L'enfant hyperactif - Le Moniteur des Pharmacies n° 2548 du 11/09/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2548 du 11/09/2004
 

Cahier formation

l'essentiel L'hyperactivité pathologique de l'enfant ou trouble hyperkinétique avec déficit de l'attention s'observe avant l'âge de sept ans, aussi bien en milieu scolaire que familial. Les difficultés attentionnelles, l'hyperactivité motrice et l'impulsivité sont les principaux signes cliniques. Ils côtoient différentes manifestations moins spécifiques (troubles de l'humeur, intolérance à la frustration, dyslexie...). Le traitement a pour clef de voûte le méthylphénidate. Cette molécule qui suit les règles de délivrance des stupéfiants est un psychostimulant apparenté à l'amphétamine. Elle est efficace dans trois cas sur quatre et son effet est rapide. La rispéridone et parfois des antidépresseurs complètent la thérapeutique médicamenteuse. La thérapie cognitivocomportementale et les aides pédagogiques sont fondamentales sur le long terme. Chez 10 à 40 % des enfants, l'aide d'un orthophoniste ou d'un psychomotricien peut être requise.

ORDONNANCE : Un enfant hyperactif souffrant de rhinite allergique

Kevin S., 11 ans, est traité pour hyperactivité. Il accompagne sa mère à l'officine. Elle confie deux ordonnances. La première, sécurisée, rédigée par un pédopsychiatre hospitalier, comporte Concerta LP, Prozac et Risperdal, et la deuxième émane d'un médecin généraliste qui a prescrit Allergodil contre une rhinite allergique.

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Jacques Marty

Pédopsychiatre

Hôpital de La Forme

94130 Nogent-sur-Marne

Tél. : 01 41 29 75 78

94 3 99999 8

Le 10 septembre 2004

Kevin S.

11 ans, 50 kilos

-#gt; Concerta LP 36 mg : un comprimé le matin

-#gt; Prozac solution buvable : 15 mg le matin

-#gt; Risperdal comprimé 1 mg : 1 comprimé le soir

qsp quatre semaines.

Ordonnance du généraliste

-#gt; Allergodil : 2 pulvérisations dans chaque narine le soir qsp 1 mois

LE CAS

Ce que vous savez du patient

- Kevin S., 11 ans, 50 kg, a été hospitalisé dans une unité de pédopsychiatrie pour menaces suicidaires, dysthymie (troubles chroniques avec humeur dépressive et irritabilité) et trouble hyperkinétique avec déficit de l'attention (THADA). L'enfant est provocateur et s'automutile. Son hospitalisation a duré un an, son état nécessitant une prise en charge psychiatrique et thérapeutique en milieu spécialisé.

- L'hyperactivité a été traitée auparavant par Ritaline 10 mg trois fois par jour.

Ce que le médecin lui a dit

Le remplacement de Ritaline par Concerta LP évitera de multiplier les prises dans la journée, ce qui devrait être plus pratique surtout pour cet enfant qui est rescolarisé.

Ce dont le patient se plaint

- L'enfant souffre en plus d'une rhinite allergique.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

L'association entre Allergodil et Risperdal est à prendre en compte puisque susceptible d'entraîner une majoration de la dépression du système nerveux central. Toutefois, le médecin estime qu'elle ne justifie pas une modification du traitement.

ANALYSE DES POSOLOGIES

-#gt; Prozac n'a pas d'indication pour un enfant de 11 ans.

-#gt; Concerta LP, Risperdal et Allergodil sont à la bonne posologie. Pour ce dernier, préférer une instillation matin et soir à deux instillations le soir.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; Concerta LP est indiqué dans le trouble hyperkinétique avec déficit de l'attention (THADA) chez l'enfant de plus de 6 ans et l'adolescent. Ce stupéfiant doit être prescrit sur une ordonnance sécurisée pour une durée maximale de 28 jours. La prescription initiale émane d'un pédopsychiatre hospitalier. Elle est donc recevable.

-#gt; Prozac est prescrit hors AMM. Cependant, peu d'antidépresseurs ont une AMM chez l'enfant. C'est le cas de Laroxyl et Anafranil dans le traitement de la dépression et de l'énurésie et Zoloft dans les troubles obsessionnels compulsifs.

L'avantage de la fluoxétine par rapport aux antidépresseurs tricycliques (tolérance et efficacité) a été démontrée par des études. La molécule est de plus approuvée dans le traitement de la dépression de l'enfant par la FDA américaine. Sa prescription à l'hôpital est courante. Cependant, en théorie, il n'est pas remboursable dans ce cas.

-#gt; L'emploi de Risperdal est justifié puisque le patient est provocateur, s'automutile et a des tendances suicidaires. Ces symptômes pourraient être dus au passé difficile de l'enfant qui les aurait développés suite à des sévices qu'il a reçus étant plus jeune, ou à des comorbidités classiquement observées chez des enfants souffrant de THADA. En effet, le THADA est fréquemment associé à des troubles psychiatriques : troubles du comportement, dépression, manie, anxiété et troubles de l'apprentissage.

-#gt; La prescription d'Allergodil est symptomatique et de courte durée. Elle peut se justifier par les antécédents allergiques.

INITIATION DU TRAITEMENT

- Concerta LP

Le jeune garçon est traité depuis un an par Ritaline 10 mg qu'il prend trois fois par jour. En effet, la durée d'action de Ritaline 10 mg est courte et impose le plus souvent des prises à 8, 12 et 16 heures afin d'assurer une efficacité toute la journée et en soirée. Pour un enfant scolarisé, la prise du déjeuner est un inconvénient car elle est difficile à gérer à la cantine et participe à sa marginalisation vis-à-vis de ses camarades.

Concerta LP en prise unique quotidienne permet de s'affranchir de cet inconvénient et d'assurer une bonne observance. 10 mg, trois fois par jour de méthylphénidate à libération immédiate correspondent à 36 mg en une prise de Concerta LP.

L'évaluation de la présence de tics ou de mouvements anormaux à l'instauration du traitement, afin d'apprécier ensuite leur éventuelle exacerbation, n'est pas nécessaire puisqu'il s'agit d'un relais à Ritaline.

- Risperdal

L'instauration de ce neuroleptique nécessite un bilan préthérapeutique important.

-#gt; Bilan biologique standard : numération-formule sanguine (risque de leucopénie), plaquettes, ionogramme sanguin, glycémie (risque de diabète), fonction rénale, bilan hépatique (risque d'élévation des enzymes hépatiques), bilan lipidique (risque d'hypercholestérolémie).

-#gt; Bilan somatique : tension artérielle (risque d'HTA), température corporelle, poids.

-#gt; Bilan cardiaque : électrocardiogramme avant traitement, aux augmentations de posologies et à intervalles réguliers.

-#gt; Evaluation systématique et régulière des effets indésirables et interactions médicamenteuses.

-#gt; Examen psychiatrique.

- Prozac

La mise en place nécessite un bilan préthérapeutique clinique (poids, taille, pouls et tension artérielle) ainsi qu'hépatique (métabolisation).

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Concerta LP 36 mg (méthylphénidate)

- Psychostimulant modéré du système nerveux central.

- Indiqué dans le cadre d'une prise en charge globale du THADA chez l'enfant de plus de 6 ans et l'adolescent lorsque les mesures correctrices psychothérapeutiques et éducatives s'avèrent inefficaces.

- La posologie doit être adaptée par paliers de 18 mg jusqu'à une posologie de 54 mg par jour en une prise unique le matin. En général, l'ajustement posologique se fait par paliers d'environ une semaine.

-#gt; Prozac sol. buv. 20 mg/5 ml (fluoxétine)

- Inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS).

- Indiqué dans les épisodes dépressifs majeurs, les troubles obsessionnels compulsifs et la boulimie des plus de 18 ans, à la dose de 20 à 60 mg par jour.

-#gt; Risperdal 1 mg (rispéridone)

- Antipsychotique neuroleptique.

- Chez l'enfant de 5 à 11 ans, indiqué dans les troubles du comportement (agressivité, agitation, impulsivité, automutilation) avec retards mentaux en monothérapie.

- Pour un poids supérieur ou égal à 50 kg, la posologie initiale est de 0,5 mg par jour. Elle peut être augmentée par paliers de 0,5 mg avec un délai de 72 heures. Pour la majorité des enfants, la posologie optimale est de 1 mg une fois par jour.

-#gt; Allergodil solution pour pulvérisation nasale (azélastine)

- Antihistaminique H1 indiqué dans les rhinites saisonnières et perannuelles d'origine allergique de l'adulte et de l'enfant de plus de 6 ans.

- Une pulvérisation dans chaque narine deux fois par jour.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Concerta LP : la prise s'effectue le matin à jeun ou pendant le petit déjeuner avec une boisson. -#gt; Prozac : la dose obtenue à l'aide de la pipette (3,75 ml) peut être diluée dans l'eau et prise le matin pendant le repas ou à distance de celui-ci. -#gt; Risperdal : le comprimé est pris le soir au coucher afin d'éviter les effets indésirables et pour mettre à profit l'effet sédatif. -#gt; Allergodil : une pulvérisation dans chaque narine à effectuer le matin et le soir (cette dernière peut être avancée à 19 ou 20 heures).

SUIVI DU TRAITEMENT

- Concerta LP

Les effets indésirables le plus souvent rencontrés avec Concerta LP sont une perte d'appétit, des céphalées, une insomnie et des douleurs gastriques (fréquence similaire à celle observée avec trois prises par jour de Ritaline). Si une insomnie handicapante survenait, une alternative au Concerta LP serait Ritaline LP qui ne reproduit pas l'effet de la dose de 16 heures de Ritaline à libération immédiate.

Une thrombocytopénie, une leucopénie et une modification des tests hépatiques peuvent survenir, d'où la pratique régulière de bilans sanguins en début de traitement. Il faut aussi suivre la courbe staturopondérale de l'enfant quelle que soit la forme galénique utilisée.

- Prozac

A l'instauration du traitement par Prozac, le patient peut souffrir de troubles gastro-intestinaux s'atténuant en une à deux semaines (perte de poids, anorexie), d'irritabilité voire d'insomnie qui justifient sa prise matinale.

La fluoxétine peut aussi causer des réactions allergiques (rash, urticaire).

Dès l'apparition des symptômes, l'arrêt s'impose. Idem si survient (rarement) un syndrome sérotoninergique, caractérisé par une myoclonie, des tremblements, une hyperréflexie, une agitation, une confusion, une hyperthermie, des sueurs, des frissons, une irritabilité, une anxiété, des diarrhées.

- Risperdal

Insomnie, agitation, anxiété ou céphalée sont les effets indésirables de Risperdal. Des symptômes extrapyramidaux tels qu'un tremblement, une rigidité, une hypersalivation ou une bradykinésie nécessitent de reconsulter.

Une susceptibilité plus importante aux troubles endocriniens, métaboliques ou neurologiques existe chez l'enfant par rapport à l'adulte. Une surveillance clinique régulière doit être prévue, incluant l'examen des constantes cardiaques, la taille, le poids et la recherche d'effets indésirables neurologiques.

- Allergodil

Les effets indésirables d'Allergodil se manifestent par une irritation occasionnelle de la muqueuse nasale voire par une épistaxis.

CONSEILS AU PATIENT

Pour tous les médicaments, la surveillance de la tolérance et une réévaluation de l'indication du traitement par le spécialiste doivent être faits à chaque consultation.

Avec Concerta LP

Le flacon doit être soigneusement refermé. Le comprimé osmotique, difficile à avaler, ne doit pourtant pas être fractionné, mâché ou écrasé. Ce comprimé en forme de gélule évite ainsi les variations de concentrations plasmatiques. Une partie du comprimé se dissout dès qu'il est avalé, ce qui assure la dose de méthylphénidate du matin, puis le reste du principe actif est libéré à taux contrôlé pendant la journée. L'enveloppe non absorbable est éliminée de l'organisme et peut donc se retrouver dans les selles.

S'assurer que la prise en charge du THADA inclut, en plus du médicament, une prise en charge psychologique, éducative et sociale.

Ne pas oublier de reconsulter pour renouveler la prescription au bout de 28 jours.

Avec Prozac

La solution buvable aromatisée à la menthe comprend une pipette doseuse. La dose de 15 mg correspond à 3,75 ml de solution et peut être diluée dans de l'eau. Rassurer les parents quant à l'efficacité du traitement qui n'est pas appréciable immédiatement. En effet, il faut attendre 8 à 12 semaines avant de voir les effets positifs chez l'enfant. Même en cas d'amélioration, il est important de faire comprendre à l'enfant et aux parents que ce traitement doit être poursuivi au moins 6 mois. Une surveillance psychologique est donc nécessaire en début de traitement. Pour un patient suicidaire, l'entourage doit être vigilant car le risque de passage à l'acte durant cette période peut augmenter.

Avec Allergodil

Pour une diffusion optimale d'Allergodil, il convient d'assurer la vacuité des fosses nasales.

On doit conseiller au patient de les assécher par mouchage avant instillation, voire d'effectuer un lavage préalable au sérum physiologique ou à l'eau de mer.

La mise en route et la durée du traitement sont fonction de l'exposition allergénique.

Le traitement peut entraîner une amertume ou une modification du goût.

Par Stéphanie Chast,Ursula Winterfeld, Julie Roupret et Olivier Bourdon, pharmaciens, pharmacie de l'hôpital Robert-Debré, pharmacie clinique de la faculté de pharmacie de Paris-V

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que l'hyperactivité pathologique de l'enfant ?

Anciennement appelée trouble hyperkinétique, l'hyperactivité de l'enfant ou trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (THADA) associe un déficit persistant d'attention et/ou une hyperactivité, une impulsivité plus fréquents et plus sévères que ce qui est habituellement observé chez les sujets du même âge.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La prévalence moyenne globale du THADA, d'environ 5 % chez les enfants d'âge scolaire, semble constante quels que soient les pays et est probablement sous-évaluée.

Cette prévalence est variable selon la classification utilisée pour poser le diagnostic : en effet, l'éclatement du THADA en sous-groupes symptomatiques permet parfois de retrouver une prévalence supérieure à 17 %.

En France, la prévalence du THADA serait de 1 % chez les filles et de 3 à 4 % chez les garçons, soit 135 000 à 170 000 enfants concernés.

L'hyperactivité s'observe plus souvent chez les garçons que chez les filles avec un sex-ratio compris entre 2/1 et 4/1 en population générale, mais allant jusqu'à 9/1 pour les patients relevant d'une prise en charge spécialisée. Toutefois, il est probable que la prévalence du THADA soit sous-estimée chez les filles tout simplement parce que la clinique, alors plus caractérisée par l'inattention que par l'agitation, est moins repérable et justifie moins des soins précoces.

SIGNES CLINIQUES

Le THADA est caractérisé par un ensemble de comportements à la fois sévères et persistants (depuis au moins six mois), observables avant l'âge de 7 ans, aussi bien en milieu scolaire que familial.

Ces comportements doivent avoir un retentissement sur le développement de l'enfant en se traduisant notamment par une entrave au processus d'apprentissage.

En pratique, il importe de comprendre que ce n'est pas la nature des troubles qui les rend pathologiques, mais leur excès : ils sont l'expression ultime d'un continuum comportemental observé chez tous les enfants.

La frontière entre une hyperactivité pathologique et un simple comportement turbulent est parfois délicate à appréhender.

Il semble aujourd'hui probable que le THADA regroupe trois formes symptomatologiques distinctes : l'une avec prédominance du déficit attentionnel, l'autre avec prédominance de l'hyperactivité/impulsivité et la troisième, mixte.

Plusieurs signes doivent donc être pris en compte dans l'observation de l'enfant.

Difficultés attentionnelles

L'enfant est incapable de soutenir son attention lors des activités quotidiennes les plus banales (repas, jeux).

-#gt; Il est distrait en permanence, oublie tout, y compris ses affaires et perd de nombreux objets.

-#gt; Il lui est difficile d'organiser ses activités avec cohérence ou de mener à bien les tâches qu'il entreprend. Il est souvent attiré par des événements ou des détails peu importants de l'environnement.

-#gt; Le travail en groupe ou dans une atmosphère agitée (réunions de famille, fêtes) rend les troubles de l'attention encore plus importants.

Hyperactivité motrice

L'enfant atteint d'un THADA déploie constamment une activité importante, inadaptée, désordonnée, en un mot inefficace.

-#gt; Il ne tient jamais en place, bouge constamment, ne peut demeurer tranquille et assis (il se lève pendant les repas ou les devoirs, se tortille sans cesse). Il donne à ses voisins de table, de classe ou de transport des coups de pied involontaires. Il est souvent très maladroit.

-#gt; Il manifeste une activité motrice incontrôlée, en « touchant à tout ».

Plus on attend de lui qu'il reste en place, plus son agitation motrice va se manifester.

Impulsivité

Liée à l'hyperactivité, l'impulsivité se traduit par une intolérance à l'attente (forte impatience) et une absence d'autocontrôle.

-#gt;L'enfant intervient dans les conversations sans y avoir été invité, coupe la parole.

-#gt; Il se met souvent physiquement en danger en agissant sans réflexion.

Manifestations non spécifiques associées

Nombreuses, certaines manifestations participent aux difficultés d'intégration de l'enfant souffrant d'un THADA : troubles de l'humeur, intolérance à la frustration, labilité émotionnelle (surtout chez les adolescents et les adultes), violentes crises de colère, mauvaise intégration au groupe, légers troubles de la coordination motrice, difficultés d'apprentissage dans tous les domaines (langage, écriture, expression, compréhension) qui le mettent quasi systématiquement en situation d'échec scolaire, voire d'exclusion.

FACTEURS DE RISQUE

Des associations entre la survenue du THADA - ou sa persistance - et des événements de vie stressants ont été mises en évidence. L'adoption, le placement en institution de l'enfant, le remariage ou le décès de l'un des parents, des antécédents d'agression physique comptent parmi les facteurs de risque. Ces événements peuvent se cumuler. Il reste possible toutefois que ces événements induisent la décompensation d'un THADA préexistant.

Par ailleurs, la participation des facteurs psychosociaux (mésentente parentale importante, niveau socio-économique bas, famille nombreuse, criminalité paternelle, trouble mental maternel) au THADA est acquise, au même titre qu'à d'autres types de troubles psychologiques ou psychiatriques : il s'agit là de facteurs favorisant la maladie chez un sujet vulnérable ou aggravant son pronostic.

Les pratiques éducatives participent à la persistance du THADA : il en va particulièrement des réprimandes et punitions censées contrôler ces comportements et qui jouent un rôle de renforcement négatif, favorisant à terme la survenue d'un trouble oppositionnel ou d'un trouble des conduites.

DIAGNOSTIC

Difficile, le diagnostic ne peut être acquis qu'au terme du croisement de nombreuses informations issues d'entretiens avec les parents, les enseignants et après une observation attentive du comportement de l'enfant assortie d'une évaluation de son intellect, de son langage et de ses performances psychomotrices. La principale échelle d'évaluation est celle de Conners (voir ci-dessus). Purement clinique, il est posé sur l'observation des symptômes évoqués, survenant de façon précoce, persistants, envahissant l'existence de l'enfant et ayant un retentissement sur son fonctionnement comme sur son développement.

Il n'existe pas de test biologique ni d'examen complémentaire permettant de formuler un diagnostic positif de THADA, ni même de critère diagnostique univoque de ce syndrome : le diagnostic repose donc sur la seule conjonction de critères médicaux et psychologiques ainsi que sur l'évaluation du retentissement scolaire comme familial du trouble. Il ne doit pas être posé de façon définitive lorsque les troubles sont d'apparition récente.

Ceci explique qu'il soit parfois difficile d'établir un diagnostic permettant de différencier un THADA :

-#gt; d'une simple turbulence, observée chez 15 % des garçons entre 3 et 5 ans, limitée dans le temps et n'ayant pas de retentissement fonctionnel ;

-#gt; des symptômes d'agitation ou d'inattention s'intégrant à un trouble psychiatrique global (retard mental, autisme, troubles sévères de l'apprentissage) ;

-#gt; des symptômes correspondant à l'expression phénotypique d'une anomalie génétique (syndrome de l'X fragile par exemple, donnant lieu à hyperactivité) ;

-#gt; des symptômes d'agitation ou d'inattention secondaires à des problèmes purement somatiques (« absences » de l'épilepsie, antécédents de traumatismes crâniens, endocrinopathies de type hyper- ou hypothyroïdie) ou à des problèmes sensoriels (troubles de la vision, troubles de l'audition) ;

-#gt; d'une instabilité d'origine iatrogène (prise de corticoïdes, d'antiasthmatiques bêtamimétiques ou de théophylline, d'anticonvulsivants, d'antihistaminiques, de psychostimulants divers, de tous médicaments susceptibles d'induire des comportements d'agitation) ;

-#gt; d'une instabilité d'origine environnementale ou liée à des troubles de l'adaptation dans un condiv de stress, voire de stress posttraumatique (enfants victimes de négligences ou de maltraitances) ;

-#gt; d'une hypomanie ou d'une manie de l'enfant et dont la symptomatologie est fort voisine : certains enfants présentent en effet des formes précoces de troubles bipolaires se traduisant cliniquement par des signes d'hyperactivité à l'âge préscolaire, suivis de signes maniaques typiques dans les toutes premières années de la scolarisation. Toutefois, dans ce cas précis, les signes inauguraux du THADA seraient plus précoces que ceux du trouble bipolaire (dès l'acquisition de la marche, contre 7 ans environ pour le trouble bipolaire), et le THADA se manifesterait de façon continue, alors que la manie évoluerait par poussées successives.

Etiologies

Le THADA a une origine plurifactorielle, chacune de ses composantes participant de façon variable aux manifestations cliniques selon l'individu.

Les travaux actuels reconnaissent une participation importante des facteurs biologiques et de la susceptibilité génétique à la genèse de ce trouble.

Facteurs psychologiques

Le THADA serait associé à une perturbation directe de :

-#gt; quatre grandes fonctions exécutives (mémoire de travail, autorégulation des processus de motivation, de vigilance et des affects, internalisation du discours, processus de reconstitution) ;

-#gt; trois processus d'inhibition de réponse (inhibition d'une réponse potentielle latente à un événement, inhibition ou interruption d'une réponse en cours, contrôle des interférences avec des événements ou des stimuli intercurrents).

Facteurs neurobiologiques

Ils font directement référence à la physiopathologie. Plusieurs études suggèrent un hypofonctionnement dopaminergique et noradrénergique dans le THADA. La dopamine et la noradrénaline sont deux neuromédiateurs respectivement impliqués dans la régulation des réponses motrices et comportementales et dans les processus d'inhibition des réponses à des stimuli perturbateurs.

Facteurs neuroanatomiques

L'imagerie cérébrale confirme la participation au THADA de plusieurs structures cérébrales (au niveau du cortex préfrontal et des ganglions de la base).

L'étude par émission de photons (petscan) montre localement une diminution du métabolisme du glucose et une diminution des débits sanguins régionaux, réversible à l'administration de méthylphénidate (Ritaline, Concerta).

Facteurs génétiques

Il existe une composante génétique, comme le montrent les études d'agrégation familiale, les études d'adoption et les études de jumeaux.

Une association existerait entre le THADA, un allèle du gène codant le transporteur de la dopamine et/ou un allèle du gène codant le récepteur dopaminergique D4.

Facteurs environnementaux

Aucun facteur environnemental ne constitue une condition nécessaire et suffisante au développement d'un THADA chez l'enfant, et, notamment, aucun facteur alimentaire (additifs chimiques, sucre) n'est impliqué dans la genèse de la maladie. Il semblerait en revanche que des complications obstétricales ou périnatales puissent prédisposer les enfants au THADA.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

L'importance des symptômes comportementaux diminue régulièrement avec l'âge : 20 % environ des formes de l'enfance s'atténuent de façon nette à l'adolescence, voire disparaissent alors, avec dominance d'une symptomatologie plus émotionnelle, elle-même secondairement décroissante.

La prévalence du THADA semble en revanche plus stable avec l'âge chez les filles ; le trouble est volontiers caractérisé dans le sexe féminin par des formes plus centrées sur le déficit attentionnel.

Toutefois, plus généralement, l'âge avançant, on constate pour les deux sexes une régression des symptômes d'hyperactivité et d'impulsivité, mais l'inattention, elle, persiste et pèse sur les performances scolaires ou professionnelles, pousse à l'isolement et à ne pas communiquer. Des études ont également montré que les adolescents consomment plus de substances psychotropes (alcool, drogues, médicaments) et en deviennent plus vite dépendants que les autres.

Les difficultés engendrées peuvent être suffisamment sévères pour entraîner des ruptures familiales, des problèmes judiciaires et, dans certains cas, le suicide.

Par le Pr Jean-Louis Senon, chef de service en psychiatrie, Denis Richard, pharmacien hospitalier, et Philippe Azarias, centre hospitalier Henri-Laborit, Poitiers

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter l'hyperactivité pathologique de l'enfant ?

Dans le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (THADA), divers types d'intervention thérapeutique sont envisageables : médicaments, psychothérapies, interventions éducatives et pédagogiques, rééducation psychomotrice et du langage.

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Le méthylphénidate

Le méthylphénidate (Concerta, Ritaline), dérivé chimiquement apparenté à l'amphétamine, est un psychostimulant d'intensité moyenne.

Depuis 1995, le méthylphénidate (MPH) est l'unique psychostimulant indiqué en France dans le traitement du THADA.

Sa prescription reste limitée car la pathologie demeure encore mal connue des médecins et, surtout, parce que des résistances culturelles et idéologiques s'opposent en France à un usage massif, à la différence des Etats-Unis.

- Mode d'action

Le MPH agit essentiellement au niveau striatal, en augmentant les taux de dopamine extracellulaire par diminution de l'activité du transporteur transmembranaire du neuromédiateur. La dopamine agit sur les centres qui renforcent les comportements sociaux et ceux qui contrôlent l'activité motrice.

Le méthylphénidate agit également sur la noradrénaline qui serait impliquée dans le contrôle de l'état de veille, la capacité à fixer son attention de manière sélective, le sens de l'orientation et la réponse aux stimuli sensoriels.

- Paramètres pharmacocinétiques

Le MPH, administré par voie orale, bénéficie d'une bonne résorption digestive.

Franchissant aisément la barrière hématoméningée, il est retrouvé en concentrations importantes dans le cerveau, mais aussi dans les reins et les poumons.

Le délai d'action de la molécule est court : ses effets s'observent entre vingt minutes et une heure après l'administration et se prolongent 3 à 6 heures. Il est probable que l'action du MPH soit plus liée à sa cinétique d'action qu'à ses taux plasmatiques.

Le MPH livre un métabolite actif, l'acide ritalinique, dont la demi-vie est brève (2 heures), éliminé dans l'urine. Le métabolisme du MPH est identique chez l'enfant et chez l'adulte.

- Limites de la prescription

La pertinence du traitement par le MPH repose sur un diagnostic clinique établi à la suite d'une évaluation de l'intensité et du caractère invalidant du THADA réalisée par plusieurs intervenants (parents, éducateurs, médecins) et confirmée par un examen neuropsychologique.

Toutefois, le traitement médicamenteux n'est pas indiqué pour tous les sujets atteints de THADA : il est contre-indiqué lorsque les symptômes sont la résultante de facteurs environnementaux et/ou de troubles psychiatriques primaires (psychose).

Ce n'est que lorsque des mesures correctives se révèlent insuffisantes que l'on envisage la possibilité de prescrire le psychostimulant.

- Doses utilisées

-#gt; La posologie est strictement adaptée à chaque enfant : elle est au moins de 0,3 mg/kg/j et ne peut excéder 1 mg/kg/j à 1,5 mg/kg/j en deux ou trois prises quotidiennes pour les formes à libération immédiate (maximum de 60 mg/j, voire 30 mg/j chez les enfants atteints d'épilepsie).

-#gt; Le schéma posologique doit être introduit progressivement, en commençant par exemple par une dose quotidienne de deux fois 5 mg. Il est toujours préférable, pour prévenir tout risque de trouble du sommeil, d'administrer le médicament le matin et à midi.

-#gt; L'absence d'efficacité clinique au bout d'un mois de traitement impose son arrêt.

-#gt; Si le traitement est bien toléré, il est prolongé sur plusieurs mois (au moins trois mois) ou années, avec une durée idéale, en France, comprise entre 6 mois et un an.

-#gt; Le recours à des formulations à libération prolongée (Concerta LP, Ritaline LP) peut s'avérer préférable à la multiplication des administrations. Il n'est ainsi plus nécessaire d'administrer le médicament à l'école, ce qui est moins stigmatisant et améliore l'observance. Ces formes galéniques associent une libération immédiate et une libération prolongée et sont actives sur une période d'environ 12 heures.

- Efficacité

-#gt; L'efficacité clinique du traitement est significative : dans 75 % environ des cas, les symptômes sont améliorés. Cependant, dans 25 % des cas ils ne sont pas modifiés ou sont même parfois aggravés.

Cette efficacité est particulièrement nette sur l'attention, les performances mnésiques, l'agitation motrice et l'impulsivité. La diminution de l'impulsivité, des manifestations d'agressivité ou d'opposition permet évidemment d'améliorer les relations sociales des enfants atteints et favorise leur intégration.

Toutefois, les améliorations directes des fonctions cognitives demeurent discutées.

-#gt; Le traitement par le méthylphénidate est, sur avis médical, fréquemment interrompu le week-end et pendant les vacances scolaires, ce qui permet par ailleurs d'en réévaluer la pertinence.

-#gt; Peu de publications ont évalué le retentissement de l'administration du méthylphénidate à long terme : elles prouvent cependant que le médicament demeure actif après une administration sur une durée médiane de deux années. Entre 30 % et 50 % des enfants hyperactifs le demeurent lorsqu'ils sont devenus adultes, ce qui justifierait pour certains divs le maintien du traitement, d'autant qu'il semble que les sujets traités dans l'enfance par des psychostimulants tel le méthylphénidate présentent une fois adultes moins de troubles des conduites et de difficultés d'insertion sociale.

- Effets indésirables

-#gt; Les effets indésirables les plus fréquents sont l'insomnie, la perte de l'appétit, une perte de poids, une irritabilité.

-#gt; Céphalées, douleurs abdominales et troubles cutanés sont bénins et cèdent à la poursuite du traitement, en deux ou trois jours.

-#gt; Une élévation de la tension artérielle est plus rare.

-#gt; Un effet rebond, de fin d'après-midi, de soirée ou de week-end, peut être observé.

-#gt; Rarement, l'administration de méthylphénidate peut induire un syndrome dépressif avec retrait social, une psychose aiguë avec hallucinations, des mouvements anormaux (stéréotypies, dyskinésies), un retard de développement staturopondéral lorsque la posologie quotidienne excède 20 mg et/ou lorsque le médicament est administré sur une période prolongée.

Cet éventuel retard, réversible à l'arrêt du traitement, est idiopathique chez certains enfants hyperactifs non traités.

- Interactions médicamenteuses

Une interaction est à proscrire avec l'iproniazide (Marsilid), un IMAO non sélectif, à cause d'un risque d'hypertension paroxystique et d'une hyperthermie pouvant être fatale.

Du fait de la longue durée d'action des IMAO, cette interaction est encore possible deux semaines après l'arrêt de l'IMAO.

En pratique, cette interaction concerne cependant peu ou pas la pédiatrie.

- Surveillance

La surveillance du traitement est simple : poids, taille, fréquence cardiaque, pression artérielle, bilans sanguins réguliers en particulier en début de traitement, observance de la prescription.

- Risque de dépendance

Le risque de survenue d'une dépendance au méthylphénidate ou, plus simplement, d'un usage abusif reste limité lorsque la prescription est correctement encadrée.

Le mésusage du méthylphénidate n'a pas été signalé en France. Le produit, peu euphorisant, n'est d'ailleurs guère recherché par les toxicomanes.

Le risque de survenue d'une toxicomanie ultérieure serait même plus important chez les enfants ayant des antécédents d'hyperactivité non traitée.

Les antipsychotiques

Les neuroleptiques antipsychotiques peuvent être prescrits dans les troubles de l'enfant hyperactif en raison de leur action sédative.

Leurs effets indésirables neurologiques limitent toutefois leur utilisation prolongée.

De plus, la prescription d'antipsychotiques peut être éthiquement discutable chez des enfants en phase de développement psychocomportemental.

La rispéridone (Risperdal) s'est avérée particulièrement efficace dans le traitement des troubles des conduites associés au THADA, en particulier dans les conduites agressives. Elle se substitue alors avantageusement aux neuroleptiques, moins bien tolérés et utilisés hors AMM en France.

Les antidépresseurs

-#gt; Les antidépresseurs tricycliques (imipramine, Tofranil...) peuvent être administrés, mais en deuxième ligne en raison de leur toxicité cardiaque et de leur efficacité moins constante (hors AMM en France).

Ils sont prescrits à la même posologie que dans la dépression, mais leur action clinique s'observe alors en quelques jours.

Un échappement au traitement est décrit au terme de deux à trois mois d'utilisation régulière.

-#gt; La fluoxétine (Prozac) offrirait un plus quant à la tolérance et à l'efficacité.

-#gt; La paroxétine (Deroxat) semble entraîner une recrudescence des actes suicidaires.

Les amphétamines

Dans cette classe thérapeutique, les Américains n'hésitent pas à avoir recours à des médicaments multiples : dextroamphétamine à libération normale ou prolongée (non agréée en France), spécialités associant plusieurs amphétamines (non agréées en France).

Les autres médicaments

La clonidine (Catapressan), un agoniste alpha-2-adrénergique, a été utilisée hors autorisation de mise sur le marché, parfois associée au MPH.

L'efficacité, obtenue à des posologies moyennes de 0,2 à 0,3 mg/j en trois ou quatre prises, apparaît après 3 à 4 semaines.

TRAITEMENT NON MÉDICAMENTEUX

Les psychothérapies cognitivocomportementales ont une action bénéfique à long terme et jouent un rôle complémentaire indispensable à la chimiothérapie.

D'autres actions au quotidien s'inscrivent elles aussi dans une démarche de prise en charge.

L'accès de l'enfant hyperactif à un enseignement individualisé, au sein de classes de réadaptation à effectifs très restreints, est également indispensable à son traitement, de même que les possibilités de mise en oeuvre d'une rééducation psychomotrice et orthophonique si besoin.

Ces thérapies s'adressent à l'enfant lui-même et à son environnement (parents et enseignants).

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

L'atomoxétine (Strattera), encore non disponible en France, est un inhibiteur hautement sélectif de la recapture présynaptique de la noradrénaline.

Administrée par voie orale, et présentée sous forme standard et à libération prolongée, elle semble d'une efficacité équivalente à celle du méthylphénidate à une posologie moyenne de 1,2 mg/kg/j. Ce médicament est utilisable chez l'enfant, l'adolescent et l'adulte hyperactifs.

Par le Pr Jean-Louis Senon, Denis Richard et Philippe Azarias

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Le pédopsychiatre doit élaborer une prise en charge sur mesure »

N'y a-t-il pas en France une diabolisation du méthylphénidate ?

Le méthylphénidate, largement étudié depuis 30 ans, est une molécule qui a fait l'objet de milliers de publications. Ce n'est pas elle qui est en cause mais plutôt la compétence des médecins. Il persiste en France des positions idéologiques dommageables pour les enfants et les familles. La psychiatrie de l'enfant dans notre pays reste largement dominée par de mauvais psychanalystes qui confondent psychopathologie et psychiatrie. Ainsi, beaucoup de pédopsychiatres français refusent ouvertement les traitements médicamenteux alors même qu'ils les connaissent mal. Il n'est pas question de nier la place des facteurs psychosociaux dans la pérennisation sinon dans la genèse du trouble, mais les psychothérapies d'inspiration analytique utilisées seules n'ont jamais fait la preuve de leur efficacité dans cette indication. Après plusieurs années de traitement sans résultat, les parents se tournent très fréquemment vers des pédiatres qui prescrivent du méthylphénidate sans avoir les compétences nécessaires en matière de diagnostic et d'évaluation des troubles comorbides. Or, il est souvent difficile chez l'enfant d'établir le seuil entre normal et pathologique et il est rare d'avoir une hyperactivité isolée sans troubles associés. C'est dire qu'il faut toujours élaborer un projet« sur mesure » adapté aux besoins de l'enfant et associant plusieurs stratégies thérapeutiques. Là est le rôle du pédopsychiatre.

Existe-t-il des adultes hyperactifs ?

L'hyperactivité est un trouble développemental. Dans un certain nombre de cas, le trouble va s'atténuer voire disparaître, notamment au moment de l'adolescence, mais on estime qu'il persiste à l'âge adulte dans environ 50 à 60 % des cas. Il s'enrichit alors d'autres troubles comme les troubles de la personnalité antisociale, l'alcoolisme ou la toxicomanie. Ce domaine est actuellement étudié et pourrait amener des changements notables dans nos habitudes thérapeutiques.

Daniel Bailly est professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, chercheur associé à l'Institut des neurosciences cognitives de la Méditerranée et président de l'Association pour la recherche en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.

Il a participé au rapport d'expertise collective de l'INSERM « Troubles mentaux, dépistage et prévention chez l'enfant et l'adolescent ».

Pr Daniel Bailly, interrogé par Christine Julien

CONSEILS AUX PATIENTS

Inciter à consulter

Tous les enfants remuants ou inattentifs ne sont pas hyperactifs. Cependant, devant les difficultés rencontrées à l'école, à la maison ou en société et l'absence de résultat après plusieurs consultations psychologiques, il ne faut pas hésiter à orienter vers une consultation hospitalière spécialisée en pédopsychiatrie.

Une prise en charge pluridisciplinaire

Les parents doivent être impliqués dans le travail des différents spécialistes (pédopsychiatre, orthophoniste...). La guidance parentale aide à maintenir un cadre strict en comprenant les excès et les débordements de l'enfant.

En cas de désaccord entre les parents sur la gestion de la maladie, une thérapie familiale peut être conseillée pour améliorer la communication intrafamiliale.

Les enjeux du traitement médicamenteux

Le méthylphénidate corrige les symptômes : il améliore l'attention et la concentration, ainsi que l'estime de soi. Intégration sociale, méthodes d'apprentissage, travail des intervenants sont alors facilités.

-#gt; Faire participer l'enfant à son traitement en lui expliquant, avec des mots adaptés à son âge, les raisons et les avantages du traitement.

-#gt; Ne pas le lui donner à son insu.

-#gt; Donner les prises au coup par coup peut être considéré comme une punition. Les arrêts du traitement durant le week-end ou les vacances scolaires doivent être décidés avec le médecin.

-#gt; L'enveloppe du comprimé osmotique de Concerta LP peut se retrouver intacte dans les selles. Le comprimé est difficile à ingérer mais ne doit pas être fractionné.

-#gt; La gélule de Ritaline LP peut en revanche être ouverte et son contenu mélangé à de la nourriture pas trop chaude.

-#gt; La diminution de l'appétit et les troubles du sommeil peuvent nécessiter une modulation (arrêt de la prise de l'après-midi), voire un arrêt sur avis médical.

-#gt; La prise de méthylphénidate doit être interrompue quelques jours avant une intervention chirurgicale nécessitant l'emploi d'anesthésiques volatiles halogénés.

Combattre les idées fausses

-#gt; La réputation de « drogue » du méthylphénidate est souvent un frein pour les parents. Ni calmant, ni excitant, ce médicament améliore les circuits de traitement de l'information au niveau du cerveau et permet à l'enfant une meilleure adaptation à son environnement en évitant le cercle vicieux de rejet et de marginalisation.

-#gt; Le méthylphénidate ne favorise pas la toxicomanie, au contraire. Les enfants hyperactifs sont de toute façon des enfants à risque plus grand d'alcoolisme ou de toxicomanie. Les enfants traités le sont moins que les non traités.

-#gt; Aucune étude n'a démontré une accoutumance à ce médicament ou un changement de personnalité.

-#gt; Ce trouble ne relève ni d'une éducation laxiste, ni d'un retard mental, ni d'un manque d'amour.

-#gt; Les « enfants THADA » ne sont ni plus ni moins intelligents que les autres enfants.

Mettre en garde

-#gt; Les médecines douces ou « parallèles », les acides gras essentiels, la phytothérapie ou l'homéopathie n'ont pas fait leurs preuves.

-#gt; Préserver l'enfant de toute substance psychoactive, notamment l'alcool lors des fêtes familiales.

Favoriser l'information sur le THADA

-#gt; Auprès de l'équipe pédagogique

Partie prenante dans le diagnostic, les enseignants doivent être informés sur le THADA. Certains aménagements pédagogiques sont indispensables (séances de travail courtes). Les parents ne doivent pas hésiter à rencontrer les professeurs, surtout si le méthylphénidate doit être pris à l'école (l'équipe scolaire ne peut s'y opposer).

Handiscol (0 810 55 55 01) est un service du ministère de l'Education nationale qui aide les familles rencontrant des difficultés pour l'intégration scolaire de leurs enfants malades.

-#gt; Auprès de l'entourage

Pour éviter un isolement social et combattre les préjugés, informer l'entourage sur les symptômes en mettant l'accent sur l'impulsivité, source de danger. Ces enfants n'ont pas conscience du danger et réagissent impulsivement (traverser subitement une route, voler des bonbons pour satisfaire une envie...). Il faut donc observer une surveillance étroite, notamment quant à leurs fréquentations car ils se laissent facilement entraîner dans des actes délictueux sans penser à mal.

Adopter des règles éducatives appropriées

-#gt; Ces enfants ont besoin de règles éducatives renforcées avec une valorisation des moindres efforts. Chaque acte réalisé doit être suivi d'un encouragement.

-#gt; Rien n'est jamais acquis : chaque formulation ou méthode éducative doit être inlassablement répétée.

-#gt; Toujours rappeler les règles et donner des ordres séquencés en expliquant le déroulement de chaque étape.

-#gt; Cela ne sert à rien de crier ou de s'impatienter.

-#gt; Formuler des exigences simples, claires et courtes en fractionnant les demandes. Les ordres doubles (du type « va dans ta chambre chercher ton pull et prends ton cartable dans le hall ») sont à éviter.

-#gt; Rester inflexible sur le respect qui est dû aux parents et sur les règles assurant la sécurité de l'enfant.

-#gt; Organiser un environnement ordonné en limitant les sources de distraction, les stimuli extérieurs, le matériel à portée de main (les enfants touchent à tout), les excitants (jeux vidéo...). Tout excès de stimulation aggrave le déficit attentionnel.

-#gt; Tolérer des débordements mineurs (bouger pendant les repas ou en travaillant).

-#gt; En cas de mauvais comportement, utiliser une punition modérée à chaque fois et immédiatement. Dans les situations difficiles, des périodes de relaxation dans un lieu calme sont parfois préconisées afin d'apaiser l'enfant.

-#gt; En cas de crise de l'enfant, si la maîtrise physique est l'ultime recours, elle doit être faite avec fermeté, douceur, tendresse et calme.

Par Christine Julien

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

HyperSupers-THADA France

2, sentier de la Fontaine, 77160 Provins -

Tél. : 06 19 30 12 10 ou 01 64 00 42 73

http://www.thada-france.org

L'association THADA France (ou HyperSupers) informe, accompagne les familles et enfants en butte aux difficultés rencontrées dans la gestion du trouble du déficit d'attention avec ou sans hyperactivité. Le site est une mine d'informations sur la prise en charge de l'hyperactivité ou les conseils aux parents et aux enseignants. Des réunions sont organisées en région par les bénévoles. L'association favorise la rencontre des enfants entre eux et coordonne la solidarité multidisciplinaire nécessaire à la bonne intégration sociale et scolaire des enfants atteints par ces troubles.

LIVRES

Du calme ! Comprendre et gérer l'enfant hyperactif

Théo Campernolle et Théo Doreleijers, deuxième édition (2004), éditions De Boeck

Ce livre est un outil à conseiller à tous les parents et enseignants d'enfants hyperactifs. Tout en déculpabilisant les parents, il aborde la gestion de l'hyperactivité au moyen de recettes toujours illustrées d'exemples pratiques : comment se comporter et collaborer au sein de la cellule familiale, quels sont les comportements à éviter, pourquoi punir et comment...

Mieux vivre avec un enfant hyperactif

Dr Frédéric Kochman, éditions Arnaud Franel

Rédigé par un psychiatre exerçant dans un centre médicopsychologique pour enfants, structuré autour de cas cliniques concrets, cet ouvrage contient des explications sur les manifestations cliniques du trouble, ses origines, les principes éducatifs, les façons de désamorcer les crises d'agressivité et de colère ou de canaliser les comportements dangereux. Les traitements médicamenteux et non médicamenteux y sont également abordés de même que l'orthophonie, la psychomotricité et la relaxation.

Comorbidité

Environ 50 % à 65 % des enfants atteints d'un THADA présentent au moins un autre trouble psychiatrique : trouble des conduites, trouble oppositionnel (entêtement, opposition systématique, provocation), trouble de l'humeur et/ou trouble anxieux.

18 % de ces enfants ont des tics et une proportion non négligeable est atteinte d'une maladie de Gilles de la Tourette.

Ces comorbidités compliquent le diagnostic, influent sur le pronostic et sur le choix d'une stratégie thérapeutique.

Echelle de Conners

Principale échelle d'évaluation du trouble, elle permet d'affiner la démarche diagnostique du médecin à l'aide de trois questionnaires.

- Le premier est destiné aux parents et comprend 48 items qui explorent les perturbations comportementales de l'enfant à la maison.

- Le second s'adresse aux enseignants. 28 items évaluent les comportements les plus fréquemment perturbés chez ces enfants en milieu scolaire.

- Le troisième questionnaire est destiné à tout observateur externe de l'enfant (enseignant, infirmière...). Il comporte 10 items qui correspondent aux symptômes les plus typiques de l'hyperactivité.

Prescription et délivrance du méthylphénidate

Le méthylphénidate est un stupéfiant soumis à la règle des 28 jours.

- Prescription

La prescription satisfait à des dispositions réglementaires précises : prescription initiale hospitalière (PIH) par un spécialiste et/ou un service spécialisé en psychiatrie, pédopsychiatrie, neurologie et pédiatrie, valide un an, renouvelable chaque année, rédigée en toutes lettres sur une ordonnance sécurisée pour une durée limitée à 28 jours.

Les renouvellements intermédiaires peuvent être effectués par tout médecin, sur ordonnance sécurisée et sans modifier la posologie initiale.

- Délivrance

Avant de délivrer, il faut s'assurer de la qualification ou du titre du prescripteur de la PIH.

La dispensation a lieu soit sur présentation de la PIH valide seule, soit de l'ordonnance de renouvellement accompagnée de la PIH datant de moins de un an.

Sur l'ordonnancier sont reportés les noms et qualifications du médecin hospitalier prescripteur de la PIH, le nom de l'établissement ou du service hospitalier (lieu d'exercice) et éventuellement du prescripteur de l'ordonnance de renouvellement.

L'ordonnance sécurisée originale dûment munie des mentions réglementaires est rendue au patient.

La copie est archivée à l'officine alphabétiquement par nom de prescripteur et chronologiquement. Il faut la conserver trois ans.

Contre-indications absolues du méthylphénidate

- Age #lt; 6 ans.

- Manifestations d'angoisse marquées.

- Manifestations psychotiques.

- Dépression sévère, anorexie mentale.

- Tendances suicidaires.

- Affections cardiovasculaires sévères.

- Arythmie cardiaque.

- Hypertension sévère.

- Angor sévère.

- Hyperthyroïdie.

- Glaucome.

- Antécédents personnels et/ou familiaux de tics moteurs et maladie de Gilles de la Tourette.

- Antécédents de dépendance médicamenteuse ou alcoolique.

- Jeunes patientes en âge de procréer sans contraception efficace ; allaitement.

- Traitement par IMAO non sélectif (iproniazide) et jusqu'à 14 jours après l'arrêt de ce type de traitement.

- Rétrécissement gastro-intestinal (pathologique ou iatrogène) sévère ou dysphagie ou difficulté à avaler les comprimés (Concerta LP).

- Intolérance au lactose (Ritaline).

Avantages et inconvénients du méthylphénidate

Avantages

- Recul dans l'évaluation de la molécule, commercialisée aux Etats-Unis depuis les années soixante.

- Administration orale.

- Paramètres cinétiques favorables.

- Pas de toxicité aux posologies usuelles.

- Possibilité de ménager des « fenêtres thérapeutiques » pendant les week-ends et les vacances.

- Absence d'échappement au traitement.

- Bénéfice clinique dans 75 % des cas (contrastant avec une très faible réponse au placebo).

- Accès de l'enfant à la psychothérapie facilité.

- Effets indésirables modérés et réversibles.

Inconvénients

- Absence d'études chez les adolescents.

- Traitement purement symptomatique, suspensif des signes cliniques.

- Risque d'inflation dans les prescriptions en raison des avantages du traitement.

- Risque d'abandon ou de négligence des prises en charge non médicamenteuses, plus mobilisantes en temps et d'accès plus difficile.

- Tendance à allonger la durée de la prescription (plusieurs années aux Etats-Unis).

- Risque de négliger les pathologies comorbides (troubles des conduites, troubles thymiques, troubles des apprentissages...).

- Difficulté d'adapter rigoureusement la posologie à chaque cas.

- Mauvaise compliance au traitement fréquente.

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