Le monopole craque côté plantes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2585 du 04/06/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2585 du 04/06/2005
 

COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES

Actualité

L'événement

Dans un projet de décret dont « Le Moniteur » a eu copie, la DGS propose de favoriser la sortie du monopole des plantes inscrites à la « Pharmacopée ». Les compléments alimentaires contenant des plantes du monopole pourraient elles aussi en sortir...

Le div, rédigé par le chef du service politique de santé de la Direction générale de la santé (DGS) et adressé aux présidents des agences de sécurité sanitaire, apporte des modifications sur trois points. Alors qu'aujourd'hui le nombre de plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée pouvant être vendues hors de l'officine se limite à 34 (depuis 1979) (1), le projet de décret stipule que toute plante ou partie de plante inscrite à la Pharmacopée peut être sortie du monopole pharmaceutique sur simple arrêté interministériel (Santé, Consommation, Agriculture). « Afin de simplifier la gestion de cette liste de plantes, il est proposé de reporter la liste à un arrêté et de l'étendre à d'autres plantes médicinales inscrite à la Pharmacopée d'usage alimentaire et condimentaire courant », commente la DGS.

Ensuite, un article du Code de la santé publique (CSP), qui interdit, à quelques exceptions près, de mélanger ces plantes entre elles, doit être modifié pour leur permettre d'être incluses dans un complément alimentaire « en l'état ou sous forme de préparations » (2).

Enfin, il est prévu qu'un autre décret, spécialement dédié aux compléments alimentaires, listera les plantes médicinales qui pourront y être intégrées. Et c'est celui-ci qui primera. Ainsi, les plantes médicinales réservées au monopole pharmaceutique par l'Afssaps pourraient obtenir une autorisation pour être intégrées dans des compléments alimentaires vendables en dehors de l'officine.

La DGCCRF en embuscade.

L'histoire ne dit pas qui sera chargé de ces autorisations. Mais peut-être n'est-ce pas nécessaire. Après tout, une administration se charge déjà aujourd'hui de maintenir à jour la liste positive des produits qui sont légalement considérés comme aliments et condiments : la DGCCRF... Inutile de dire que cette dernière, vu son amour pour le monopole pharmaceutique, ne mettra aucun zèle à y maintenir des plantes (et encore moins des compléments alimentaires).

Nous voilà donc dans une situation où l'administration de la Santé prend acte que « le monopole pharmaceutique en matière de vente de plantes médicinales n'est pas respecté, donnant lieu à un contentieux important devant les tribunaux, notamment en matière de compléments alimentaires », et propose de changer les divs pour rendre la situation actuelle réglementaire. Objectif : préciser « l'articulation entre la réglementation relative aux plantes médicinales et celle relative aux compléments alimentaires, qui relève du Code de la consommation ».

Heureusement, les futurs arrêtés interministériels sortant des plantes du monopole seront pris sur proposition de l'Afssaps et « sans préjudice à la réglementation applicable à ces plantes ». Ce qui, selon la DGS, « permet de répondre à l'inquiétude selon laquelle le div risque d'être interprété comme un feu vert à la commercialisation de compléments alimentaires à base de plantes médicinales sans qu'il soit nécessaire de respecter les autres réglementations ». Le projet prévoit aussi que les plantes médicinales et leurs préparations dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu ne pourront être utilisées dans des compléments alimentaires.

En décodant l'enchevêtrement de ces projets de divs et des volontés de l'administration, on voit ainsi se dessiner trois catégories de plantes médicinales : celles qui seront considérées comme médicaments et vendues dans les pharmacies uniquement, celles qui dérogeront au monopole sur décision de l'Afssaps (à condition de ne pas être mélangées), et la liste des plantes qui seront autorisées dans des compléments alimentaires donc vendables partout. Sauf à ce que la DGCCRF arrive à exclure ces derniers des officines. Pour elle, les compléments alimentaires sont des aliments, catégorie de produits que l'officine ne peut vendre, tandis que l'administration de la Santé considère, elle, qu'il s'agit de produits diététiques.

145 plantes vendables sans garantie pharmaceutique.

Il y a un an déjà, l'Afssaps révélait que sur 454 plantes médicinales utilisées dans l'allopathie et étudiées depuis 2000, une centaine étaient considérées sans emploi : restaient 335 plantes dont 110 considérées comme ayant un rapport bénéfice/risque négatif, donc déconseillées, et 145 vendables sans garantie pharmaceutique. Alors s'agit-il d'une voie d'eau pour l'officine ou d'une microfissure ? Si l'on ne parle que de plantes médicinales, l'émotion ne submergera peut-être pas le giron officinal. Mais si l'on observe la manoeuvre sous l'angle des compléments alimentaires, avec les multiples allégations santé qui vont avec, l'enjeu est tout autre.

L'Ordre a réagi à ce projet en écrivant aux pouvoirs publics. Il est vrai que la question notamment des contrôles et de la sécurité se pose : n'a-t-on pas vu la badiane de Chine trôner sur les marchés alors même que l'officine se l'était vu interdire par l'Afssaps ? Et qu'en sera-t-il pour les produits faisant l'objet d'une alerte sanitaire ? L'Ordre sera-t-il écouté ? Il s'était déjà adressé aux pouvoirs publics sur ce sujet il y a quelques années... et ceux-ci n'en avaient tenu aucun compte.

Aux pharmaciens de faire le tri.

« Tout cela n'est pas bon, commente Claude Japhet. Le raisonnement qui consiste à dire qu'un produit inscrit à la Pharmacopée est un médicament tombe ici de fait. » En effet, ce produit pourra être inclus dans des compléments alimentaires et vendu hors de l'officine, même si le président de l'UNPF constate qu'une quantité de plantes sont déjà vendues hors des pharmacies, malgré les divs en vigueur. « Ce type de div est inéluctable », commente, fataliste, Loïc Bureau, pharmacochimiste, expert dans le cadre de contentieux sur les produits frontière, rappelant que le plus délicat reste à venir avec le futur décret sur les compléments alimentaires. Cependant, quelle que soit la teneur des divs, les pharmaciens ont peut-être encore les moyens de justifier à l'avenir la vigilance de l'administration quant aux circuits de distribution des compléments alimentaires et aux plantes médicinales qu'elles contiennent : en lui prouvant qu'ils apportent une réelle valeur ajoutée dans ce domaine et en commençant par faire le tri dans leur propre référencement.

(1) Art. D. 4211-11 du CSP.

(2) Futur art. D. 4211-12 du CSP.

A retenir

- simple arrÉtÉ

Alors que le nombre de plantes médicinales pouvant être vendues hors de l'officine se limite à 34, le projet de décret de la DGS stipule que toute plante ou partie de plante inscrite à la Pharmacopée peut être sortie du monopole pharmaceutique sur simple arrêté.

- primauté

Un autre décret, spécialement dédié aux compléments alimentaires, listera les plantes médicinales qui pourront y être intégrées. Et c'est celui-ci qui primera.

- menace

La vente en officine de compléments alimentaires pourrait à terme être en jeu.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !