Ordonnancement !

Une des solutions proposées pour éviter les erreurs de délivrance tombe sous le sens : combattre les erreur là où elle se terrent, les noter et en parler. « Nous avons un carnet où nous consignons toutes les erreurs de délivrance. En un an, cela nous a permis d'en détecter quatre. Auparavant nous marquions ces observations ici ou là. Mais j'ai deux assistantes très dynamiques avec lesquelles nous avons entamé une démarche qualité. Le report des erreurs en fait partie, témoigne Marie-Christine Moreau-Lejeune, de la Pharmacie du Dauphin à Lyon. Le tout est de comprendre le pourquoi de l'erreur. Nous ne faisons pas de double contrôle des ordonnances, mais on s'aide beaucoup entre nous. » Avec « seulement » quatre pharmaciens et deux préparateurs, la communication est aisée.

Changement d'échelle : la Pharmacie de l'Europe, à Paris, a institué le recueil des erreurs et le double contrôle des ordonnances il y a trois ans. Non sans quelques heurts parmi l'équipe, qui compte une trentaine de personnes. Un des titulaires témoigne : « Nous avons considéré que c'était un plus, même si au début nous avons eu du mal à le faire passer au niveau du personnel, car certains prenaient cela comme une intrusion dans leur travail. Mais en deux ou trois mois, c'était accepté. Tout le monde est vérifié par tout le monde, moi comme les autres. Cela permet de parler de l'ordonnance, de tiquer sur un dosage bizarre par exemple. Franchement, même moi je n'étais pas trop pour, mais à l'usage, c'est très bien. »

Doubler les contrôles.

Deux fois plus sûr ? Effectivement, dans le ballet affairé des pharmaciens et des préparateurs, on voit le double contrôle s'opérer discrètement au comptoir : les ordonnances glissent à droite ou à gauche pour être contresignées par le collègue à côté. « Au début c'était difficile, en particulier vis-à-vis du patient : il dépose l'ordonnance à la personne A qui va la remettre à une personne B, le temps du double contrôle. Le patient se demande alors s'il y a un problème avec son ordonnance ou pense qu'il a affaire à un pharmacien novice. Pour y remédier, nous avons tout simplement mis un affichage précisant que toute ordonnance est vérifiée deux fois. »

Pas d'erreurs possibles, donc ? Si, quelques-unes passent toujours au travers des mailles du filet. « Nous servons 800 à 1 000 clients par jour, dont 80 % d'ordonnances, 200 jours par an. Il existe certainement des erreurs dont nous ne nous rendons pas compte, mais nous n'avons eu qu'une demi-douzaine de réclamations depuis 2002, confesse un autre des titulaires de la pharmacie. Récemment, un patient est revenu parce que nous lui avions délivré une résine de contention soft au lieu d'une résine normale. On s'est trompé dans la délivrance et le médecin a procédé à la pose d'un mauvais produit... Le patient avait le poignet cassé et est revenu huit jours après, avec sa résine toute molle. Il avait une nouvelle ordonnance et nous avons procédé à l'échange. Beaucoup de bévues sont corrigées immédiatement. Sinon, il faut attendre le retour du patient ou le signalement du médecin ».

Il y a, de manière générale, une erreur véritable pour six de ces « presque erreurs », rattrapées à temps. Ces dernières se convertissant souvent en vraies erreurs, l'intérêt pour l'équipe est de les noter et d'en discuter tout comme les autres, préventivement.

Les solutions résident aussi dans des gestes plus anodins. « Je contrôle toutes les prescriptions le soir avant d'envoyer les factures à la caisse primaire d'assurance maladie. C'est comme ça que j'ai pu déceler quelques erreurs. Mauvaise association d'idées, rangement côte à côte dans le tiroir... On les répare au plus vite et cela n'a jamais porté à conséquence », témoigne François Leseur, pharmacien à Nancy.

Du calme et beaucoup d'attention.

Chacun a ses petits grigris : « Il faut lire attentivement, en épelant chaque lettre ou chaque syllabe (dans sa tête, bien sûr) du médicament et de sa forme galénique, du dosage, trois fois, tout en tenant le conditionnement dans la main et en regardant alternativement la prescription et le conditionnement, conseille Camille Hybois, préparateur à Lorient. Au cours de la dispensation, toute remarque du patient doit nous interpeller comme "La boîte a changé de couleur", "C'est plus cher que le mois dernier", etc. » Un collègue n'est jamais loin pour confirmer ou infirmer le déchiffrage d'une ordonnance manuscrite. Ne pas hésiter donc à solliciter de l'aide.

L'Institute for Safe Medicine Practice américain propose que les patients bénéficiant de traitements au long cours ramènent à leur pharmacien ou à leur médecin tous leurs médicaments dans un seul sac afin de relever les interactions ou les erreurs médicamenteuses. Enfin, les deux derniers conseils ne sont pas les moins importants : ne pas se laisser distraire et gérer la charge de travail. Une ou plusieurs interruptions dans le processus de délivrance double la probabilité d'erreur au final. Et attention aux « coups de feu » de la fin de journée, quand stress et fatigue s'ajoutent ! : le risque augmente proportionnellement au nombre d'ordonnances servies...