COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE SUR LA CANICULE : ACCABLANT ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2526 du 06/03/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2526 du 06/03/2004
 

Actualité

L'événement

Veille sanitaire absente, cloisonnement entre ministères et administrations, désorganisation de l'hôpital, défaillance du médicosocial, « autisme » du ministère de la Santé... Selon le rapport, ces ratés, conjugués à la canicule, auront été responsables de l'hécatombe d'août dernier.

Le rapport d'enquête parlementaire sur la canicule de l'été dernier (250 pages) a été rendu public mercredi. Des parlementaires s'étaient chargés d'en diffuser des copies avant, non peut-être sans calcul politique car le cabinet de Jean-François Mattei s'y retrouve directement en cause au même titre que les autorités sanitaires. Lesquelles se sont montrées incapables de réagir rapidement, car trop habituées d'une approche épidémiologique fondée sur l'étude de statistiques, explique le rapport. Pourtant, « il n'est pas interdit à un expert scientifique, si reconnu soit-il au plan international, de faire preuve d'un élémentaire bon sens. Toute personne à Paris en ce début d'août trouvait la chaleur insupportable », commente la commission d'enquête à propos de la Direction générale de la santé (DGS).

Mais pour Claude Evin (PS), président de la commission, en l'attente de données scientifiques, c'est le politique qui aurait dû rapidement prendre la main, non plus selon une approche épidémiologique mais au nom de la sécurité sanitaire, et raisonner à partir d'« hypothèses plausibles », quitte à prendre le risque d'inquiéter la population en organisant des mesures de précaution et de prévention. Le rapporteur du rapport, François d'Aubert (UMP), a lui estimé que « le ministère a été autiste dans toutes ses dimensions » pendant que « la DGS a eu quelques intuitions, mais c'est tout », tandis que « l'Institut national de veille sanitaire a été inexistant. Or c'est son métier ».

L'information existait.

Ce constat est d'autant plus rude que certains signes ont été perceptibles très tôt. Le conseiller de Mattei en charge des hôpitaux avait été alerté dès le 7 août des difficultés de l'AP-HP. Le Parisien lui-même était arrivé en quelques jours à une évaluation proche de la réalité du nombre de décès en Ile-de-France, note le rapport, qui précise que « c'est en s'affranchissant des circuits officiels de la remontée d'informations que les acteurs de terrain ont donné l'alerte le plus efficacement ». Pourtant, au sein même du cabinet Mattei, l'hypothèse d'une surmortalité due à la chaleur avait été évoquée dès le 6 août. La commission lui reproche de ne pas avoir alors consulté la littérature scientifique - notamment sur l'hécatombe qui a suivi la canicule de Chicago en 1995. De plus, des demandes de réunions interministérielles faites par le cabinet d'Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, au ministère de la Santé sont restées sans suite.

En cause donc, le cloisonnement généralisé entre ministères, administrations (INVS, DGS, DHOS, DGAS...) et l'absence de transmission d'information au sein même du cabinet Mattei.

Problèmes d'équipement et d'information.

Toujours dénoncé, cette fois-ci à l'hôpital, le cloisonnement entre administration et personnels médicaux a parfois rendu problématique jusqu'à la simple distribution de bouteilles d'eau aux patients. Les services d'urgence, pompiers et SAMU, eux, ne sont pas interconnectés... Les urgences sont apparues comme « une sorte de goulot d'étranglement », l'arrivée des victimes en masse n'ayant pu être compensée par leur placement en médecine, entre autres pour cause de rigidité administrative. Parallèlement, le rapport pointe le manque de lits en court séjour, un sous-effectif en personnels de soins aggravé par les 35 heures (des établissements iraient jusqu'à rémunérer des vacations d'infirmières 1 500 Euro(s) les 12 h pour assurer une présence) alors que la fermeture de lits durant l'été s'apparente à « une solution de facilité dans la gestion des ressources humaines de certains services ».

« Des conséquences regrettables. »

Mais quand le rapport aborde le cas de l'encadrement des personnes âgées, les termes de sous-effectif et de manque de moyens deviennent de doux euphémismes : taux d'encadrement en personnel soignant de 0,15 par lit dans les établissements médicosociaux concernés, manque de places d'hébergement, inadaptation des locaux, manque de coordination et de travail en réseau, limite des services de soins à domicile... Selon le rapport, le nombre de décès a été multiplié par 2,35 dans les maisons de retraite et par 2 à domicile (« l'insuffisance d'un réseau structuré entre les maisons de retraite et les hôpitaux et la médecine de ville a eu des conséquences regrettables »).

Finalement, et si l'on y ajoute la totale inexpérience de la plupart de nos régions face à de telles chaleurs, l'accumulation de faits très « regrettables » aura causé 14 802 morts supplémentaires officielles en trois semaines. De quoi se retrousser les manches.

Les propositions de la commission

Elle en liste une cinquantaine au total. En voici une partie.

- Etablir au sein de l'Institut national de veille sanitaire (INVS) ou du ministère de la Santé une cellule de signalement de crise joignable en permanence par n'importe quel praticien de la santé constatant des phénomènes qu'il juge inquiétants.

- Relier l'informatique des pompiers et des urgences directement à l'INVS. Au passage, la commission demande un audit du fonctionnement de la Direction générale de la santé (DGS) et des agences sanitaires.

- Intégrer les associations de médecins libéraux effectuant des visites 24 h/24 dans le réseau de collecte des informations de terrain de l'INVS.

- Recentrer le rôle de la DGS sur la politique de santé publique et rendre l'INVS seul responsable de la détection et de l'interprétation des crises sanitaires.

- Institutionnalisation d'une réunion hebdomadaire entre responsables des administrations centrales sanitaires et sociales (DGS, DHOS, DGAS) et ceux des cabinets ministériels, y compris en période de congés.

- Elaborer des « plans canicule » sur le modèle des « plans grand froid », articulés autour du préfet.

- Impliquer les médias dans la diffusion des messages d'alerte en appliquant une totale transparence sur les données recueillies.

- Revoir l'organisation hospitalière en rationalisant le management et les services, et en redonnant aux urgences une place à part entière dans les pôles d'activité.

- Instituer une véritable gestion prévisionnelle des fermetures de lits.

- Favoriser une plus grande polyvalence des effectifs de permanence pendant les périodes de congés à l'hôpital.

- Réviser les procédures de rappel des personnels hospitaliers dans le cadre des « plans blancs », prévoir la négociation d'indemnités en cas de retour volontaire.

- Dresser un état des lieux des maisons de retraite dans chaque département, puis réaliser des audits réguliers pour remédier aux carences des structures en difficulté.

- Prévoir, dans chaque établissement pour personnes âgées, une salle climatisée ou rafraîchie qui pourrait en outre accueillir les personnes âgées du voisinage en cas de besoin.

- Augmenter le nombre de place en soins infirmiers à domicile.

- Promouvoir les maisons médicales de garde dans les départements.

- Intensifier les visites à domicile comme alternative à une hospitalisation en soins de suite et réadaptation.

- Développer la téléalarme au domicile des personnes âgées, en diminuant les tarifs, et en la généralisant aux bénéficiaires de l'APA.

- Moduler les horaires d'ouverture des services publics et des commerces de proximité en cas de chaleurs extrêmes.

- Conduire des campagnes d'information grand public préventives.

- Créer des « maisons de services » dans les cantons pour mieux connaître les services à domicile pour personnes âgées.

- Créer des réseaux gériatriques ville-hôpital-EHPAD.

- Repérer les personnes âgées isolées avec une collaboration formalisée entre les municipalités, certains services publics (postes, offices d'HLM) et commerçants de proximité.

- Si les effets spécifiques d'une forte chaleur sont confirmés, faire signaler sur la notice de certains médicaments l'interaction avec les températures ambiantes.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !