Prix du Moniteur Les résultats 2004 - Le Moniteur des Pharmacies n° 2552 du 09/10/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2552 du 09/10/2004
 

Cahier formation

Le 1er juillet dernier se réunissait le jury du premier Prix du Moniteur. Objectif : élire les dossiers valorisant le mieux l'intervention de l'équipe officinale autour de l'ordonnance. Aujourd'hui, nous sommes fiers de publier les dossiers des deux gagnants ex aequo. Mais aussi des extraits de trois dossiers ayant suscité l'intérêt du jury. Valorisant !

La santé publique grande gagnante !

Meilleure observance, éducation du patient, lutte contre les effets iatrogènes, opinion pharmaceutique... Toutes les actions que vous menez quotidiennement au service de la santé publique méritaient d'être mises en lumière et reconnues. Le Prix du Moniteur y contribue.

Chaque jour, vos interventions permettent d'améliorer l'observance, d'éviter des accidents iatrogènes, d'éduquer des patients... En créant le prix « Valorisation de l'intervention officinale autour de l'ordonnance », l'objectif principal du Moniteur était de démontrer la richesse des interventions officinales dans la prise en charge globale des patients. Et donc de le faire savoir afin de démontrer le rôle primordial des pharmaciens d'officine en matière de santé publique.

Pour la première édition du Prix du Moniteur, 22 équipes se sont mobilisées pour nous faire partager une de leurs nombreuses actions pour mieux prendre en charge le patient.

Le jury a examiné longuement toutes les candidatures. Ce sont finalement deux dossiers qui ont été élus premiers ex aequo, rédigés par les équipes des pharmacies Le Guern-Gluckman à Paris (XIIe) et de l'Eglise à Wavrin (Nord). Elle recevront chacune un prix de 1 125 euros. Nous publions leurs dossiers in extenso en page 4 et 7.

Outre la qualité des dossiers, nous avons été heureux de constater que des adjoints, des préparateurs, des étudiants, des titulaires, mais aussi des équipes officinales au grand complet se sont mobilisés.

Les candidatures ont été particulièrement nombreuses dans le Nord, l'Ile-de-France et la région lyonnaise.

Le jury a été unanime pour saluer l'intérêt des cas décrits ainsi que la variété des problèmes soulevés et des solutions apportées. Son seul regret : le manque de références bibliographiques.

Les dossiers publiés

En dehors des deux dossiers primés, les sujets abordés se sont révélés très divers et tous intéressants. Parmi eux, trois se démarquent particulièrement (nous les reproduisons dans les grandes lignes pages 10 à 16).

-#gt; Le premier dossier démontre que loin de se laisser décourager par des ordonnances incohérentes ou mal rédigées, l'équipe officinale sait, lorsque l'intérêt du patient est en jeu, se démener pour clarifier la situation.

-#gt; Le deuxième dossier publié concerne un greffé cardiaque et rénal. Il montre tout le travail de conseil mené par le pharmacien pour améliorer l'observance, qui est ici vitale.

-#gt; Avec le troisième dossier, c'est un aspect plus inédit du pharmacien qui est mis en valeur : la volonté de diminuer le nombre de médicaments délivrés lorsqu'il ne les trouve pas justifiés. C'est ici le cas avec un patient diabétique semblant relever plutôt de mesures hygiénodiététiques que d'antidiabétiques oraux. Le tout étant de convaincre le médecin !

Les autres dossiers

-#gt; Parmi les autres dossiers reçus, plusieurs se sont intéressés aux problèmes d'interactions médicamenteuses, celles liées aux macrolides semblant récurrentes à l'officine (deux dossiers Ketek-Tahor, un autre Ketek-Zocor, un quatrième Zithromax-DHE). La démarche du pharmacien permettait de déterminer la conduite pratique à tenir (justification de l'arrêt de l'un ou l'autre des médicaments prescrits).

-#gt; Les surdosages étaient également à l'honneur. Un dossier présentait un surdosage en benzodiazépines (trois benzodiazépines dispensées au même moment !) et en paracétamol par cumul de spécialités (Dafalgan et Lamaline). Ces deux surdosages avaient donné lieu à la rédaction d'une opinion pharmaceutique, outil qui commence à être utilisé par certains d'entre vous. La formalisation par écrit d'un problème posé lors de la délivrance permet de garder une trace des démarches effectuées et d'améliorer les échanges avec le médecin. Un autre dossier exposait la gestion d'un surdosage en hypocholestérolémiant dû à une mauvaise compréhension du traitement par le patient qui n'avait pas stoppé le Lipanthyl avant de commencer Elisor. Plus difficile à valider et donc à gérer pour le pharmacien : la prescription concomitante de deux antihistaminiques, Aerius et Xyzall, dans le cadre d'un urticaire chronique, ou la prescription d'Ursolvan chez une femme enceinte.

-#gt; Les patients sous anticoagulants sont nombreux, et ces médicaments délicats à manier occasionnent là encore bien souvent l'intervention de l'équipe officinale. Deux dossiers traitaient des HBPM. L'un abordait le relais d'une AVK orale par une HBPM avant une opération programmée, avec discussion autour de la dose d'héparine à administrer. L'autre présentait le cas d'une prescription de Fraxodi (traitement curatif des thromboses) chez une patiente de 80 ans en prévention d'un risque thromboembolique.

-#gt; Autre pathologie plusieurs fois abordée : le diabète. Il s'agit d'un domaine d'intervention privilégié pour le pharmacien, où les conseils concernent à la fois les traitements médicamenteux et les conseils hygiénodiététiques. Un dossier rapportait le cas d'un patient qui suspectait une panne de son lecteur de glycémie, alors que la baisse alarmante de sa glycémie était simplement due à un jeûne prolongé. Là, c'est l'écoute attentive du patient qui a permis au pharmacien de détecter l'origine des hypoglycémies. Les logiciels de suivi de l'équilibre glycémique sont également très utilisés, avec deux dossiers présentant tout l'intérêt qu'ils peuvent avoir dans le suivi du diabète, surtout si le pharmacien coopère à sa mise en place, et en démontre l'intérêt au médecin !

Récurrent également, la gestion d'ordonnances lourdes, comme ce dossier d'un greffé cardiaque atteint de maladie de Parkinson, ou celui de cette patiente découragée par sa triple pathologie, maladie de Cushing, accident coronarien et cancer du poumon.

-#gt; Plusieurs dossiers montrent avec quel dévouement vous prenez en charge vos patients : ainsi ce dossier retraçant l'arrivée un soir d'un jeune père de famille présentant une ordonnance pour son bébé de 9 mois souffrant d'une maladie métabolique et sortant de l'hôpital sans aucune alimentation délivrée en dépannage pour le biberon du soir. Du dépannage au chaland de l'OCP, aux astuces (gobelet marqué d'un trait, seringue...) mises en place pour la reconstitution des biberons, tout a été fait pour que l'enfant bénéficie au mieux de son traitement.

Le Prix du Moniteur sera reconduit l'année prochaine. Avec, nous l'espérons, une participation encore plus forte.

Florence Bontemps et Juliette Schenckéry

Le dialogue récompensé : Pharmacie Le Guern-Gluckman

206, avenue Daumesnil, 75012 Paris

Participants :

- Joëlle Le Guern, pharmacienne titulaire

- Jean-Michel Gluckman, pharmacien titulaire

- Christelle Lapostolle, préparatrice

- Marie-Danièle Cazaubon, pharmacienne adjointe

- Agnès Hillion, pharmacienne adjointe

- Florence Trancard, étudiante en sixième année

1er prix ex aequo

Ce dossier présente l'intervention d'une équipe officinale face à un patient âgé sortant de l'hôpital, refusant en bloc sa pathologie cardiaque, et le traitement assez lourd mis en place. Grâce à une écoute attentive, et à un dialogue constructif, l'équipe a pu faire comprendre au patient l'importance de ces médicaments, transformant une prescription médicale « brute » - ayant peu de chances d'être correctement suivie par ce patient en situation de refus - en traitement pris de façon pertinente. Bravo à toute l'équipe pour son sens de l'écoute et sa ténacité !

l'ordonnance

Pr C.

Cardiologue

Hôpital P.

Paris

Le 27.01.2004

M. Michel M.,

74 ans

Préviscan : 1 cp 1/4 par jour

Tildiem 60 mg : matin, midi et soir

Cordarone : 2 cp par jour

Lasilix 40 mg : le matin

Diffu-K : 1 le matin

qsp 1 mois

Protocole : patients sous AVK Protocole réalisé par l'équipe officinale pour le suivi des patients sous anticoagulants.

Le condiv de la prescription

Ce que nous savons du patient

Le patient est de passage à Paris, inconnu dans notre fichier et doit repartir dans cinq jours en Italie.

Il présente une ordonnance du service de cardiologie d'un hôpital parisien avec des médicaments qui sont loin d'être anodins (un anticoagulant, deux antiarythmiques, un diurétique et du potassium !).

Ce qu'il nous dit

Le dialogue a été difficile au début avec ce patient en raison de son déni total de la pathologie. « Je ne suis jamais malade, je viens à Paris et on m'hospitalise ! C'est incroyable, ça. Ils vous gardent de force, ils ne vous écoutent pas mais je ne me suis pas laissé faire et je suis parti. » D'après lui, il n'était jamais malade et ne prenait aucun médicament. Mais en le questionnant patiemment, nous avons appris qu'il avait fait un malaise lors de son passage à Paris et s'était réveillé à l'hôpital suite à une embolie.

Ce que le médecin lui a dit

Rien, il n'a vu personne lors de sa sortie, il s'est habillé et est parti tout seul. Il a été rattrapé par une infirmière dans le couloir qui lui a remis un tas de papiers.

Ses antécédents

Pas d'antécédents particuliers. Non fumeur. Mais sa tension artérielle n'était pas contrôlée régulièrement, ce qui aurait été prudent en considération de son âge (74 ans).

Ce que nous avons essayé de faire

Nous avons essayé de passer d'une situation de déni total à l'acceptation et l'observance d'un traitement qui demande aussi une surveillance médicale et biologique rigoureuse. Si nous voulons que notre message passe, il faut écouter celui du patient. Vu son traitement de sortie, il n'a sûrement pas été hospitalisé pour rien, et il le sait au fond de lui-même puisqu'il vient chercher les médicaments.

Le pourquoi de la prescription

Une crise de tachyarythmie peut être à l'origine d'un accident ischémique : le sang circulant moins bien dans le coeur peut entraîner la formation de caillot à l'origine d'accident cérébral.

Notre client nous explique avoir eu des « piqûres » à l'hôpital. Nous lui avons expliqué que le Préviscan allait remplacer ces injections pour prévenir une récidive de thrombose. Nous lui avons également expliqué que le médecin lui avait prescrit un antiangineux, le Tildiem, pour dilater les vaisseaux coronariens, l'amiodarone comme antiarythmique, le furosémide, un diurétique, pour baisser sa tension et le Diffu-K apportant le potassium nécessaire à l'équilibre du traitement. Ces simples explications ont suffi à le rassurer. Des génériques ont été proposés : « Si vous êtes d'accord, nous avons l'habitude de donner le générique pour le Cordarone et le Lasilix. » Le client a accepté.

Plan de prise Nous recommandons de prendre les 2 comprimés d'amiodarone en deux prises, l'une le matin, l'autre le soir. Tous les médicaments doivent être avalés sans être croqués avec un peu d'eau et de préférence au début des repas. En cas d'oubli, ne pas prendre de double dose le jour suivant, le surdosage thérapeutique étant dangereux. Par précaution, la posologie est inscrite sur les boîtes avec des étiquettes au nom de la pharmacie, du patient, et comportant le numéro d'ordonnancier.

Analyse de l'ordonnance

Détection des interactions

Plusieurs interactions ont été signalées par l'informatique (base « Médiquick »), ce qui ne nous a pas surpris. Nous les vérifions le plus souvent dans une autre base de données par précaution : « Thériaque » ou « Vidalpro », « Thériaque » pour ce cas, via Internet.

Le niveau de gravité d'une interaction diffère parfois d'une base à une autre comme c'est le cas ici pour l'association Tildiem-amiodarone : déconseillée dans « Médiquick », précaution d'emploi dans « Thériaque ».

- Amiodarone-furosémide : risque de majoration de l'effet torsadogène de l'amiodarone par l'hypokaliémie induite par le furosémide.

- Amiodarone-Préviscan : inhibition du métabolisme du Préviscan par l'amiodarone, ce qui augmente le risque hémorragique.

- Amiodarone-Tildiem : risque majoré de torsades de pointes lors de l'association de l'amiodarone avec un bradycardisant comme le Tildiem.

Attitude du pharmacien vis-à-vis de ces interactions

Ces médicaments sont d'un emploi délicat, mais souvent utilisés par les cardiologues lorsque l'état du patient le justifie. Il faut exercer une surveillance attentive pour sécuriser leur emploi. Les interactions détectées appartiennent à la catégorie « précaution d'emploi ».

-#gt; Surveiller l'électrocardiogramme et l'absence de bradycardie.

-#gt; Surveiller la kaliémie et la corriger en fonction des examens biologiques (ce qui a été fait ici avec l'adjonction de Diffu-K par le prescripteur).

-#gt; Surveiller l'INR.

Nous n'avons pas de raison de douter de la qualité du service de cardiologie qui a pris en charge le patient et établi cette ordonnance. Par contre, nous devons vérifier le niveau d'information et de compréhension du patient sur la nécessité du suivi et renforcer les consignes de surveillance.

Pour ce patient, nous avons donc insisté sur le dosage du potassium et de l'INR et la nécessité de revoir un médecin pour faire un électrocardiogramme de contrôle.

Analyse des posologies

Les posologies sont vérifiées avec la base de données « Médiquick » incorporée dans le programme, et lorsqu'il y a un doute avec « Vidalpro » en ligne. Il peut y avoir une différence entre les bases de données, au pharmacien de l'apprécier.

Nous n'avons pas de réserves sur la posologie prescrite pour tous les médicaments de cette ordonnance. Nous avons préparé le patient à la nécessaire variation de posologie du Préviscan en fonction de l'INR, de l'intérêt de faire cette analyse toujours dans le même laboratoire et d'en communiquer le résultat à son médecin le jour même.

Intervention pharmaceutique

Cette intervention s'est faite auprès du patient. Suite à la lettre d'information de l'Afssaps du 08.01.2004, nous avons établi un protocole pour le suivi des patients sous anticoagulants à l'officine à partir de la fiche de transparence concernant les médicaments anticoagulants (voir page 5).

Notre but est de remettre un carnet de suivi à chacun de nos patients sous traitement anticoagulant et de vérifier leur niveau d'information sur leur traitement, en insistant :

-#gt; sur l'horaire de prise du Préviscan : le soir pour que la posologie puisse être corrigée dès que le résultat de l'INR du matin est connu ;

-#gt; sur la connaissance des signes de surdosage (autoévaluation par le patient) : sang dans les urines, saignements des gencives, hémorragies conjonctivales, ou grande fatigue soudaine ;

-#gt; sur la nécessité de prévenir les autres médecins, dentistes, infirmières, pharmaciens qu'un traitement anticoagulant est en cours ;

-#gt; sur les dangers de l'automédication sans avis du médecin traitant ou du pharmacien en insistant sur les différences entre les spécialités antidouleur : paracétamol (permis), aspirine et ibuprofène (interdits).

Notre conseil

Nous lui conseillons avec insistance de contacter son médecin traitant dès son retour chez lui après avoir fait les examens biologiques en France après 3 jours de traitement, et de refaire un électrocardiogramme à l'arrivée.

Opinion pharmaceutique

En janvier nous n'avions pas encore l'opinion pharmaceutique intégrée dans le logiciel. Nous faisions pour ce type de dossier une photocopie d'ordonnance pour les stagiaires en pharmacie de 6e année. Une telle ordonnance demande une réflexion avec le patient lors de la délivrance et il est judicieux de garder une trace de cet échange, même si ce n'est pas communiqué à l'extérieur. C'est désormais possible dans notre logiciel.

Opinion pharmaceutique

Zone d'identification interne : 27.01.2004 - Opinion n° 5 - N° de dispensation 766141821

Pharmacie Le Guern-Gluckman

206, avenue Daumesnil, 75012 Paris

Patient : M. Michel, 74 ans, Paris

Médecin : Pr C., cardiologue, hôpital P., Paris

Profil du patient : non fumeur

Nature du problème : Interaction(s) cliniquement significative(s)

Intention thérapeutique du prescripteur : prévention de crises de tachyarythmie et de thromboses

Argumentaire : interactions à prendre en compte vérifiées dans deux bases de données, « Médiquick » et « Thériaque »

IM : Préviscan/amiodarone

IM : amiodarone/Tildiem

IM : amiodarone/furosémide

Proposition : vérification information du patient sur nécessité INR, kaliémie, ECG

Décision : maintien du traitement

Conseils spécifiques : remise du carnet de suivi anticoagulant

Signalement : patient informé

Signature : xxx, pharmacien titulaire

Bibliographie

Les médicaments antivitamines K

http://afssaps.sante.fr/htm/10/avk/indavk.htm

Base de données « Thériaque »

http://www.theriaque.org/AnalyseOrdonnances/home.cfm

Base de données « Vidalpro »

http://www.vidalpro.net

Sus aux lapsus ! : Pharmacie de l'Eglise

120, rue Achille-Pinteaux, 59136 Wavrin

Participants :

- Nathalie Collet, étudiante en pharmacie de sixième année

- Xavier Le Blay, pharmacien adjoint

1er prix ex aequo

Le pharmacien doit toujours être en état de vigilance au comptoir, même lorsque l'ordonnance paraît a priori simple. C'est ce que souligne ce dossier qui démontre que toute prescription qui ne paraît pas d'emblée cohérente au pharmacien mérite une étude plus approfondie. Ici, la prescription illogique d'un deuxième bêtabloquant a permis de détecter une confusion dans le nom d'une spécialité prescrite. Félicitations à nos deux confrères pour cette démarche pertinente et rigoureuse !

L'ordonnance

Dr T. , médecine générale

Le 05.02.2004

M. Daniel C., 52 ans

Plavix 1/j

Kredex 75 1/j

Sectral 200 2/j

Adancor 10 2/j

Tahor 20 1/j

Lanzor 15 1/j

qsp 1 mois

Plan de prise Plavix, Sectral, Adancor, Tahor, Lanzor : les médicaments s'avalent au cours ou en dehors des repas. Kardégic : verser le contenu du sachet dans un grand verre, ajouter de l'eau et avaler le contenu après le petit déjeuner.

Les chiffres entre parenthèses renvoient aux références bibliographiques, en fin d'article.

Présentation du cas

Profil du patient

M. Daniel C., 52 ans, non fumeur, 90 kg pour 1,80 m, souffre d'un angor et d'une hypertension artérielle (HTA).

Ces derniers temps, il consomme beaucoup d'Isocard.

Le 28 janvier, son généraliste lui prescrit en prémédication Atarax 25 mg, 1 comprimé la veille de son entrée en clinique.

Antécédents : HTA, angor, hypercholestérolémie, hernie hiatale.

Biologie : HDL : 0,28 g/l, LDL : 1,27 g/l.

Glycémie à jeun : 1,70 g/l (depuis début février 2004).

Ce patient présente donc plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire : HTA, dyslipidémie (LDL élevé, HDL bas), léger surpoids (IMC = 27,8), diabète récemment découvert et non traité.

Monsieur C. revient le 5 février avec une ordonnance du généraliste.

Objectifs thérapeutiques

Cette ordonnance présente les objectifs thérapeutiques suivants :

-#gt; la prévention de l'angor d'effort par Sectral et Adancor,

-#gt; le traitement de l'HTA par Sectral,

-#gt; le traitement de l'hypercholestérolémie par Tahor,

-#gt; le traitement du reflux gastro-oesophagien (RGO) associé à une hernie hiatale par Lanzor,

-#gt; le traitement d'une insuffisance cardiaque par Kredex.

Par ailleurs, le médecin traitant a prescrit un arrêt de travail pour une durée d'un mois.

Validation du choix des médicaments (10)

- Plavix 75 (clopidogrel)

Antiagrégant plaquettaire inhibant de façon sélective la fixation de l'adénosine diphosphate à son récepteur plaquettaire, empêchant ainsi l'activation du complexe GPIIb/IIIa.

Il est utilisé seul ou en association avec l'acide acétylsalicylique, notamment chez les patients souffrant d'un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage ST.

La posologie est de 75 mg administrée au cours ou en dehors des repas.

- Kredex (carvédilol)

Alpha- et bêtabloquant sans activité sympathomimétique intrinsèque mais qui a un effet stabilisant de membrane.

Il est indiqué dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique stable, en association avec un IEC (inhibiteur de l'enzyme de conversion), un diurétique et le plus souvent un digitalique.

La prescription initiale est réservée aux spécialistes en cardiologie et en médecine interne.

La posologie est de 3,125 mg. Elle est augmentée progressivement par paliers de 2 semaines et peut atteindre au maximum 50 mg 2 x par jour (pour un patient de plus de 85 kg).

- Sectral 200 (acébutolol)

Bêtabloquant antihypertenseur, cardiosélectif, à activité sympathomimétique intrinsèque modérée, liposoluble.

Il est à la fois indiqué dans l'HTA et dans la prophylaxie des crises d'angor d'effort.

Dans l'HTA, la posologie habituelle est de 400 mg.

Dans la prophylaxie de la crise d'angor d'effort, la posologie est comprise entre 400 et 800 mg, à instaurer progressivement.

- Adancor 10 (nicorandil)

Agent vasodilatateur possédant un double mécanisme d'action.

D'une part, il active l'ouverture des canaux potassiques, entraînant une vasodilatation artérielle y compris coronaire, et, d'autre part, il augmente le taux de GMPc intracellulaire, entraînant un relâchement des muscles lisses à l'origine d'une vasodilatation des territoires veineux. De ces actions hémodynamiques résultent une amélioration de l'oxygénation du myocarde et une augmentation du débit sanguin dans les zones myocardiques poststénotiques. Il est indiqué dans le traitement préventif des crises d'angor d'effort, isolément ou en association à d'autres antiangoreux.

La posologie initiale est de 5 mg deux fois par jour pendant 2 à 7 jours (pour réduire l'incidence des céphalées et la survenue d'aphtes). La posologie usuelle est de 20 mg/j en 2 prises voire 40 mg/j.

- Tahor 20 (atorvastatine)

Hypocholestérolémiant inhibant de façon compétitive l'HMG-CoA-réductase qui catalyse l'étape précoce de la biosynthèse du cholestérol.

Il est indiqué dans l'hypercholestérolémie essentielle pure (IIa) ou hypercholestérolémie mixte (IIb et III) lorsqu'un régime adapté s'est révélé insuffisant.

La dose maximale recommandée est de 80 mg/j.

- Lanzor 15 (lansoprazole)

Inhibiteur de la pompe à protons de la cellule gastrique diminuant la sécrétion acide.

A la posologie de 15 mg/j, il est indiqué dans le traitement symptomatique du reflux gastro-oesophagien (RGO), dans le traitement d'entretien et de prévention des récidives des oesophagites par RGO, dans le traitement d'entretien des ulcères duodénaux, ainsi qu'en prévention des lésions gastroduodénales induites par les AINS chez les patients à risque.

Intervention du pharmacien

Plusieurs problèmes se posent.

-#gt; Nous n'avons pas l'ordonnance initiale du spécialiste pour Kredex.

-#gt; La dose du Kredex (75 mg) est particulièrement élevée pour un début de traitement.

-#gt; Quel est l'intérêt d'associer deux bêtabloquants (Kredex et Sectral) ?

Nous savons que le patient sort de clinique pour une pose de stent, et d'après une étude parue dans la revue Prescrire, il est courant d'associer Plavix + aspirine faiblement dosée à la suite de cette intervention (8).

Nous décidons d'appeler la clinique qui nous confirme la prescription de Kardégic 75 (acétylsalicylate de lysine) à la place de Kredex.

Nous appelons alors le médecin traitant pour le prévenir du changement.

Interactions

Aucune interaction médicamenteuse n'est officiellement détectée sur l'ordonnance.

Cependant, une recherche plus approfondie nous montre, dans l'étude de Lau, une interaction métabolique entre Plavix et Tahor, ce qui implique une activité antiagrégante plaquettaire du Plavix fortement diminuée, mais les données de l'étude « CREDO » ne confirment pas ces données.

De nouvelles études devront confirmer la réalité de cette interaction (4, 5, 6).

NdlR : D'autres publications, de mars et mai 2004 - donc après rédaction de ce dossier -, ont démenti le risque d'interaction entre clopidogrel et atorvastatine (voir Le Moniteur des pharmacies n° 2538 du 29 mai 2004, p. 43).

Posologies

Les posologies sont toutes correctes.

Avis pharmaceutique (1, 3, 4, 7, 8, 9, 11)

- L'angor est une souffrance cardiaque liée à un déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène du myocarde.

En effet, les apports en oxygène sont insuffisants à cause d'un problème de sténose des coronaires.

Le but du traitement de l'angor est :

-#gt; de limiter les facteurs de risque,

-#gt; de diminuer la consommation d'oxygène du myocarde à l'effort,

-#gt; d'augmenter l'apport en oxygène par les coronaires.

- Le Tahor est administré dans le but de diminuer la récidive d'un événement coronarien.

L'objectif à atteindre est un taux de LDL-cholestérol compris entre 1 et 1,2 g/l.

- La prescription d'aspirine à posologie antiagrégante plaquettaire (75-300 mg/j) est systématique. La réduction des phénomènes de thrombose liés aux ruptures de plaques d'athérome entraîne une diminution du risque de récidive d'un événement coronarien grave.

- Les bêtabloquants sont le traitement de choix de l'angor d'effort. En effet, ils diminuent les besoins en O2 du myocarde par des effets inotrope et chronotrope négatifs. Le coeur travaillant alors moins, il a besoin de moins d'oxygène. Ils permettent également une meilleure perfusion du réseau coronarien (par effet chronotrope négatif) et une meilleure irrigation de l'endocarde.

- L'association d'un vasodilatateur (Adancor) à un bêtabloquant a pour but d'améliorer encore plus l'oxygénation du myocarde et d'augmenter le débit sanguin dans les zones myocardiques poststénotiques.

- L'implantation d'une endoprothèse nécessite la coprescription de deux antiagrégants plaquettaires.

La thérapeutique antithrombotique la plus appropriée dans le condiv de mise en place d'un stent a longtemps été Ticlid (ticlopidine) + aspirine faiblement dosée.

Bien que la pose de stent ne soit pas une indication officielle du clopidogrel, il tend à supplanter la ticlopidine dont il est physiologiquement proche. Le clopidogrel présente l'avantage d'entraîner moins fréquemment des agranulocytoses potentiellement gravissimes.

Suivi du traitement

Un mois après son intervention, M. Daniel C. est revenu avec une autre ordonnance comprenant le même traitement, plus de la metformine 500 (2 cp/j) et du lopéramide lyoc (1/j).

- Metformine 500 (10)

Antidiabétique oral de la famille des biguanides. Il est indiqué dans le traitement du diabète de type II de l'adulte, en particulier en cas de surcharge pondérale, lorsque le régime alimentaire et l'exercice physique ne sont pas suffisants pour rétablir l'équilibre glycémique.

Une posologie d'installation progressive est conseillée (ce qui est le cas ici puisque le dosage prescrit est le plus faible existant et la prise est répartie durant la journée).

Les comprimés sont à prendre matin et soir, pendant ou à la fin du repas (afin d'atténuer les phénomènes d'intolérance digestive).

- Lopéramide lyoc (10)

Le lopéramide est un antidiarrhéique indiqué dans le traitement des diarrhées aiguës et chroniques.

Lors de l'instauration d'un traitement par de la metformine, il n'est pas rare de voir apparaître des troubles gastro-intestinaux, notamment de la diarrhée.

Le médecin a prescrit le lopéramide en prévention de l'apparition de ces symptômes. Nous avons expliqué à M. C. qu'il ne devait prendre le comprimé qu'en cas de diarrhée.

Conseils au patient

Nous lui rappelons quelques règles hygiénodiététiques oralement et nous lui donnons des documents sur les recommandations pour la composition d'un régime pauvre en graisse et en cholestérol, ainsi que sur les régimes aux diabétiques.

-#gt; Réduction pondérale :

- Régime alimentaire : diminuer les graisses d'origine animale, préférer les viandes maigres, poissons, manger suffisamment de fibres, éviter les sucreries.

- Exercice physique : marche, vélo, natation.

- Eviter l'alcool.

-#gt; Réduction sodée :

- Ne pas resaler les aliments à table.

- Eviter les aliments très salés (charcuterie, fromage, conserves, surgelés)...

-#gt; Faire attention aux pieds : les inspecter soigneusement, car le pied du diabétique est particulièrement fragile et exposé aux infections et aux plaies, pouvant mener jusqu'à l'amputation. -

Des documents d'information pour le patient étaient joints au dossier (2). Il s'agit de fiches de conseils : « Vous êtes hypertendu(e) », « Vous êtes diabétique, quelle alimentation ? ».

Bibliographie

1 - Corpus médical, faculté de médecine de Grenoble (« Sémiologie et pathologie cardiovasculaires », http://www.paris-ouest.univ-paris5.fr/hebergement/cecmv/cecmv.html).

2 - Encomed : CD-ROM de Beaufour Ipsen Pharma (« L'Encyclopédie des conseils médicaux »).

3 - http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/polycopies/cardiologie/cardiolgoie-8.html.

4 - http//www-ulpmed.u-strasbg.fr/pharmaco/ (« Actualités en pharmacovigilance » n° 28, février 2003 ; Lau WC et al. « Atorvastatin reduces the ability of clopidogrel to inhibit platelet aggregation. A new drug interaction ». « Circulation », 2003, 107 : 32-37).

5 - « Interactions : Plavix-Tahor » (« Le Moniteur des pharmacies » n° 2529, cahier I : 27 mars 2004 - p. 42. Source : agence de presse médicale Reuters).

6 - « J. Saw Circulation » 2003 : 108 : 921-4.

7 - « Le Moniteur des pharmacies » : cahier II du n° 2382 du 20 janvier 2001.

8 - Revue « Prescrire », décembre 1999/tome 19, n° 201, pages 842 à 849.

9 - Revue « Prescrire », juillet/août 2003/tome 23, n° 241.

10 - « Vidal » 2004.

11 - http://www.actualnet.com/prof/quest/rep/rep06.htm.

Mobilisation générale : Pharmacie des Prémontrés

16, place Duroc, 54700 Pont-à-Mousson

Participants : Pierre-Olivier Jacquot, pharmacien adjoint, Deborah Bernard, élève préparatrice

On pourrait être tenté de baisser les bras devant une ordonnance aussi hâtivement rédigée et qui cumule autant d'erreurs quant aux modalités de prescription ! Mais l'équipe officinale sait se mobiliser pour gérer tout type de problèmes. C'est ce que nous démontre ce dossier. Extraits.

l'ordonnance

Pr A.

Hôpital X

Le 20.03.04

Mme L.

57 ans, 62 kilos

Perfalgan : 1 flacon en IV toutes les 4 heures pendant 5 jours

Location d'une tige porte-sérum

Nutrition entérale par sonde

Skenan 60 mg : 2 gélules matin et soir pendant 7 jours

Actiskenan à la demande 10 minutes avant la toilette

Présentation du cas

Condiv de la prescription

Cette prescription a été réalisée après signature d'une décharge par la patiente, car celle-ci préférait quitter le service pour retourner à son domicile plutôt que d'être placée en maison de convalescence.

Profil et historique de la patiente

Cette ordonnance s'adresse à une patiente de 57 ans, ménopausée, atteinte d'un cancer du péritoine, découvert en août 2002. [...] Face à l'échappement thérapeutique de la maladie et à l'état physiologique de la patiente (« thrombopénie », « phlébite », « eau dans les poumons »...) au cours du mois de janvier 2004, tout traitement curatif a été stoppé. Pendant le mois de février, une phlébite a été diagnostiquée ce qui a conduit à l'hospitalisation de la patiente.

L'état général de la patiente s'est dégradé lors du traitement de la phlébite : mise en place d'une pompe à morphine et d'une nutrition entérale devant les problèmes de nutrition. Après un mois d'hospitalisation, le service, n'ayant plus de motif de garder la patiente, lui a demandé de réfléchir à un placement.

La peur de devoir quitter le service dans lequel elle était toujours allée l'a conduite à signer une décharge pour sortir et ne pas être placée. Le jour de la prescription, la patiente quitte le service de sa propre volonté.

Dès le lundi, elle dut réintégrer le service qu'elle avait quitté car elle était atteinte d'une pneumopathie. Cette patiente décédera le 11 avril 2004 des suites des complications de son cancer.

Objectif thérapeutique

Cette ordonnance a été prescrite afin de réaliser une prise en charge à domicile de la patiente.

Une partie de la prescription consiste en une prise en charge de la douleur, par voie orale et voie veineuse, et l'autre partie concerne les difficultés de la patiente à se nourrir.

Justification de l'intervention du pharmacien

Validation de l'ordonnance

Cette ordonnance n'est pas valide car :

-#gt; la prescription de stupéfiants nécessite une ordonnance sécurisée,

-#gt; la prescription de stupéfiant doit porter le libellé complet de médicaments (nom, dosage, posologie, durée de traitement) en toutes lettres,

-#gt; une prescription de médicaments ne peut pas figurer sur la même ordonnance que du matériel médical.

Cette ordonnance n'est pas utilisable car :

-#gt; une ordonnance précisant le forfait pour la nutrition doit être réalisée,

-#gt; une prescription spécifique pour le Perfalgan doit être donnée à la patiente, car ce médicament appartient à la réserve hospitalière.

Contre-indications

Cette patiente suit des soins palliatifs et n'a plus de traitement de fond. La seule contre-indication à relever est le danger d'occlusion intestinale pour les patients traités avec une nutrition entérale.

Détection des interactions

Cette prescription ne présente pas d'interactions médicamenteuses directes. Mais un des effets secondaires des dérivés morphiniques est la constipation, ce qui augmente le risque d'occlusion intestinale, contre-indiquée avec la nutrition entérale.

Posologies

Les posologies de l'ordonnance sont correctes, les morphiniques n'ayant pas de posologie maximale. Il manque la posologie des poches de nutriments ainsi que leur qualité (hyperénergétiques, standards, fibres).

Avis pharmaceutique

Cette prescription peut paraître aberrante, mais devant la situation d'urgence imposée au personnel soignant du service par la patiente, elle a permis une prise en charge pour sa courte sortie du milieu hospitalier.

Déroulement de l'intervention pharmaceutique

Face à cette prescription, le rôle du pharmacien et de l'équipe officinale est d'établir les besoins de la patiente et d'aider à la réalisation d'ordonnances adaptées de telle sorte qu'elle soit bien prise en charge. La patiente entre dans le cadre des indications des soins à domicile prescrits.

Prise en charge de la douleur

Il est nécessaire que la patiente ait :

-#gt; une ordonnance sécurisée, complète et rédigée en toutes lettres pour la délivrance du Skenan et de l'Actiskenan ;

-#gt; une seconde ordonnance pour la délivrance de Perfalgan par la pharmacie hospitalière.

Perfusion à domicile

Il est nécessaire que la patiente ait :

-#gt; une ordonnance pour le matériel de soin (prescription de kit de perfusion sur site implantable, de kit d'héparinisation si nécessaire et des aiguilles de Huber),

-#gt; une ordonnance pour le matériel en location (tige porte-sérum et le panier adjoint),

-#gt; une ordonnance pour les soins infirmiers.

Nutrition entérale

Il est nécessaire que la patiente ait :

-#gt; une ordonnance définissant le mode de nutrition entérale (gravité : forfait 1, pompe ; forfait 2), ainsi que les sondes et les nutriments. Pour cette patiente, une nutrition par gravité a été conseillée,

-#gt; une ordonnance pour la tige porte-sérum (pas nécessaire dans ce cas car la patiente en a déjà une pour pouvoir réaliser les perfusions).

Après appel téléphonique au service concerné, l'équipe officinale a obtenu la totalité des prescriptions nécessaires. Sur les conseils de l'équipe, le prescripteur a adjoint un laxatif osmotique type lactulose afin de diminuer le risque de constipation dû à la morphine, ce qui réduisait le risque d'occlusion cumulatif engendré par la nutrition.

Motiver le patient : Pharmacie centrale

17, place Vauban, 89200 Avallon

Participante : Sophie Logerot, pharmacienne adjointe

Le cas présenté dans ce dossier souligne le rôle du pharmacien dans l'adhésion du patient au traitement. Ce rôle est encore plus important lorsque l'observance est vitale. C'est ici le cas, avec la prescription d'immunosuppresseurs pour éviter un rejet de greffe. Un dossier très étoffé dont nous publions quelques extraits.

l'ordonnance

Dr N. néphrologue

Hôpital G.

Le 01.04.04

M. L. 52 ans,

85 kilos

Solupred 15 mg/j

Cellcept 1 g, 2 fois/jour

Lasilix 40/j

Dédrogyl X gouttes/j

Ostram 2/j

Zelitrex 3 cp, 4 fois/jour

Néoral 150 mg, 2 fois/jour

Sectral 200 mg, 2 fois/jour

qsp 2 mois

Le condiv de la prescription

Ce que nous savons du patient

Monsieur L., âgé de 52 ans et pesant 85 kg, a subi une greffe cardiaque il y a 14 ans. Suite à l'opération, un traitement immunosuppresseur est instauré pour prévenir le rejet de greffe. Quelques années après sa transplantation cardiaque, monsieur L. développe une insuffisance rénale chronique (IRC) et doit se rendre trois fois par semaine dans une unité d'autodialyse pour effectuer ses séances de dialyse. En attente d'une greffe rénale, monsieur L. va donc régulièrement à l'hôpital. Le patient parle rarement de son état de santé, il est assez replié dans sa maladie [...].

Il y a environ un mois, son épouse nous apprend qu'il a été hospitalisé et que la greffe rénale qu'il attendait s'est bien déroulée. Nous voyons le patient à sa sortie d'hôpital.

Objectifs thérapeutiques

L'ordonnance présente différents objectifs thérapeutiques :

-#gt; Prévenir le rejet de la greffe rénale par Néoral (ciclosporine), Cellcept (mycophénolate mofétil) et Solupred (prednisolone).

-#gt; Prendre en charge une hypertension artérielle et prévenir les troubles du rythme cardiaque avec Sectral 200 mg (acébutolol).

-#gt; Faciliter la reprise de la fonction rénale avec Lasilix 40 mg (furosémide).

-#gt; Prévenir les complications ostéoarticulaires avec Ostram (phosphate tricalcique et cholécalciférol) et Dédrogyl (calcifédiol).

-#gt; Limiter avec Zelitrex (valaciclovir) le risque infectieux viral dû à l'immunosuppression puissante. [...].

Intervention pharmaceutique

L'équipe officinale, face à ce type d'ordonnance, garde à l'esprit les complications qui peuvent survenir suite à la greffe :

-#gt; infectieuses (pneumopathies opportunistes, tuberculose, mycoses graves, CMV...),

-#gt; hépatiques (hépatites B ou C),

-#gt; ostéonécrotiques,

-#gt; d'hypertension artérielle,

-#gt; de tumeurs malignes.

[...] L'intervention du pharmacien consiste à motiver le patient pour améliorer le suivi de son traitement.

Conseils au patient

Assurer un suivi rigoureux

-#gt; Avertir le médecin lors de l'apparition de tout signe inhabituel (fièvre, infection...) dû notamment au traitement immunosuppresseur.

-#gt; Respecter de manière stricte les posologies et les 12 heures d'intervalle entre les deux prises de ciclosporine.

-#gt; Avoir un calendrier des analyses biologiques suivi scrupuleusement. La marge thérapeutique étroite des traitements immunosuppresseurs justifie des dosages sanguins réguliers.

-#gt; Proscrire toute automédication, notamment avec la ciclosporine qui a une néphrotoxicité augmentée lors de l'association à l'aspirine et aux AINS. Préférer le paracétamol en cas de douleur.

-#gt; Faire prendre conscience au patient que tout arrêt ou toute prise d'un nouveau médicament peuvent faire varier le taux de ciclosporine et entraîner l'inefficacité ou le surdosage du traitement immunosuppresseur.

Améliorer l'hygiène de vie

-#gt; Respecter certaines mesures diététiques, notamment selon la dose de corticoïdes : régime pauvre en sel, hypoglucidique, hypolipidique et hyperprotidique, boire au moins 1,5 litre d'eau par jour, éviter les apports de potassium alimentaire.

-#gt; Une bonne hygiène buccodentaire, en se brossant les dents après chaque repas, permet de prévenir l'apparition d'une hyperplasie gingivale liée à la ciclosporine.

-#gt; Afin de limiter tout risque d'infection, il est important de se laver régulièrement les mains. S'assurer de la vaccination contre le virus de l'hépatite B.

-#gt; Conseiller à M. L. de conserver une activité physique minimale [...]. Toutefois, tout sport violent pouvant mettre en danger le greffon est à éviter.

-#gt; Proscrire le tabac car il peut notamment causer une athérosclérose, dangereuse pour la vascularisation du greffon.

Suivi du traitement

-#gt; S'assurer que les examens biologiques sont pratiqués régulièrement.

-#gt; Mesurer régulièrement la pression artérielle.

-#gt; Surveiller qu'il n'y a pas de complications infectieuses en contrôlant par exemple sa température.

-#gt; Par rapport à la coprescription de Cellcept et de Néoral :

- le patient est exposé à un risque de lymphome et d'autres tumeurs malignes notamment cutanées (toute tache suspecte devra être signalée au médecin traitant ou au dermatologue) ;

- surveiller l'apparition d'une neutropénie et contrôler l'hémogramme de manière régulière ;

- éviter les vaccins atténués car la vaccination peut être moins efficace. Les vaccinations à virus vivants (BCG, ROR...) sont contre-indiquées.

Le patient doit être conscient que ces médicaments antirejet sont à prendre à vie et qu'il ne doit en aucun cas les interrompre brutalement.

M. L. doit également connaître les signes de rejet afin d'avertir au plus vite l'hôpital ; fièvre, greffon douloureux et volumineux, chute de la diurèse, prise de poids, oedème des membres inférieurs [...].

Optimiser la prise

-#gt; Cellcept : les comprimés sont à prendre à jeun.

-#gt; Néoral 50 et 25 mg : avaler les capsules molles intactes. Proscrire le jus de pamplemousse et le millepertuis qui favorisent le risque de rejet par induction enzymatique et donc une diminution des concentrations de ciclosporine. Les prises doivent toujours être espacées de 12 heures. Ne pas décaler la prise de ciclosporine de plus de 4 heures. Si le retard dépasse 4 heures, sauter cette prise, la suivante étant avancée de 2-3 heures. Il ne faut en tout cas jamais doubler la dose de la prise suivante.

-#gt; Dédrogyl gouttes buvables : les gouttes peuvent être diluées dans de l'eau, lait ou jus de fruits.

-#gt; Ostram vitamine D3 : sachets à diluer dans de l'eau à prendre de préférence en dehors du repas car le calcium est mieux absorbé dans ces conditions.

-#gt; Solupred 5 mg : prendre les 3 comprimés le matin au milieu du petit déjeuner.

-#gt; Sectral 200 mg : la prise se fait de préférence au cours du repas.

Eduquer le diabétique : Pharmacie de la Gare

85, cours des Roches, 77186 Noisiel

Participants : Marie-Pierre Grandgeorge, pharmacienne adjointe

Un dossier original, qui démontre que l'intervention du pharmacien sort parfois des sentiers battus. Car promouvoir le traitement hygiénodiététique d'une pathologie avant sa prise en charge médicamenteuse n'est pas chose simple ! Ce dossier met en avant le rôle de conseil du pharmacien dans l'éducation du patient diabétique et l'impact sur le travail de toute l'équipe. Résumé.

l'ordonnance

Dr V., médecine générale,

allergologie

Le 13.11.03

M. G., 39 ans, 102 kilos

Diamicron :

1 cp 2 fois par jour avant les repas

Glucophage R : 1 cp/jour avant le repas

pendant 2 mois

Le condiv de la prescription

Ce que nous savons du patient

Monsieur G., 39 ans, 102 kilos, 1,81 m, découvre à l'occasion d'un bilan sanguin de contrôle qu'il est diabétique de type II. Ce cadre moyen, sédentaire, non fumeur, ne présente aucun antécédent particulier. Il est marié, a deux enfants avec lesquels il aime partager de temps à autres sucreries et sodas.

Objectif thérapeutique

Cette ordonnance a pour objectif thérapeutique de réguler la glycémie du patient afin d'éviter l'évolution de la pathologie vers des complications cardiovasculaires, rénales et ophtalmiques.

Mise en place du traitement

La prescription fait suite à un unique bilan sanguin de contrôle qui a mis en évidence une glycémie à jeun sans régime égale à 2,2 g/l. Or, selon l'OMS, un patient est dit diabétique lorsque sa glycémie à jeun sans régime est supérieure à 1,26 g/l lors de 2 mesures successives. Ce patient, hormis une glycémie élevée, présente un bilan lipidique normal.

Le prescripteur n'a pas respecté les recommandations de l'ANAES (qui préconisent en première intention un régime alimentaire et du sport) et a d'emblée prescrit des antidiabétiques oraux à M. G. Le prescripteur a également ordonné une consultation ophtalmologique et cardiologique. Le patient nous confiera ultérieurement que ces examens n'ont révélé aucune anomalie. Il doit revoir son médecin dans deux mois après avoir réalisé un nouveau bilan (glycémie et HbA1c : normale æ 6,5 %) afin de faire le point sur son traitement.

Justification de l'intervention du pharmacien

Validation du choix des médicaments

Résumé : Diamicron 80 mg (gliclazide) et Glucophage 850 mg (metformine) sont indiqués dans le diabète non insulinodépendant lorsque le régime prescrit n'est pas suffisant pour rétablir à lui seul l'équilibre glycémique.

Pas de contre-indications (mais synergie d'action entre les deux médicaments). Les posologies sont normales.

Avis pharmaceutique

La prise en charge du DNID de monsieur G. nécessite une réévaluation. La mise en place d'un traitement médicamenteux a été un peu rapide. Il faut interroger monsieur G. sur ses habitudes alimentaires en insistant sur la nécessité d'une alimentation équilibrée.

Après discussion avec le médecin traitant, celui-ci refuse de modifier le traitement. Il estime de par son expérience professionnelle qu'un régime alimentaire adapté et la pratique régulière d'un exercice physique n'amélioreront pas l'état du patient et préfère réévaluer la situation dans quelques mois. Suite à cet entretien téléphonique, une opinion pharmaceutique lui a été communiquée par écrit.

Toutefois, il nous a semblé utile :

-#gt; d'informer monsieur G. sur ce qu'est le diabète et sur les complications pouvant survenir lorsque cette pathologie est mal soignée ;

-#gt; de convaincre monsieur G. de l'intérêt de surveiller son alimentation (nous lui avons rédigé des conseils diététiques et nous les avons adaptés à son mode de vie) ;

-#gt; de convaincre monsieur G. de pratiquer une activité physique régulière [...].

Conseils au patient

Mise en place d'un régime adapté

Il est hors de question d'imposer à monsieur G. un régime drastique. Il faut qu'il ait une alimentation équilibrée pauvre en sucres rapides. Notre but est simplement de rectifier certaines attitudes comportementales propres à notre société d'une façon plus générale.

Mise en place d'une activité physique régulière

Etant donné le mode de vie plutôt sédentaire de notre patient, il est important pour lui de reprendre doucement une activité physique régulière. L'activité physique va avoir une action hypoglycémiante nette, permettre de rompre avec l'obsession calorique et être le moyen de retrouver un plaisir corporel. Pour être efficace, l'activité physique doit être régulière et suffisante. Durée recommandée de l'effort (au moins tous les 2 jours) : 30 minutes de jogging ou 1 heure de vélo ou 2 heures de marche.

Suivi du traitement

Normalisation des glycémies, HbA1c

Nous avons attiré l'attention de monsieur G. sur l'importance d'une surveillance trimestrielle de la glycémie à jeun ainsi que de son taux d'hémoglobine glyquée.

En trois mois, la glycémie s'est normalisée et l'hémoglobine glyquée, bien que supérieure aux valeurs recommandées par l'ANAES, est correcte.

Perte de poids

Monsieur G. se présente tous les mois à l'officine. Il suit son régime alimentaire correctement et a repris une activité physique régulière en famille. Il a perdu 15 kilos en 3 mois. Son nouveau mode de vie lui convient.

Evolution du traitement

Suite aux résultats biologiques encourageants, le médecin traitant a réduit de moitié la posologie de gliclazide. Début mars 2004, suivant nos conseils, monsieur G. consulte un endocrinologue. Le spécialiste a insisté sur l'importance d'une alimentation équilibrée et a supprimé le gliclazide qui, semble-t-il, occasionnait des fringales.

Répercussions sur le travail d'équipe

Formation continue de l'équipe

Le cas de monsieur G. a permis de faire découvrir à toute l'équipe les recommandations de l'ANAES. Cette base de données va lui permettre de s'informer sur différentes pathologies et de se tenir informée des thérapeutiques actuelles.

Valorisation de l'équipe officinale aux yeux du public

Cette problématique a renforcé la motivation et a permis de mettre l'accent sur l'importance de l'équipe officinale en matière de santé publique. Le patient vient faire le point tous les mois chez son pharmacien alors qu'il ne voit son médecin que tous les trois mois.

Le pharmacien et son équipe sont à l'écoute du patient, il n'est pas nécessaire de prendre rendez-vous. En outre, s'impliquer dans son métier, c'est se valoriser aux yeux du patient et valoriser sa profession.

Mise en place d'une action de santé publique

A l'issue de ce débat, une vitrine d'information sur le diabète a été réalisée ainsi qu'une fiche de conseils hygiénodiététiques pour le patient diabétique. Cette fiche a été proposée à tous nos patients concernés.

Le jury du Prix du Moniteur

« Valorisation de l'intervention officinale autour de l'ordonnance » s'est réuni à Paris le 1er juillet 2004 pour sélectionner les deux dossiers gagnants.

Le jury est composé de (de gauche à droite) : Jean-Marie Gazengel (maître de conférences, faculté de Caen, secrétaire du Collège français des conseillers et maîtres de stage), Florence Bontemps (pharmacienne, rédactrice au Moniteur des pharmacies), Thérèse Dupin-Spriet (maître de conférences en pharmacie clinique, faculté de Lille), Juliette Schenckéry (pharmacienne, rédactrice en chef adjointe du Moniteur des pharmacies), Thierry Philbet (pharmacien, rédacteur en chef du Moniteur des pharmacies), Vivien Veyrat (pharmacien adjoint, chargé des commentaires d'ordonnances à la faculté de Paris-XI), Jean Calop (professeur de pharmacie clinique, faculté de Grenoble, praticien hospitalier), Claire Sevin (pharmacienne titulaire, Collège français des maîtres de stage), Geneviève Chamba (professeur de pharmacologie et responsable de la filière officine, faculté de Lyon, vice-présidente de l'APPEX, Association pour la promotion des pharmacies expérimentales), Geneviève Grison (pharmacienne adjointe, professeur associé à la faculté de Nancy, présidente de l'APPEX), Olivier Bourdon (maître de conférences en pharmacie clinique, faculté de Paris-V, praticien hospitalier) et Nicole Terrier (pharmacienne titulaire, professeur associé, faculté de Paris-V).

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !