'intérêt du gel lubrifiant. Mais on prend toujours le risque de créer un certain malaise car on s'immisce dans la vie personnelle des gens. Dans tous les cas, je tiens à la discrétion, j'ai voulu des comptoirs espacés d'au moins 2 mètres et une musique d'ambiance pour masquer la conversation.

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