Le soigneur des anneaux

Paris, XIIIe arrondissement. A peine poussée la porte du Comité national olympique du sport français (CNOSF) qu'une exposition itinérante, intitulée « Le sport pour la santé », retient l'attention du visiteur. A l'origine de cette initiative, Patrick Magaloff, pharmacien, qui se bat bec et ongles depuis 1999 pour la bonne pratique du sport. Sa devise : « devenir champion proprement ». Mais ses actions ne concernent pas seulement les sportifs de haut niveau. « Il faut absolument prévenir les jeunes en amont qui, un jour ou l'autre, risquent d'être confrontés au dopage », souligne-t-il.

Patrick Magaloff est passé de la théorie à la pratique en créant de toutes pièces, à l'intention des clubs sportifs, un jeu de cartes intitulé « Sport net challenge » (type 8 américain), avec des messages de prévention. Il intervient aussi dans les écoles primaires pour sensibiliser nos athlètes en herbe au dopage.

« Aujourd'hui, chacun cherche à améliorer ses performances avant même de remettre en question son hygiène de vie », constate Patrick, arborant à sa boutonnière les cinq anneaux olympiques et le « N » de Sport Net. Ambassadeur de la santé dans le milieu sportif olympique, il doit son poste actuel à son parcours pharmaceutique certes, mais aussi à sa passion pour le sport et surtout à son esprit d'initiative.

Création d'une pharmacie.

Retour en arrière. En 1975, Patrick Magaloff est le premier de sa promotion à passer le cap de l'installation. Et pour cause, ce jeune père de famille, boursier tout au long de son cursus universitaire, signe une promesse de vente trois mois avant l'obtention de son diplôme. Il rachète alors la plus petite pharmacie des Ardennes, qui totalisait en tout et pour tout, à l'époque, 250 000 francs de chiffre d'affaires. C'est donc à Revin, dans un quartier réputé difficile, que Patrick fait ses premiers pas de titulaire. « J'ai travaillé pendant un an et demi tout seul, je restais jusqu'à minuit pour faire mes préparations et je profitais des heures creuses pour étudier les médicaments et leurs interactions », se souvient-il.

Sa persévérance finit par porter ses fruits puisque le chiffre d'affaires est multiplié par dix en onze ans. Rien ne l'arrête. Il monte un dossier de création qui, à force de volonté et de ténacité, obtient finalement l'acceptation du préfet. Ainsi élit-il domicile à Givet, aux portes de la Belgique. Et le sport dans tout ça ? « J'ai participé au championnat de France de handball pendant mes études et j'ai continué à jouer au niveau régional après mon diplôme. Mais j'ai vite ressenti l'envie de m'impliquer dans la vie associative », raconte-t-il.

Patrick devient à l'âge de 34 ans le plus jeune président de comité départemental olympique. Petit à petit, il gravit les échelons au niveau régional puis à l'échelon national. Il devient parallèlement membre de la Commission ministérielle de lutte contre le dopage. « J'ai toujours été concerné par le problème du dopage. En tant que frontalier, j'ai été confronté au trafic de stéroïdes anabolisants à l'intention des sportifs belges », relate Patrick.

Une mallette contre le dopage.

Quand il vend sa seconde officine, en 1998, il a envie de jeter l'éponge et multiplie ses actions contre le dopage. Il participe notamment à la réalisation de la première mallette pédagogique contre le dopage à destination des fédérations. Juste au moment où l'affaire Festina éclate. La création d'une structure plus élaborée contre le dopage devient une nécessité et la naissance de la fondation Sport Santé (sous l'égide du Comité olympique) le propulse à sa présidence. La loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage place alors officiellement la répression sous la responsabilité de l'Etat, en collaboration avec le mouvement sportif. Le coup d'envoi était donné et les campagnes d'information se sont enchaînées sur tout le territoire. Patrick Magaloff précise : « Les statistiques officielles montrent que 80 % des contrôles positifs sont réalisés aux niveaux régional et départemental, et ce dans tous les sports et à tous les échelons. »

Un cycle de formation pour officinaux.

Autant de raisons pour distribuer aux fédérations un protège-ordonnance (fibre officinale oblige) informatif conçu à l'origine pour les grands sportifs. On y trouve entre autres toutes les recommandations en cas de prise de corticoïdes et de bronchodilatateurs. Le déclic d'une telle opération ? L'erreur d'un pharmacien qui, au lieu de délivrer du dextrose à l'équipe de France d'escrime, a donné de la Coramine Glucose (d'où la suspension de Laura Flessel). « Je suis frustré que ma profession ne connaisse pas bien le problème du dopage », déplore-t-il. Cette situation devrait changer grâce à l'organisation d'un cycle de formation dédié aux officinaux. Une vaste opération qui lui tient particulièrement à coeur et dont le concept revient à Catherine Guillaume, de l'UTIP.

Mises en place en partenariat avec le ministère des Sport et l'UTIP, trente-huit interventions sur l'année 2003 ont déjà sensibilisé 3 000 officinaux. Objectif : faire de la question « Pratiquez-vous un sport ? » un réflexe au comptoir pour toute délivrance de produits potentiellement dopants.

Prochaine étape : un CD-ROM à l'usage des généralistes, véritable base de données avec toutes les molécules dopantes et leurs conditions de prescription. Espérons que dans quelques années, plus aucun dirigeant sportif ou professionnel de santé ne puisse encore dire qu'il ne savait pas.