Le psoriasis - Le Moniteur des Pharmacies n° 2550 du 25/09/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2550 du 25/09/2004
 

Cahier formation

l'essentiel Le psoriasis est une maladie bénigne, chronique et fréquente. Il s'agit d'une dermatose érythématosquameuse, non contagieuse, évoluant par poussées. Cette maladie siège en général au niveau des zones exposées aux contacts (coudes, genoux, face antérieure des tibias, cuir chevelu, ongles). Ses expressions cliniques sont variées et peuvent avoir des répercussions importantes sur la vie quotidienne des patients. Son diagnostic est clinique. Le traitement du psoriasis est symptomatique. Il est inutile pour les formes limitées et acceptées par le patient. Sinon, il repose sur trois types de thérapies plus ou moins associées entre elles : le traitement topique avec essentiellement les dérivés de la vitamine D, les dermocorticoïdes, les rétinoïdes locaux pour les formes localisées, la photothérapie pour les formes étendues et le traitement par voie générale utilisant l'acitrétine, le méthotrexate ou la ciclosporine pour les formes graves.

ORDONNANCE : Une jeune fille migraineuse souffrant d'un psoriasis

Mathilde S., 20 ans, consulte un dermatologue qui diagnostique un psoriasis. L'aspect clinique de la maladie le conduit à prescrire un traitement topique à base d'un dérivé de la vitamine D associé à un corticoïde. La patiente, qui souffre régulièrement de migraines, présente aussi une ordonnance de son généraliste.

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Jacques Marty

Dermatologue

2, place du Marché

94130 Nogent-sur-Marne

Tél. : 01 41 29 75 78

94 3 99999 8

Le 2 septembre 2004

Mlle Mathilde S.

20 ans, 50 kilos

-#gt; Daivobet : 1 application par jour

-#gt; Dexeryl : 1 application par jour

qsp 4 semaines.

Ordonnance du généraliste

Mathilde S., 20 ans, 50 kg

-#gt; Avlocardyl 40 mg : 1 comprimé par jour qsp 1 mois.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Mathilde S., 20 ans, est prise en charge depuis peu par un dermatologue pour un psoriasis vulgaire en plaques. Elle présente des plaques érythématosquameuses bien limitées au niveau des coudes, apparues après le décès d'un proche.

- Elle achète régulièrement des spécialités à base de paracétamol pour calmer des migraines.

Ce dont la patiente se plaint

- Mathilde S. se plaint d'une sécheresse cutanée très importante et de la formation de squames. Elle souffre de l'aspect très disgracieux de ses coudes.

Ce que le dermatologue lui a dit

- Daivobet est un traitement local de première intention associant deux molécules en une seule pommade. Il y ajoute une crème hydratante et émolliente. Les plaques vont très certainement s'améliorer avec l'application régulière des traitements locaux mais des poussées pourront survenir de nouveau. Il veut la revoir dans un mois.

La demande spontanée de la patiente

- Elle apporte en même temps pour la première fois une ordonnance de son généraliste établie il y a un mois avec un traitement de fond de la migraine.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Aucune interaction entre les médicaments prescrits par le dermatologue et le généraliste n'est attendue.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies des deux ordonnances sont correctes.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; Le psoriasis est une dermatose inflammatoire chronique. Il s'agit d'une maladie bénigne dans la majorité des cas, mais elle est généralement associée à un impact important sur la qualité de vie. Les traitements actuels n'entraînent pas de guérison définitive, mais ils permettent d'obtenir la disparition transitoire plus ou moins complète des lésions. Les traitements locaux du psoriasis ont l'avantage d'entraîner peu de retentissement systémique.

-#gt; Dans le cas présent, la prescription d'Avlocardyl pose un problème. En effet, des aggravations de la maladie psoriasique ont été rapportées sous bêtabloquant. Il convient donc de bien peser l'indication d'Avlocardyl chez Mathilde S. Il s'agit d'une précaution d'emploi. Or cette ordonnance a été rédigée avant le diagnostic de psoriasis. Il est préférable de contacter le généraliste afin de lui proposer de modifier la prescription d'Avlocardyl, d'autant que la patiente n'a pas encore débuté son traitement. A la suite de l'entretien téléphonique, le médecin décide de remplacer le bêtabloquant par un dérivé de l'ergot de seigle, Ikaran LP 5 à raison de un comprimé matin et soir pendant un mois, délai au bout duquel il souhaite revoir la patiente.

-#gt; Etant donné l'atteinte relativement limitée que représentent les plaques au niveau des coudes, la pommade Daivobet constitue un traitement de première intention chez une patiente pour laquelle un traitement topique seul est justifié. Daivobet peut en effet être prescrit dans le traitement initial du psoriasis en plaques ne dépassant pas 30 % de la surface corporelle (pour éviter le risque de répercussion systémique sur le métabolisme calcique).

-#gt; Le mélange des deux principes actifs dans la même forme pharmaceutique de Daivobet devrait permettre d'améliorer l'observance au traitement.

-#gt; L'association fixe de calcipotriol et de bêtaméthasone - première association fixe de ce type dans la prise en charge du psoriasis - a une efficacité plus rapide que l'application d'une des deux molécules. De plus, les phénomènes irritatifs liés à l'emploi d'un dérivé de la vitamine D sont limités du fait de l'action anti-inflammatoire du dermocorticoïde (en association, fixe ou non).

-#gt; Daivobet doit être appliqué seulement une fois par jour, uniquement sur les lésions.

-#gt; La pommade ne doit pas être employée sur le visage, ni au niveau des plis, ni sur le cuir chevelu.

-#gt; En raison de la présence de dipropionate de bêtaméthasone, le traitement ne doit pas excéder quatre semaines.

-#gt; Dexeryl permet de diminuer la sécheresse cutanée associée à la maladie et de prévenir la survenue d'un prurit assez souvent lié à la pathologie.

INITIATION DU TRAITEMENT

Le dermatologue a vérifié que la patiente n'a pas de troubles du métabolisme calcique connus, ni d'infection cutanée ou d'autres pathologies cutanées qui contre-indiqueraient l'application de Daivobet, qu'elle n'a pas d'insuffisance rénale ou hépatique sévère et qu'elle n'est pas enceinte.

Contacter le généraliste

La prise de bêtabloquant n'est pas recommandée car elle peut aggraver un psoriasis.

SUIVI DU TRAITEMENT

-#gt; L'arrêt du Daivobet ne nécessite pas de précautions particulières (pas de posologies dégressives).

-#gt; Après 4 semaines de traitement, le dermatologue pourra envisager un relais par un traitement topique à base de calcipotriol seul (Daivonex) afin d'entretenir les résultats thérapeutiques obtenus.

-#gt; La patiente ne doit pas appliquer une dose journalière de plus de 15 g et une dose hebdomadaire supérieure à 100 g en raison du risque de survenue d'une hypercalcémie, réversible à l'arrêt du traitement. Cependant, le risque d'hypercalcémie lié à la présence de calcipotriol est minimal quand les recommandations sont bien suivies.

-#gt; Les effets indésirables les plus fréquents liés à l'emploi de Daivobet sont mineurs. Il s'agit de prurit et d'éruptions cutanées, rapportés dans 3 à 10 % des cas. Peuvent également apparaître les effets indésirables des deux principes actifs. Il s'agit surtout de réactions locales telles qu'une irritation, transitoire, une dermatite, un érythème, une aggravation du psoriasis, une photosensibilisation avec le calcipotriol, exceptionnellement une hypercalcémie. Les réactions locales liées à la bêtaméthasone surviennent surtout en cas d'exposition prolongée (atrophie, télangiectasies, folliculite, hypertrichose, dépigmentation...).

-#gt; Sous Ikaran LP 5 mg, des nausées sont possibles d'autant plus si le médicament est administré à jeun.

La patiente doit consulter à nouveau son généraliste si surviennent des manifestations de vasoconstriction périphérique (paresthésies des doigts et des orteils, ischémie périphérique et cyanose périphérique).

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Daivobet (calcipotriol, bêtaméthasone)

- Association topique d'un analogue de la vitamine D et d'un dermocorticoïde d'activité forte (groupe III selon l'OMS).

- Indiqué dans le traitement topique initial du psoriasis en plaques (psoriasis vulgaire) relevant d'un traitement topique.

- Daivobet s'applique sur les lésions une fois par jour pendant 4 semaines. Il ne faut pas utiliser plus de 15 g de pommade par jour, ni dépasser la dose de 100 g par semaine.

-#gt; Dexeryl (glycérol, vaseline, paraffine liquide)

- Association topique émolliente et hydratante.

- Indiqué comme traitement d'appoint des états de sécheresse cutanée de certaines dermatoses dont le psoriasis.

- La posologie consiste en 1 à 2 applications par jour en couche mince.

-#gt; Avlocardyl (propranolol)

- Bêtabloquant.

- Parmi ses nombreuses indications, Avlocardyl 40 mg constitue un traitement de fond de la migraine et des algies de la face.

- Dans cette indication, la posologie recommandée est de 40 à 120 mg par jour, soit 1 à 3 comprimés par jour.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Daivobet : appliquer la pommade le soir au coucher, uniquement sur les lésions de psoriasis. Se laver les mains après l'application. -#gt; Dexeryl : appliquer la crème en couche mince sur les lésions et à proximité sur la peau saine. -#gt; Ikaran LP 5 mg : prendre le comprimé au milieu du repas (jamais à jeun) avec un verre d'eau.

CONSEILS À LA PATIENTE

Autour du psoriasis

-#gt; Insister sur la nécessité de l'application régulière des deux traitements topiques.

-#gt; Penser que certains médicaments peuvent favoriser l'aggravation d'un psoriasis : les bêtabloquants, les sels de lithium, les antipaludéens de synthèse, les AINS, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, les interférons. Conseiller à la patiente de toujours signaler sa pathologie avant de prendre un nouveau traitement.

- Eviter l'automédication.

- Ne pas gratter les squames pour éviter l'extension des lésions.

- Evaluer la persistance de l'état de stress de la patiente pour lui suggérer d'envisager un éventuel soutien psychologique.

Daivobet

-#gt; Masser pour faire pénétrer la pommade dans la peau jusqu'à sa disparition presque totale.

-#gt; Appliquer la pommade sur la peau récemment lavée.

-#gt; Se laver les mains après chaque application pour éviter un transfert accidentel sur le visage (risque de dermite faciale), dans les yeux.

-#gt; En cas d'infection au niveau des lésions, la patiente doit suspendre l'application du Daivobet et revoir rapidement son médecin.

-#gt; Ne pas utiliser simultanément un autre corticoïde.

-#gt; Il est préférable d'appliquer la pommade Daivobet le soir pour un meilleur confort de la patiente.

-#gt; Une fois le tube ouvert, la durée de sa conservation est de trois mois.

-#gt; Bannir les pansements occlusifs.

Hygiène de vie

-#gt; Alcoolisme et tabagisme sont susceptibles d'aggraver un psoriasis. Limiter la consommation d'alcool. Eviter de fumer.

-#gt; Le soleil est un facteur d'amélioration du psoriasis. Cependant, en cas d'exposition solaire, il faut se protéger avec un écran total afin d'éviter les coups de soleil.

-#gt; Préférer les bains tièdes. Sécher la peau par tapotements.

-#gt; Utiliser des soins hydratants sur l'ensemble du corps régulièrement avec un massage léger. Il existe désormais des produits cosmétiques spécifiquement adaptés aux peaux psoriasiques : des lotions, des laits et des crèmes hydratantes (Psoriane, Cutis Mg 46, Betacade, La Roche-Posay, Xerial P...).

-#gt; Une cure thermale permet une prise en charge globale. Elle doit être prescrite par le médecin.

Liés aux crises de migraine

-#gt; Débuter Ikaran LP 5 mg malgré ses préoccupations actuelles (liées au décès et à sa pathologie).

-#gt; Signaler systématiquement ce traitement lors de toute consultation ultérieure car il ne faut pas associer la dihydroergotamine à certains médicaments (les inhibiteurs des cytochromes P450 comme les macrolides, sauf la spiramycine, le sumatriptan, le ritonavir...). Il existe un risque de nécrose des extrémités.

-#gt; Parler avec son médecin d'un éventuel projet de grossesse afin qu'il réévalue ce traitement de fond de la migraine et celui du psoriasis.

-#gt; Poursuivre la tenue d'un calendrier des crises migraineuses.

-#gt; Adopter des techniques de relaxation.

-#gt; Dormir suffisamment.

Par Hélène Peyrière et Romain Bechet, service de pharmacologie médicale et toxicologie au CHU de Montpellier

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que le psoriasis ?

Le psoriasis est une dermatose érythématosquameuse d'évolution chronique, d'ordinaire bénigne. Cependant, son retentissement psychologique et social est souvent important. Certaines formes cutanées ou articulaires peuvent être invalidantes. Cette affection qui n'est pas contagieuse est prise en charge par les dermatologues.

Épidémiologie

La prévalence globale du psoriasis est estimée à 2 à 3 % dans les populations d'Europe du Nord et d'Amérique du Nord, d'origine caucasienne. L'incidence est d'environ 50 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants dans ces contrées. La maladie est plus rare chez les Noirs, les Japonais et les Esquimaux. Elle est la même chez l'homme et la femme.

L'âge moyen de survenue varie, mais la maladie apparaît le plus souvent chez l'adolescent ou l'adulte jeune.

Dans les cas familiaux, la transmission chez l'enfant est plus fréquente quand le père est atteint.

PHYSIO-PATHOLOGIE

La lésion psoriasique comporte une prolifération de kératinocytes associée à des phénomènes inflammatoires essentiellement dermiques.

Les kératinocytes ont une activité mitotique fortement augmentée.

Cet état prolifératif s'associe à des anomalies de la maturation de ces cellules qui migrent beaucoup plus rapidement vers l'épiderme. Existent aussi des kératines anormales alors que d'autres kératines sont absentes ou d'apparition retardée.

Outre des dilatations vasculaires, les phénomènes inflammatoires se traduisent par des infiltrats constitués de polynucléaires et surtout de lymphocytes T (CD4 dans le derme, CD8 dans l'épiderme), qui produisent de l'interféron gamma, de l'IL2, du TNF-alpha.

Les causes de la prolifération anormale et des troubles de la différenciation du kératinocyte psoriasique ne sont pas totalement élucidées à ce jour. L'hypothèse immunologique paraît la plus probable actuellement, le psoriasis pouvant être assimilé à une maladie auto-immune.

Étiologies

Facteurs génétiques

L'existence de psoriasis familiaux (un tiers des cas environ) et la survenue de la maladie chez les jumeaux homozygotes (60 % des cas) indiquent que le psoriasis peut être considéré comme une maladie héréditaire dont le mode de transmission (dominant, récessif ou multigénique) n'est pas encore défini.

Ces facteurs génétiques sont plus importants dans les psoriasis de survenue précoce dont l'association avec certains antigènes d'histocompatibilité (HLA CW6 en particulier) est très forte.

Les techniques nouvelles de biologie moléculaire ont permis de situer certains loci de susceptibilité à la maladie dans des populations ou dans des familles. Ces loci sont répartis sur divers chromosomes dans le génome, le plus important étant situé sur le bras court du chromosome 6 dans la zone du locus HLA.

Facteurs infectieux

Plus d'un tiers des psoriasis de l'enfant débutent à la suite d'épisodes infectieux rhinopharyngés qui peuvent également aggraver les psoriasis déjà établis.

Le rôle du streptocoque, qui partage des similitudes antigéniques avec certaines kératines, a été évoqué. C'est ce qui explique le traitement antibiotique pour certains psoriasis en gouttes de l'enfant. Cependant cette hypothèse n'est toujours pas confirmée.

Lors de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), la fréquence du psoriasis peut être augmentée, mais ce sont surtout les formes graves, arthropathiques ou pustuleuses, qui ont une fréquence supérieure.

Facteurs psychologiques

Les stress psychologiques sont importants dans le déclenchement de la maladie ou de ses poussées. Si le rôle du traumatisme psychique est bien admis, en revanche l'existence d'un profil psychologique particulier du psoriasique est beaucoup plus discutée. Les perturbations psychologiques sont plutôt le fait du retentissement de la maladie et de ses répercussions dans la vie relationnelle.

Facteurs médicamenteux

Certaines classes médicamenteuses peuvent induire ou aggraver le psoriasis, en particulier les bêtabloquants, le lithium, l'interféron alpha et peut-être les sartans, les IEC, les AINS... Toutefois, ces médicaments largement utilisés ne sont pas contre-indiqués chez le psoriasique, mais leur éviction est envisagée lorsqu'ils semblent aggraver la symptomatologie.

Autres facteurs de risque

Le tabac peut aggraver la maladie essentiellement dans sa forme pustuleuse, alors que le rôle de l'alcool est beaucoup plus discuté. Le régime alimentaire n'a sans doute pas d'impact, mais les facteurs climatiques (rôle favorable de l'ensoleillement) peuvent être importants.

SIGNES CLINIQUES

Description

La lésion élémentaire est une tache érythématosquameuse, généralement arrondie, parfois en relief.

Les lésions sont bien limitées, souvent symétriques, parfois très congestives (membres inférieurs) ou au contraire recouvertes de larges squames épaisses d'aspect ostréacé (en coquille d'huître).

Le nombre de lésions est variable. Leur dimension peut aller de quelques millimètres (psoriasis en points ou en gouttes) à plusieurs centimètres (psoriasis nummulaire et en plaques).

Localisation

La topographie des lésions a un grand intérêt pour le diagnostic.

D'ordinaire, le psoriasis siège sur les faces d'extension des membres : coudes et bords cubitaux des avant-bras, genoux et régions prétibiales, cuir chevelu, région lombosacrée.

Les traumatismes cutanés peuvent aussi être le siège d'une efflorescence psoriasique (phénomène de Koebner). Toutefois, le psoriasis peut être localisé dans les plis (psoriasis inversé) : plis sous-mammaires, interfessier, axillaires et ombilicaux. Le visage est rarement atteint.

Formes particulières

Les aspects des lésions psoriasiques varient selon la topographie.

-#gt; Au cuir chevelu, il peut s'agir d'un aspect de couronne séborrhéique, d'une atteinte occipitale ou rétro-auriculaire ou d'un véritable casque érythématosquameux englobant tout le cuir chevelu.

-#gt; Le psoriasis palmoplantaire peut réaliser un aspect de kératodermie diffuse ou se limiter à des îlots d'hyperkératose entourés d'une aréole érythémateuse. La présence de fissures douloureuses cause une gêne fonctionnelle souvent importante.

-#gt; Le psoriasis des ongles peut prendre l'aspect classique d'ongles en dé à coudre (dépressions ponctuées cupuliformes) ou d'une onycholyse (souvent bordée d'une zone de couleur jaune saumon), ou encore avoir un aspect de leuconychie (taches blanches de l'ongle) ou d'hyperkératose sous-unguéale avec une pachyonychie (épaississement). Un périonyxis rouge et squameux peut aussi être présent.

-#gt; Les muqueuses sont rarement atteintes. Le psoriasis du gland a un aspect de balanite à taches bien limitées non squameuses, d'évolution chronique. Le psoriasis de la langue a l'aspect d'une langue géographique (leucokératose arciforme mobile d'un jour à l'autre).

évolution

Le psoriasis peut débuter à tout âge, mais surtout à l'adolescence.

Il est chronique et persiste toute la vie, évoluant par poussées et rémissions, rythmées par les stress psychologiques, les facteurs infectieux, le climat.

Ces rémissions peuvent durer plusieurs mois ou années mais, même en rémission, il est rare que la maladie disparaisse complètement. Quelques taches érythématosquameuses vont persister ou des zones dépigmentées dans les localisations habituelles.

La gravité de la maladie dans les études est souvent appréciée par l'index PASI (Psoriasis Area Severity Index) qui tient compte de l'étendue, de l'érythème, des squames et de l'infiltration des lésions, mais il n'évalue pas le retentissement fonctionnel social et psychologique.

COMPLICATIONS

- Les lésions psoriasiques peuvent se surinfecter, essentiellement avec Candida albicans dans les plis ou les dermatophytes sur les ongles.

- Des associations à d'autres maladies ont été décrites, mais restent discutables en dehors de la maladie de Crohn dans laquelle le psoriasis est 4 fois plus fréquent.

- Le prurit peut constituer une complication très gênante. Il est présent dans 30 % des cas, surtout lorsque existent des facteurs psychologiques importants.

- Les principales complications sont constituées par les psoriasis graves qui peuvent apparaître d'emblée, mais qui d'ordinaire aggravent un psoriasis déjà constitué.

- A ces formes graves de psoriasis, il convient d'ajouter certains psoriasis de l'enfant, en particulier celui du nouveau-né et celui associé à l'infection par le VIH.

Les formes graves

- Le psoriasis pustuleux

Il comporte deux formes, réunies par la présence d'une pustule spongiforme et aseptique.

- La forme localisée palmoplantaire se manifeste par des poussées pustuleuses qui se succèdent de façon chronique, entraînant un handicap fonctionnel souvent important avec des difficultés au travail manuel et/ou à la marche.

- La forme généralisée, plus rare, débute brutalement avec l'altération de l'état général, de la fièvre et des pustules superficielles de grande taille, surtout localisées au tronc. Le pronostic vital peut être en jeu, mais l'efficacité des rétinoïdes a nettement amélioré le pronostic.

- Les érythrodermies psoriasiques

Elles se manifestent par un érythème diffus à tout le tégument avec le plus souvent une desquamation abondante.

- Ces érythrodermies peuvent survenir spontanément ou être liées, comme le psoriasis pustuleux, à l'administration de médicaments précédemment cités.

- Ce sont des formes graves du fait des possibles surinfections (septicémie), des troubles de la thermorégulation et des modifications hydroélectrolytiques qu'elles entraînent. Une hospitalisation est indispensable. Là encore, le pronostic a été amélioré avec l'introduction du méthotrexate et de la ciclosporine.

- Le rhumatisme psoriasique

Il est fréquent (20 % des cas environ), rarement inaugural.

- Il peut s'agir de monoarthrite avec des manifestations inflammatoires cliniques et biologiques atteignant les grosses ou les petites articulations. Les formes graves sont la polyarthrite et la spondylarthrite psoriasiques.

- Dans la polyarthrite psoriasique, l'aspect clinique est voisin de la polyarthrite rhumatoïde avec une atteinte moins symétrique, une déformation des doigts et des orteils non systématisée, une atteinte des interphalangiennes distales et une réaction de Waaler-Rose négative. L'évolution est d'ordinaire moins grave que celle de la polyarthrite rhumatoïde, bien que souvent très invalidante.

- La spondylarthrite psoriasique, plus rare, a une symptomatologie voisine de la spondylarthrite ankylosante. Elle comporte une sacro-iliite pouvant s'associer à une atteinte vertébrale. Ces arthropathies psoriasiques peuvent être difficiles à individualiser si elles surviennent avant les lésions cutanées.

Par le Pr Jean-Jacques Guilhou, dermatologue

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter le psoriasis ?

Le traitement du psoriasis est symptomatique. Il ne permet pas généralement d'obtenir la disparition complète (le « blanchiment ») de toutes les lésions. Améliorer de 50 % un patient par rapport à son état initial est déjà un succès. Le traitement des formes très limitées et bien acceptées de psoriasis est inutile.

TRAITEMENTS TOPIQUES

Le traitement local seul concerne les formes relativement peu étendues et non compliquées.

Il est prescrit en complément d'un traitement général dans les formes graves.

Agents kératolytiques

-#gt; L'acide salicylique s'emploie à une concentration généralement comprise entre 5 % et 10 % sous la forme de crème (cold-cream salicylé), d'onguent hydrosoluble ou de vaseline salicylée. Son administration devrait être évitée chez l'enfant de moins de 5 ans, en raison du risque d'intoxication salicylée (acidose métabolique).

-#gt; Des formulations à base d'urée à 5 % ou 10 % sont privilégiées chez les jeunes enfants.

Agents réducteurs

L'usage des goudrons est devenu obsolète. Ils contiennent des benzopyrènes potentiellement mutagènes et carcinogènes. Ils sont mal acceptés (odeur, couleur, tachant).

Dérivés de la vitamine D

Les dérivés de la vitamine D agissent sur la différenciation épidermique et ralentissent la prolifération des kératinocytes.

-#gt; Le calcipotriol (Daivonex)

Il bénéficie d'une bonne tolérance, n'entraîne pas de phénomène de rebond à l'arrêt du traitement. Néanmoins, dose et durée du traitement sont limitées en raison du risque d'hypercalcémie. Daivobet ne doit pas être utilisé sur le visage ou les plis. Il offre des rémissions d'environ 6 semaines. L'association fixe à la bêtaméthasone (Daivobet) se révèle plus efficace que l'application isolée des deux principes actifs.

-#gt; Le tacalcitol (Apsor)

Il est proche du précédent.

-#gt; Le calcitriol (Silkis)

Egalement anti-inflammatoire, il est intéressant sur les lésions des plis de flexion, des régions rétro-auriculaires, du visage et du cuir chevelu.

Dermocorticoïdes

Les dermocorticoïdes (nombreuses spécialités) exercent une activité antiproliférative, anti-inflammatoire et immunosuppressive, efficace y compris sur le cuir chevelu. Non irritants, les produits sont d'emploi facile, incolores, inodores.

-#gt; Leur utilisation expose cependant à des conséquences iatrogènes (atrophie cutanée, télangiectasies, troubles de la pigmentation, hypertrichose...) ainsi qu'à des phénomènes de tachyphylaxie (diminution de l'efficacité avec le temps), qui impliquent de prévoir des fenêtres d'abstinence thérapeutique au bout de 3 à 4 semaines de traitement et de contrôler les quantités utilisées (compter le nombre de tubes). Le risque d'effet rebond dans le mois suivant l'arrêt d'une corticothérapie locale maintenue pendant plus de 20 jours nécessite l'arrêt progressif de celle-ci.

-#gt; Il est d'usage de prescrire un dermocorticoïde de niveau III sur le visage, de niveau II ou I sur le corps, et de niveau I au niveau des paumes des mains et de la plante des pieds.

-#gt; La couche cornée formant un réservoir au médicament, une application quotidienne s'avère suffisante.

-#gt; Ils peuvent être appliqués sous pansement occlusif.

-#gt; La pommade contribue à hydrater la couche cornée : elle est destinée aux lésions sèches ou squameuses. Les lotions sont destinées aux zones pileuses, les crèmes et les gels aux lésions suintantes ou siégeant dans les plis.

-#gt; Ils peuvent être associés à des kératolytiques (cf. tableau page 12).

Rétinoïdes

Dérivés de la vitamine A, les rétinoïdes régularisent le processus de différenciation, réduisent l'hyperprolifération kératinocytaire et inhibent l'expression des protéines pro-inflammatoires.

-#gt; Indiqué dans le psoriasis en plaques bénin à modéré, le tazarotène (Zorac) ne s'applique pas sur plus de 10 % de la surface corporelle.

-#gt; Le tazarotène s'applique à concentration croissante, de façon de plus en plus rapprochée, en surveillant la tolérance du traitement. Il entraîne des rémissions plus prolongées qu'avec les dermocorticoïdes (3 mois environ).

-#gt; Compte tenu des effets irritatifs, la peau saine peut être protégée par une pâte au zinc.

Autres traitements

-#gt; Les agents émollients limitent le prurit comme la xérose dermique iatrogène (photothérapie, application de rétinoïdes, etc.) et facilitent l'élimination des squames.

-#gt; Agent cytostatique, la chlorméthine (Caryolysine), appliquée au pinceau après dilution, constitue un traitement satisfaisant des lésions cutanées ou du cuir chevelu mais elle est irritante et expose au risque de sensibilisation.

LES INTERACTIONS AVEC LES TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES DU PSORIASIS

TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES

Les traitements généraux sont essentiellement réservés aux formes les plus sévères. Ils permettent d'espérer des rémissions allant de 6 (ciclosporine) à 10 semaines (méthotrexate), mais sont susceptibles d'induire des effets indésirables graves.

Rétinoïdes

L'acitrétine (Soriatane) est un analogue aromatique de synthèse de l'acide rétinoïque et métabolite actif de l'étrétinate.

-#gt; Elle est indiquée dans les formes érythrodermiques (à posologie faible), pustuleuses ou palmoplantaires, ainsi que sur les psoriasis étendus (#gt; 50 % de la surface corporelle).

-#gt; Le traitement débute à la dose de 25 à 30 mg par jour pendant 2 à 4 semaines. Après un minimum de 2 semaines et sous réserve d'une tolérance suffisante, cette posologie peut être augmentée par paliers de 10 mg. De fortes doses fragilisent l'épiderme (survenue de lésions unguéales parfois irréversibles). Cette stratégie permet d'obtenir jusqu'à 60 % de réponses et 40 % de blanchiment des lésions.

-#gt; La rechute clinique est rapide dès que le traitement est arrêté : la moyenne de la rémission est de 8 semaines.

-#gt; L'acitrétine s'emploie en monothérapie ou en association à d'autres traitements (dermocorticoïdes, calcipotriol, ultraviolets A ou B).

-#gt; Ses effets indésirables, dose-dépendants et réversibles à l'arrêt du traitement, affectent avant tout la peau : chéilite desquamante, xérose, prurit, épistaxis, alopécie.

-#gt; L'acitrétine est tératogène. Chez la femme en âge de procréer, la prise d'un contraceptif un mois avant l'instauration du traitement jusqu'à 2 mois après son arrêt est impérative (tests de grossesse tous les 2 mois). Il est également recommandé de poursuivre cette contraception pendant les 2 années suivant l'arrêt.

Si la demi-vie d'élimination de l'acitrétine est brève, son association à l'alcool induit une accumulation d'étrétinate, tératogène, dont la demi-vie est prolongée (4 mois) et qui s'accumule dans le tissu graisseux. Ceci explique que la consommation d'alcool soit déconseillée pendant la durée du traitement et les deux mois y faisant suite.

Ciclosporine

La ciclosporine (Sandimmun, Néoral), immunosuppresseur, donne des résultats comparables au méthotrexate.

-#gt; La ciclosporine est indiquée dans les formes sévères et étendues de psoriasis (plaques sévères, extensives, invalidantes) en cas d'inefficacité, d'intolérance ou de contre-indication des traitements classiques (puvathérapies, rétinoïdes, méthotrexate).

-#gt; Elle s'administre à une posologie inférieure à 5 mg/kg/j mise en place progressivement, en cures répétées de 3 à 5 ou 6 mois.

-#gt; Elle nécessite notamment une surveillance rénale (toutes les 2 semaines pendant les 3 premiers mois puis tous les mois) et lipidique.

-#gt; Il est déconseillé de l'associer au méthotrexate, sauf situation exceptionnelle.

Méthotrexate

Le méthotrexate exerce une action antiproliférative, anti-inflammatoire et immunosuppressive.

-#gt; Donnant un résultat clinique en 2 à 3 semaines, maximal au bout de 2 mois, Novatrex est indiqué dans les formes sévères de psoriasis (psoriasis en grandes plaques, #gt; 50 % de la surface cutanée, formes érythrodermiques, pustuleuses généralisées, formes résistantes aux thérapies classiques : puvathérapie, rétinoïdes).

-#gt; Le méthotrexate s'administre per os (7,5 à 25 mg/semaine, en une prise unique ou en prises fractionnées selon une posologie atteinte par paliers). Il peut aussi s'injecter en intramusculaire (une injection hebdomadaire de 7,5 à 30 mg ; hors AMM).

-#gt; Les effets indésirables sont avant tout digestifs (nausées, douleurs, anorexie, stomatite), pulmonaires (toux, dyspnée d'effort), cutanés (exanthème maculopapuleux) et hématologiques : toxicité médullaire avec leucopénie et thrombopénie surtout, nécessitant une surveillance très régulière.

Les effets hépatiques (augmentation des transaminases, risque de fibrose ou de cirrhose notamment chez les sujets alcooliques, obèses, diabétiques, insuffisants rénaux ou utilisant par ailleurs d'autres médicaments hépatotoxiques) ne doivent pas être surévalués mais imposent une surveillance et une stricte sélection des patients susceptibles de recevoir ce traitement. Le risque infectieux demeure faible.

-#gt; Chez la femme en âge de procréer, une contraception est nécessaire jusqu'à 3 mois après l'arrêt du traitement. Une grossesse doit être évitée si le partenaire est traité (pendant le traitement jusqu'à 5 mois après son arrêt).

-#gt; L'association du méthotrexate à la photothérapie ou aux topiques est possible, mais celle aux rétinoïdes systémiques est abandonnée.

Autres médicaments

-#gt; L'azathioprine (Imurel) est parfois utilisée dans le traitement du psoriasis, bien que cette indication ne soit pas explicitement mentionnée dans l'AMM.

-#gt; Le mycophénolate mofétil (Cellcept) est prescrit hors AMM dans certaines formes sévères.

-#gt; L'infliximab (Remicade) peut être associé au méthotrexate pour traiter des formes particulièrement sévères et récidivantes (hors AMM).

PHOTOTHÉRAPIES

La photothérapie, antiproliférative et immunomodulatrice, s'adresse aux formes étendues de la maladie (#gt; 40 % de la surface corporelle). Des applications localisées sont possibles dans les formes palmoplantaires.

Elle est réalisée sur des lésions de zones glabres, après décapage préalable aux kératolytiques.

Ultraviolets A

La puvathérapie associe un traitement photosensibilisant à un rayonnement UVA.

-#gt; Les psoralènes sont le 8-méthoxypsoralène ou méthoxsalène (Méladinine) administré par voie locale ou systémique, ou le 5-méthoxypsoralène (Psoraderm-5 en comprimés).

Ils sont contre-indiqués en cas d'insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale, d'hypertension artérielle et d'affections cutanées aggravées par le soleil.

-#gt; Ce traitement, potentiellement carcinogène, est à l'origine d'effets iatrogènes à court terme (érythème actinique, prurit, xérose, douleurs cutanées, herpès, etc.) et à long terme (dyschromies cutanées, carcinomes, mélanomes, cataracte impliquant de porter des lunettes de soleil au moins 8 heures après chaque séance).

-#gt; La puvathérapie nécessite une protection ophtalmologique et des zones génitales masculines.

-#gt; Le risque de cancérisation cutanée impose de ne pas excéder un cumul de doses fonction du phototype (environ 250 séances soit 2 500 j/cm2 de peau).

-#gt; Il est possible d'associer un protocole de puvathérapie à l'administration de rétinoïdes systémiques, de méthotrexate ou de certains traitements topiques : tacalcitol, dérivés de la vitamine D (étant inactivés par les ultraviolets, il ne faut pas les appliquer moins de 2 heures avant la photothérapie).

Ultraviolets B

-#gt; La photothérapie par UVB en bande étroite, d'efficacité inférieure à celle de la puvathérapie, ne requiert pas l'administration de psoralènes.

-#gt; Le risque de cataracte subsiste mais le risque cancérigène est probablement moins important que lors d'une exposition aux UVA. Il est possible d'y recourir chez l'enfant comme chez la femme enceinte.

-#gt; Cette thérapie est contre-indiquée dans l'érythrodermie. Elle n'est pas efficace sur le cuir chevelu ni la région pelvienne.

PERSPECTIVES

-#gt; Un vernis médical à base de tazarotène facilitera le traitement du psoriasis unguéal.

-#gt; L'administration par voie orale de tazarotène fait l'objet d'essais.

-#gt; L'acide fumarique diminue l'activité lymphocytaire et exerce une action thérapeutique intéressante par voie orale dans le psoriasis sévère (essai de phase III).

-#gt; Le liarazole augmente la concentration sérique en rétinoïdes endogènes (essais dans des formes pustuleuses ou palmoplantaires).

-#gt; L'étanercept (Enbrel) se révèle potentiellement prometteur également (demande d'extension d'AMM en cours).

-#gt; L'alefacept, anticorps anti-CD2 (Amevive), est approuvé par la FDA dans les seules formes de psoriasis modérées à sévères.

-#gt; L'éfalizumab, anticorps humanisé (Raptiva) administré de façon hebdomadaire par voie sous-cutanée, fait aujourd'hui l'objet d'études cliniques. Il est autorisé en Suisse et aux Etats-Unis dans le psoriasis en plaques modéré à sévère chronique.

-#gt; Le spectre d'action photothérapique du psoriasis explique l'utilisation, encore expérimentale, d'un rayonnement monochromatique émis par un laser à 308 nm, appliqué par une fibre optique sur des plaques localisées.

Par Denis Richard

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : Une médecine centrée sur le patient

Pr Louis Dubertret, chef de service de dermatologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris

La prise en charge thérapeutique des patients atteints de psoriasis est-elle particulière ?

Oui. C'est avec le psoriasis qu'est née la « médecine centrée sur le patient ». Parce que cette pathologie a un retentissement sur la qualité de vie parfois très important, seul le patient est à même d'apprécier le handicap qu'elle représente. Le soignant doit donc adapter sa démarche thérapeutique à chaque personne. Celle-ci comporte quatre étapes : l'interrogatoire, les explications, la négociation et la prescription.

Au cours de la première étape, le médecin interroge le patient sur le vécu de sa maladie, les localisations gênantes de son psoriasis, les périodes de l'année où il souffre le plus, ce qu'il sait du mécanisme de l'affection dont il souffre, s'il a identifié un élément de son environnement rythmant ses poussées, sans oublier les traitements précédemment reçus.

Ensuite, le dermatologue donne des explications : le psoriasis est une maladie à terrain génétique, la peau réagit trop fort à tous les événements auxquels elle est soumise. Un traitement d'attaque va permettre de faire disparaître la maladie et un traitement d'entretien, d'éviter les rechutes. C'est à ce moment que le médecin présente l'ensemble des traitements (locaux et généraux) en expliquant leurs avantages et leurs inconvénients.

Au cours de l'étape de la négociation, la plus importante, le dialogue entre le patient et le médecin est équilibré. Trois ou quatre traitements sont proposés au patient. C'est dans une égalité de dialogue que le traitement le plus approprié est déterminé. Le traitement choisi correspond à celui demandé par le patient.

Enfin, en découle une prescription, ou plutôt un contrat de soins. Elle comprend les explications pour le bon usage du ou des médicaments.

Le Pr Louis Dubertret, interrogé par Véronique Pungier

CONSEILS AUX PATIENTS

Psoriasis et vie quotidienne

-#gt; Respecter une bonne hygiène de vie pour éviter les aggravations de la maladie. La prise de café et d'alcool est déconseillée. Un régime alimentaire riche en vitamine A peut réduire la fréquence des poussées. Les patients diabétiques doivent plus que jamais veiller à l'équilibre de leur glycémie.

-#gt; Ne jamais arracher les squames pour ne pas étendre et aggraver les lésions.

-#gt; Modérer les expositions solaires : si l'effet des UV est réputé bénéfique et fait régresser les lésions dans la majorité des cas, les coups de soleil, en revanche, déclenchent les poussées. Recommander une crème solaire haute protection.

-#gt; En cas de psoriasis du cuir chevelu, éliminer les squames doucement pour ne pas arracher les cheveux. Une prise en charge rapide et correcte est préférable.

-#gt; En présence d'un psoriasis des mains, porter des gants protecteurs pour faire la vaisselle et le ménage de façon à éviter le contact avec des détergents. Bien hydrater les mains après chaque lavage.

Psoriasis et hydratation

-#gt; Utiliser des soins émollients : l'application quotidienne d'une crème hydratante fait partie intégrante du traitement. Elle permet de diminuer la desquamation et le prurit. Aux crèmes grasses type vaseline, peu agréables d'utilisation, se sont substitués des produits à base d'urée ou d'acide lactique. Certaines gammes sont même dédiées au psoriasis : Psoriane (Saint-Gervais), Effadiane Pso, Cutis Mg 46, Xerial P...

-#gt; Bannir le savon de Marseille, trop décapant. Proposer des pains dermatologiques ou des huiles de bain.

-#gt; Penser aux pulvérisations d'eau, pratiques pour calmer les démangeaisons.

Psoriasis et traitements

-#gt; Ne pas suivre de traitement prolongé avec les dermocorticoïdes sans avis médical. Limiter le plus possible leur utilisation au niveau du visage en raison d'un risque d'atrophie cutanée. Arrêter le traitement de façon progressive (s'il a duré plus de 3 semaines) pour éviter un effet rebond.

-#gt; Les dérivés de la vitamine D et les rétinoïdes peuvent induire une irritation, s'estompant au bout de 15 jours à 3 semaines d'application. Mieux vaut donc prévenir les patients et insister sur l'observance du traitement. Par ailleurs, les personnes utilisant des rétinoïdes sur des zones découvertes ne doivent pas s'exposer au soleil.

-#gt; Avec Soriatane, pratiquer régulièrement des contrôles sanguins pour s'assurer du bon fonctionnement hépatique. Avertir de l'apparition éventuelle d'une sécheresse et des yeux et de la bouche. Déconseiller la prise d'alcool.

Vérifier également que les patientes en âge de procréer ont été averties des risques liés au traitement, qu'elles utilisent une contraception efficace (y compris les 2 mois suivant son arrêt) et qu'elles effectuent régulièrement (tous les 2 mois) un test de grossesse.

-#gt; Rappeler aux patients les risques tératogènes de certains traitements (acitrétine, méthotrexate) et l'importance du suivi d'une contraception.

-#gt; Insister sur l'importance d'effectuer les contrôles biologiques prescrits par le médecin.

-#gt; Avec la puvathérapie, procéder à un décapage préalable des lésions. Porter des lunettes de soleil au moins 8 heures après chaque séance. Vérifier l'absence de cataracte. Ne pas s'exposer au soleil.

Psoriasis et image de soi

-#gt; Camoufler les lésions du visage est une façon d'améliorer l'estime de soi. Conseiller des produits spécifiques vendus en pharmacie tels Couvrance (Avène) et Dermablend (Vichy).

-#gt; Dédramatiser : l'annonce de la maladie est souvent mal vécue. Il paraît donc important de préciser qu'il est possible de maîtriser la survenue des lésions gênantes, que le psoriasis n'est pas contagieux et qu'il ne se transmet pas systématiquement aux enfants (psoriasis familial dans 33 % des cas).

-#gt; Orienter vers une prise en charge psychologique si nécessaire : le psoriasis entraîne une dévalorisation de l'image de soi et peut altérer fortement la qualité de vie. Plus les patients sont stressés par leur maladie, plus ils aggravent leur état. Il s'avère donc essentiel d'accepter la maladie. Mais le soutien de l'entourage ne suffit pas toujours.

Par Myriam Loriol

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Association pour la lutte contre le psoriasis (APLCP)

Parc du Bondon, 23, rue de la Comtesse-de-Ségur, 56000 Vannes - secrétariat : 01 34 42 09 01 - http://www.aplcp.org

Née il y a 20 ans, l'APLCP est la seule association de patients atteints de psoriasis en France. Elle compte près de 15 000 adhérents. Disposant de nombreuses antennes régionales, elle participe à l'élaboration de brochures destinées aux patients, distribuées notamment en pharmacie. L'association édite « PSO », un bulletin trimestriel traitant de l'actualité de la maladie en France, en Europe et dans le monde. Elle organise régulièrement à travers l'Hexagone des conférences (prochainement aussi pour les pharmaciens) dont le programme figure sur son site Internet. Depuis peu, des groupes de parole (suivi sur 1 an) permettent aux patients de reprendre confiance en eux.

INTERNET

Site pour tout savoir sur le psoriasis

http://www.monpso.net

Elaboré par le laboratoire Leo Pharma, Monpso. net cherche à diffuser « toute l'information nécessaire à la compréhension de la maladie psoriasique ». On y navigue grâce à 4 modules. Le « Patient virtuel » permet de découvrir chaque type de la maladie (psoriasis en plaques, en gouttes, nummulaire, des plis...) en images, description détaillée à l'appui. Le bouton « Qu'est-ce que le pso » retrace l'histoire de la maladie, décrit les étiologies, les classifications selon le type de lésions et les signes cliniques. « Quels cosmétiques pour la peau psoriasique ? », « Le psoriasis au féminin », « Psoriasis et sexualité » sont quelques-uns des sujets traités dans le chapitre « En savoir plus ». Enfin, une très large place est laissée aux questions de toutes sortes des visiteurs auxquelles répondent des dermatologues.

Cours sur le psoriasis

http://www.assim.refer.org/psoria.htm

Ce site propose une synthèse sur le psoriasis. Présenté sous la forme d'un cours, il balaie le diagnostic d'après la clinique et les localisations des lésions cutanées, sa physiopathologie et les principes actuels du traitement (traitements locaux, photothérapie et traitements généraux).

Un test sous forme de QCM permet au visiteur de vérifier ses connaissances.

LIVRES

Le psoriasis, de la clinique au traitement

Pr Louis Dubertret, éditions Med'Com, collection Guide Pratique de Dermatologie, 2004

Cet ouvrage récent a été écrit par un passionné de psoriasis dans le but de faire partager son intérêt pour cette pathologie. C'est un guide pratique destiné aussi bien aux professionnels de santé qu'aux patients. Suivant une architecture classique, l'div consacre une large place à la prise en charge thérapeutique (description des types de traitement). Il décrit auparavant les divers aspects cliniques du psoriasis à l'aide de nombreuses photographies. Un chapitre détaille les différents traitements envisageables selon l'âge du patient, la présence d'une autre pathologie, les localisations des plaques de psoriasis...

Comment est diagnostiqué un psoriasis ?

Le diagnostic du psoriasis est essentiellement posé d'après les signes cliniques. Aucun examen complémentaire n'est pratiqué en général.

La biopsie est rarement indispensable. Elle montrerait une hyperacanthose avec une hyperkératose parakératosique associée à un infiltrat inflammatoire constitué de polynucléaires et de lymphocytes. Un allongement des papilles avec une hypervascularisation est également présent. Cependant, lorsque la clinique est hésitante, l'aspect anatomopathologique l'est souvent également.

Diagnostic différentiel

Un psoriasis peut être confondu avec une autre dermatose érythématosquameuse :

- le pityriasis rosé de Gibert (taches roses associées à un médaillon de plus grande surface ; évolution favorable avec guérison en 6 à 8 semaines environ),

- un eczéma séborrhéique : atteinte de la lisière du cuir chevelu, des sillons nasogéniens, de la zone intersourcilière (absence de lésion psoriasique à distance),

- des syphilides secondaires psoriasiformes (caractère papuleux, disposition annulaire des squames, présence de lésions muqueuses et de ganglions),

- un eczéma atopique (atteinte des plis, poussées vésiculeuses, allergies diverses)

Les localisations atypiques du psoriasis doivent être différenciées :

- de l'intertrigo bactérien ou mycosique,

- d'une kératodermie palmoplantaire d'étiologie variable,

- d'une érythrodermie pouvant correspondre à un lymphome ou à une toxidermie médicamenteuse,

- des rhumatismes inflammatoires : polyarthrite rhumatoïde et spondylarthrite ankylosante,

- d'une onychopathie mycosique à candida ou à dermatophytes,

- d'une toxidermie pustuleuse.

Stratégie thérapeutique

Il n'existe pas de consensus sur le traitement du psoriasis. Pour sa prescription, le dermatologue tient compte non seulement de la gravité et de l'étendue des lésions, mais aussi des préjudices fonctionnel, esthétique, professionnel, relationnel, du retentissement psychologique de la maladie et du désir de rémission du malade.

Il est possible de distinguer trois grandes familles de traitement : les traitements topiques, particulièrement bien adaptés aux formes localisées de psoriasis, les traitements systémiques pour les psoriasis sévères (associés si besoin aux traitements locaux dans les formes les plus sévères) et la photothérapie pour les formes étendues.

Il s'agit d'abord de blanchir les lésions, c'est-à-dire de faire disparaître les lésions de psoriasis : c'est le traitement d'attaque. Ensuite, intervient le traitement d'entretien afin de maintenir blanchie la peau et de prévenir les rechutes.

Contre-indications absolues des topiques

- Dermocorticoïdes : infections bactériennes, virales, fongiques primitives et parasitaires ; lésions ulcérées ; acné, rosacée, atrophie de la peau, vergetures, fragilité veineuse cutanée, ichtyose ; psoriasis en goutte, érythrodermique, exfoliant ou pustuleux.

- Anaxéryl : lésions suintantes, traitement des muqueuses.

- Apsor, Daivonex, Daivobet : hypercalcémie et trouble du métabolisme calcique, quelle que soit son origine.

- Méladinine : usage à des fins cosmétiques (bronzage) ; affections cutanées aggravées par le soleil (porphyries, lupus érythémateux).

- Silkis : traitement systémique d'une carence calcique, insuffisance rénale ou hépatique, hypercalcémie, trouble du métabolisme du calcium.

- Zorac : grossesse, grossesse envisagée, allaitement, psoriasis pustuleux, psoriasis exfoliant, plis cutanés, visage, cuir chevelu.

Contre-indications des traitements systémiques

- Acitrétine : insuffisance hépatique sévère, hypervitaminose A, hyperlipidémie, grossesse ou femme en âge de procréer en l'absence de contraception efficace.

- Ciclosporine : les patients antérieurement traités par l'arsenic (liqueur de Fowler), antécédents de kératoses préépithéliomateuses ou de carcinomes cutanés sous puvathérapie, insuffisance rénale, hypertension artérielle non contrôlée, infections mal contrôlées, antécédents d'affections malignes ou affections malignes évolutives.

- Méthotrexate : grossesse, allaitement, insuffisance rénale sévère, atteinte hépatique sévère, insuffisance respiratoire chronique.

Les cures thermales

La cure thermale est un moment privilégié où toute une équipe de spécialistes se met au service des patients, assurant une prise en charge globale. Les effets conjugués de l'eau thermale et de l'environnement permettent d'obtenir une amélioration du psoriasis, même si elle est temporaire. D'après une enquête menée en octobre 2002 chez 239 curistes (La Roche-Posay), les bienfaits de la cure persistent jusqu'à six mois dans 50 % des cas.

En France, une dizaine de stations thermales ont l'indication dermatologique. Les soins à l'eau thermale prescrits durent trois semaines, avec au programme les douches filiformes sous forte pression pour décaper les plaques, les pulvérisations apaisantes ainsi que les bains dotés d'une action antiprurigineuse et décontractante.

Par ailleurs, ces cures (prises en charge par la Sécurité sociale) sont de véritables outils d'éducation thérapeutique, en particulier chez les enfants.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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