L'insuffisance cardiaque - Le Moniteur des Pharmacies n° 2536 du 15/05/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2536 du 15/05/2004
 

Cahier formation

l'essentiel L'insuffisance cardiaque, maladie touchant essentiellement le sujet âgé, est une incapacité du coeur à assurer un débit sanguin suffisant. Elle se traduit par une dyspnée, d'abord à l'effort puis omniprésente, une asthénie et des oedèmes débutant par les chevilles puis les jambes. L'insuffisance cardiaque, qui peut rester longtemps asymptomatique, est souvent révélée par un oedème aigu du poumon, véritable urgence cardiovasculaire. Aux stades III et IV, le pronostic de l'insuffisance cardiaque est sombre : un patient sur deux décède dans les cinq ans qui suivent le diagnostic. Le traitement médicamenteux a évolué ces dernières années. Il associe dorénavant un IEC, un diurétique de l'anse, de plus en plus souvent un bêtabloquant commencé à doses très faibles sous surveillance rapprochée, parfois de la spironolactone et de la digoxine. Le régime pauvre en sel est essentiel pour limiter les oedèmes.

ORDONNANCE : Un patient souffrant d'insuffisance cardiaque depuis deux ans

Monsieur O. souffre d'insuffisance cardiaque depuis plus de 2 ans. Il est inquiet car le cardiologue vient de rajouter un quatrième médicament à son traitement alors qu'il n'éprouve aucun symptôme d'aggravation.

LA PRESCRIPTION

Professeur Bertrand

Cardiologue

2, place du Marché

69000 Lyon

Tél. : 01 41 29 75 78

69 3 99999 8

Le 11 mai 2004

M. O.

64 ans, 65 kilos

-#gt; Triatec 10 mg : 1 cp par jour

-#gt; Lasilix 20 mg : 1 cp par jour

-#gt; Aldactone 25 mg: 1 cp à midi

-#gt; Selozok LP 23,75 mg : 1/2 cp par jour pendant 1 semaine, puis 1 cp par jour pendant 2 semaines, puis 2 cp par jour

qsp 1 mois

Prochain rendez-vous dans un mois

LE CAS

Ce que vous savez du patient

- Monsieur Pierre O., 64 ans, 1 m 70, 65 kg, est traité depuis plus de 2 ans pour une insuffisance cardiaque par Triatec 10 mg, Lasilix 20 mg et Aldactone 25 mg. Il voit son cardiologue deux fois par an, et son médecin traitant lui renouvelle son ordonnance tous les trois mois. Il n'a pas d'autre prescription régulière mais prend épisodiquement du paracétamol.

- Monsieur O. fume 1 paquet de cigarettes par jour et, malgré vos conseils répétés, n'a pas encore pris la décision d'arrêter.

Ce que lui a dit le médecin

- Lors de sa dernière visite, le cardiologue a rajouté un bêtabloquant, le Selozok, au traitement précédent, et a demandé à M. O. de revenir en consultation dans un mois au lieu de six, ce qui inquiète monsieur O., même s'il n'en a rien dit au médecin. Par ailleurs, le médecin a vraiment insisté sur l'arrêt du tabac et lui a conseillé d'aller consulter un spécialiste en tabacologie.

Sa demande spontanée

- Monsieur O. vous demande des comprimés d'Upfen car il a de nouveau mal au genou droit. En général, ces douleurs durent 2 ou 3 jours puis disparaissent. Son fils lui a affirmé que ce médicament était très efficace contre les douleurs.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

- Triatec/Aldactone

En dehors du condiv d'insuffisance cardiaque, cette association de deux spécialités hyperkaliémiantes est déconseillée (sauf en cas d'hypokaliémie) car elle majore le risque d'hyperkaliémie grave. Dans le cadre du traitement de l'insuffisance cardiaque de classe III ou IV, de petites doses d'Aldactone peuvent être associées à l'IEC (Triatec). Cette association nécessite le contrôle régulier de la kaliémie, l'arrêt de toute supplémentation potassique, et une surveillance clinique et biologique pour limiter le risque d'insuffisance rénale.

- Lasilix/Aldactone

Cette association nécessite des précautions d'emploi. Ces diurétiques voient leurs effets natriurétiques potentialisés avec risque d'hyponatrémie (troubles confusionnels) et de déshydratation. La surveillance de la natrémie doit être régulière, particulièrement en cas de déshydratation potentielle (période de fortes chaleurs, alitement prolongé, hyperthermie...).

- Triatec/Selozok/diurétiques

L'association de plusieurs spécialités hypotensives (IEC, bêtabloquant, diurétiques) augmente le risque d'hypotension orthostatique.

- Ibuprofène/insuffisance cardiaque

En cas d'insuffisance cardiaque, tous les AINS exposent à un risque de décompensation de la pathologie. En effet, l'inhibition de la synthèse des prostaglandines rénales vasodilatatrices favorise la survenue d'une insuffisance rénale et d'une rétention hydrosodée.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies de l'ordonnance sont correctes. Le patient est en phase d'initialisation du Selozok, avec doublement des posologies par paliers d'une ou deux semaines.

AVIS PHARMACEUTIQUE

- Prise en charge de l'insuffisance cardiaque

Le traitement de monsieur O. est le traitement classique d'une insuffisance cardiaque évolutive.

-#gt; En l'absence de contre-indication, un inhibiteur de l'enzyme de conversion est prescrit systématiquement pour soulager les symptômes, ralentir l'évolution de l'insuffisance cardiaque et diminuer la mortalité. Bien que validé par des études cliniques dans ce condiv, Triatec n'a pas encore d'AMM spécifiquement dans cette indication.

-#gt; L'adjonction d'un diurétique (Lasilix) est utile en cas de signes de rétention hydrosodée : dyspnée d'effort ou de repos, oedèmes périphériques. Après régression de ces signes, une faible dose est souvent maintenue sous peine de récidive.

-#gt; Si malgré ce traitement les signes persistent, l'ajout de spironolactone à dose faible permet de réduire la gêne fonctionnelle des patients et la mortalité. Du fait de l'effet hyperkaliémiant et de l'association à un IEC, une surveillance rigoureuse de la kaliémie et de la créatininémie est nécessaire.

-#gt; L'addition d'un bêtabloquant permet de réduire l'aggravation de la pathologie et la mortalité des patients. Son introduction n'est envisageable que dans les cas d'insuffisance cardiaque stabilisée depuis au moins 4 semaines. C'est le cas pour monsieur O.

- Délivrance d'un antalgique

En automédication, la dispensation d'un AINS doit être refusée. Conseiller le paracétamol à la dose de 1 gramme par prise, à prendre à la demande si la douleur est ponctuelle, ou régulièrement 3 à 4 fois par jour toutes les 4 heures au minimum sans dépasser 4 g/jour en cas de douleur continue.

Proposer des comprimés non effervescents, gélules ou sachets. Les comprimés effervescents sont déconseillés car ils apportent une quantité trop importante de sel.

Ne pas délivrer Upfen

Tous les AINS exposent à un risque de décompensation de l'insuffisance cardiaque. Proposer du paracétamol.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Triatec 10 mg (ramipril)

- Inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC).

- Utilisé dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique.

- Dans cette indication, la posologie habituelle est de 10 mg/jour (hors phase d'initiation).

-#gt; Lasilix 20 mg (furosémide)

- Diurétique de l'anse, hypokaliémiant.

- Chez le patient insuffisant cardiaque, indication dans le

traitement et la prévention des signes de rétention hydrosodée : dyspnée et oedèmes périphériques.

- Dans cette indication, la posologie doit être faible (20 à 40 mg/jour), adaptée à l'état du patient.

-#gt; Aldactone 25 mg (spironolactone)

- Diurétique antagoniste de l'aldostérone, épargneur potassique.

- Indiqué dans le traitement de l'insuffisance cardiaque évolutive, en plus du traitement par un IEC, un diurétique et de la digoxine dans la plupart des cas.

- La posologie usuelle dans cette indication est de 25 mg/jour.

-#gt; Selozok LP 23,75 mg (métoprolol)

- Bêtabloquant.

- Indiqué dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique stable, modérée à sévère, en complément du traitement habituel.

- Le traitement doit être initié par une dose très faible (1/2 cp à 1 cp à 237,5 mg par jour), puis augmenté très progressivement par paliers de deux semaines si la tolérance est bonne.

- La dose cible maximale est de 190 mg par jour.

INITIATION DU TRAITEMENT

- Conformité de la prescription

La prescription initiale de Selozok est réservée aux spécialistes en cardiologie et en médecine interne. Un généraliste pourra renouveler la prescription lorsque la dose maximale sera atteinte. Selozok est également soumis à une surveillance particulière pendant le traitement.

- Posologie du bêtabloquant

La dose initiale très faible (1/2 cp/j le matin) est augmentée par paliers de 1 puis 2 semaines, sous réserve d'une bonne tolérance de la dose précédente. L'AMM préconise une surveillance clinique du patient pendant 3 heures après la première prise, ce qui n'est pas réalisé en pratique puisque le patient prend son médicament chez lui. Le cardiologue, contacté précédemment pour un cas similaire, avait expliqué que le patient devait rester à son domicile lors de la première prise et le contacter en cas de problème.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ Pour favoriser l'observance, tous les médicaments peuvent être pris le matin pendant le petit déjeuner si le patient le souhaite. En cas d'oubli, prendre les comprimés le plus tôt possible dans les douze heures. -#gt; Aldactone 25 mg : l'absorption est augmentée par la prise d'aliments. -#gt; Selozok LP 23,75 mg : lors de l'augmentation de palier posologique, les 2 comprimés doivent être pris ensemble le matin.

SUIVI DU TRAITEMENT

- Tolérance du Selozok

Au début, le patient peut ressentir une fatigue qui doit disparaître à la poursuite du traitement. Tout signe d'essoufflement ou de vertige impose de contacter rapidement le médecin sans arrêter le traitement.

- Recherche des effets indésirables

- Hypotension orthostatique : elle peut être aggravée à l'introduction du bêtabloquant, et parfois amener à réduire les posologies.

- Toux due à l'IEC : persistante et rebelle aux antitussifs, elle apparaît en général dans les 6 premiers mois et nécessite parfois l'arrêt de l'IEC que l'on remplace alors par un inhibiteur de l'angiotensine II.

- Troubles endocriniens : gynécomastie et douleurs mammaires dues à la spironolactone affectent près de 10 % des hommes. Une impuissance due à la spironolactone et au bêtabloquant est fréquente.

- Surveillance biologique

Vérifier que le patient effectue ses contrôles biologiques régulièrement et que les valeurs sont normales :

- créatininémie : #lt;120 mmol/l ;

- kaliémie : l'association IEC + spironolactone majore le risque d'hyperkaliémie (#gt; 5,5 mmol/l), sans signe annonciateur, et est responsable de troubles cardiaques sévères. A l'inverse, une hypokaliémie (#lt; 3,1 mmol/l) entraîne un risque de torsades de pointes. La kaliémie est surveillée une fois par semaine en début de traitement, puis espacée en fonction des résultats ;

- natrémie : #lt;145 mmol/l.

CONSEILS AU PATIENT

Rassurer le patient

L'addition de Selozok LP au traitement inquiète le patient. Pour obtenir son adhésion, lui expliquer que Selozok va réduire à terme les risques d'aggravation de sa maladie.

Conseils hygiénodiététiques

- Surveiller l'apparition d'essoufflement inhabituel, d'oedèmes périphériques, se peser une fois par semaine. Consulter si la prise de poids dépasse 2 ou 3 kilos.

- Maintenir la réduction de sel dans l'alimentation sans le bannir totalement. Ne pas remplacer le sel de table par des sels de régime à base de potassium.

- Bien s'hydrater : de 1 à 1,5 litre d'eau par jour.

- Si une hypotension orthostatique survient en début de traitement, conseiller à M. O. de ne pas se lever brutalement : s'asseoir et laisser pendre les jambes au bord du lit puis dans un 2e temps se mettre debout. Attention aux levers nocturnes pour uriner !

Vérifier le suivi médical

- Le patient a-t-il bien un rendez-vous chez le cardiologue le mois prochain ? Cette visite est importante pour continuer l'augmentation des doses de Selozok.

- A-t-il pris la décision d'arrêter de fumer ? La meilleure solution, puisqu'il hésite encore, est une consultation spécialisée en tabacologie. A-t-il des adresses ?

Documenter le dossier patient

Renseigner la pathologie du patient ou mettre une « alerte » pour les médicaments ne devant pas être dispensés :

- Pas d'AINS en automédication : si un AINS est prescrit sur ordonnance et en l'absence de contre-indication formelle à ce jour (Vidal 2004), il paraît nécessaire de faire confirmer le maintien de l'AINS par le prescripteur et, en cas de maintien, d'inciter le patient à surveiller une prise de poids et l'apparition d'un essoufflement anormal, qui pourraient être des signes d'aggravation de l'insuffisance cardiaque.

- Pas de formes effervescentes : elles peuvent contenir jusqu'à 500 mg de sodium par unité de prise.

- Pas de médicaments susceptibles de modifier la kaliémie : sels de potassium, médicaments contenant du potassium (Movicol, Transilane...). Attention également aux laxatifs stimulants et tisanes laxatives (fuite de potassium) !

Noter les dates et résultats biologiques et rappeler au patient le calendrier d'analyses.

Par Geneviève Chamba, professeur de pharmacologie, faculté de pharmacie de Lyon, et Gisèle Bauguil, pharmacienne officinale, professeur associé à la faculté de pharmacie de Lyon

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que l'insuffisance cardiaque ?

L'insuffisance cardiaque est une incapacité du coeur à assurer un débit sanguin suffisant aux différents tissus de l'organisme. Fréquente chez le sujet âgé, elle est responsable d'hospitalisations répétées et d'un risque de décès important, notamment par mort subite.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Problème majeur de santé publique, l'insuffisance cardiaque est en passe de devenir la maladie cardiovasculaire la plus fréquente en France. Le nombre de patients insuffisants cardiaques semble se situer entre 500 000 et 1 million. Près de 120 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

-#gt; C'est une maladie grave. L'insuffisance cardiaque est à l'origine d'hospitalisations répétées : 150 000 patients par an sont hospitalisés, 32 000 décèdent.

Après une première hospitalisation, le risque de décès est d'environ 5 % à 1 mois, 20 % à 1 an et 50 % à 5 ans.

-#gt;C'est une maladie de la personne âgée. Son incidence double tous les 10 ans à partir de 45 ans. Elle passe ainsi de 0,8 % entre 50 et 60 ans, à 6,6 % chez les 80-89 ans. L'âge moyen de diagnostic est de 74 ans.

-#gt; L'impact économique (1 % des dépenses de santé) devrait s'accroître du fait du vieillissement de la population et de l'amélioration de la survie des patients ayant une cardiopathie sévère, en particulier ischémique ou hypertensive.

PHYSIO-PATHOLOGIE

L'élément initial et primordial de l'insuffisance cardiaque est la dysfonction ventriculaire gauche, point de départ de la réduction de la perfusion systémique.

Il existe deux grands types de dysfonction du ventricule gauche :

-#gt; La dysfonction systolique est la plus fréquente et la plus grave. Dans cette situation, la diminution de la contractilité du ventricule gauche constitue l'anomalie essentielle.

-#gt; La dysfonction diastolique est favorisée par le vieillissement cardiaque. Dans cette situation, le ventricule gauche, qui a en partie perdu sa distensibilité, ne peut se remplir de façon satisfaisante.

Le ventricule gauche ne se contractant et/ou ne se remplissant pas de façon satisfaisante, l'apport de sang aux organes est insuffisant. L'activation de systèmes neurohormonaux (système sympathique et système rénine-angiotensine-aldostérone) qui en résulte est initialement bénéfique puisqu'elle tend à maintenir une perfusion adéquate des organes. Mais à la longue, elle tend aussi à accroître le travail du coeur et à accentuer le remodelage cardiaque et vasculaire (fibrose myocardique due à l'aldostérone...). La fonction ventriculaire s'altère progressivement jusqu'à entraîner le décès du patient.

SIGNES CLINIQUES

L'insuffisance ventriculaire gauche reste longtemps latente : les anomalies de contractilité (dysfonction systolique) et de remplissage (dysfonction diastolique) n'ont une traduction clinique que tardivement.

La surveillance régulière (échocardiographie) d'un patient ayant une cardiopathie peut donc amener à découvrir de manière fortuite l'insuffisance cardiaque avant qu'elle ne se manifeste cliniquement.

A un stade évolué, l'insuffisance cardiaque peut se révéler par un accident aigu (oedème aigu du poumon) ou par des signes cliniques d'apparition progressive (dyspnée, asthénie, oedème des membres inférieurs).

L'oedème aigu du poumon

Accident évolutif aigu, l'oedème aigu du poumon est encore un mode de révélation fréquent de l'insuffisance cardiaque.

- Etiologie

C'est une urgence cardiovasculaire qui traduit l'inondation des alvéoles pulmonaires suite à une élévation rapide et importante de la pression régnant dans les capillaires pulmonaires. En découle une réduction des processus d'échanges des gaz, au niveau des poumons, entraînant une diminution de l'oxygénation du sang.

- Symptômes

L'oedème aigu du poumon se manifeste par une gêne respiratoire intense accompagnée d'une toux quinteuse ramenant une expectoration abondante, moussante, rosée. Ces symptômes surviennent brutalement, souvent la nuit, et obligent le patient à s'asseoir dans son lit ou à se lever.

La respiration est rapide, il existe des râles crépitants fins bilatéraux à l'auscultation pulmonaire.

Seuls les examens complémentaires (en particulier radiographie thoracique) peuvent permettre la distinction avec une pneumopathie aiguë, la décompensation aiguë d'une insuffisance respiratoire chronique obstructive, une crise d'asthme ou une embolie pulmonaire.

- Pronostic

L'oedème aigu du poumon est à moyen terme de mauvais pronostic même lorsque son facteur déclenchant est identifiable : écart de régime, défaut d'observance du traitement médicamenteux, troubles du rythme, ischémie myocardique, poussée hypertensive, infection pulmonaire...

L'insuffisance cardiaque chronique

Un ou plusieurs des symptômes cardinaux de l'insuffisance cardiaque chronique (dyspnée, asthénie et oedèmes périphériques), apparus souvent très progressivement, peuvent être au premier plan.

- La dyspnée

C'est la manifestation la plus fréquente de l'insuffisance cardiaque. Prise de conscience par le patient du caractère pénible de la respiration, il s'agit d'un signe fonctionnel purement subjectif que chaque malade décrit de façon particulière, issue de son mode de vie et de son activité physique habituelle.

La classification de l'insuffisance cardiaque de la New York Heart Association (NYHA) est basée sur l'appréciation de la dyspnée. Chez le patient insuffisant cardiaque, la dyspnée s'aggrave de façon progressive, apparaissant d'abord à l'effort (montée des escaliers, marche en pente ou rapide...). Son intensité est parfois variable d'un jour à l'autre. Elle devient de plus en plus marquée, puis se double d'une dyspnée de décubitus obligeant le patient à dormir soutenu par un nombre d'oreillers croissant, voire assis dans son lit ou dans son fauteuil.

- L'asthénie

Ce symptôme important de l'insuffisance cardiaque est dû à une baisse du débit cardiaque. Le grand âge, l'excès de poids, un long passé de sédentarité et la fonte musculaire (secondaire au repos qu'impose chaque décompensation cardiaque aiguë) aggravent cette situation.

- Les oedèmes

Traduction de la rétention hydrosodée, ils peuvent représenter plus de dix kilos d'excès d'eau et de sel. Initialement, ils sont discrets et siègent au niveau des chevilles puis des jambes, la face inférieure des cuisses et la région lombosacrée (chez les patients alités). Classiquement, ils sont blancs, mous, indolores, symétriques et gardent le godet (le pouce s'enfonce dans l'oedème et y laisse sa marque). Au stade de la chronicité, les oedèmes s'accompagnent d'anomalies cutanées (hypodermite...). Ils peuvent, en l'absence de traitement approprié, se généraliser : pleurésie, ascite...

DIAGNOSTIC

Diagnostic clinique

- Insuffisance cardiaque symptomatique

Le diagnostic d'insuffisance cardiaque peut être évoqué devant l'association de symptômes typiques (dyspnée, asthénie, oedèmes) et d'anomalies à l'examen clinique dans un condiv à risque. Sont en particulier notés les antécédents familiaux de mort subite, les antécédents personnels de coronaropathie, diabète, hypertension artérielle, alcoolisme, l'importance de la dyspnée et son rythme diurne ou nocturne, la fréquence cardiaque et les signes de rétention hydrosodée. Toutefois, aucun de ces signes n'est suffisamment sensible et spécifique. Le bilan complémentaire est indispensable.

- Insuffisance cardiaque asymptomatique

Au stade de dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique, un traitement pharmacologique approprié et parfois un geste instrumental (dilatation d'une sténose coronaire avec mise en place d'un stent) ou chirurgical (pontage aortocoronaire, chirurgie valvulaire) peuvent retarder l'apparition de symptômes invalidants et réduire la mortalité attribuable à l'insuffisance cardiaque. La réalisation systématique d'examens complémentaires est donc essentielle avant même l'apparition de symptômes évocateurs d'insuffisance cardiaque.

Echo-Doppler cardiaque

C'est un examen incontournable. Non invasif (étude ultrasonore du coeur menée par voie transthoracique), il fournit des informations sur le degré de dilatation des cavités cardiaques, l'épaisseur des parois du ventricule gauche, les fonctions ventriculaires gauches systolique et diastolique, la sévérité des dysfonctions valvulaires...

Il est demandé systématiquement dès lors que l'on suspecte une insuffisance cardiaque puis répété à une fréquence variable en fonction de l'étiologie et de l'évolution de la cardiopathie.

Radiographie thoracique

Elle permet d'étudier le volume cardiaque (cardiomégalie) et d'en suivre l'évolution. Surtout, elle est essentielle pour identifier précocement des signes congestifs pulmonaires (oedème pulmonaire, épanchement pleural...) avant l'apparition d'une dyspnée sévère. Elle est donc surtout utile en cas de dyspnée aiguë.

Electrocardiogramme

Il est indispensable dans le cadre du bilan étiologique initial. Il doit être régulièrement enregistré en cas de cardiopathie ischémique, en cas de traitement bradycardisant (bêtabloquants, digitaliques, amiodarone...) et chaque fois que l'on suspecte un trouble rythmique (extrasystole auriculaire ou ventriculaire, fibrillation auriculaire...). L'électrocardiogramme présente des anomalies chez 89 à 94 % des insuffisants cardiaques.

Dosage sanguin du peptide natriurétique de type B

Lorsque la fonction ventriculaire gauche s'altère, le ventricule défaillant secrète en quantité importante des peptides natriurétiques (ces peptides agissant au niveau rénal pour augmenter l'excrétion urinaire du sodium). Le pro-BNP (peptide natriurétique de type B) est sécrété par le ventricule gauche puis relargué dans la circulation sanguine où il est clivé en deux fractions, le BNP et le NT-pro-BNP, ce dernier étant très facilement dosable.

Un taux bas de BNP ou de NT-pro-BNP (#lt; 150 pg/ml) permet d'exclure le diagnostic d'insuffisance cardiaque gauche chez un patient dyspnéique, tandis qu'un taux élevé (#gt; 250 pg/ml) fait suspecter fortement ce diagnostic. Le taux du peptide natriurétique de type B pourrait être utilisé à l'avenir comme marqueur pronostique chez les patients insuffisants cardiaques et pour le suivi de l'efficacité des thérapeutiques.

Examens biologiques de base

Les mesures de la natrémie, de la kaliémie et de la créatinine plasmatique et urinaire doivent être régulièrement effectuées pour le suivi du traitement.

ÉTIOLOGIES

Les causes les plus fréquentes de dysfonction ventriculaire gauche sont la maladie coronaire d'origine athéroscléreuse avec ou sans infarctus du myocarde et l'hypertension artérielle.

Les maladies intrinsèques du muscle cardiaque - cardiomyopathies dilatées -, favorisées par une consommation excessive d'alcool, secondaires à une chimiothérapie par anthracyclines ou associées à une myopathie sont plus rares.

ÉVOLUTION

Le pronostic de l'insuffisance cardiaque est sombre, surtout en cas d'altération de la fonction systolique ventriculaire gauche. Dans les cinq années qui suivent le diagnostic d'insuffisance ventriculaire gauche symptomatique, un patient sur quatre décède brutalement (trouble rythmique ventriculaire grave entraînant une mort subite) et un patient sur quatre décède d'insuffisance cardiaque réfractaire terminale (bas débit cardiaque avec signes congestifs malgré un traitement médicamenteux : perfusion de catécholamines...).

Par le Dr Olivier de Pamphilis, cardiologue

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter l'insuffisance cardiaque chronique ?

Le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique en rapport avec une dysfonction ven triculaire gauche systolique a évolué ces dix dernières années. Il comporte actuellement de façon bien codifiée un inhibiteur de l'enzyme de conversion et un diuréti que de l'anse, souvent un bêtabloquant, parfois spironolactone et digoxine.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

-#gt; Le traitement de la cause de l'insuffisance cardiaque est discuté en milieu spécialisé. Il peut être chirurgical (correction d'une valvulopathie, pontage aortocoronaire) ou médical (contrôle d'une hypertension artérielle...). Il est toujours hygiénodiététique : sevrage alcoolique et tabagique, activité physique régulière, régime hypocalorique. L'alimentation doit être peu salée, sans imposer un régime drastique.

-#gt; Le traitement de l'insuffisance cardiaque elle-même est essentiellement pharmacologique : il associe habituellement 3 à 5 médicaments.

-#gt; Les autres modalités thérapeutiques ont une place plus restreinte (transplantation cardiaque ou assistance circulatoire permanente « définitive ») ou sont en cours d'évaluation (implantation d'un stimulateur cardiaque ayant une fonction de défibrillation).

-#gt; Au cours des dix dernières années, la publication d'essais thérapeutiques de grande envergure a entraîné des bouleversements dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque : il a été montré que le blocage de différents systèmes neurohormonaux activés dans l'insuffisance cardiaque permettait de diminuer les symptômes, d'améliorer la qualité de vie et surtout d'allonger la survie des patients.

QUELLES SONT LES PRINCIPALES INTERACTIONS ? (HORS MÉDICAMENTS HOSPITALIERS)

LES INCONTOURNABLES

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC)

-#gt; Ils constituent la base du traitement car ils améliorent le confort de vie, la capacité d'effort et le pronostic tant dans l'insuffisance cardiaque modérée que sévère.

-#gt; Ils ont une action vasodilatatrice artérielle, entraînant une augmentation durable du débit cardiaque, et diminuent les taux plasmatiques de plusieurs hormones : angiotensine II, aldostérone, catécholamines...

-#gt; La posologie utilisée dans l'insuffisance cardiaque est la posologie maximale tolérée. La dose d'IEC est initialement faible afin d'éviter une chute brutale de la pression artérielle, et la progression posologique est étalée sur plusieurs jours voire semaines en surveillant pression artérielle, kaliémie et créatininémie.

-#gt; Certains effets indésirables sont parfois observés : hypotension orthostatique, altération de la fonction rénale, hyperkaliémie, toux sèche parfois incoercible et gênante (6 à 15% des patients), prurit ou éruption cutanée, rarement oedème de Quincke ou altération du goût.

Les diurétiques de l'anse

-#gt; Les diurétiques sont indispensables dès que la rétention hydrosodée est importante, responsable d'oedèmes chroniques pulmonaires (dyspnée) ou périphériques.

-#gt; Le furosémide est prescrit à la posologie minimale permettant de contrôler les signes congestifs, de l'ordre de 20 à 60 mg per os en une prise quotidienne matinale. La posologie est transitoirement majorée en cas de décompensation cardiaque (oedème aigu pulmonaire par exemple), avec initialement recours aux injections intraveineuses. Dans le cadre du traitement de cardiopathies très évoluées, des doses de 80 à 500 mg/jour peuvent être nécessaires.

-#gt; Le bumétanide est également utilisé à la posologie de 1 à 2 mg par jour.

-#gt; Les diurétiques de l'anse entraînent un risque de déshydratation (asthénie, hypotension, insuffisance rénale) et des troubles électrolytiques (hypokaliémie, hyponatrémie, alcalose métabolique). L'association à un sel potassique (Diffu-K ou Kaleorid) peut être utile pour éviter l'hypokaliémie, responsable de troubles du rythme.

Les bêtabloquants

Ils représentent une véritable révolution. La contre-indication classique des bêtabloquants dans l'insuffisance cardiaque a évolué vers une indication. Différents essais thérapeutiques contrôlés multicentriques ont mis en évidence les bénéfices du carvédilol, du bisoprolol et du succinate de métoprolol sur la capacité d'effort, le nombre d'hospitalisations, la fonction ventriculaire gauche et le risque de mort subite chez des malades déjà traités par diurétique, IEC et parfois digitalique.

-#gt; Actuellement, ces trois bêtabloquants disposent d'une AMM en France dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique stable symptomatique par dysfonction systolique ventriculaire gauche, à condition d'instaurer le traitement à doses progressives et plus faibles que dans d'autres indications (HTA).

-#gt; La prescription initiale est réservée aux spécialistes en cardiologie ou en médecine interne. Autrefois instauré à l'hôpital, le traitement est maintenant souvent débuté en ambulatoire. Une fois la dose d'entretien atteinte, la prescription peut être renouvelée à l'identique par le généraliste.

L'introduction d'un bêtabloquant requiert certaines précautions : patient stable à distance d'une poussée aiguë, traitement optimal par diurétique et IEC, surveillance après la première administration (pression artérielle, fréquence cardiaque...) et surtout période de titration (augmentation lentement progressive de la posologie par paliers de deux à quatre semaines).

-#gt; Les principaux effets secondaires chez l'insuffisant cardiaque sont un risque de décompensation cardiaque aiguë (oedème aigu du poumon), une hypotension, une bradycardie et un bronchospasme.

Les antialdostérones

La spironolactone était jusqu'à présent peu utilisée par crainte d'hyperkaliémie et de détérioration de la fonction rénale chez les patients traités par IEC. Mais les IEC ne maîtrisent qu'imparfaitement l'hyperaldostéronisme de l'insuffisance cardiaque chronique.

-#gt; Des études ont montré qu'il y a un bénéfice indiscutable à introduire de faibles doses de spironolactone (25 mg/jour en moyenne) en association avec les IEC chez les patients en insuffisance cardiaque sévère (classe III-IV de la NYHA), à condition de surveiller la kaliémie (risque d'hyperkaliémie sévère) et la créatininémie (contre-indication en cas d'insuffisance rénale).

-#gt; La spironolactone entraîne des gynécomasties et des douleurs mammaires chez 9 % des hommes. Les autres effets secondaires sont un risque d'hyperkaliémie, d'insuffisance rénale, une impuissance chez l'homme et une oligo- voire aménorrhée chez la femme. Un nouvel antialdostérone, l'éplérénone (Inspra), vient d'être commercialisé à l'étranger.

Les digitaliques

Les digitaliques ne sont plus prescrits en première intention, mais sont actuellement encore indiqués dans deux circonstances :

- lorsqu'il existe une tachyarythmie par fibrillation auriculaire (rythme cardiaque rapide et irrégulier), car ils sont bradycardisants ;

- lorsque l'insuffisance cardiaque reste symptomatique malgré un traitement optimal, car ce sont les seuls inotropes positifs utilisables en traitement oral continu. Ils restent cependant sans effet sur la mortalité globale.

-#gt; La digoxine est en pratique préférée à la digitoxine. La posologie recommandée (0,125 à 0,25 mg/j de digoxine) limite le risque de surdosage digitalique accidentel.

-#gt; Un surdosage digitalique avec symptômes digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, inappétence) et neurosensoriels (asthénie, céphalées, troubles de la vision des couleurs) doit faire pratiquer en urgence un électrocardiogramme et un dosage plasmatique.

Les sartans (hors AMM)

Les antagonistes des récepteurs AT1 de l'angiotensine II (sartans) sont utilisés hors AMM pour traiter l'insuffisance cardiaque.

-#gt; Les études laissent penser que leur efficacité dans l'insuffisance cardiaque est au moins comparable à celle des inhibiteurs de l'enzyme de conversion lorsque l'on utilise une forte posologie. Deux molécules ont été particulièrement étudiées : le candésartan (32 mg/j) et le valsartan (320 mg/j). Actuellement, les sartans sont à réserver aux patients qui ne tolèrent pas les IEC et doivent être prescrits à la posologie maximale tolérée.

-#gt; Les sartans peuvent entraîner une hypotension orthostatique, une altération de la fonction rénale et une hyperkaliémie.

LES AUTRES TRAITEMENTS

Les anticoagulants oraux et antiagrégants

- Anticoagulants

Les antivitamines K (fluindione, acénocoumarol), à une dose adaptée pour maintenir l'INR entre 2 et 3, sont recommandés en cas de troubles rythmiques supraventriculaires (fibrillation auriculaire...). Le rapport bénéfice/risque doit être évalué pour chaque patient.

- Aspirine et clopidogrel

De faibles doses d'aspirine (75 à 325 mg/jour) sont indispensables en cas d'insuffisance cardiaque chronique d'origine ischémique. L'aspirine n'est pas contre-indiquée à ces faibles doses. Le clopidogrel est utilisé en cas d'allergie ou de mauvaise tolérance à l'aspirine.

-#gt; Le principal effet indésirable est le risque hémorragique et la survenue de thrombopénies parfois sévères.

L'amiodarone

L'amiodarone est utile pour traiter les troubles rythmiques (200 à 400 mg par jour). C'est un antiarythmique puissant. Il restaure un rythme cardiaque normal en cas de fibrillation auriculaire et en prévient les rechutes. Il prévient efficacement les troubles du rythme ventriculaire graves responsables de mort subite.

La TSH (thyréostimuline) ultrasensible doit être surveillée pour diagnostiquer précocement une dysthyroïdie d'origine iatrogène.

-#gt; L'amiodarone peut entraîner des dépôts cornéens, une pigmentation cutanée anormale, une dysthyroïdie, une pneumopathie fibrosante. Le risque de photosensibilisation justifie une protection solaire maximale.

Les dérivés nitrés

Ces vasodilatateurs coronariens sont surtout prescrits lorsqu'il existe une insuffisance coronaire à l'origine de l'insuffisance cardiaque.

-#gt; Les formes pharmaceutiques disponibles sont nombreuses : dispositifs transdermiques, sprays, comprimés... Pour limiter le phénomène d'échappement thérapeutique, il faut éviter une imprégnation médicamenteuse continue : retrait du patch la nuit ou prescription d'un dérivé nitré retard en une prise matinale par exemple.

-#gt; La molsidomine, médicament apparenté aux dérivés nitrés, semble moins sujette au phénomène d'échappement mais impose trois prises quotidiennes.

-#gt; Les effets indésirables des dérivés nitrés sont des céphalées, une rougeur du visage et une hypotension.

Les inhibiteurs calciques

On utilise les inhibiteurs calciques de la famille des dihydropyridines à longue durée d'action. Ces puissants vasodilatateurs artériels n'ont pas d'effet inotrope négatif ni d'effet chronotrope/dromotrope négatif, et permettent de traiter une hypertension artérielle ou une ischémie myocardique associées à l'insuffisance cardiaque.

-#gt; Les inhibiteurs calciques peuvent entraîner des oedèmes des membres inférieurs, des céphalées ou un flush facial.

PERSPECTIVES

-#gt; La thérapie cellulaire (qui doit être considérée à ce jour comme purement expérimentale) offre aux insuffisants cardiaques postinfarctus l'espoir de substituer aux cellules cardiaques irréversiblement détruites par l'infarctus un nouveau pool de cellules contractiles : les propres cellules musculaires périphériques du malade. Le fragment biopsique, prélevé au niveau d'une cuisse, est traité dans un laboratoire de thérapie cellulaire pour obtenir près d'un milliard de cellules musculaires. Au cours d'un pontage coronaire, nécessaire pour un autre territoire cardiaque, l'équipe chirurgicale injecte ces cellules dans la zone infarcie, en plein tissu fibreux. La zone de myocarde qui reçoit cette greffe autologue semble récupérer par la suite une réelle valeur contractile.

-#gt; Au quotidien, les améliorations thérapeutiques passent aussi par un meilleur maniement des médicaments déjà utilisés, aux bonnes doses, dans le but d'améliorer la qualité de vie du patient.

Par le Dr Olivier de Pamphilis, cardiologue

CONSEILS AUX PATIENTS

L'insuffisance cardiaque est une pathologie sévère qui nécessite une implication du patient dans la prise en charge de sa maladie. Il est important à l'officine de rappeler quelques règles, de vérifier que le patient les comprenne et puisse les appliquer.

Traitement et suivi médical

-#gt; L'observance est primordiale. Rappeler périodiquement au patient qu'il est important de prendre tous les médicaments prescrits même s'il se sent bien, sous peine de voir réapparaître rapidement les symptômes de l'insuffisance cardiaque. Le traitement ne doit être ni modifié ni arrêté sans avis médical. En cas d'oubli, ne pas pour autant doubler la dose suivante mais prendre le médicament dans les 12 heures.

-#gt; Les analyses biologiques doivent être faites très régulièrement pour évaluer la fonction rénale ainsi que les teneurs en sodium et potassium de l'organisme. En cas d'anomalie, contacter le médecin qui adaptera le traitement en conséquence.

Respecter un régime pauvre en sel

Tout excès de sodium risque d'entraîner chez l'insuffisant cardiaque des oedèmes. La réduction de la ration sodée entre 4 et 6 g de sodium par jour est donc essentielle.

-#gt; Les aliments à éviter sont :

- les conserves, les plats cuisinés du commerce, les sauces industrielles : privilégiez la cuisine maison,

- la charcuterie,

- les crustacés, les huîtres,

- les eaux minérales gazeuses riches en sel telles que Vichy Célestin, Saint-Yorre. Lire soigneusement la teneur en sodium sur les étiquettes et privilégier les eaux contenant moins de 100 mg/l (eaux Salvetat ou Perrier par exemple).

-#gt; Saler légèrement l'eau de cuisson des légumes pour maintenir un goût agréable mais ne pas rajouter de sel dans l'assiette. Ne pas mettre de salière sur la table.

-#gt; Ne pas utiliser de sel diététique, riche en potassium.

-#gt; Maintenir une ration hydrique normale (entre 1 l et 1,5 l par jour), en dehors des phases de décompensation où la consommation de liquide sera réduite. La consommation d'alcool doit rester modérée (maximum 2 verres de vin par jour).

Attention aux coprescriptions !

Ne pas prendre de médicaments sans un avis compétent (médecin ou pharmacien). Certains sont particulièrement à éviter.

-#gt; L'aspirine à forte dose (#gt; 500 mg), les AINS (dont l'ibuprofène).

-#gt; Les médicaments sous forme effervescente. Ils contiennent une quantité importante de sodium (parfois plus de 400 mg par comprimé, ce qui peut représenter 2,4 g de sel par jour pour des prises réitérées).

-#gt; Certains laxatifs (séné...) ou tisanes laxatives pouvant entraîner une hypokaliémie.

-#gt; Les autres traitements susceptibles d'entraîner une hypotension orthostatique (alphabloquants...) et qui majoreraient le risque de chute.

La vie au quotidien

Il faut à la fois alerter les patients souffrant d'insuffisance cardiaque pour qu'ils restent vigilants sur les signes prémonitoires d'une rechute, mais aussi les rassurer pour qu'ils maintiennent un minimum d'activités physiques, de déplacements ou de voyages, voire une vie professionnelle pour les plus jeunes d'entre eux.

-#gt; Faire de l'exercice régulièrement, avec modération : privilégier la marche, la natation, la bicyclette. En cas d'essoufflement, stopper l'activité.

-#gt; Prendre le temps de se reposer, surtout si les symptômes s'aggravent : le repos réduit le travail du coeur.

-#gt; Se peser régulièrement, une fois par semaine. Un gain de poids rapide (2 ou 3 kilos en une semaine) signe en général une forte rétention d'eau. Contacter le médecin rapidement.

-#gt; Savoir reconnaître les signes d'aggravation de la maladie : essoufflement inhabituel, apparition d'oedèmes des chevilles et des jambes, difficulté à rester en position allongée.

-#gt; Eviter les températures extrêmes, froides ou chaudes. Attention en particulier à la déshydratation en période de forte chaleur ou lors d'épisodes infectieux : une adaptation du traitement est alors nécessaire.

-#gt; Proscrire le tabac.

-#gt; Penser à la vaccination antigrippale.

Par Geneviève Chamba et Gisèle Bauguil

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Un réseau pour prévenir les réhospitalisations »

Qu'est-ce que le réseau Resicard ?

Resicard est un réseau de santé ville-hôpital qui prend en charge des patients insuffisants cardiaques à la suite d'une hospitalisation. Créé il y a un peu plus de trois ans, les premiers résultats « avant-après inclusion dans le réseau » devraient montrer que Resicard améliore la qualité de vie des patients et permet de prévenir les réhospitalisations.

La coordination du réseau est assurée par une structure médicalisée de ville. En pratique, Resicard s'articule autour de trois axes : tout d'abord une hot line qui appelle le patient deux à trois fois par mois et contacte le médecin généraliste du patient devant tout événement particulier ou urgence. De leur côté, aussi bien le patient que le médecin peuvent contacter la hot line, 24 heures sur 24, pour un conseil, un avis ou une information. Le deuxième axe de Resicard concerne la diététique, et en particulier l'application du régime sans sel, grâce au passage régulier au domicile du patient d'une diététicienne. Enfin, une infirmière se rend également régulièrement chez le patient pour vérifier l'observance et poursuivre son éducation. Un carnet de suivi permet la liaison médecin-infirmière. A l'heure actuelle, 320 patients appartiennent au réseau, suivis par 340 médecins généralistes ou cardiologues, dans le cadre du rapprochement ville-hôpital centré sur l'éducation.

Le pharmacien a-t-il une place dans ce réseau ?

Il a une place prépondérante que nous sommes en train de développer. Actuellement, un seul pharmacien a intégré Resicard. Il s'agit plutôt d'un pharmacien référent qui participe aux réunions de formation quatre fois par an. D'autres pharmaciens vont aussi s'impliquer. Leur rôle sera majeur dans le suivi et l'observance du traitement.

*Resicard : 167, av. Ledru-Rollin, 75011 Paris. Tél. : 01 43 79 83 61.

Patrick Assyag, cardiologue, est membre du comité de coordination du réseau Resicard*

Dr Patrick Assyag, interrogé par Florence Bontemps

POUR EN SAVOIR PLUS

INTERNET

Société française de cardiologie

http://www.sfcardio.org

Retrouvez sur le site de la Société française de cardiologie les tout derniers essais concernant la stratégie thérapeutique et en particulier la place des antagonistes de l'angiotensine II (sartans) dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque, grâce notamment à l'analyse de Philippe Lechat, du service de pharmacologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

LIVRES

Insuffisance cardiaque. Les enseignements des grands essais cliniques

Drs Robert Haïat et Gérard Leroy, éditions Frison-Roche, collection « Médecine et Preuves », 2e édition 2002-2003

Le traitement de l'insuffisance cardiaque a évolué de façon radicale au cours de ces dix dernières années. L'ensemble des grands essais cliniques qui ont contribué à faire évoluer la stratégie thérapeutique est analysé dans cet abrégé. Pour chaque médicament ou classe thérapeutique, il présente de façon très claire ce qui est réellement démontré et ce qui fait encore partie des questions non résolues. Sont abordés aussi bien les traitements actuellement utilisés que ceux à l'étude, ce qui permet de se faire une idée des grandes orientations thérapeutiques de demain.

Diagnostic différentiel

- De la dyspnée

La dyspnée n'est pas spécifique de l'insuffisance cardiaque. Le diagnostic différentiel fait intervenir :

-#gt; en cas de dyspnée aiguë : embolie pulmonaire, crise d'asthme, décompensation aiguë d'une BPCO, pneumopathie aiguë infectieuse, pneumothorax, corps étranger dans les voies aériennes ;

-#gt; en cas de dyspnée chronique : BPCO posttabagique, asthme à dyspnée continue, coeur pulmonaire chronique postembolique, emphysème, dyspnée des obèses, anémie chronique, déconditionnement physique (patients jeunes peu sportifs qui manquent d'entraînement à l'effort).

- Des oedèmes des membres inférieurs

Même bilatéraux et symétriques, comme en cas d'insuffisance cardiaque, ils peuvent avoir d'autres origines.

-#gt; Iatrogénique : traitement par inhibiteur calcique, ou éventuellement corticoïdes ou AINS.

-#gt; Rénale : glomérulonéphrite aiguë, IRC...

-#gt; Hypoprotidémie, dans un condiv de dénutrition.

Examens complémentaires spécialisés

- Holter-ECG

Enregistrement ambulatoire continu de l'ECG pendant 24 heures, il peut être indiqué pour rechercher et quantifier des troubles du rythme cardiaque (extrasystole auriculaire ou ventriculaire, fibrillation auriculaire...).

- Bilan invasif

Le cathétérisme cardiaque droit et gauche, la coronarographie ou la ventriculographie gauche sont réalisés lors d'une hospitalisation chaque fois que le diagnostic étiologique de l'insuffisance cardiaque n'est pas établi avec certitude et/ou quand une solution chirurgicale est envisagée. Les cardiopathies ischémiques et valvulaires en constituent les deux indications principales.

- Ventriculographie isotopique

Réalisée dans un service de médecine nucléaire en injectant un radio-isotope par voie intraveineuse, elle permet une appréciation très précise de la fraction d'éjection du ventricule gauche. Elle est particulièrement utile si l'échocardiographie n'a pas été suffisante (patient obèse ou insuffisance respiratoire gênant la propagation des ultrasons).

- Autres examens

D'autres examens plus sophistiqués sont parfois pratiqués : dosages neurohormonaux (endopeptidase, endothéline...), épreuve d'effort avec étude de la consommation d'oxygène...

Stratégie thérapeutique

Aujourd'hui, le traitement médicamenteux de l'insuffisance cardiaque comporte systématiquement un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) et un diurétique de l'anse, de plus en plus souvent un bêtabloquant, introduit à distance d'une décompensation cardiaque congestive, parfois de la spironolactone chez les patients en insuffisance cardiaque sévère, et éventuellement de la digoxine.

Le traitement anticoagulant est indispensable en cas de fibrillation auriculaire.

L'amiodarone est indiquée en cas de trouble rythmique ventriculaire grave.

Les sartans sont prescrits en cas de mauvaise tolérance des IEC.

Contre-indications absolues

IEC

- Grossesse au 2e et 3e trimestre.

- Antécédents d'angio-oedème lors de prise d'un IEC.

Diurétiques de l'anse

- Encéphalopathie hépatique.

- Allergie aux sulfamides.

- Obstacle sur les voies urinaires avec oligurie.

- Hypovolémie, déshydratation, désordres hydroélectrolytiques non corrigés.

- Allaitement (furosémide).

- Insuffisance rénale aiguë (furosémide).

Bêtabloquants

- Antécédent de réaction anaphylactique.

- Insuffisance cardiaque sévère décompensée.

- Signes cliniques de dysfonctionnement hépatique.

- Asthme et bronchopneumopathie obstructive.

- Blocs auriculaires du 2e et 3e degré, bradycardie sévère, choc cardiogénique...

- Acidose métabolique.

- Hypotension sévère.

- Phénomènes de Raynaud et troubles circulatoires périphériques.

- Phéochromocytome non traité (bisoprolol, métoprolol).

Spironolactone

- Insuffisance rénale sévère ou aiguë.

- Hyperkaliémie.

- Stade terminal de l'insuffisance hépatique.

Digoxine

- Blocs auriculoventriculaires du 2e et 3e degré non appareillés.

- Hyperexcitabilité ventriculaire survenant quand le malade est encore sous digitalique.

- Certaines tachycardies et fibrillations auriculaires ou ventriculaires.

- Certaines cardiomyopathies.

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