Pas si net... - Le Moniteur des Pharmacies n° 2582 du 14/05/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2582 du 14/05/2005
 

VENTE PAR CORRESPONDANCE DE MÉDICAMENTS

Actualité

L'événement

L'arrêt Doc Morris, relatif à la VPC de médicaments, donne lieu à des interprétations contradictoires. Notamment par certains juristes qui y voient une faille menaçant le monopole. Dans ce contexte, pourtant, le projet de portail Internet de l'Ordre tarde. Les Allemands, eux, se sont organisés. Et ça marche.

Il y a un an, pour répondre aux velléités de multiples officinaux l'interrogeant suite à l'arrêt Doc Morris de décembre 2003, l'Ordre présentait un projet de portail Internet. La demande se fait aujourd'hui beaucoup moins pressante et l'Ordre paraît moins pressé. « Nous donnerons notre position dans les mois qui viennent », assure cependant Isabelle Adenot, présidente du conseil central A, admettant que d'autres projets se sont avérés plus prioritaires. Et puis, « plus on avance dans les études juridiques, plus on doit rectifier le tir sur certains points vis-à-vis de la CNIL, de la DGCCRF, etc. Or un projet émanant de l'Ordre se doit d'être irréprochable ».

Cependant, le sujet de la VPC de médicaments par Internet reste bel et bien d'actualité si l'on en croit les propos récents de Thierry Dugast, avocat au cabinet Courtois-Lebel, spécialisé dans le médicament et plus spécifiquement la défense de laboratoires.

Une certitude : l'arrêt Doc Morris a dit pour droit qu'un Etat ne pouvait empêcher la VPC de médicaments non prescrits et l'Europe admet l'interdiction de la publicité pour des médicaments remboursables. Pour le reste, l'arrêt Doc Morris semble soumis à interprétations. En effet, à la lecture du même arrêt, deux juristes tiennent des affirmations opposées !

Un arrêt, deux lectures.

D'un côté, le Pr Eric Fouassier, juriste de l'Ordre, estime que le div renforce le monopole des pharmacies et que, de toute façon, la vente de médicaments par Internet devrait être adossée à une pharmacie physique (1). D'un autre côté, Thierry Dugast, qui soutient l'inverse sur ces deux points cruciaux ! Il va même jusqu'à affirmer que cette vente ne saurait être réservée aux pharmacies d'officine, mais qu'« une structure ad hoc disposant d'un pharmacien responsable pourrait très bien vendre du médicament par Internet ». « Il n'y a pas de monopole des pharmacies mais un monopole des pharmaciens, affirme Thierry Dugast. En fait, le seul obstacle concret pour monter une telle structure serait l'inscription au tableau de l'Ordre [NdlR : dans quelle section ?...]. Barrière discutable au regard de Doc Morris. » A ses yeux, même les velléités des parlementaires de s'opposer à toute vente de médicaments par Internet en France (2) ne tiennent pas la route vis-à-vis de la jurisprudence européenne. Positions évidemment réfutées par Eric Fouassier : « On peut tirer des enseignements de cet arrêt, mais on part déjà d'une situation non applicable à la France. Et le commentaire de cet avocat pèche notamment sur la déconnexion entre le site Internet et l'existence d'une officine physique. »

S'inspirer de Aponet.de.

« L'arrêt Doc Morris soulève au moins autant de questions qu'il n'apporte de réponses », commentait cependant Eric Fouassier il y a un an. Chacun semble en effet y trouver ses propres réponses. Il faudra donc certainement un nouvel arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes pour éclaircir les choses. Reste à savoir si le bras de fer juridique tenterait quelqu'un en France.

Thierry Dugast affirme qu'il n'y a aucune « commande » derrière ses publications iconoclastes sur l'arrêt Doc Morris. « Mais on n'est pas loin de voir une chaîne de distribution mettre en place une structure ad hoc, avec un pharmacien responsable, pour se mettre sur ce marché, analyse-t-il. Les pharmaciens devraient s'organiser. Ce n'est pas parce qu'il y a une distribution par des pharmacies via Internet que des officines vont disparaître. »

De fait, en Allemagne, le portail créé par les instances de la pharmacie semble couper l'herbe sous le pied de Doc Morris (voir ci-dessous). Son équivalent en France pourrait être un pare-feu contre une future menace.

Et si un titulaire français souhaitait dès maintenant vendre du non-prescrit non remboursable via un site adossé à son officine ? « On lui mettrait des bâtons dans les roues, sous réserve d'une analyse juridique pointue, admet isabelle Adenot. Pour l'instant, le cas ne s'est pas présenté. »

(1) Voir son argumentation, largement développée dans le « Bulletin de l'Ordre » de mars 2004. (2) Rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques de février 2005.

Aponet.de : une victoire contre Doc Morris

La présidente de la section A, Isabelle Adenot, s'était rendue en Allemagne pour étudier la mise en place du portail pharmaceutique élaboré par l'ABDA (la fédération syndicale des pharmaciens allemands). Elle a bien fait : la contre-offensive lancée via http://www.aponet.de est parvenue à endiguer la VPC : la part de marché stagne en dessous de 1 % et, selon le ministère de la Santé, seuls deux pour mille des médicaments remboursés sont commercialisés sur la Toile.

Depuis le 1er janvier 2004, tout pharmacien exerçant sur le sol allemand est autorisé à vendre par Internet. 1 200 pharmaciens détiennent aujourd'hui une licence de VPC mais la majorité d'entre eux préfère utiliser la Toile pour la commande et la livraison à domicile. 12 000 officines sur 21 300 disposent d'une adresse Internet et l'utilisent pour la commande de médicaments, leur publicité et les services aux clients (conseils, gardes...). Un quart proposent ainsi un portage à domicile, représentant 180 000 portages quotidiens. A tel point qu'il n'est pas rare de voir les rues sillonnées par des voitures électriques à l'enseigne d'une pharmacie. « Nous avons été approchés par un concessionnaire Smart qui nous a proposé un contrat de véhicules siglés "http://www.aponet.de", mais nous préférons laisser nos membres libres de leur choix », rapporte une responsable de l'ABDA.

Cependant, Internet et le portage à domicile sont davantage considérés comme un moyen de fidélisation que comme source de revenu. Ces deux services contribuent à renforcer l'image de conseil des pharmaciens. Il faut dire qu'ils ont indirectement reçu l'appui des médias allemands. En février, la Stiftung Warentest (l'équivalent de l'UFC-Que choisir) a jugé « insuffisantes » plus de la moitié des officines virtuelles (délais, erreurs de livraison, absence de conseil). La première chaîne de télévision publique a renchéri en affirmant que dans 60 % des cas les tarifs pratiqués étaient plus élevés que ceux de la pharmacie du coin.

Marie Luginsland

WWW.APONET.DE : MODE D'EMPLOI

10 200 officines allemandes sont accessibles via le portail de l'ABDA. 4 000 ont utilisé les outils mis à disposition pour concevoir leur propre page Internet. L'utilisateur tape son code postal pour obtenir la liste des officines locales (et des officines de garde), dotée des sigles « commandes par Internet » et « portage à domicile ». Le client est renvoyé en un clic sur la page Internet de l'officine choisie. Après avoir indiqué son code, il peut passer sa commande et spécifier s'il passera prendre ses produits ou s'il opte pour le portage à domicile gratuit.

A retenir

- arrêt doc morris Les interprétations de l'arrêt varient du tout au tout quant au fait qu'il renforce ou au contraire entaille le monopole des officines.

- le projet français de portail Internet, annoncé par l'Ordre il y a un an, ne semble plus aussi prioritaire et des obstacles juridiques restent à franchir.

- selon isabelle adenot, ce projet reste identique sur le fond à celui présenté l'an dernier. Il s'agissait d'un portail ouvert à tous les pharmaciens fournissant de l'information de santé et permettant la commande de médicaments non prescrits et non remboursables (voir « Le Moniteur » n° 2535).

- Aponet.de Le portail créé par les pharmaciens allemands pour contrer la pharmacie virtuelle Doc Morris apparaît comme une grande réussite.

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