Recyclamed ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2541 du 19/06/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2541 du 19/06/2004
 

LE SCANDALE DES MNU RÉUTILISÉS

Actualité

L'événement

Réintégrer des stocks de Cyclamed dans les rayons de l'officine peut coûter très cher à leurs auteurs. De récents procès le confirment. Mais c'est la profession tout entière qui pourrait être éclaboussée par les agissements de quelques-uns. De quoi tirer la sonnette d'alarme.

Sans états d'âme, le tribunal correctionnel de Beauvais a interdit d'exercice à vie un officinal coupable d'escroqueries multiples et de remises en vente de retours Cyclamed (lire ci-dessous). Mais cette condamnation, comme celles qui l'ont précédée ces derniers mois, ne révèle que la partie visible du phénomène. Le recyclage de Cyclamed est à la mode. Plusieurs responsables ordinaux s'en sont inquiétés dans notre dossier sur la justice ordinale (voir Le Moniteur n° 2538), ces pratiques représentant la négation même du métier.

« Je le fais régulièrement mais en essayant de le réserver aux clients non assurés sociaux, raconte sans fard Michèle, titulaire à Paris. J'évite de vendre des boîtes sales ou endommagées, mais je n'hésite pas à changer de boîtes ou à mettre trois plaquettes de pilules différentes dans une même boîte. Ce qui me gêne, c'est la recrudescence de l'échange à la demande des clients. Je suis dans un quartier où les pharmaciens ont presque tous adopté ce procédé. Je ne peux être la seule qui refuserait sans risquer de perdre de la clientèle... »

L'information circule.

Si ces magouilles signent parfois l'arrêt de mort professionnel de leurs divs, elles finiront surtout par nuire à toute la profession. Il semble inévitable qu'un jour la connaissance de tels agissements sorte du microcosme officinal. Et c'est peut-être déjà fait. « Ne trouvez pas étrange qu'il se soit vendu l'an dernier plus de boîtes de Renutryl qu'il ne s'en est fabriqué », a-t-on pu entendre dans un cabinet ministériel. L'information circule. Les interclasses des CFA bruissent d'élèves racontant quelles sont leurs tâches dans le tri de Cyclamed à l'officine. « L'information, vous l'avez dans les CFA, dans les réunions de formation continue des adjoints », confirme Bernard Capdeville, président de la FSPF. De fait, beaucoup d'adjoints, ulcérés par le comportement de leur titulaire, commencent à briser l'omerta. « J'ai donné ma démission car je me sens bafouée, confie Annie, 47 ans (Seine-et-Marne). Ma titulaire avait organisé le recyclage comme activité lucrative. Les clients conciliants, souvent âgés, étaient sollicités pour donner à Cyclamed, "l'association qui redistribue aux nécessiteux et aux pays pauvres". C'est la honte quand les clients viennent se plaindre que des blisters étaient entamés. Elle m'a menacée de supprimer mes mercredis si je protestais. Je démissionne car je me sens bafouée. »

« Le nombre de boîtes avec la vignette déjà barrée a dangereusement augmenté dans les stocks, a aussi pu constater Claude, 47 ans (Haute-Marne). En cas de plainte pour des blisters entamés, ma patronne échange la boîte en se plaignant "des labos qui font n'importe quoi". » Tous les autres témoignages d'adjoints et de titulaires (lire notre sélection ci-contre) que nous avons pu recueillir sous couvert d'anonymat sont tout aussi affligeants. Que faire pour stopper cette dérive ? « Dans nos centres de tri, nous ne voyons plus revenir certains produits chers comme le Mopral, révèle Marie-Agnès Cros, secrétaire générale de PSF-Union France. On ne peut pas laisser passer ça ! » PSF a envisagé, « pour protéger la profession », de se porter partie civile dans les affaires liées au recyclage. « Toute la profession (syndicats, Ordre), pourrait se grouper dans ce type de démarche, suggère son président Jean-Marc Merle. Mais c'est difficile à concrétiser. Quand il y a une affaire, elle n'est guère connue. » Bernard Capdeville, sans concession pour ses confrères indélicats, est sur la même longueur d'onde : « Des syndicats locaux pourraient se porter solidaires en plainte car c'est une atteinte à la profession. »

« L'Ordre doit porter plainte et il doit y avoir des sanctions, estime Philippe, titulaire (Aude). Il faut provoquer la peur du gendarme. Combien y a-t-il de contrevenants ? J'ai entendu parler de 5 %, cela ferait 1 000 officinaux. C'est déjà énorme ! » L'Ordre commence justement à faire le ménage. « On a été amenés à frapper fort des pharmaciens qui confondaient Cyclamed avec leurs stocks, confiait Dominique Brasseur (président du conseil régional de l'ordre de Haute-Normandie), lors de notre enquête sur les chambres disciplinaires. Malheureusement, un certain nombre de confrères estiment qu'il ne s'agit pas d'une escroquerie, que les médicaments sont intègres, fabriqués par un laboratoire, donc sûrs. »

Les pouvoirs publics rappellent l'évidence. « L'utilisation des MNU est susceptible de générer un risque pour la santé publique, avertit la DGS. Leurs conditions de conservation et les manipulations qu'ils peuvent avoir subies sont inconnues du pharmacien. Celui-ci n'est plus à même de garantir leur qualité et leur sécurité d'emploi. »

Dans un mémoire sur les MNU, publié en 2003, l'Ecole nationale de santé publique constate que les affaires en cours de jugement sont de plus en plus nombreuses : « Devant les difficultés à obtenir des preuves [...], il apparaît que des sanctions disciplinaires et pénales exemplaires soient nécessaires pour exercer une action à la fois dissuasive et moralisatrice. » Il est temps.

A noter

- étranges pratiques

Les témoignages que nous avons recueillis font état d'autres manipulations que le « recyclage » de Cyclamed, notamment la transformation des ordonnances à l'insu des clients, la facturation de prescriptions non délivrées en totalité, l'échange de prescriptions contre de la para...

- l'adjoint aussi...

Il faut se rappeler que l'adjoint qui obtempère à de telles pratiques peut aussi être mis en cause au pénal, le Code de la santé publique ne prévoyant ici aucun lien de subordination. « Au contraire, il doit s'y opposer de diplôme à diplôme », note Bernard Capdeville.

Ils témoignent

- Annick, adjointe, 51 ans (75)

« J'ai connu deux titulaires dans cette officine. La première recyclait discrètement. Je l'ai surprise à remettre des boîtes en rayon et elle a ri de ma réflexion. Je me suis tenue à l'écart de ce manège qui a duré des années de façon conséquente. Avec la titulaire actuelle, on est dans le non-dit. La gestion informatisée du stock dévoile plus le recyclage et elle fait attention. »

- Noureddine, adjoint, 47 ans (93)

« Je sais qu'on recycle à mon insu. Mon titulaire s'oppose à cette pratique avec véhémence. Je remplis les cartons mais c'est lui qui les scelle lors de mes absences. Je m'apprêtais à y mettre du Renutryl provenant d'une patiente décédée, et sa femme m'a arrêté pour me dire de les remettre en rayon. Il m'arrive aussi de recevoir par l'automate des boîtes dont les vignettes sont déjà barrées. J'en ai parlé au préparateur qui m'a présenté le recyclage comme une pratique courante dans les pharmacies : "Lorsque tu seras titulaire, tu le feras comme les autres !" »

- Dominique, adjoint, 53 ans (75)

« Je fais des remplacements et je vois souvent des anomalies. La titulaire d'une officine parisienne avait l'habitude de reconstituer des boîtes à partir des déchets Cyclamed qu'elle triait elle-même. Une partie retournait chez les grossistes. Elle faisait trop vite et les clients venaient souvent se plaindre que leurs boîtes n'avaient pas de vignettes ou qu'il manquait des plaquettes. Mais même suspicieux, ces clients revenaient car ils obtenaient ce qu'ils voulaient sans ordonnance. Au niveau du stock, j'ai remarqué des hausses subites alors qu'il n'y avait pas eu d'achat de ces marchandises. »

- Yves, adjoint, 48 ans (93)

« Pendant plusieurs mois, mon titulaire n'a jamais commandé de Séresta parce qu'un centre médical en avait donné à la pharmacie pour Cyclamed. Un autre titulaire disait qu'en l'absence de collaboration à cette activité, les emplois ne pourraient être conservés. Lorsque des réclamations des clients avaient lieu, le titulaire se déchargeait de sa responsabilité en imputant la faute à ses salariés incompétents. »

- Jean-Philippe, titulaire (93)

« Il faut traiter Cyclamed dans le condiv actuel des dérives et mettre en cause le manque de sanctions et d'efficacité des inspecteurs. Avec une marge qui baisse, certains justifient leurs mauvaises pratiques par un découvert bancaire à effacer. »

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