Les rétinopathies - Le Moniteur des Pharmacies n° 2585 du 04/06/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2585 du 04/06/2005
 

Cahier formation

l'essentiel Parmi les nombreuses causes d'atteintes rétiniennes, deux sont plus fréquentes : la rétinopathie diabétique avant 50 ans et la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) après 50 ans. La rétinopathie diabétique évolue vers une perte progressive de l'acuité visuelle. Un bon équilibre glycémique permet de la prévenir. De 75 à 85 ans, une personne sur trois souffre de DMLA. Elle provoque une altération lente de la vision centrale. La vision périphérique est toujours préservée. Sa prévention passe par une protection solaire des yeux, un arrêt du tabac et une supplémentation alimentaire en antioxydants et lutéine. Le traitement de référence de la rétinopathie diabétique est le laser thermique. La thérapie photodynamique, utilisée dans certaines formes de DMLA, fait appel à la vertéporfine, un médicament d'exception prescrit par les ophtalmologistes. Injectée en perfusion IV, cette molécule rend photosensible pendant 48 heures. Quatre cures annuelles sont possibles.

ORDONNANCE : Une patiente souffrant d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge

L'ophtalmologiste d'Annette L., 65 ans, lui a diagnostiqué il y a quelques mois une dégénér escence maculaire liée à l'âge (DMLA). Aujourd'hui, l'évolution autorise la mise en place d'un traitement spécifique par Visudyne. Annette suit également un traitement habituel comportant un antihypertenseur (Ecazide) et un hypolipémiant (Vasten 20).

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Hervé Bimont

Ophtalmologiste

2, rue de la Salle

92000 Nanterre

Tél. : 01 41 55 44 22

92 1 99999 1

Le 2 juin 2005

Mme Annette L.

65 ans, 1 m 63, 55 kilos

Ocuvite Lutéine :

continuer à 2 capsules par jour

Docteur Renée Alcieri

Généraliste

37, rue Paul-Bert

60270 Gouvieux

Tél. : 03 44 57 25 38

60 1 88888 9

Le 3 juin 2005

Mme Annette L.

65 ans, 1 m 63, 55 kilos

Ecazide : 1 comprimé par jour

Vasten 20 mg :

1 comprimé par jour

qsp 4 semaines.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Annette L. a consulté un premier ophtalmologiste à cause d'une baisse d'acuité visuelle : nécessité d'augmenter l'éclairage pour la lecture, impression de ne pas voir certaines lettres dans un mot ou d'avoir besoin de nouvelles lunettes.

- Examens à l'appui (test avec la grille de Amsler, angiographie à la fluorescéine et fond d'oeil), le médecin a annoncé à Annette L. qu'elle était certainement atteinte de DMLA et l'a envoyée consulter un confrère spécialiste de cette maladie.

Ce dont la patiente se plaint

- La gêne occasionnée par la baisse de la vision est de plus en plus ressentie au fil des semaines. Annette L. a très peur de perdre complètement la vue. Bien qu'elle soit effrayée par les effets indésirables de Visudyne, elle met beaucoup d'espoir dans ce traitement.

Ce que l'ophtalmologiste lui a dit

Le type de DMLA dont Annette est atteinte est la « forme humide », caractérisée par la formation de petits vaisseaux sanguins indésirables sur une région de la rétine indispensable à la vision centrale (macula), provoquant ainsi une perte progressive de l'acuité visuelle (actuellement : oeil gauche 3/10 ; oeil droit 7/10). L'évolution de la maladie permet aujourd'hui l'instauration rapide d'un traitement.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Avec Visudyne, aucune étude spécifique relative aux interactions médicamenteuses n'a été effectuée à ce jour. L'utilisation simultanée d'autres médicaments photosensibilisants peut augmenter le risque de réaction de photosensibilisation. C'est le cas ici de l'hydrochlorothiazide contenu dans Ecazide.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies sont recevables. Celle de Visudyne mentionnée sur l'ordonnance de médicament d'exception est correcte. Compte tenu de la taille et du poids de la patiente, on en déduit une surface corporelle de 1,58 m2 grâce à la formule de Dubois. La posologie étant de 6 mg de vertéporfine/m2, la dose à administrer est bien de 9,5 mg.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; Le suivi ophtalmologique a permis de déceler l'apparition d'un certain type de néovaisseaux derrière la fovéa, ce qui a conduit l'ophtalmologiste à proposer, conformément aux indications thérapeutiques, une séance de photothérapie dynamique par Visudyne.

-#gt; L'ordonnance est conforme : prescription par un ophtalmologiste, libellée sur une ordonnance de médicament d'exception. Le volet 4 doit être conservé à l'officine.

-#gt; En revanche, l'interaction médicamenteuse entre la vertéporfine et l'hydrochlorothiazide n'a pas conduit à une interruption et/ou une modification de traitement. Par prudence, le praticien est contacté pour s'assurer que ce risque a bien été pris en compte. Finalement, l'ophtalmologiste confirme les doutes du pharmacien et conseille de suspendre le traitement antihypertenseur et de ne le reprendre que 48 heures après la perfusion de Visudyne. Compte tenu de la rémanence du traitement, il n'y a pas de risque de remontée tensionnelle.

-#gt; La supplémentation en vitamines antioxydantes, oligoéléments et caroténoïdes (lutéine) est justifiée par les résultats d'études qui tendent à démontrer l'intérêt d'une alimentation riche en ces composants dans la prévention primaire et secondaire de la DMLA.

INITIATION DU TRAITEMENT

Le traitement par photothérapie dynamique va se pratiquer dans une clinique (nécessité de disposer d'un laser diode, d'une seringue électrique...). La patiente peut repartir le jour même, mais doit être accompagnée car sa vue peut être troublée après la séance.

- Examens préalables à la prescription de Visudyne

Conformément à l'arrêté ministériel fixant les conditions de remboursement de Visudyne, l'ophtalmologiste a au préalable réalisé les examens suivants dans les 7 jours précédant la perfusion.

-#gt; Mesure de l'acuité visuelle, mesure de la sensibilité aux contrastes.

-#gt; Angiographie à la fluorescéine, comportant des clichés à 1, 2, 5 et 10 minutes, complétée éventuellement de l'angiographie au vert d'indocyanine qui met en évidence d'autres territoires.

-#gt; Photographie du fond d'oeil.

Porphyrie et insuffisance hépatique grave sont aussi à écarter.

- Déroulement de la séance de photothérapie dynamique

Le traitement par Visudyne comprend deux étapes :

-#gt; perfusion intraveineuse de Visudyne pendant 10 minutes dans une solution glucosée (le sérum physiologique est susceptible de faire précipiter la vertéporfine) ;

-#gt; activation, 15 minutes après le début de la perfusion, au moyen d'une lumière rouge non thermique (longueur d'onde : 689 nm), délivrée par un laser diode à l'aide d'une fibre optique, d'une lampe à fente et d'une lentille de contact appropriée. 83 secondes sont nécessaires pour délivrer la dose lumineuse requise. Cette activation lumineuse de la vertéporfine provoque des lésions localisées à l'endothélium néovasculaire entraînant l'occlusion des vaisseaux indésirables.

- Avant de prendre Ocuvite Lutéine

Vérifier que la patiente ne consomme pas d'autres compléments alimentaires pouvant conduire à des hypervitaminoses.

Contacter le médecin

Appeler l'ophtalmologiste pour vérifier s'il sait que la patiente prend par ailleurs Ecazide, pouvant interagir avec Visudyne.

VALIDATION DES PRODUITS

-#gt; Visudyne 15 mg (vertéporfine)

- Agent photosensibilisant indiqué entre autres dans la DMLA présentant une néovascularisation choroïdienne rétrofovéolaire à prédominance visible dont plus de 50 % est constituée de néovaisseaux visibles.

- La perfusion intraveineuse de ce médicament doit être suivie par une activation lumineuse grâce à un laser (photothérapie dynamique).

- La posologie est de 6 mg/m2 de surface corporelle et 4 administrations par an sont possibles.

-#gt; Ocuvite Lutéine (complément alimentaire)

- Composé antioxydant à base de vitamine C (30 mg), vitamine E (4,4 mg), de lutéine (3 mg), de sélénium (10 microgrammes) et de zinc (2,5 mg).

- Préconisé dans la lutte contre le vieillissement oculaire.

- Il est conseillé de prendre 1 à 2 capsules par jour.

-#gt; Ecazide (captopril, hydrochlorothiazide)

- Antihypertenseur associant un inhibiteur de l'enzyme de conversion et un diurétique thiazidique.

- Indiqué dans le traitement de l'hypertension artérielle essentielle.

- La posologie est de 1 à 2 comprimés par jour.

-#gt; Vasten 20 mg (pravastatine)

- Hypocholestérolémiant et hypotriglycéridémiant, inhibiteur de l'HMG-CoA-réductase.

- Indiqué notamment dans le traitement des hypercholestérolémies ou des dyslipidémies mixtes.

- La posologie est de 1 comprimé par jour.

SUIVI DU TRAITEMENT

- Surveillance des effets indésirables potentiels de Visudyne

-#gt; Au point d'injection, une douleur, un oedème, une inflammation peuvent apparaître.

-#gt; Au niveau oculaire, les principaux effets indésirables rencontrés après une séance de Visudyne sont des troubles de la vison : vision trouble, floue, brouillée avec ou sans flashs lumineux, pouvant entraîner une baisse transitoire de l'acuité visuelle. Parfois, une perte sévère de la vision apparaît dans les 7 jours (environ 2 % des sujets traités). Elle retrouve son niveau de départ chez la plupart des sujets.

-#gt; Au niveau systémique, l'effet indésirable le plus redouté - mais évitable par des conseils appropriés - est la réaction de photosensibilisation (2,2 % des patients) : coup de soleil consécutif à l'exposition à la lumière dans les 24 heures suivant le traitement.

D'éventuelles douleurs transitoires ont été décrites liées à la perfusion (de l'ordre de 10 %), principalement au niveau des lombaires. Elles peuvent irradier au niveau du bassin ou de la cage thoracique et s'accompagner de nausées, d'asthénie ou de prurit. Des réactions vasovagales imputables au protocole d'injection peuvent accessoirement provoquer un malaise.

- Surveillance de l'évolution

-#gt; L'efficacité du traitement sera réévaluée régulièrement et, le cas échéant, une nouvelle séance de photothérapie dynamique sera pratiquée (au maximum 4 par an). L'ophtalmologiste surveille l'évolution de la maladie et coordonne l'action des différents acteurs (orthoptiste pour la rééducation, opticien pour les aides visuelles). Une enquête familiale de dépistage de la maladie peut être envisagée.

-#gt; Régulièrement, la patiente doit s'autosurveiller avec la grille d'Amsler pour dépister une réapparition soudaine des néovaisseaux.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Visudyne : l'injection unique est réalisée en consultation. -#gt; Ocuvite Lutéine : les comprimés s'avalent au cours du petit déjeuner pour éviter d'éventuelles intolérances gastriques ou des troubles du sommeil. -#gt; Ecazide : à prendre le matin, à jeun ou non. -#gt; Vasten 20 mg : prise le soir, indifféremment avant, pendant ou après le dîner.

CONSEILS À LA PATIENTE

Maîtriser les facteurs défavorables sur l'évolution

-#gt; Contrôler régulièrement l'HTA, les dyslipidémies, la glycémie...

-#gt; Eviter la fumée du tabac, incriminée dans la DMLA.

-#gt; Manger sainement : la lutéine est apportée par les légumes verts comme les épinards, le chou et les fruits rouges et jaunes.

-#gt; Protéger ses yeux des rayons ultraviolets du soleil avec des lunettes teintées, une casquette à visière...

Mesures à prendre durant les 48 heures suivant Visudyne

-#gt; Eviter absolument l'exposition au soleil, bien sûr à l'extérieur, mais même à l'intérieur.

-#gt; A l'intérieur :

- effectuer les activités dans les endroits de la pièce qui ne sont pas directement exposés au soleil ;

- ne pas s'exposer directement à la lumière de forte intensité (du type lampe halogène) ;

- il ne faut pas non plus rester dans l'obscurité mais s'exposer à la lumière ambiante de façon à accélérer l'élimination du produit accumulé dans la peau ;

- il est possible de regarder la télévision ou d'aller au cinéma.

-#gt; A l'extérieur :

- il est nécessaire que toutes les parties du corps soient protégées de la lumière vive, y compris les mains et le visage ;

- les crèmes solaires ne sont d'aucune utilité.

-#gt; Compte tenu d'une baisse transitoire de la vision, la conduite automobile est fortement déconseillée. Un accompagnant est indispensable à chaque séance.

Aménager son quotidien

-#gt; Il peut être utile de se munir d'aides visuelles (systèmes optiques grossissants), de montres et réveils parlants...

-#gt; L'orthoptiste peut pratiquer une rééducation. Cette technique enseigne à utiliser au mieux les cellules rétiniennes encore intactes ainsi qu'à optimiser la vision périphérique.

-#gt; Penser à contacter une association de malades afin de bénéficier de conseils pour la vie quotidienne.

Par Vivien Veyrat, pharmacien, chargé d'enseignement à la faculté de pharmacie de Paris-XI

PATHOLOGIE : Quelles sont les principales rétinopathies ?

Parmi les nombreuses étiologies d'atteintes rétiniennes, deux sont plus fréquemment responsables de malvoyance : la rétinopathie diabétique avant 50 ans et la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) après 50 ans.

RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

Epidémiologie

Selon l'OMS, 150 millions de personnes sont diabétiques dans le monde et plus de 5 millions ont une rétinopathie diabétique. Celle-ci apparaît chez une population ayant une glycémie moyenne de 1,26 g/l. Sa prévalence augmente avec la durée d'évolution du diabète. Après 15 années, près de 80 % des diabétiques sont atteints, environ 10 % sont malvoyants et 2 % sont aveugles.

Physiopathologie

La rétinopathie diabétique se manifeste par une atteinte des vaisseaux de petite taille : la microangiopathie. Histologiquement, elle se traduit par un épaississement de la membrane basale des capillaires, responsable de la dilatation, de l'ectasie des parois et de l'occlusion des capillaires. L'atteinte des cellules endothéliales et de leur système de jonction intercellulaire aboutit à une rupture de la barrière hématorétinienne et à la formation de manifestations exsudatives.

Plusieurs mécanismes biochimiques semblent intriqués :

-#gt; un excès de sorbitol intracellulaire, responsable d'une vasodilatation par hypoxie ;

-#gt; une glycation non enzymatique des protéines perturbant l'équilibre métabolique ;

-#gt; une synthèse de facteurs de croissance, secondaire à l'hypoxie. C'est pourquoi le VEGF (vascular endothelial growth factor) fait l'objet de recherches et suscite beaucoup d'espoir.

Signes cliniques

Les lésions rétiniennes caractéristiques sont :

-#gt; les microanévrysmes rétiniens, les premiers signes ;

-#gt; les hémorragies rétiniennes ;

-#gt; les nodules cotonneux ;

-#gt; les dilatations veineuses, prenant parfois l'aspect de chapelets ;

-#gt; les anomalies microvasculaires intrarétiniennes ;

-#gt; les exsudats secs circinés ;

-#gt; l'oedème rétinien ;

-#gt; les plages d'ischémie rétinienne visibles en angiographie ;

-#gt; des néovaisseaux prérétiniens ou prépapillaires, prenant la forme de lacis vasculaires et secondaires à l'ischémie rétinienne. On parle alors de rétinopathie diabétique proliférante. L'atteinte maculaire évolue indépendamment. Son installation entraîne une diminution lente et progressive de l'acuité visuelle. Fréquemment, l'accumulation de liquide dans le compartiment extracellulaire aboutit à un oedème maculaire non cystoïde puis cystoïde. Il prend alors l'aspect de logettes kystiques intrarétiniennes.

Classification

L'étude « Early Treatement Diabetic Retinopathy Study » (ETDRS) classe sept catégories de rétinopathie diabétique : non proliférante minime, non proliférante modérée, non proliférante sévère (ou préproliférante), proliférante minime, proliférante modérée, proliférante sévère et proliférante compliquée. Ces deux dernières sont à haut risque de cécité.

Facteurs de risque

L'apparition et la progression de la pathologie est liée plusieurs facteurs :

-#gt; la durée d'évolution du diabète;

-#gt; le type de diabète : prévalence plus grande dans le type 1 ;

-#gt; l'âge jeune de découverte ;

-#gt; le mauvais équilibre glycémique et, paradoxalement, l'équilibration trop rapide de la glycémie qui favorise la rupture de la barrière hématorétinienne ;

-#gt; une HTA mal équilibrée ;

-#gt; la puberté et l'adolescence ;

-#gt; la grossesse ;

-#gt; la chirurgie de la cataracte.

Diagnostic

La rétinopathie diabétique s'installe souvent lentement et insidieusement, sans diminution franche de l'acuité visuelle. Selon la gravité, le rythme de surveillance varie entre 4 et 12 mois, mais une surveillance annuelle du fond d'oeil est essentielle au dépistage et au diagnostic.

L'angiographie à la fluorescéine reste l'examen indispensable à l'évaluation de la sévérité, donc à la prise en charge de la pathologie et à sa surveillance. Elle est réalisée après une prémédication antiallergique (association d'un antihistaminique H1 et d'hydroxyzine les deux jours qui précèdent l'examen) en cas de terrain allergique.

L'OCT (optical coherence tomography), technique récente, rapide, simple et non invasive, réalise un scanning des différentes couches de la rétine. Elle devient incontournable dans le suivi des oedèmes maculaires diabétiques.

Evolution et complications

La rétinopathie diabétique est une maladie cécitante. Une prise en charge rigoureuse et rapprochée ne permet malheureusement pas toujours d'échapper à de lourdes complications toujours liées à cette prolifération néovasculaire.

Les principales sont :

-#gt; une hémorragie intravitréenne responsable d'une baisse d'acuité visuelle d'installation brutale ;

-#gt; un décollement de rétine tractionnel se manifestant par l'apparition d'un scotome ou d'une baisse d'acuité visuelle s'il atteint l'aire maculaire ;

-#gt; une rubéose (néovascularisation) irienne pouvant évoluer vers le glaucome néovasculaire par envahissement de l'angle iridocornéen. Ces néovaisseaux obstruent ainsi l'évacuation de l'humeur aqueuse et l'oeil devient rouge et douloureux en raison de l'hypertonie intraoculaire.

DÉGÉNÉRESCENCE MACULAIRE LIÉE À L'ÂGE

Epidémiologie

La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) constitue la première cause de malvoyance après 50 ans dans les pays industrialisés. Chez les personnes de 65 à 74 ans, sa prévalence est proche de 10 % et atteint 30 % chez les personnes de 75 à 85 ans.

En France, 800 000 patients sont atteints des formes précoces et 300 000 de formes sévères.

Physiopathologie

Le mécanisme d'altération de la macula n'est pas encore totalement élucidé. Il serait lié au phénomène de vieillissement et au stress oxydatif.

L'anomalie caractéristique est représentée par les Drusen. Ils correspondent à l'accumulation, au niveau des cellules de l'épithélium pigmentaire, de déchets liés au métabolisme des photorécepteurs. Une diminution de la capacité d'épuration de ces déchets paraît probable. A l'examen du fond d'oeil, on retrouve des Drusen secs dans la région maculaire. Ceux-ci peuvent confluer et évoluer vers des plages d'atrophie, devenir séreux, plus volumineux et polycycliques, à bords plus flous.

Des altérations de l'épithélium pigmentaire sous forme de migrations pigmentaires sont également constatées.

La toxicité de la lumière serait à l'origine de la production de radicaux libres et, ainsi, de la modification de la dégradation.

Une carence en oligoéléments, responsable de la diminution de cofacteurs enzymatiques antiradicalaires, aggraverait le phénomène.

Les Drusen et l'épaississement diffus de la membrane de Brüch (plaquée contre la couche pigmentaire de la rétine) altéreraient les échanges métaboliques et aboutiraient à l'atrophie de l'épithélium pigmentaire puis à la disparition des photorécepteurs. L'apparition d'une néovascularisation choroïdienne marque un tournant évolutif dans la pathologie. Le rôle des facteurs de croissance endothéliaux tel le VEGF (vascular endothelial growth factor) a été là encore établi.

Signes cliniques

La DMLA est une atteinte dégénérative de la région maculaire. Elle provoque une altération lente et sournoise de la vision centrale et aboutit souvent à la « cécité légale » (acuité visuelle du meilleur oeil inférieure ou égale à 1/20), sans endommager la vision périphérique qui est toujours conservée. Au stade débutant, il existe une baisse de la vision des contrastes, une difficulté à l'adaptation aux variations de la lumière. La baisse d'acuité visuelle, signe fonctionnel souvent à l'origine du diagnostic, apparaît plus tardivement et peut, si elle est brutale, être liée à une complication.

De même, les métamorphopsies sont fréquemment synonymes de néovascularisation choroïdienne. Leur apparition se surveille à l'aide de la grille de Amsler et impose une prise en charge en urgence. Lorsqu'il existe une néovascularisation choroïdienne, des signes indirects se manifestent : décollement séreux rétinien, oedème maculaire, hémorragies localisées préférentiellement en périphérie de la membrane néovasculaire, exsudats secs circinés, décollement séreux de l'épithélium pigmentaire (DSEP).

Grille de Amsler pour la surveillance de la DMLA (vision normale).

Classification

Une classification internationale a été proposée récemment.

-#gt; La maculopathie liée à l'âge associe Drusen séreux et migrations pigmentaires.

-#gt; La DMLA associe aux lésions précédentes une atrophie géographique, une néovascularisation, une DSEP et une lésion fibrovasculaire.

Deux formes de DMLA existent :

- la DMLA atrophique ou sèche,

- la DMLA exsudative ou humide.

La DMLA exsudative se subdivise également en 2 classes.

-#gt; Avec membrane néovasculaire visible : les limites de la lésion sont parfaitement définies et localisables par rapport à la fovéa en angiographie à la fluorescéine.

-#gt; Avec membrane néovasculaire occulte : les limites de la lésion sont incertaines et difficilement localisables. L'angiographie au vert d'indocyanine devient alors fondamentale pour la visualisation des néovaisseaux qui apparaissent sur cet examen.

L'OCT présente dans la forme exsudative un intérêt dans le diagnostic et le suivi. Il permet la localisation quasi histologique des lésions ainsi que leur mesure.

Facteurs de risque

Le facteur de risque essentiel dans cette maladie est l'âge supérieur à 50 ans. Le risque augmente de façon exponentielle avec l'âge.

- Prédispositions constitutionnelles

-#gt; Antécédents familiaux de DMLA.

-#gt; Origine caucasienne.

-#gt; Mutations du gène ABCR.

-#gt; Hypermétropie.

-#gt; Iris clairs (controversé).

-#gt; Existence de pathologies cardio-vasculaires.

- Facteurs environnementaux

-#gt; Exposition à la lumière : la lumière bleue paraît jouer un rôle prépondérant.

-#gt; Tabagisme.

-#gt; Alimentation pauvre en vitamines et en oligoéléments.

-#gt; Chirurgie de la cataracte.

Métamorphopsies. Scotome central.

Diagnostic

Un examen systématique permet fréquemment une découverte fortuite de la maladie chez des patients de plus de 50 ans.

Malheureusement, le diagnostic est souvent tardif (10 à 15 ans après le début de la maladie). L'acuité visuelle et l'examen du fond d'oeil constituent les éléments essentiels au diagnostic et à la prise en charge de la DMLA. L'angiographie à la fluorescéine présente un double intérêt : la cartographie initiale en vue de la surveillance et la mise en évidence d'une éventuelle exsudation orientant vers la présence de néovaisseaux.

Evolution et complications

Le pronostic d'une DMLA est directement lié à l'atteinte de la fovéa. Son altération est synonyme de perte de la vision centrale avec conservation de la vision périphérique.

Ceci provoque un handicap dans la vie des malades (impossibilité de la lecture ou de l'écriture, absence de reconnaissance des visages...), sans que les gestes de la vie quotidienne ne soient complètement impossibles (orientation spatiale, habillage...).

-#gt; Dans un tiers des cas, une forme atrophique évolue vers une forme exsudative, potentiellement scotomateuse.

-#gt; Les Drusen secs, présents chez 25 à 50 % des patients de plus de 50 ans, évoluent rarement vers la néovascularisation.

-#gt; Le risque néovasculaire en présence de Drusen séreux est légèrement plus élevé.

-#gt; Cependant, quand un oeil a développé une forme humide, le risque pour l'oeil controlatéral est beaucoup plus important. Lorsque des néovaisseaux sont déjà présents sur un oeil, le risque d'en avoir sur l'autre est augmenté de 12 % chaque année.

-#gt; La forme avec membrane néovasculaire visible constitue le pronostic le plus sévère malgré une incidence plus faible. Elle peut laisser place à une plage d'atrophie ou à une évolution spontanée.

-#gt; La forme avec membrane néovasculaire occulte évolue lentement et l'acuité visuelle reste autour de 3/10 dans 80 % des cas pendant les deux premières années. Un DSEP ou un hématome maculaire n'est pas une complication rare.

Par Jean-Sébastien Garrigue, pharmacien, et le Dr Antoine Curan, ophtalmologiste

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter les rétinopathies ?

Les thérapeutiques actuelles de la rétinopathie diabétique et de la dégénérescence maculaire liée à l'âge sont limitées en nombre et en efficacité. Le but se limite à tenter de contenir l'extension de l'affection et à stabiliser l'acuité visuelle.

LES LASERS

Laser thermique

C'est le traitement de référence de la rétinopathie diabétique et de la maculopathie diabétique.

- Principe de fonctionnement

Le faisceau est focalisé sur la rétine à l'aide d'une lentille mise en place après l'instillation d'une goutte d'anesthésiant cornéen topique (oxybuprocaïne). Le diamètre du spot lumineux, la puissance du faisceau et le temps d'exposition déterminent l'énergie délivrée localement à chaque impact laser. Au dommage thermique succède rapidement une nécrose cellulaire. La cicatrisation se réalise ensuite sous l'aspect de migrations pigmentaires.

- Indications

-#gt; Rétinopathie diabétique

La photocoagulation panrétinienne est indiquée devant une rétinopathie diabétique proliférante et se discute au cas par cas si la rétinopathie diabétique est non proliférante sévère. Plusieurs séances sont nécessaires sur environ 6 mois à un an. La photocoagulation panrétinienne peut être réalisée plus rapidement mais expose le patient à des complications iatrogènes transitoires (hypertonie oculaire ou oedème maculaire), voire définitives (atrophie optique tardive).

-#gt; Maculopathie diabétique

Le traitement laser de la maculopathie diabétique reste celui de première intention.

-#gt; DMLA

Le laser est réservé aux membranes néovasculaires juxta- ou extrafovéolaires. Leur photocoagulation entraîne une altération définitive des néovaisseaux et des couches rétiniennes sus-jacentes. Les photorécepteurs sont détruits.

Thérapie photodynamique et vertéporfine

La thérapie photodynamique permet de traiter certaines membranes néovasculaires rétrofovéolaires dans la DMLA. La vertéporfine (Visudyne) est une molécule lipophile photosensible qui se fixe préférentiellement sur les cellules endothéliales choroïdiennes en voie de réplication active.

- Mode d'utilisation

Elle est efficace à la dose de 6 mg/m2 et s'injecte après dilution par perfusion intraveineuse d'une dizaine de minutes. La deuxième étape a lieu 15 minutes après le début de l'injection et consiste à activer la molécule par la lumière d'un laser diode. Le rayon laser est focalisé sur la lésion néovasculaire à l'aide d'un verre de contact. Cette lumière rouge non thermique, d'une longueur d'onde de 689 nm, est appliquée pendant 83 secondes.

- Mécanisme d'action

Le noyau porphyrique de la vertéporfine activé par le laser forme des radicaux libres réactifs qui entraînent des dommages cellulaires et vasculaires localisés aboutissant à l'oblitération des néovaisseaux choroïdiens. Les récidives fréquentes entraînent des traitements itératifs limités à quatre par an.

- Indications

Pour respecter les couches rétiniennes sous-jacentes et la fonction des photorécepteurs, cette technique est indiquée dans les membranes néovasculaires choroïdiennes rétrofovéolaires visibles et, depuis peu, sur les membranes occultes en évolution. L'objectif est de stabiliser la vision centrale donc l'acuité visuelle.

- Prise en charge

La vertéporfine est prise en charge à 100 % en tant que médicament d'exception pour les patients ayant une acuité visuelle initiale supérieure ou égale à 1/10 sur leur oeil atteint. Elle ne peut être prescrite que par un ophtalmologiste.

- Précautions à prendre

Les patients restent photosensibles pendant 48 heures après l'injection, ils doivent éviter toute exposition oculaire ou cutanée solaire directe.

Thermothérapie transpupillaire

Ce traitement récent est en évaluation. Il consiste à irradier le fond d'oeil à l'aide d'un faisceau laser focalisé sur la membrane néovasculaire et à provoquer une augmentation locale de la température. Il est parfois réalisé sur des néovaisseaux rétrofovéolaires n'entrant pas dans les indications de la vertéporfine. Son efficacité dans le traitement des DMLA exsudatives est de plus en plus contestée.

VITRECTOMIE

Cette technique chirurgicale consiste à retirer le vitré qui comble l'espace compris entre le cristallin et la rétine. Cette intervention, réalisée sous microscope, au bloc opératoire, sous anesthésie générale ou locorégionale, permet de rétablir la transparence des milieux, de peler les proliférations fibrovasculaires et de réaliser une photocoagulation panrétinienne peropératoire par endolaser.

Les indications majeures dans la rétinopathie diabétique sont :

- l'hémorragie intravitréenne persistante, empêchant une photocoagulation panrétinienne ;

- le décollement de rétine.

La vitrectomie est intéressante dans l'oedème maculaire diabétique réfractaire au traitement laser. En effet, le vitré est parfois à l'origine de tractions sur la rétine maculaire, ce qui favorise la rupture des barrières hématorétiniennes.

TRIAMCINOLONE

La forme injectable de triamcinolone acétonide (Kenacort Retard) est utilisée hors AMM par voie intravitréenne notamment.

- Intérêt

L'efficacité a été montrée sur des oedèmes maculaires diabétiques réfractaires au traitement laser (diminution significative de l'oedème et amélioration de l'acuité visuelle). L'action est éphémère et la récidive est fréquente entre 4 et 6 mois après l'injection. Des injections itératives sont possibles mais exposent aux complications des corticostéroïdes topiques (hypertonie oculaire et cataracte). Le passage systémique semble peu important.

- Mécanisme d'action

Il s'expliquerait par l'action antiangiogénique de la triamcinolone en plus de l'action anti-inflammatoire.

- Mode opératoire

L'injection intravitréenne, réalisée au bloc dans des conditions d'asepsie stricte et sous anesthésie de surface, est intéressante car la molécule est injectée directement à son site d'action. Cela expose néanmoins à une endophtalmie, dont le risque principal est la cécité.

COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES

L'étude « Age-related Eye Disease Study Research Group », menée aux Etats-Unis sur près de 3 640 patients, a montré le rôle préventif de ces compléments (à des doses très supérieures aux apports journaliers habituels) aux stades précoces de DMLA. L'association de vitamines antioxydantes (C et E), de caroténoïdes (bêtacarotène) et d'oligoéléments (zinc et cuivre) réduit de 25 % l'évolution des lésions maculaires ainsi que la perte d'acuité visuelle chez les patients dont au moins un oeil est atteint d'une DMLA évoluée. Les doses quotidiennes adéquates sont de 400 UI pour la vitamine E, 500 mg pour la vitamine C et 15 mg pour le bêtacarotène. Il n'y a pas actuellement de consensus sur la durée de la complémentation.

Ces compléments alimentaires semblent diminuer l'effet du stress oxydatif sur le tissu rétinien. Cependant, le bêtacarotène est contre-indiqué pour les patients tabagiques, chez lesquels il augmente l'incidence des cancers bronchiques. Plus récemment, l'essai « Lutein Antioxidant Supplementation Trial » a montré l'intérêt des produits contenant d'autres caroténoïdes : la lutéine et la zéaxanthine. Ces molécules antioxydantes composent la majeure partie du pigment maculaire et réduisent la quantité de lumière bleue toxique reçue par les photorécepteurs de la fovéa. Elles pourraient être utilisées en remplacement du bêtacarotène.

RÉÉDUCATION BASSE VISION

Cette prise en charge fonctionnelle est associée à la prise en charge thérapeutique et médicale. Elle développe une nouvelle stratégie du regard adaptée aux besoins des patients atteints d'une DMLA évoluée, qui présentent des troubles du champ visuel central très handicapants. Un orthoptiste, un ergothérapeute et un psychomotricien utilisent la rééducation basse vision autour d'un nouveau point de fixation rétinien excentré. La rééducation peut être optimisée par des éclairages, des verres filtrants ou des aides visuelles optiques (loupes, systèmes télescopiques, vidéoloupes...). Des schémas perceptivocognitifs et des représentations mentales nouveaux doivent se mettre en place.

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

L'exploration des mécanismes de signalisation cellulaires devrait permettre à terme d'identifier les facteurs et récepteurs clés et de développer les approches thérapeutiques correspondantes.

Une vingtaine de facteurs liés à l'angiogenèse a d'ores et déjà été identifiée parmi lesquels le VEGF (vascular endothelial growth factor) est une piste prometteuse.

L'approche anti-VEGF

Le VEGF est un facteur de croissance vasculaire.

L'ischémie tissulaire entraîne la production de VEGF, ce qui déclenche le signal angiogénique avec libération de facteurs inflammatoires. Ce signal induit la production par les cellules vasculaires endothéliales de protéinases qui permettent la migration des cellules endothéliales vers l'origine du signal angiogénique. Cette migration se fait par l'intermédiaire de molécules d'adhésion transmembranaires, les intégrines. Les cellules endothéliales prolifèrent pour former des néovaisseaux. Les capillaires émanant des artérioles et des veinules vont se rejoindre pour former des anastomoses. Au dernier stade de l'angiogenèse, une lumière endothéliale se forme dans le capillaire permettant le passage du sang.

La régulation de l'angiogenèse est un équilibre fragile entre les facteurs qui induisent la naissance de nouveaux vaisseaux et ceux qui inhibent ce processus.

Après mise en évidence du rôle du VEGF dans l'angiogenèse oculaire, plusieurs stratégies thérapeutiques ont été imaginées pour bloquer le(s) mécanisme(s) d'action du VEGF dans la néovascularisation des tissus de l'arrière de l'oeil (inactivation du VEGF, blocage de sa synthèse, blocage de ses récepteurs).

-#gt; Un premier produit vient d'être mis sur le marché aux Etats-Unis : Macugen (pegaptanib, aptamer anti-VEGF). L'oligonucléotide aptamer se couple au VEGF, empêchant ainsi son activation et sa liaison au récepteur. L'administration de Macugen est réalisée toutes les 6 semaines par voie intravitréenne et permet de ralentir la progression de la dégénérescence maculaire et la baisse de l'acuité visuelle. Des protocoles de combinaison avec la photothérapie dynamique (Visudyne) ont montré leur efficacité.

Les injections intravitréennes peuvent conduire à des effets secondaires sévères (moins de 1 % des cas) liés à la procédure d'injection : cataractes, endophtalmies et décollements rétiniens. Les effets secondaires le plus fréquemment rapportés sont une altération de la vision, une inflammation de la chambre antérieure, une hémorragie conjonctivale, un oedème de la cornée, une douleur oculaire, une augmentation de la pression oculaire, une opacification du vitré. Macugen est contre-indiqué chez les patients présentant des infections oculaires ou périoculaires (risque accru d'endophtalmie).

-#gt; Un second produit (en phase III) est le Lucentis (rhuFab ou ranibizumab). Ce fragment d'anticorps monoclonal inactive également l'action du VEGF.

-#gt; L'activité antiangiogénique de certains corticoïdes (inhibition de la migration des cellules endothéliales et de leur prolifération en aval du signal VEGF) a été mise en évidence et plusieurs produits sont en cours de développement pharmaceutique : Retaane (acétate d'anecortave ; injection juxtasclérale postérieure ; phase III) ou du lactate de squalamine (phase III, injections intravitréennes).

-#gt; D'autres développements plus précoces mettent en jeu différentes stratégies thérapeutiques. Les pistes comportent par exemple les inhibiteurs des métalloprotéinases et les inhibiteurs des intégrines.

-#gt; La compréhension des mécanismes initiaux (en amont du VEGF) tels que l'installation de l'ischémie est la clé d'une prise en charge optimale des rétinopathies.

Les voies d'administration

Un second challenge concerne les approches galéniques de délivrance des molécules. En effet, les cibles thérapeutiques sont situées à l'arrière de l'oeil, au niveau de la rétine et de la choroïde, tissus difficiles d'accès. La survenue d'effets secondaires généraux (HTA) proscrit souvent l'utilisation des voies systémiques pour atteindre ces tissus.

L'administration par voie oculaire peut être réalisée par des méthodes non invasives ou invasives.

-#gt; Les méthodes invasives correspondent aux voies intravitréennes et périoculaires (injection juxtasclérale postérieure). Ces injections se font dans le vitrée ou autour du globe oculaire, permettant la diffusion du principe actif vers les tissus-cibles. De manière à limiter le nombre d'injections (risques d'endophtalmie), les formes à libération prolongée ou les implants biodégradables sont préférables. L'injection de formes conventionnelles permet toutefois de traiter les cas de rétinopathies aiguës (oedème maculaire).

-#gt; Les méthodes non invasives correspondent à une administration topique à la surface de l'oeil de produits tels que des collyres. Celles-ci seraient préférables aux méthodes invasives mais leur utilisation est actuellement quasi impossible compte tenu de la très faible absorption oculaire des principes actifs après instillation. Des méthodes d'iontophorèse ou l'utilisation d'émulsions cationiques sont à l'essai. Elles permettraient d'améliorer de façon importante l'absorption et la diffusion des produits dans les tissus oculaires.

Par Jean-Sébastien Garrigue, pharmacien, et le Dr Antoine Curan, ophtalmologiste

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

Le Dr Eric Souïed, ophtalmologiste, est praticien hospitalier à l'hôpital intercommunal de Créteil (94) et président de l'association DMLA.

« Un fond d'oeil annuel est impératif à partir de 55 ans »

Quand conseiller les compléments alimentaires à visée oculaire ?

Avant tout, le premier rôle que doit jouer le pharmacien est de responsabiliser les patients sur la santé de leurs yeux. Il faut dire aux personnes de plus de 55 ans de réaliser un fond d'oeil tous les ans. Si l'on a en face de soi quelqu'un qui a des antécédents familiaux de DMLA, qui a beaucoup fumé ou est en surcharge pondérale, il faut conseiller une alimentation riche en poissons, fruits et légumes. A partir de 55 ans, on peut aussi proposer une prévention « minimale » : soit de la lutéine seule (10 à 20 mg par jour), soit des oméga-3, en particulier du DHA. Si le patient a une DMLA débutante avec des signes précurseurs comme les Drusen, une association antioxydante de bêtacarotène, vitamines C, E et zinc, à des doses conformes à celles de l'étude « Age-related Eye Disease Study Research Group », est indiquée. Chez les fumeurs, compte tenu des risques du bêtacarotène, mieux vaut choisir une formule qui en est dépourvue ou qui le remplace par de la lutéine.

Si le premier oeil est déjà atteint, préserver le second est une priorité. Les antioxydants sont alors épaulés par du DHA en cas de néovascularisation du premier oeil et de la lutéine si la macula du premier oeil est atrophiée.

Dr Eric Souïed, ophtalmologiste, interrogé par Laurent Lefort

CONSEILS AUX PATIENTS

Repérer les premiers signes

- Pour la DMLA

-#gt; Toute personne se plaignant de troubles de la vue (baisse de l'acuité visuelle, distorsion des lignes droites, sensation d'éclairage insuffisant, pages jaunies, images floues ou déformées) doit consulter. En début de maladie, l'oeil sain compense la déficience de l'oeil atteint car les anomalies sont d'abord unilatérales. Le patient ne s'inquiète pas de ces signes et les attribue au seul vieillissement.

-#gt; Tout patient de plus de 50 ans ou ayant une prédisposition génétique (antécédents familiaux de DMLA) doit être surveillé car seul l'examen du fond d'oeil met en évidence les premiers signes, avant même l'apparition des symptômes.

- Pour la rétinopathie diabétique

Cette complication évolue lentement et reste longtemps asymptomatique avant la baisse de l'acuité visuelle. Le suivi ophtalmologique annuel avec examen du fond d'oeil de tout patient diabétique est capital.

Au cours de l'adolescence et de la grossesse, le risque de progression de la rétinopathie augmente et justifie une surveillance plus fréquente (une fois par mois pendant la grossesse ou par trimestre entre 13 et 18 ans).

Prévenir la DMLA

-#gt; Ne pas s'exposer excessivement au soleil et porter des lunettes protectrices.

-#gt; Ne pas fumer : le tabac augmente les radicaux libres et diminue les défenses antioxydantes. Or, les antioxydants jouent un rôle dans la prévention des pathologies liées au vieillissement oculaire telles que la DMLA. Le risque de DMLA est multiplié par 5 chez les fumeurs par rapport aux personnes n'ayant jamais fumé.

-#gt; Conseiller une alimentation abondante en fruits et légumes riches en vitamine C et caroténoïdes (en particulier la zéaxanthine et la lutéine) comme les choux ou les épinards, en poisson gras (riches en oméga-3), et préférer les matières grasses végétales riches en vitamine E.

Prévenir les effets indésirables de Visudyne

En effet, ces patients sont très photosensibles pendant les 48 heures qui suivent le traitement.

-#gt; Ne pas exposer sa peau et ses yeux au soleil ou aux lumières d'intérieur fortes (salons de bronzage, halogènes).

-#gt; Privilégier les lumières d'intérieur de faible niveau sans pour autant rester dans l'obscurité. S'exposer progressivement à la lumière ambiante pour accélérer l'élimination du produit.

-#gt; Regarder la télévision ne présente pas de risque.

-#gt; Porter des lunettes noires, des vêtements couvrant les bras et les jambes en cas de sortie. Les protections solaires topiques ne protègent pas contre les réactions de photosensibilité.

-#gt; Reporter les visites de suivi dentaire ou hospitalier à cause des lumières intenses des salles de soins (risque de nécrose des tissus).

-#gt; Eviter la prise simultanée de médicaments photosensibilisants : tétracyclines, griséofulvine, sulfamides, phénothiazines, antidiabétiques oraux, diurétiques thiazidiques.

-#gt; Ne pas conduire en cas de baisse de l'acuité visuelle ou d'altération du champ visuel.

-#gt; Inciter les patients à porter un bracelet ou une carte de traitement indiquant leur photosensibilité en cas de chirurgie d'urgence car les soins devront être effectués avec une lumière de faible intensité.

Organiser le quotidien

-#gt; Conseiller une rééducation par un orthoptiste (sur prescription d'un ophtalmologiste).

La rééducation de la déficience visuelle permet aux malvoyants d'utiliser leurs possibilités visuelles, avec ou sans aide optique. Proposée rapidement, elle améliore les chances de réadaptation et permet de retrouver un maximum d'autonomie. Les besoins sont identifiés de façon personnalisée et l'apprentissage de nouvelles compétences est spécifique à chacun : réorganisation du quotidien (apprendre à identifier les objets, apprécier les distances, améliorer la précision de ses gestes, utiliser ses perceptions corporelles), aménagement du poste de travail, réorganisation du lieu de vie (disposition des objets, lumières), bonne utilisation des aides optiques.

-#gt; Ne pas négliger les aides visuelles : les loupes (à main, à poser, éclairantes, à adapter sur les lunettes), les monoculaires (pour lire un panneau dans la rue), les systèmes microscopiques (sous forme de lunettes en verre complets ou demi-lunes), les machines à lire (numérisation et restitution en synthèse vocale de documents scannés).

-#gt; Pour la DMLA, bien se protéger de la lumière est une priorité. Le port de verres filtrants les UV et la lumière bleue permet de compenser très efficacement les agressions lumineuses.

Ces verres sont réalisés sur mesure par un opticien, dans des teintes le plus souvent jaunes ou orangées et peuvent être portés toute la journée. Une monture à branches larges permet de protéger des agressions mécaniques (poussières, vent...).

Par Laurence Viel, pharmacienne

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Association DMLA

26, rue Pasteur, 92380 Garches - n° Vert : 0 800 880 660 -http://www.ophtalmo.net/dmla

L'association DMLA regroupe des ophtalmologistes, des infirmières, des orthoptistes, des scientifiques et des patients.

Quatre missions l'animent : informer le grand public ; écouter, soutenir et aider les patients ; créer un réseau de professionnels de santé ; aider la recherche médicale contre la DMLA. En partenariat avec le Syndicat national des ophtalmologistes de France, l'association travaille sur la mise en place d'un dépistage systématique de la DMLA dans la population française de plus de 55 ans.

Rétina France

BP 62, 31771 Colomiers Cedex - n° Azur : 0810 30 20 50 -http://www.retina-france.asso.fr

Cette association lutte pour vaincre les maladies de la vue et aider les déficients visuels. Elle informe sur les principaux axes de recherche en ophtalmologie et les résultats obtenus. Elle édite une revue d'informations médicales, sociales et pratiques (« Le Rétino ») et est à l'origine de diverses manifestations dont les concerts « Mille choeurs pour un regard ».

SOS-Rétinite

276, impasse de la Baume, 34000 Montpellier - tél. : 04 67 65 06 28 - fax : 04 67 22 43 47 - http://www.sos-retinite.com

Lieu de rencontre entre les malades, leur famille et les scientifiques, l'association s'intéresse plus particulièrement à deux maladies : la dégénérescence maculaire liée à l'âge et la rétinite pigmentaire. Des documents complets et synthétiques sont en ligne. Le site est adapté aux malvoyants (choix de la taille des caractères).

INTERNET

Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA)

http://www.afssa.fr

L'AFSSA a rendu un avis sur la lutéine le 23 janvier 2004. Elle estime que les allégations « la lutéine contribue à protéger la rétine et le cristallin de l'oxydation » et « la lutéine est un des constituants de la rétine et du cristallin » sont scientifiquement justifiées.

Le div complet de l'avis est disponible en ligne (saisine n° 2003-SA-0205).

LIVRES

DMLA, guide à l'usage des patients et de leur entourage, édition 2004

Dr Salomon-Yves Cohen, Dr Thomas Desmettre, éditions Bash

Ce guide destiné est grand public est suffisamment pratique et complet pour faire partie de la bibliothèque de l'officine. La troisième édition fait une mise au point sur les derniers traitements. Elle est aussi un bon moyen de répondre aux questions des patients atteints par la DMLA.

La rétine en détail

La rétine se compose de neurones et de photorécepteurs sous forme de cônes et de bâtonnets. Elle se subdivise en trois zones : la région péripapillaire autour du nerf optique, la région maculaire et la région périphérique. La macula (macula lutea ou « tache jaune ») n'occupe que 2 à 3 % de la surface de la rétine mais transmet 90 % de l'information visuelle. Ceci s'explique par sa position centrale, en plein dans l'axe optique de l'oeil. C'est sur la macula que se forme l'image de l'objet regardé. Sa richesse en cellules visuelles (cônes) lui permet de percevoir les détails fins et les couleurs. Le centre de la macula s'appelle la fovéa. Les bâtonnets assurent la vision nocturne.

Autres rétinopathies

Il existe de nombreuses autres étiologies à l'origine d'atteintes rétiniennes. On peut citer, à titre non exhaustif, les pathologies vasculaires (occlusions de l'artère ou de la veine centrale de la rétine...), inflammatoires (sarcoïdose, maladie de Behçet, sclérose en plaques...), infectieuses (toxoplasmose, toxocarose, herpès, Cytomégalovirus, tuberculose...), tumorales (au niveau de la choroïde), héréditaires (maladie de Stargardt, rétinite pigmentaire, maladie de Best...), toxiques (antipaludéens de synthèse, vigabatrine...).

Le fond d'oeil en pratique

Le fond d'oeil permet d'observer la rétine, ses vaisseaux et la naissance du nerf optique. Avant l'examen, la pupille est dilatée. L'effet du collyre mydriatique se prolonge pendant une à deux heures. L'examen n'est pas douloureux mais entraîne une gêne visuelle. Il est hors de question de conduire juste après. Porter des lunettes de soleil.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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