Un diagnostic alarmant - Le Moniteur des Pharmacies n° 2520 du 24/01/2004 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2520 du 24/01/2004
 

AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE

Actualité

L'événement

Le rapport du Haut Comité pour l'avenir de l'assurance maladie, mis en place en octobre par Jean-Pierre Raffarin en vue de la réforme du système, a été remis vendredi au ministre de la Santé. Comme on pouvait s'y attendre, une thérapie de choc est préconisée.

Jean-François Mattei l'a martelé lundi lors de ses voeux à la presse, la réforme de l'assurance maladie est son « objectif numéro un pour 2004 », et il se dit « prêt et déterminé ». Avec la remise du rapport du Haut Comité pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM)*, le coup d'envoi vient d'en être donné. A partir d'un constat et surtout de perspectives chiffrés calamiteux (voir encadré). Du coup, les 53 membres du HCAAM ont bien été obligés de dresser un « constat partagé » fort sévère. Mais intérêts et corporatismes obligent, les avis « diffèrent sur l'ampleur de la désoptimisation du système, les raisons de ses dérives et les méthodes adéquates pour les cantonner dans un premier temps, les résorber ensuite ». Autrement dit, chacun eût aimé reporter la responsabilité (et les menaces) sur le voisin.

Rapport qualité/prix.

Critique générale faite au système, son mauvais « rapport qualité/prix » : « La qualité n'est pas à la hdiv des investissements ; l'offre, excessive et mal coordonnée, est financée par un système trop passif de prise en charge. » Et l'opinion, tout en usant et abusant du système, en supporte directement les conséquences via les augmentations récurrentes de cotisations et de la CSG (18,8 % du salaire brut pour l'instant).

Désormais, la diversité des actes et le progrès technique « obligent l'assurance maladie à être capable de faire des choix [...] - trop rares », constate-t-on. Selon quels critères devrait donc se faire l'inscription au remboursement ? Premièrement, en fonction de la sécurité et de l'efficacité. « Au demeurant, l'assurance maladie rembourse encore des soins ou des produits qui n'ont pas apporté la preuve de leur efficacité médicale », constate le HCAAM. Deuxièmement, en fonction de l'utilité, affirme le rapport : « Un médicament qui soigne des symptômes bénins ne présente pas une "utilité" de premier ordre pour la collectivité. » Troisièmement, en fonction de « l'arbitrage d'efficience » : il faudrait « mesurer si l'utilité de l'acte ou du produit justifie les dépenses supplémentaires qu'il entraîne ».

Choix drastiques.

De plus, « ce qui justifie la dépense de soins [c'est aussi] le fait que cet acte sera effectué - que ce produit sera administré - de manière pertinente, dans un condiv de soins précis ». A cet égard, le HCAAM tacle la pratique professionnelle (référentiels de bonnes pratiques rarement appliqués et insuffisants) et prône « une évaluation périodique des connaissances et des pratiques » via une formation réellement indépendante.

Et de mettre en exergue le médicament... comme exemple de non-qualité. « La chasse à la non-qualité est aussi une forme efficace de lutte contre les dépenses excessives ou injustifiées. [...] A cet égard, un exemple particulier doit retenir l'attention : le problème massif, ancien et typiquement français de la surconsommation de médicaments. Rien ne justifie en effet que l'assuré français consomme deux et quatre fois plus d'analgésiques, d'antidépresseurs et de tranquillisants que les usagers des pays voisin », analyse le HCAAM. Outre le coût du médicament (16 milliards par an), le rapport évoque les risques d'interaction médicamenteuse toxique (« très sérieux au-delà de trois médicaments pris simultanément »), cause de 350 hospitalisations par jour, comme un danger à évacuer. A noter que l'idée d'une franchise à la consultation ou à la boîte de médicament est sous-jacente, a indiqué un membre du HCAAM, même si elle n'a pas été formalisée dans le document.

Remises en cause.

Le Haut Comité aborde aussi entre autres choses les questions tarifaires, estimant que le système ne favorise pas assez la concurrence sur les prix (« par exemple en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux »). Il observe « d'étonnants écarts entre certaines professions que ne justifient ni le niveau d'études et de formations, ni les sujétions, ni la technicité : par exemple un radiologue libéral gagne en moyenne cinq à six fois ce que gagne un obstétricien ou un dermatologue ». Raisonnements aussi appliqués à l'hôpital, entre établissements, et entre public et privé (30 à 40 % d'écart de coûts). Et le HCAAM de citer en exemple (positif) la tarification à l'activité à l'hôpital, la classification commune des actes médicaux pour les médecins... et la marge dégressive lissée sur les médicaments ! D'une façon générale, « il n'y a pas de recherche d'efficacité qui ne suppose des efforts d'adaptation et de flexibilité, voire des remises en cause de situations acquises ». La liberté d'installation des professionnels libéraux est montrée du doigt. Dans le même registre, le travail en réseau est plébiscité et une augmentation de la prise en charge dans le cadre de soins coordonnés a été évoquée.

Enfin, le pilotage du système n'est pas en reste, la complexité du partage des tâches (superposition d'organismes) constituant « un puissant facteur d'inefficacité ». In fine « ni le Parlement, ni le gouvernement, ni les caisses n'exercent ni ne disposent de responsabilité claire sur la tenue des objectifs de dépenses ». Et « faute de décideur identifié, les inévitables résistances aux réformes sont encore plus difficiles à surmonter ». L'idée serait donc de concentrer les pouvoirs en certains points (tout en laissant les complémentaires entrer dans le jeu) pour pouvoir atteindre un certain nombre « d'objectifs ambitieux », le premier cité étant... la diminution de la consommation de médicaments.

C'est sur la base de ce rapport (que des membres du HCAAM souhaitaient encore amender la veille de sa remise) que le gouvernement dit vouloir négocier avec les acteurs du système de santé. Avant de décider, d'ici l'été, d'une réforme dont la posologie pourrait s'étendre sur plusieurs années. Histoire d'éviter un reflux soudain si la pilule était trop dure à avaler.

* Partenaires sociaux et du monde de la santé.

Entre 66 et 125 milliards de dettes en 2020

« En supposant que les recettes évoluent spontanément comme la richesse nationale, que le système de remboursement reste stable et que l'organisation de l'offre des soins ne soit pas réformée, et sur l'hypothèse d'une croissance des dépenses supérieures de 1,5 point à l'évolution du PIB, le déficit annuel passerait à 29 milliards d'euros en 2010 et 66 milliards en 2020 », annonce le Haut Comité (49 MdEuro(s) à fin 2004 pour la seule CNAMTS). Mais si la dépense évolue comme ces dernières années, c'est à 125 MdEuro(s) que se montera la dette cumulée en 2020 lit-on dans ses travaux préparatoires ! Or, pour ne prendre en compte que le secteur pharmaceutique, certains soutiennent que dans un pays développé une croissance de 6 à 7 % des dépenses serait incompressible... ce qui dépasse de loin l'évolution du PIB. Même si l'équilibre financier était atteint « par un cheminement régulier », on aurait 80 MdEuro(s) de dette accumulée en 2010. Pire, il a récemment fallu commencer à faire appel à l'emprunt. Du coup, la charge des intérêts atteindra 20 % du déficit en 2020.

Pour le couvrir sans recette nouvelle, il faudrait soit faire passer la CSG de 5,25 à 10,75 % à l'horizon 2020, soit diminuer de 21 points le taux de prise en charge, soit « restreindre subrepticement le périmètre de soins remboursables ». Une réflexion sur des « principes d'universalité de l'assiette » des cotisations pourrait être menée, suggère le HCAAM, où l'on a évoqué l'alignement de la CSG des chômeurs et retraités sur celui des actifs. Enfin, il insiste sur « la nécessaire transparence des rapports financiers Etat-assurance maladie ».

Repères

Outre les scénarios-catastrophes d'évolution des dépenses (voir encadré), le HCAAM a constaté que la France est le 5e pays consacrant le plus de richesse aux dépenses de soins, soit 8,9 % du PIB en 2002 (le secteur de soins représente 12 % de la population active), les régimes obligatoires remboursent 81 % de la dépenses, soit 2 200 Euro(s) par personne en 2002, 5 % des personnes couvertes mobilisant 60 % des remboursements (20 000 Euro(s) annuels pour ces personnes). La somme restant à charge des Français avant couverture complémentaire est de 185 Euro(s) en moyenne (mais 900 Euro(s) pour 20 % des ménages).

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