L'IGAS enfonce le clou - Le Moniteur des Pharmacies n° 2570 du 19/02/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2570 du 19/02/2005
 

CYCLAMED

Actualité

L'événement

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) le confirme : le problème des fraudes au dispositif Cyclamed est bien réel. Et le « mal est plus étendu que ce que l'on pensait de prime abord ».

Après le tourbillon médiatique déclenché par notre article sur le détournement de médicaments Cyclamed par certains pharmaciens, le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, voulait en avoir le coeur net : y avait-il, oui ou non, recyclage de médicaments et dans quelle proportion ? Dans un communiqué daté du 8 septembre, il confiait à l'IGAS « une mission de contrôle et d'inspection des pharmacies ». Son rapport, rendu public la semaine dernière, apporte au ministre une réponse sans appel : oui, il y a bien des pharmaciens qui revendent des médicaments non utilisés (MNU) rapportés par leurs clients : « Des indices évocateurs ont été découverts dans 40 pharmacies d'officine parmi les 95 qui ont fait l'objet d'investigations. » Quasiment une sur deux ! Certes, la majorité des recyclages a été découverte à la suite de signalements et de plaintes et il est donc difficile d'en tirer des conclusions statistiques. Mais, reprennent les divs, « ces résultats révèlent que le mal est plus étendu que ce que l'on pensait de prime abord [...]. Le problème des fraudes au dispositif Cyclamed est bien réel, il ne peut être négligé et doit faire l'objet de mesures de redressement urgentes ».

Dans vingt et un cas, des poursuites pénales ou disciplinaires ont été demandées par la DRASS. Entre autres anomalies, les inspecteurs ont retrouvé « des boîtes entamées, ou reconstituées avec des plaquettes relevant de lots différents et des vignettes vierges récupérées et collées sur des tableaux en vue d'une réutilisation ». Les pharmaciens mis en cause ont évoqué « le dépannage » de clients, d'amis, de membres du personnel ou leur consommation propre. « Mais les volumes importants permettent rarement de retenir cette explication », notent les limiers de l'IGAS qui, en plus des constatations visuelles, ont mené des études sur la gestion des stocks. Dans douze cas, le nombre de sorties excédait nettement le nombre d'entrées. Pour certaines spécialités, le nombre de sorties était deux à trois fois voire huit fois plus élevé... Les investigations montrent également que cinq pharmaciens intégraient des retours Cyclamed déconditionnés dans les piluliers de personnes âgées en maison de retraite.

Les retours grossistes sur la sellette. Le rapport s'attarde ensuite sur « de nouveaux types de fraudes ». Quelques pharmaciens utilisent en effet le « retour client » mis en place par les grossistes pour « blanchir » des MNU. Des médicaments Cyclamed récupérés dans une officine peuvent ainsi être revendus à une autre, à l'insu même du pharmacien.

Dans le département des Yvelines, en 2003, un malade a ainsi constaté que la seringue d'héparine préremplie qu'il avait commencé à s'injecter avait déjà été utilisée ! Il a porté plainte. Le pharmacien qui avait délivré le produit a été mis hors de cause puisqu'il a pu prouver qu'il avait commandé le médicament dès réception de l'ordonnance à un grossiste, lequel avait livré le produit qui venait de lui être renvoyé par une autre officine. A Angers, un malade qui avait commandé un Hémoccult a eu la désagréable surprise en ouvrant la boîte de le trouver déjà utilisé...

L'IGAS, pour qui ces incidents « se multiplient sur tout le territoire et ne se limitent pas à un ou deux fraudeurs isolés », remarque que les causes de retour « normales », c'est-à-dire l'erreur du grossiste, sont la minorité (4 %), alors que les retours à la demande de l'officinal représentent l'immense majorité. En filigrane, les inspecteurs dénoncent un système dans lequel le pharmacien peut commander un produit neuf, puis « renvoyer un vieux (recyclé ou de son propre stock) accompagné du bon de commande et obtenir au passage un avoir », alors que dans le même temps les grossistes ne contrôlent que le conditionnement externe des produits retournés, « en assurant que l'intérieur des boîtes n'est pas de [leur] responsabilité ».

24 % du budget de Cyclamed en communication. L'IGAS profite également de son rapport pour mettre en exergue les failles du système lui-même, comme pour faire écho aux attaques que subit le dispositif depuis des années. Comme nous l'écrivions déjà en septembre (voir Le Moniteur n° 2549), le ministère de l'Ecologie et les autres secteurs industriels souhaitent remettre en cause Cyclamed depuis des lustres pour les mêmes raisons que celles qu'évoque l'IGAS. Les inspecteurs rappellent par exemple que le taux de valorisation de Cyclamed est équivalent à un dixième de la performance d'Eco-Emballages, que Cyclamed est dépourvu d'agrément depuis avril 2004 (difficilement renouvelé auparavant) ou encore que la responsabilité des acteurs (obligation ? bénévolat ?) reste bien floue.

En matière de coûts, le rapport s'étonne que Cyclamed consacre 24 % de son budget à la communication (6,4 MEuro(s)) contre 1 % pour Eco-Emballages : soit en communication professionnelle (90 kEuro(s) pour le congrès annuel des pharmaciens, publicités dans les revues syndicales, campagne de sensibilisation réalisée par des étudiants), soit en communication externe (spots de publicité, tournées régionales avec mobilisation de la presse). L'IGAS note enfin que Cyclamed permet à l'industrie pharmaceutique d'économiser 4,2 MEuro(s) par an en cotisations qu'elle devrait verser à Eco-Emballages si Cyclamed n'existait pas, et insiste sur les disparités dans la valorisation humanitaire des MNU (l'Ordre de Malte redistribue 5 % des médicaments collectés, PHI 19 %, Terre d'Amitié 35 %), ce qui soulève d'autres questions ...

A noter

la volonté de l'ordre de refondre Cyclamed se trouve renforcée par le rapport de l'IGAS. Il y a trois mois, il préconisait la fin du tri des MNU et le recueil des médicaments, sans les emballages, dans des conteneurs verrouillés. L'initiative avait provoqué l'ire des syndicats membres de Cyclamed. « La perte d'adhésion au dispositif des représentants de l'Ordre implique une réflexion sur la gouvernance du système », écrit pourtant l'IGAS. Le ministre a par ailleurs demandé au président de l'Ordre de lui faire des propositions.

Le rapport de l'IGAS est disponible sur http://www.ladocfrancaise.gouv.fr.

Les recommandations de l'IGAS

Selon « l'entourage du ministre », une simple sécurisation du système serait envisagée : pastilles d'inviolabilité, conteneurs sécurisés en pharmacie directement accessibles aux patients, agrément plus strict pour les associations qui trient. Une hausse de la contribution financière des industriels est également évoquée. Mais Philippe Douste-Blazy lui-même n'a rien dévoilé officiellement de ses intentions dans ses interventions médiatiques (jusqu'à notre bouclage de mercredi).

Les conclusions du rapport de l'IGAS sont assez précises. Pour la sécurité sanitaire, elle recommande d'interdire la distribution des MNU et tous les retours grossiste, de prévoir une destruction systématique des médicament retournés, d'interdire le retour de produits sans dispositif d'inviolabilité ou de mettre en place un système de traçabilité individuelle des boîtes (codage unitaire).

Au plan environnemental, elle recommande de mettre fin à Cyclamed, « au vu de ses médiocres résultats » et de l'impossibilité de contrôle du système.

L'IGAS envisage plusieurs scénarios pour un nouveau dispositif :

- Scénario n° 1 : Indiquer dans l'AMM une évaluation du risque environnemental de chaque produit. « Les MNU ne faisant l'objet d'aucun signalement pourraient être jetés aux ordures ménagères [...]. Les produits toxiques pour l'environnement, qui pourraient être distingués par un label, seraient retournés aux officines et soumis au traitement approprié, généralement l'incinération. »

- Scénario n° 2 : Le dispositif Eco-Emballages absorbe Cyclamed. Les collectivités locales mettent en place des circuits de collecte spécifique (via l'officine ou non). Possibilité : « dissocier la collecte sélective des emballages et le retour au pharmacien des seuls médicaments ».

- Scénario n° 3 : Créer une filière de collecte des médicaments reposant sur les pharmaciens (les emballages pourraient être recyclés via Eco-Emballages). L'IGAS propose « l'introduction d'une obligation réglementaire de reprise par les pharmaciens », qui pourrait « consolider la légitimité de son monopole ». Selon l'IGAS, cette filière de collecte des MNU pourrait éventuellement être étendue aux DASRI (déchets d'activité de soins à risque infectieux).

L'IGAS propose enfin d'« agir en amont en responsabilisant la consommation de médicaments ». L'idée d'une « consigne » sur les boîtes de médicaments est même évoquée.

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