Les effets collatéraux - Le Moniteur des Pharmacies n° 2552 du 09/10/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2552 du 09/10/2004
 

Actualité

Enquête

Pas si sûr. Les effets collatéraux sont souvent variés. Si certaines régions sont contaminées en masse par le virus de la promo à tous crins, d'autres offrent une vision plus sereine de la concurrence. Les discounters y côtoient des suiveurs modérés ou des titulaires qui ont parié sur la carte de l'alternative.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur, le conflit s'est généralisé. De Marseille à Nice en passant par Aubagne, Aix-en-Provence ou Cannes, la guerre des prix est assez sévère. Avec quelque 15 000 m2 que se répartissent 72 magasins beauté-santé, le département des Bouches-du-Rhône pointe dans le peloton de tête national des départements les plus fournis en enseignes spécialisées. « Mais Parashop, pas plus que d'autres spécialistes, n'est ici responsable de la guerre des prix. Celle-ci est plutôt due à l'importante concentration de pharmacies en centre-ville qui se livrent entre elles une concurrence très tendue », observe Philippe Serfaty, titulaire de la Grande Pharmacie principale à Nice. Vice-président du syndicat des pharmaciens des Alpes-Maritimes, Bruno Pâques confirme : « En fait, la guerre des prix a été lancée au milieu des années 1990 par deux ou trois discounters en réponse à l'arrivée d'enseignes spécialisées. La plupart des pharmaciens ont ensuite été sensibles à se situer dans les prix du marché en passant des commandes groupées. Et aujourd'hui, pour la parapharmacie, la marge moyenne est de 25 à 28 %. » Dans les Bouches-du-Rhône, la guerre des prix sur la parapharmacie est partie de Marseille, lancée dans les années 80 par les titulaires de deux grandes officines (Prado-Mermoz et Provençale), membres du groupement G7. Face à une politique de prix très bas imposée par ces deux mastodontes, les grandes et moyennes officines ont plus ou moins rapidement réagi et révisé les prix à la baisse grâce à des commandes groupées. « Depuis, le niveau moyen de prix a un peu remonté, mais nos marges restent très réduites », assure David Abenaïm, cotitulaire de la Pharmacie Prado-Mermoz. A Marseille, comme dans d'autres villes - et même villages - de PACA et du Languedoc-Roussillon, la parapharmacie n'est plus le seul champ de bataille concurrentielle. « Quand la concurrence s'exerce sur des produits de parapharmacie, cela ne pose pas trop problème, estime Alain Jayne, président du syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône. Par contre, c'est beaucoup plus choquant - et cela se voit de plus en plus - quand il s'agit de médicament - prescrit ou non - car cela le dévalorise. »

Les suiveurs.

Loin de la chaleur du Sud, les réactions sont souvent plus modérées. Plutôt que de s'épuiser dans une lutte acharnée, la tendance est à la technique du suiveur. A Tours, hier victime des « casseurs de prix », la Pharmacie principale, installée dans la plus grande artère de la ville, a décidé d'inverser les rôles. Deux des trois pharmaciens de cette pharmacie très ancienne ont vendu l'an passé à de jeunes confrères qui ont adopté une nouvelle politique commerciale.

Pour cela, le « renouveau » est d'abord passé par le point de vente. « Nous avons complètement restructuré les locaux, explique Jean-Yves Piton. Désormais, nous ressemblons à une pharmacie mais aussi à une parapharmacie. L'agenceur avait promis de nous faire venir des clients, mais encore fallait-il les garder ! » Depuis quelques mois, grâce à de meilleurs achats et à une diminution des marges, l'officine casse les prix sur la para, a développé la signalétique et la communication internes et a mis en avant les promotions. « Ça marche, se réjouit Jean-Yves Piton, les clients entrent, on les chouchoute pour les conserver, la progression est importante ! »

Les alternatifs.

Mais pourquoi tenter absolument de suivre un mouvement contraire à la bonne marche de sa pharmacie ? Même dans les zones de combat intense, certains titulaires choisissent de rester neutres ou de mener le combat sur un terrain qui leur semble plus justifié. En PACA, Rosemonde Daubert, titulaire de l'unique officine de Saint-Savournin, village situé à une quarantaine de kilomètres de Marseille, est ainsi confrontée « depuis un peu plus de deux ans à une très rude concurrence de deux confrères d'une commune voisine qui vont jusqu'à vendre des substituts nicotiniques à prix d'achat ». Sa réponse : ni alignement, ni baisse des prix. « Médicament conseil et para, je suis à 37 % de marge, indique-t-elle. J'ai simplement affiché "La qualité de service a un prix, donc un coût". Et si cela ne tenait qu'à moi, je ne ferais plus de para du tout... »

Bernard Le Bras, de la Pharmacie Vinci, située près de la gare de Tours, se souvient : « Quand Marie-Claude Montier a ouvert, 20 % de mes clients sont partis. Il a fallu travailler pour remonter la pente. » Un travail efficace puisque Bernard Le Bras revendique 2,8 millions de CA avec seulement 70 m2 de surface de vente. Pour résister, il a appliqué quelques recettes (« d'abord se recentrer sur notre métier, avec du service et du stock ») sans se battre sur la para qui ne représente que 5 % de l'activité. Le pharmacien a notamment décidé de se battre sur le médicament avec un stock très important, y compris de spécialités rares, un personnel qualifié et une activité importante de préparations et d'homéopathie. « Aujourd'hui, je suis peut-être le plus râleur de la ville mais les clients reviennent : 125 000 personnes, soit la moitié de la population de l'agglomération, sont venues au moins une fois en dix-huit mois. Faire du chiffre qui ne rapporte rien ne m'intéresse pas. J'ai parfois l'impression de ne pas faire le même travail que certains confrères. »

C'est la même idée du métier, le souci du confort en plus, qui anime le titulaire de la Pharmacie du Parlement à Rennes. « Je suis installé depuis trente-trois ans et je n'ai jamais été fanatique de la parapharmacie, donc je ne suis pas particulièrement gêné par le discount. Un moment, je redoutais une situation catastrophique, mais non... Parfois je récupère des clients qui viennent de chez mon confrère. Ce sont des gens qui n'aiment pas les pharmacies qui ressemblent à des bazars, avec des étiquettes fluo partout. Nous ne faisons pas le même métier. Moi, je suis dans la pharmacie de conseil. »

Culture raisonnée.

« Le Nord n'est pas vraiment concerné par la guerre des prix. Dans un centre commercial comme le nôtre, on ne peut pas se permettre des prix discountés », avance Jacques Mellick, cotitulaire à Roubaix depuis 1990 avec Odile Coint. En cause, le niveau des charges locatives, mais aussi la faiblesse du pouvoir d'achat dans une région fortement sinistrée. « Avoir des prix demande du volume et des clients qui ont du potentiel pour acheter en quantité. Il faut s'adapter à son emplacement et à son marché et avoir les prix qui y correspondent. » En l'occurrence, tenir compte d'Auchan et de sa parapharmacie ouverte il y a cinq ans. « La conquête sauvage est derrière nous. Finie l'agressivité de la période héroïque du début, on s'est assagi avec le temps pour une culture de l'accueil et de la fidélisation. »

Pour faire face aux méthodes de travail de la grande distribution, cette pharmacie, dont le CA n'a stagné qu'un an grâce à une politique de prix concurrentiels initiée avant l'ouverture de la para Auchan, s'en est sortie par le haut en axant sa stratégie sur le merchandising et les services. « Nous n'avons pas de méthodes agressives. Nous aurions beaucoup de mal à compenser en volume ce qu'on perdrait en marge. Sur mon emplacement, plus que les prix, c'est la qualité du service qui joue pour fidéliser le client. Je pense qu'un prix ne fidélise pas. »

Garder les marges, investir dans la formation, fidéliser les employés : une stratégie qui lui réussit (sur les douze dernier mois, + 15 % sur le 5,5, + 10 % sur la para et + 7 % sur le médicament, soit + 9,8 % en moyenne avec + 9,9 % au niveau de la marge cumulée...). « Nous avons un potentiel de vente énorme, estime-t-il, mais, si un jour je n'avais plus d'autres choix que la guerre des prix, c'est sûr que je la ferai. »

A retenir

- Interdiction de vente à perte

Il s'agit d'une restriction applicable à tout commerçant.

Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 euros d'amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif. Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majorée des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport (article L. 442-2 du Code de commerce).

Après la para, le médicament

La guerre des prix, Serge Rader en a fait son cheval de bataille. Titulaire de la Pharmacie de la Gare de l'Est, il est aussi et surtout le président de la Coopérative des pharmaciens d'Ile-de-France. Pour lui, la bataille se situe sur le terrain des médicaments déremboursés.

« Sur la parapharmacie, tout le monde pratique grosso modo les mêmes tarifs, avec la concurrence de la grande distribution, le chiffre d'affaires est en baisse, explique-t-il. Il faut repousser l'échéance du passage des médicaments en grande surface. Aujourd'hui, soit vous êtes une grosse pharmacie, vous pouvez acheter du volume et stocker, soit vous êtes une petite pharmacie, et là, quelle solution à part le groupement ? » Serge Rader n'y va pas de main morte : « Il faut revoir la copie de la distribution, il est possible de pratiquer 20 à 25 % de remise par rapport aux prix des grossistes tout en gardant une marge. Je suis pour le déremboursement, pour l'intérêt général de la Sécurité sociale et pour une responsabilisation des usagers. Il faut une prise en charge des petits risques par le client... » Le pharmacien y met tout de même une condition : « Contenir les prix, c'est une nécessité. Si vous déremboursez et, qu'en plus, les prix triplent comme ça peut être le cas en Italie, c'est évident que les gens vont vous jeter le produit à la figure. » Le président de la Coopérative des pharmaciens d'Ile-de-France refuse pourtant le qualificatif de casseur de prix : « Je ne suis pas un briseur de marge. Je n'essaye pas d'attirer le client avec un prix cassé. On vient chez moi parce qu'on sait que je ne peux pas faire moins cher. »

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !