Quand l'antalgie fait mal - Le Moniteur des Pharmacies n° 2540 du 12/06/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2540 du 12/06/2004
 

LES MIGRAINES ET LES CÉPHALÉES À L'OFFICINE

Actualité

L'événement

Au comptoir, les céphalées constituent une plainte récurrente. Le remède est parfois pire que le mal, montre une étude menée par les étudiants de la faculté de pharmacie de Lyon. Analyse.

Près de 11 % des patients migraineux, inclus dans une étude menée par les étudiants en stage de sixième année à Lyon, souffrent de céphalées chroniques quotidiennes, dues en général à un abus médicamenteux. Mais ils ont du mal à en prendre conscience et leur prise en charge est loin d'être optimale. Cette étude a été conduite de novembre 2002 à mars 2003 et présentée le 1er juin dernier. Les données sont issues de questionnaires soumis à 762 patients, suivis dans 79 officines. Leur historique médicamenteux sur six mois et leurs ordonnances ont été analysés.

Tous les antalgiques sont susceptibles de provoquer des céphalées par abus médicamenteux, surtout en association : prise de quatre molécules en moyenne. Les cinq principes actifs le plus souvent responsables : la caféine, le paracétamol, la DHE, le dextropropoxyphène, l'aspirine. Des médicaments courants et utilisés en automédication pour la plupart. Le phénomène est d'autant plus sournois qu'il surgit à la suite de prises régulières, sans surdosage, qui peuvent sembler anodines. « C'est tout l'intérêt du dossier patient informatisé, en particulier pour évaluer l'automédication », souligne Gisèle Bauguil, titulaire à Saint-Maurice-sur-Dargoire, qui a participé à l'étude.

Une consommation excessive en paracétamol, dextropropoxyphène et paracétamol ou ibuprofène est notée chez plus de 10 % des patients. Près de 20 % des patients sous triptan et 38 % de ceux sous ergotamine sont également en situation de surconsommation. Le passage régulier à l'officine pour se procurer les médicaments est le moment clé pour détecter ces déviances. « Souvent les ordonnances ne sont pas assez explicites et l'équipe officinale doit insister sur la posologie de façon à éviter plus de deux prises par semaine ainsi que les associations d'antalgiques, en particulier en automédication », recommande Anne Revol, neurologue. Malheureusement le diagnostic des céphalées par abus médicamenteux est souvent tardif (plus de cinq ans). Le patient ne se rend en général pas compte qu'il prend beaucoup de médicaments. D'où l'intérêt de la tenue d'un « agenda migraine ». « Ce serait bien de le généraliser car les patients sous-estiment la fréquence de leurs douleurs. Il doit être tenu sur trois à six mois et permet bien souvent de découvrir des signes avant-coureurs que les patients n'avaient pas identifiés », explique Anne Revol. Des « agendas migraine » comportant la description de la gestion de cinq crises ont été recueillis auprès de 73 patients. Ils montrent que près de une crise sur quatre nécessite trois prises médicamenteuses ou plus.

Le stress, principal facteur déclenchant. Au-delà de la détection des céphalées par abus médicamenteux, l'étude avait des objectifs plus larges. « Cet état des lieux de la prise en charge des migraineux visait à cerner les besoins, repérer les lacunes, identifier les points d'action potentiels », détaille Geneviève Chamba, professeur à la faculté de pharmacie de Lyon et initiatrice de l'étude. Une photographie des migraineux fréquentant l'officine a pu être dégagée. Neuf sur dix sont diagnostiqués et les trois quarts sont suivis par un généraliste. Neuf patients sur dix connaissent un ou des facteurs déclenchant une crise, le plus souvent le stress. « Toutefois il faudrait aider les 10 % restants à les identifier », suggère Geneviève Chamba. Près de un patient sur deux souffre d'une crise ou plus par semaine. De là à conclure que la prise en charge laisse à désirer...

La gestion d'une crise passe par la prise d'un seul médicament pour 58 % des patients, mais par celle de deux ou plus pour les autres. En matière de thérapeutique, la moitié des patients dispose d'un traitement non spécifique, près de 70 % d'un traitement spécifique, un peu moins de la moitié d'un traitement de fond. Fait notable, près de quatre migraineux sur dix complètent leur traitement prescrit par de l'automédication.

Pas de paracétamol contre la migraine. Les traitements non spécifiques reposent sur le paracétamol (68 % des patients), le dextropropoxyphène et paracétamol (37 %) puis l'ibuprofène (35 %). « Pourtant le paracétamol n'est pas un traitement de la migraine ! », s'étonne Anne Revol. L'étude constate que la plupart des patients prennent plus de deux antalgiques. Et que cette tendance est plus marquée quand les traitements comprennent de la codéine et/ou de la caféine. « On peut se demander s'ils ne favoriseraient pas une surconsommation », s'inquiète Geneviève Chamba, qui suggère « d'orienter les migraineux vers une consultation spécialisée en cas d'automédication ou d'insuffisance d'efficacité des traitements, et surtout de faire la chasse aux abus médicamenteux ».

Mais le passage à la pratique est souvent difficile. Car la constitution d'un dossier patient incluant l'automédication est souvent illusoire et l'éducation des patients céphalalgiques réclame beaucoup de temps.

Céphalées liées à un abus d'antalgiques

Les céphalées chroniques quotidiennes sont des céphalées provoquées par abus d'antalgiques ou d'antimigraineux. Elles constituent un handicap majeur : les céphalées sont présentes plus de 15 jours par mois et plus de 4 heures par jour, pendant au moins trois mois. Elles sont diffuses et peuvent être intriquées avec des crises migraineuses. Près de 1 % des migraineux sont concernés soit 50 000 patients en France.

Les céphalées par abus médicamenteux se définissent aussi par le nombre de jours de traitement par mois (plus de 15 pour les antalgiques simples, plus de 10 pour les autres), une exposition régulière depuis plus de trois mois et une disparition de la céphalée dans les deux mois suivant le sevrage.

En l'absence de prise en charge, la céphalée chronique quotidienne s'autoentretient et les signes associés s'aggravent.

Le traitement passe par un sevrage hospitalier ou en ambulatoire. L'amélioration est sensible en quelques jours. Il s'appuie aussi sur l'éducation du patient et une prise en charge cognitivocomportementale.

A noter : interrogatoire

Les questions de base à poser à un patient migraineux déjà traité :

- « Etes-vous soulagé de façon significative 2 heures après la prise ? »

- « Votre traitement habituel est-il bien toléré ? »

- « Utilisez-vous une seule prise médicamenteuse ? »

- « Pouvez-vous reprendre normalement vos activités ? »

- Oui à toutes les questions : pas de changement de traitement.

- Non même à une seule : réévaluation du traitement.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !