La tentation capitalistique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2559 du 27/11/2004
 

OFFICINE : TRANSACTIONS

Cahier spécial

L'annuel

La profession est en train de se restructurer. Bien que le nombre de mutations soit resté stable en 2003, la poussée des SEL s'accentue, faisant reculer les ventes de fonds et se multiplier les opérations patrimoniales d'apport de fonds à une société.

Sur le premier trimestre ou semestre 2004, les pharmaciens ont acquis presque autant d'officines en SEL (198) qu'en nom personnel (219) », constate Hubert Mathieu, du cabinet Anticyp. Avec le recul, on se rend compte que les SEL (1 375 à ce jour) recueillent de plus en plus les faveurs des pharmaciens. Cet engouement se vérifie sur juillet et août derniers. Au cours de cette période, 232 cessions ont été recensées dont 72 seulement en nom propre, alors que, dans le même temps, le compteur des SEL affichait 90 acquisitions (dont 75 en SELARL et 15 en SELAS).

Malgré les possibilités laissées par la loi de réaliser des participations croisées et en cascade, les montages restent simples. Une récente étude de l'ordre des pharmaciens montre que seules 33 SEL ont des participations dans d'autres SEL, sans aller très loin (28 dans une autre société et 5 dans deux). Seulement 137 pharmaciens sont associés actionnaires dans une SEL et 17 le sont dans deux SEL.

Comparaisons faites avec le premier semestre 2003, on s'aperçoit que le nombre d'acquisitions en SNC n'évolue plus (108 en 2004 contre 106 en 2003) et régresse légèrement en pourcentage (17,88 % en 2004 contre 18,18 % en 2003). EURL et SARL marquent également le pas (79 cessions, soit environ 13 % des acquéreurs en 2004 contre 84 cessions en 2003, représentant 14,41 % des acheteurs).

La baisse importante des cessions d'entreprises individuelles, de 263 (45,11 % du total) en 2003 à 219 (36,26 %) en 2004, traduit un changement historique dans la psychologie et la démarche du pharmacien d'aujourd'hui.

La percée des SELAS (une quinzaine en 2003, 19 au premier semestre 2004) témoigne également de ce changement de comportement des titulaires qui donnent une orientation plus capitalistique à leur carrière en devenant « investisseurs » dans d'autres officines. « Elle permet à un associé n'exerçant pas dans la SEL d'être majoritaire en capital, d'en conserver le contrôle et de laisser la majorité des droits de vote à l'associé minoritaire qui exerce dans l'officine, tout en limitant contractuellement ses pouvoirs », explique Serge Gilodi, directeur de la formation chez Interfimo.

Hubert Mathieu constate l'émergence de cette nouvelle génération de pharmaciens et d'une forte demande sur la SELAS. « Il ne faut pas pour autant diaboliser ce système, tempère-t-il, car il correspond à un besoin économique de concentration des entreprises et de maîtrise du marché. De plus, un jeune peut s'épanouir davantage dans ce schéma que s'il était resté simple adjoint. » Reste que l'Ordre souhaite un toilettage des SEL et une modification de la loi pour garantir l'indépendance professionnelle des pharmaciens exploitants minoritaires en parts.

Les officines de plus de 1 million plaisent

La faible accession des jeunes à la propriété demeure malheureusement une constante et explique que le volume global des cessions ait stagné en 2003. L'Auxiliaire pharmaceutique a enregistré 1 242 cessions de fonds ou apports en société l'année dernière contre 1 272 en 2002 et 1 287 en 2001. Une fois de plus, le marché fait la part belle aux officines de CA supérieur à 1 million d'euros. « Ce type de dossiers a actuellement la faveur des banquiers, indique Philippe Becker, directeur du dépar- tement pharmacie de Fiducial Expertise. Les perspectives de développement sont positives sur ces profils d'officines et le train d'affaires qui sera ensuite réalisé sera plus important. Il faut avoir à l'esprit que les banques proposent des taux très attractifs aux futurs installés avec donc des marges très faibles. Leur objectif est de nouer une relation sur le long terme avec à la clé la vente de services au pharmacien. Dans cette hypothèse, on accepte de faire quelques compromis sur le niveau d'apport. Malgré cela, la quotité d'emprunt n'est jamais supérieure à la valeur affichée du fonds officinal. »

Les pharmacies dites « de première installation », dont les chiffres d'affaires sont modestes et les contraintes d'exercice pesantes (problème de disponibilité du titulaire, marge de manoeuvre étroite pour développer de nouveaux marchés...), sont toujours boudées. « Cela tient en partie à la féminisation de la profession », explique Luc Fialletout, directeur général d'Interfimo.

Les jeunes sont la clé

Philippe Becker souligne « le niveau d'apport personnel qui décourage beaucoup d'initiatives, le manque d'esprit entrepreneurial qui est l'une des caractéristiques de nos élites qui se voient salariés dans de grandes entreprises plutôt que patrons dans des petites PME, enfin la communication négative du monde officinal depuis le milieu des années 90, sur le thème « la pharmacie d'officine, c'est fichu ». D'autres professions communiquaient positivement et ces mêmes professions attirent aujourd'hui les jeunes même si leurs perspectives peuvent être moins bonnes ! » « Il est donc urgent de favoriser l'émergence d'un nouveau marché qui reposerait sur de vraies associations, équilibrées, entre un senior et un junior, dans la perspective d'un départ en retraite du senior à cinq ou sept ans », pense Luc Fialletout.

Pour cautionner les projets d'installation, Philippe Becker réévoque l'idée d'un fonds d'investissement professionnel qui apporterait du capital pendant une période de cinq à dix ans. « Ce parrainage "mutualisé" supposerait beaucoup de conditions : trouver des financiers (par exemple les pharmaciens retraités qui souhaitent soutenir leur profession), penser à régler la question des sociétés de participations financières de professions libérales (holdings) qui pourraient alors être un outil adéquat, et enfin traiter tous les aspects fiscaux qui rendent peu fluide la transmission des parts sociales ou actions de sociétés de pharmacies (non-déductibilité des intérêts des emprunts lors de l'acquisition de titres de structures soumises à l'impôt sur les sociétés). C'est un vaste chantier mais aussi un véritable défi car la démographie pharmaceutique impose un renouvellement des titulaires dans les prochaines années. Si les jeunes diplômés ne sont pas au rendez-vous, il peut naître beaucoup d'incertitudes... »

Des pharmacies plus chères en 2004

L'année 2004 semble se présenter sous de meilleurs auspices. Les acquéreurs se sont enhardis sur le premier trimestre qui voit le nombre de cessions et d'apports augmenter de 3,60 % par rapport à la même période de l'année précédente. Le marché est logiquement actif compte tenu des départs en retraite, « mais il est aussi dopé par les réinstallations sur des officines importantes qui changent plus facilement de mains et les apports de fonds à des SEL », commente Hubert Mathieu. Ce dernier s'étonne de la croissance régulière et soutenue du volume des prix qu'il mesure en faisant la somme de toutes les transactions (en euros), et qui laisse entrevoir une probable augmentation des prix de cession des officines sur 2004.

Une tendance que confirme Serge Gilodi, qui reste toutefois prudent : « Les prix exprimés en pourcentage du CA TTC se maintiennent, voire augmentent légèrement. Les cessions de fonds à une SEL (généralement des officines importantes et bien placées) sont davantage valorisées (quelques points au-dessus du marché). »

Alors que le total des prix des officines vendues au cours du premier semestre 2003 se montait à 605 millions d'euros, il est passé sur cette même période, en 2004, à 719 millions d'euros soit une augmentation de 18,9 %. En divisant ce chiffre par le nombre de mutations, Anticyp constate que le prix moyen d'une officine est passé en une année de 1,036 million d'euros à 1,191 million d'euros (+15 % environ). En prenant 1997 comme année de référence, Hubert Mathieu observe selon son calcul que le prix moyen d'une officine a augmenté de 85 % en sept ans ! Reste la masse des officines qui ne trouveront pas preneurs...

L'ENGOUEMENT POUR LES SEL

On compte à ce jour 1 375 pharmaciens en SEL. Rien que sur le premier trimestre 2004, 198 officines ont été acquises en SEL, contre 219 en nom personnel. De leur côté, les SNC d'une part, les EURL et SARL d'autre part, marquent le pas, avec respectivement 108 et 79 cessions (contre 106 et 84 en 2003).

LES BANQUIERS ADORENT LES PHARMACIES DE CA SUPÉRIEUR À 1 MILLION D'EUROS

Le prix moyen d'une officine est passé en un an de 1,036 million d'euro à 1,191 million d'euros (+ 15 % environ). Ce prix moyen a grimpé de 85 % en sept ans !

L'officine, un placement rentable et sûr

Rentable ? « Forcément, s'exclame Philippe Becker, vous achetez une officine 100 % du chiffre d'affaires TTC fin 1999 ! C'est très cher, sûrement trop cher. Mais si votre expert-comptable vous indique en septembre 2004 que votre chiffre d'affaires a progressé depuis l'achat de 20 %, vous avez le moral ! En plus, comme vous avez développé les génériques dans votre officine, votre marge a augmenté et votre banquier est content. »

Un avis partagé par Luc Fialletout : « La progression du chiffre d'affaires de l'officine a plus que compensé la baisse de deux points en 2003 des prix en pourcentage (86 % du CA TTC en moyenne), donc, en valeur, les prix montent d'une manière assez sensible. Comparée à l'évolution d'autres marchés, la pharmacie reste un excellent marché patrimonial. » Mais pour accéder à ce bon placement, il faut pouvoir mettre le prix : soit un apport personnel de 20 à 25 % du montant de l'investissement, selon Philippe Becker, soit se rabattre sur des petites officines, qui ont certes une attractivité moindre. « Lorsque nous intervenons auprès de jeunes adjoints qui ont le désir de s'installer en nom propre, nous brisons d'une certaine façon leurs rêves. Car si le prix des officines exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires est assez stable depuis quelques années, en valeur absolue, l'officine "standard" coûte très cher : 900 000 à 1 000 000 Euro(s). »

Un placement sûr ? L'officine est un placement moins risqué que dans les années 90. « Après sept années de vache maigre, l'installation est sortie du tunnel en 2000, estime Philippe Becker. Prix moins élevés (en % du CA TTC), taux d'intérêt en forte baisse, droits d'acquisition divisés par deux et progression de l'activité des officines de plus de 5 % par an. Si l'on compare les taux d'échec entre les installations millésimes 1991 et 2000, il n'y a pas débat ! »

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