Aberrations hospitalières - Le Moniteur des Pharmacies n° 2553 du 16/10/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2553 du 16/10/2004
 

MÉDICAMENT PÉDIATRIQUE

Actualité

L'événement

Les enfants restent les parents pauvres du médicament. L'insuffisance de spécialités ou encore les formes galéniques inadaptées sont régulièrement pointées du doigt. Deux études vont plus loin. A l'hôpital, une administration médicamenteuse sur quatre serait potentiellement source d'erreur.

Un enfant de douze ans est décédé dans une clinique du Rhône à cause d'une piqûre de morphine dix fois trop dosée. Il était hospitalisé pour une banale crise d'appendicite. Une confusion dans la lecture de l'étiquette est à l'origine de ce drame. La faute à pas de chance. Peut-être. Peut-être pas si l'on se réfère aux résultats de deux études menées par l'équipe du Pr Françoise Brion, chef du service de pharmacie de l'hôpital Robert-Debré à Paris. La première, l'enquête Pedi AD (« administration en pédiatrie »), s'est déroulée en 2001 et 2002 en collaboration avec le groupe pédiatrique de la Société française de pharmacie clinique. Cette étude nationale réalisée dans 14 hôpitaux et 28 services pédiatriques a porté sur près de 2 000 observations d'enfants de un à trois ans.

Des méthodes « très artisanales ».

De l'hétérogénéité des pratiques pour modifier les formes pharmaceutiques avant administration, au gâchis en principe actif, en passant par l'imprécision des doses administrées et le temps infirmier perdu, la réalité n'est pas vraiment couleur layette. « La moitié des observations concernant les médicaments injectables a montré une posologie et un mode d'administration non conformes aux résumés des caractéristiques du produit », note Jean-Eudes Fontan, pharmacien à l'hôpital Jean-Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis).

Dans 35 % des cas, l'infirmière a prélevé moins du quart de la quantité présente dans le flacon. Que devient le reste ? Il est soit jeté (77 % des cas), soit conservé pour le même patient (10 %) sans étude de stabilité bien entendu, soit administré à un autre enfant (12,8 %). Enfin, 8,1 % des médicaments administrés par voie orale sont des médicaments injectables. Quant aux comprimés, dans 46 % des cas ils sont utilisé sans AMM. Coupés, broyés, ils le sont, mais par des méthodes qualifiées pudiquement de « très artisanales » par les divs. La fraction non administrée est conservée dans 44,2 % des cas sans étiquetage réglementaire. Que faut-il de plus pour confirmer l'inadaptation des médicaments à l'enfant ?

Revoir la chaîne de dispensation.

L'hôpital Robert-Debré a été le terrain d'une seconde étude réalisée en 2002 et 2003 dans quatre services cliniques. Son nom : Pedi EM (« erreurs médicamenteuses en pédiatrie »). Son objectif : classer, quantifier les erreurs et identifier les facteurs de risque. « 1 719 administrations soit autant d'opportunités d'erreurs ont été décortiquées, explique Olivier Bourdon, pharmacien à Robert-Debré. Nous avons analysé au total 538 erreurs, dont 477 erreurs d'administration et 61 anomalies de prescription. »

Seulement 16 % des médicaments prescrits ont un statut totalement pédiatrique et 22 % sont réservés à l'adulte ou dépourvus d'information pour une utilisation chez l'enfant. L'éventail des erreur est extrêmement large. Cela va du simple non-respect de l'horaire d'administration (39 %) à des pratiques aux conséquences nettement plus problématiques : erreurs de voie (21 %), de dose (15 %), administration de médicament non prescrit (6 %), omission (6 %), erreurs de forme (5 %), de technique de préparation (3 %), administration de médicaments dégradés (3 %) et même mauvaise DC (2 %) !

Heureusement, la vie des patients n'a jamais été mise en jeu. Les réactions sont même mineures plus d'une fois sur deux. Toutefois, l'erreur aurait entraîné une modification majeure du traitement dans 13,5 % des cas. Olivier Bourdon met également l'accent sur la voie nasogastrique : « L'étude montre en effet que les infirmières ont tendance, dès qu'il y a une sonde digestive, à passer tous les médicaments par cette voie, sans forcément tenir compte de la prescription ou sans s'inquiéter de la compatibilité et de la stabilité du principe actif. » Parmi les classes thérapeutiques, les médicaments cardiovasculaires, les anti-infectieux et les médicaments du système nerveux central constituent des facteurs de risque. En revanche, étonnamment, la voie injectable s'avère être un élément protecteur, car ce geste à risque bénéficie tout simplement d'une attention accrue de la part des infirmières.

Ces deux études soulignent également un problème dans la chaîne de dispensation du médicament. Une fraction importante du personnel infirmier a une expérience de moins d'un an en pédiatrie, ce qui rend indispensable la formation lors de l'arrivée dans un nouveau service, mais là, c'est une autre paire de manches !

Enfin un pharmacien en pédiatrie clinique !

« Les résultats nous incitent à encourager la déclaration spontanée des erreurs afin d'en analyser les causes et de proposer des recommandations extrapolables à tous les établissements et aux différents acteurs du circuit du médicament », affirme Françoise Brion. Mais elle a déjà obtenu plus avec l'implantation, dès novembre, d'un pharmacien dans un service clinique pédiatrique à Robert-Debré. Une grande première puisque d'habitude les potards ne font que passer dans les services. Il restera à mesurer l'impact clinique voire économique de cette expérience et à analyser son rôle dans l'amélioration du circuit du médicament et de la qualité des soins.

Comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, la Commission européenne a adopté le 29 septembre dernier une proposition de règlement sur les médicaments pédiatriques afin qu'ils fassent l'objet de recherches, d'essais cliniques et d'autorisations appropriées. Un événement attendu depuis longtemps et qui satisfait Françoise Brion, même si elle relativise : « Il n'y aura pas de conséquences pratiques avant 2007. » Faut pas rêver non plus.

Des recommandations applicables à l'officine

De l'hôpital à l'officine, il n'y a qu'une porte. Les recommandations pour améliorer l'administration des médicaments à l'enfant hospitalisé et lors de sa sortie aident à la franchir.

- Développer et privilégier les formes orales liquides ou développer des formes sèches orodispersibles.

- Inclure dans les RCP une rubrique pédiatrique avec les indications et posologies pédiatriques, les modalités de dilution, de conservation et d'administration des médicaments.

- Au sein d'une même classe thérapeutique, encourager la prescription de la spécialité disposant d'une AMM pédiatrique.

- Lors de la validation de l'ordonnance, faire une opinion pharmaceutique au médecin pour l'informer d'une spécialité plus adaptée à l'usage pédiatrique.

- S'assurer que les modalités d'administration des médicaments prescrits à l'hôpital sont compatibles avec un traitement à domicile et au long cours.

- Les médecins devraient également être incités à ne prescrire des préparations que lorsque la spécialité est inadaptée à l'enfant et en l'absence d'alternative.

- Insister sur l'importance de donner les médicaments à la bonne heure.

- Ne pas laisser les médicaments dans la chambre de l'enfant, sauf dans le cas d'une éducation thérapeutique.

- Ne pas conserver des ampoules injectables déjà entamées, idem pour une fraction de comprimé ou de poudre non utilisée.

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