Un vide juridique à corriger - Le Moniteur des Pharmacies n° 2558 du 20/11/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2558 du 20/11/2004
 

ORTHOPÉDIE

Actualité

L'événement

Les pharmaciens délivrant du matériel orthopédique estiment probablement qu'il faut attester d'un diplôme universitaire pour ce faire. Grossière erreur ! Explications.

La ruée. En six ans, le nombre d'inscrits au diplôme universitaire (DU) d'orthopédie de la faculté de Lille a été multiplié par douze ! Ils étaient dix en 1999-2000, soixante-six en 2001-2002, cent vingt-deux en 2003-2004 et déjà plus de soixante lors de la première session 2004-2005... Nouvel élan pour la formation continue, retour aux sources universitaires ou volonté de ne pas rater un marché en pleine effervescence ? En réalité, il semble que l'Assurance maladie ne soit pas étrangère à ce brusque regain d'intérêt pour l'orthopédie. Des contrôles ont été effectués ces dernières années auprès des pharmaciens qui vendaient du matériel d'orthopédie pour vérifier s'ils disposaient bien de leur DU. Certains auraient même été menacer de ne pas être remboursés des avances de frais qu'ils avaient consentis parce qu'ils ne pouvaient présenter leur diplôme.

La profession n'est plus encadrée. Des sondages réalisés en Poitou-Charentes et en Ile-de-France auraient également laissé entrevoir de nombreux défauts de formation et donc un afflux de candidats au diplôme universitaire. Mais faut-il donc nécessairement attester d'une formation ou d'une expérience professionnelle pour délivrer orthèses et autres matériels orthopédiques ? A priori, la réponse va sans dire. Mais à y regarder de plus près, on découvre un vide juridique qui laisse coi.

Jusqu'en 2000, la réglementation imposait des « critères de compétence nécessaires à l'obtention de l'agrément des fournisseurs d'articles de petits appareillages d'orthopédie aux bénéficiaires des régimes de protection sociale ». Puis cette réglementation est devenue caduque avec l'adoption de l'article 32 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 réformant le TIPS, tarif interministériel des prestations sanitaires, pour instituer la LPPR, liste des produits et prestations remboursables. La notion d'agrément professionnel est alors supprimée. Plus besoin de diplôme, de formation ou d'agrément particuliers pour vendre du matériel d'orthopédie.

Mais la loi va encore évoluer pour encadrer de nouveau cette activité. L'article L. 5232.3 de la loi 2002-73 du 17 janvier 2002 prévoit que « la délivrance de matériels de maintien à domicile, d'orthèses, de matériels orthopédiques et de certaines prestations associées inscrits sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé est soumise à une obligation de formation ou d'expérience professionnelle de leurs distributeurs. Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret ». Seulement voilà : ce décret n'a toujours pas été publié. « La profession n'est plus encadrée et c'est gênant dans un domaine de santé », commente Claudine Grouzelle, déléguée générale de l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux que préside Jocelyne Wittevrongel, officinale à Saint-Gaultier (Indre) et coprésidente de la commission Exercice professionnel à la FSPF. « Le décret est à la signature, assure Sandrine Aujoux de Matos, chargée d'études au sein du département en charge de la LPPR à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). La profession a été consultée pour rendre le div opposable, div qui va bien au-delà des orthèses puisqu'il concerne aussi les chaussures orthopédiques et les orthoprothèses. Le projet a été impulsé par la loi sur les personnes handicapées en cours d'examen [adoptée au Sénat en première lecture, NdlR]. La balle est dans le camp du ministère de la Santé. La sortie du div est attendue pour 2005. »

Les DDASS veillent. En ce qui concerne les pharmaciens, le décret imposera une formation minimale dans la continuité des DU et n'imposera aucun changement pour les bénéficiaires d'un agrément antérieur au décret. Pour autant, il est acquis que « quiconque fera profession sans diplôme validé par la DDASS sera considéré comme exerçant illégalement ».

Finalement, la période transitoire ouverte depuis 2000, et que chacun espérait la plus courte possible, s'est malgré tout installée. Il semble que les responsables de l'Assurance maladie espéraient le maintien des anciens critères d'appréciation (d'avant 2000), les anciennes procédures n'ayant pas été officiellement abrogées. Mais devant la difficulté croissante à justifier des exigences de diplôme ou d'expérience professionnelle, et préférant ne pas s'exposer au risque de procédures judiciaires, l'Assurance maladie a décidé de se conformer strictement aux divs et a précisé sa position dans une circulaire en date de juillet 2003. Depuis lors, aux professionnels qui sollicitent un conventionnement, les CPAM qui ne sont plus à même de demander un numéro d'agrément renvoient les dossiers aux DDASS pour qu'elles procèdent aux contrôles. A ce jour, la plupart de ceux qui ont demandé leur agrément ont présenté leur DU même si formellement il n'est plus exigible.

Alors que faire aujourd'hui ? Passer son DU pour vendre du matériel orthopédique ou passer outre ? « Des bruits courent, certains hésitent beaucoup à s'inscrire à un DU, commente Jean Arnoult, président du conseil régional de l'ordre des pharmaciens Nord-Pas-de-Calais. Mais le DU n'est pas supprimé, c'est l'agrément qui est obsolète. Pour moi, le DU est toujours d'actualité. Dans quelques mois, la question sera dépassée ! La qualité des prestations délivrées doit rester une priorité absolue. »

Nul doute qu'il faudra, à terme, justifier d'une compétence spécifique, et c'est tant mieux tant le vide juridique actuel n'est pas favorable à la profession puisqu'il permet à quiconque, y compris hors monopole, de vendre du matériel d'orthopédie.

A retenir

- La suppression de l'agrément professionnel a été promulguée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

- un nouveau décret destiné à combler ce vide juridique est attendu depuis janvier 2002.

- en attendant, les pharmaciens n'ont juridiquement pas besoin d'un DU d'orthopédie pour délivrer du matériel remboursé aux assurés par la Sécurité sociale.

- ce vide juridique devrait être comblé début 2005.

Le nouveau décret imposera une formation minimale. Passer un DU reste donc une nécessité.

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