L'infection par le VIH - Le Moniteur des Pharmacies n° 2514 du 13/12/2003 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2514 du 13/12/2003
 

Cahier formation

l'essentiel Les Rétrovirus que sont les virus de l'immunodéficience humaine VIH-1 et VIH-2 sont désormais bien connus. Principalement transmis par voie sexuelle et ayant pour cellules-cibles les lymphocytes T CD4, ils provoquent une infection générale de l'organisme en détruisant le système immunitaire. Après l'évolution galopante du nombre d'infections par le VIH au cours des années 80, la situation s'est à présent stabilisée dans les pays industrialisés. L'avènement des trithérapies antirétrovirales y a largement contribué. Depuis le précédent « Cahier formation » sur l'infection par le VIH (n° 2336 du 22 janvier 2000), deux nouvelles classes pharmacologiques sont nées : celle des inhibiteurs nucléotidiques de la transcriptase inverse et celle des inhibiteurs de fusion. Dix-neuf antirétroviraux sont commercialisés. Les trithérapies demeurent la clé de la stratégie thérapeutique. Le choix d'instaurer un traitement repose désormais sur le taux de CD4.

ORDONNANCE

Une patiente infectée par le VIH, sous traitement hypocholestérolémiant

La séropositivité au VIH de Laura R. est prise en charge depuis 4 ans. Avec le temps, son traitem ent a évolué. Elle entame à présent une trithérapie avec Combivir et Viramune nécessitant deux prises quotidiennes. En outre, elle prend Elisor depuis un an à cause d'une hypercholestérolémie pure. Elle vient à l'officine chercher son nouveau traitement ainsi que sa contraception orale.

LES PRESCRIPTIONS

Docteur Jacques Marty

Spécialiste du service

des maladies infectieuses

2, rue du Canal

94130 Nogent-sur-Marne

Tél. : 01 41 29 75 78

94 3 99999 8

Le 2 décembre 2003

Mme Laura R.

32 ans, 50 kilos

-#gt; Combivir : 1 comprimé matin et soir.

-#gt; Viramune : 1 comprimé par jour pendant 14 jours, puis 2 comprimés par jour.

-#gt; Elisor 20 mg : 1/2 comprimé par jour.

qsp 1 mois.

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Laura R. est suivie depuis 4 ans pour une séropositivité dû au virus de l'immunodéficience humaine (VIH) dans un service hospitalier de maladies infectieuses. Son traitement le plus récent comportait Combivir (2 cp/j) associé au Viracept (5 cp 2 fois/j).

- Elle est traitée depuis un an pour une hypercholestérolémie pure.

- Elle a une contraception orale depuis plusieurs années.

Ce que le spécialiste lui a dit

- Un allégement thérapeutique est possible car ses paramètres immunovirologiques sont parfaitement contrôlés.

Son traitement a été remplacé par Trizivir, triple association combinée de zidovudine, de lamivudine et d'abacavir (réservée à l'usage hospitalier) à raison de 2 comprimés par jour. Cependant, après 6 jours de traitement, Laura R. a développé une réaction d'hypersensibilité (fièvre, éruption cutanée, troubles digestifs) nécessitant l'arrêt définitif de l'abacavir.

- Le spécialiste lui a alors proposé de contrôler l'évolution de la pathologie VIH par une autre trithérapie composée de Combivir et Viramune, ne nécessitant que 2 prises par jour.

Ses analyses

- Lymphocytes T CD4 aux alentours de 500 cellules/mm3 (normale : 700 à 2 000/mm3).

- Charge virale du VIH indétectable, #lt; 20 copies/ml.

- LDL-cholestérol à 2,4 g/l avant l'instauration de la statine.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

L'association de Viramune et de Varnoline est contre-indiquée. La névirapine est fortement inductrice de l'isoenzyme 3A4 du cytochrome P450. Les molécules métabolisées par cette isoenzyme subissent une réduction de leur activité thérapeutique. Ainsi, la névirapine abaisse le taux plasmatique d'éthinylestradiol de 19 %.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies des ordonnances sont correctes.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; La délivrance des deux ordonnances doit être bloquée. Le spécialiste du VIH explique au téléphone qu'il est probable que l'activité contraceptive est suffisante malgré la prise de Viramune. D'après le rapport Delfraissy en 2002, un estroprogestatif peut être prescrit si le dosage en éthinylestradiol est supérieur à 20 µg : Varnoline en contient 30 µg. Le médecin maintient donc l'association.

Toutefois, la prise d'une contraception orale ne dispense nullement de l'utilisation de préservatif. Le médecin confirme aussi l'administration de la névirapine dans ce cas, même si Laura R. ne présente pas un déficit immunitaire évolutif ou avancé. En effet, la névirapine est utilisée dans des stratégies de simplification thérapeutique où elle peut remplacer un inhibiteur de la protéase (ici Viracept) en cas de succès virologique.

-#gt; Laura R. a une hypercholestérolémie traitée et équilibrée par une statine. Elle est liée à la prise antérieure de Viracept. Or une hypercholestérolémie est une contre-indication relative à Varnoline. Néanmoins, le changement de thérapeutique - Viramune à la place de Viracept - devrait induire une amélioration du profil lipidique de la patiente.

Chez les patients infectés par le VIH présentant une hypercholestérolémie, la pravastatine (Elisor, Vasten) est recommandée. Cette molécule n'étant pas métabolisée, aucune interaction médicamenteuse n'est décrite.

INITIATION DU TRAITEMENT

-#gt; L'objectif du nouveau traitement de Laura R. est de maintenir une efficacité immunovirologique optimale tout en améliorant sa qualité de vie par un allégement thérapeutique. Le passage de Viracept (10 cp/j) à Viramune (2 cp/j) permet de réduire considérablement le nombre de comprimés quotidien et donc de préserver l'observance.

-#gt; Cet allégement doit permettre aussi d'améliorer le profil lipidique de la patiente. Le remplacement de Viracept par la névirapine entraîne une baisse du LDL-cholestérol et une augmentation du HDL-cholestérol.

-#gt; La patiente a présenté une réaction d'hypersensibilité à l'abacavir. Cette molécule lui est à l'avenir formellement contre-indiquée, une réaction anaphylactoïde fatale pouvant survenir en cas de réadministration.

-#gt; Viramune et Combivir sont des médicaments à prescription initiale hospitalière. La première prescription et ses renouvellements annuels doivent être effectués par un médecin hospitalier expérimenté dans la prise en charge des patients infectés par le VIH. Dans l'année, les renouvellements peuvent être rédigés à l'identique par un médecin de ville.

-#gt; L'instauration progressive de Viramune (1 comprimé/jour pendant les 14 premiers jours puis 1 comprimé 2 fois/jour) doit être absolument respectée. L'augmentation progressive des doses semble réduire l'incidence des éruptions cutanées. Si une éruption cutanée survient au cours des 14 premiers jours, la posologie ne doit pas être augmentée tant que les troubles cutanés persistent.

-#gt; L'objectif d'un cholestérol total inférieur à 2 g/l étant obtenu avec la dose initiale de pravastatine recommandée de 10 mg, la posologie d'Elisor n'a pas été modifiée.

-#gt; La contraception orale doit être normalement poursuivie.

Contacter le médecin

La névirapine abaisse la concentration plasmatique de l'éthinylestradiol. Appeler le spécialiste pour discuter du maintien de la contraception.

SUIVI DU TRAITEMENT

95 à 100 % d'observance sont nécessaires pour garantir une efficacité maximale des antirétroviraux !

-#gt; Lié à l'infection par le VIH

La charge virale et le taux de lymphocytes CD4 sont régulièrement évalués : après un mois de traitement puis tous les 3 mois.

-#gt; Lié à Viramune

Compte tenu de la toxicité hépatique de la névirapine, une surveillance des tests hépatiques est réalisée toutes les 2 semaines pendant les 2 premiers mois, lors du 3e mois puis tous les 3 à 6 mois. Le premier dosage intervient à J15, avant l'augmentation de la posologie. En cas d'élévation des transaminases à plus de 5 fois la normale, Viramune est arrêté.

Des rashs cutanés sont décrits, essentiellement pendant les 6 premières semaines. Leur sévérité est variable. Une surveillance étroite au cours des 8 premières semaines de traitement est nécessaire. L'administration de la névirapine doit être définitivement interrompue en cas d'éruption cutanée sévère ou d'éruption accompagnée de symptômes généraux.

-#gt; Lié à Combivir

Du fait de la présence de zidovudine, une numération-formule sanguine est pratiquée après 1 mois de traitement puis tous les 3 à 4 mois. Une mesure des créatines-phosphokinases (CPK) est aussi faite tous les 3 mois.

La toxicité principale de la zidovudine est hématologique (anémie et neutropénie). Le profil de tolérance de la lamivudine est favorable. Ses effets secondaires sont peu fréquents et peu sévères. Une acidose lactique a été rapportée après la prise d'analogues nucléosidiques.

-#gt; Lié à Elisor

La pravastatine implique une surveillance hépatique régulière. Une élévation des transaminases au-delà de 3 fois la normale conduit à l'arrêt du traitement. Les CPK sont aussi surveillées : le traitement est arrêté si la valeur est supérieure à 5 fois la normale.

Une atteinte musculaire doit être évoquée devant des myalgies diffuses, une sensibilité musculaire douloureuse et/ou une élévation importante des CPK musculaires.

L'évaluation du HDL-cholestérol est réalisée avant le changement de traitement, puis à 3 mois. Le maintien d'Elisor est décidé en fonction de l'amélioration du profil lipidique.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Combivir : le médicament peut être pris au cours ou en dehors des repas. Il faut respecter un intervalle d'environ 12 heures entre deux prises. -#gt; Viramune : la névirapine peut être prise indifféremment pendant ou en dehors des repas. Pendant les 14 premiers jours de traitement, la posologie de un seul comprimé par jour doit être respectée pour diminuer le risque d'éruption cutanée. Ensuite, 12 heures doivent également séparer deux prises. -#gt; Elisor 20 mg : la pravastatine s'administre en prise unique, de préférence le soir, indifféremment avant, pendant ou après le repas. -#gt; Varnoline : avaler le comprimé régulièrement toujours au même moment de la journée et sans oubli. Respecter un intervalle libre de 7 jours entre deux plaquettes.

CONSEILS À LA PATIENTE

Une meilleure qualité de vie

-#gt; L'alimentation doit favoriser l'apport de protéines, de vitamines et d'antioxydants (vitamines C et E, sélénium, carotène, légumes, fruits), de féculents et de graisses riches en oméga-3 (poissons de mer, huile de colza, de noix...).

-#gt; Pratiquer une activité physique régulière.

-#gt; Pour ne pas agresser la peau, utiliser un gel douche et des soins cosmétiques hypoallergéniques.

Un traitement antirétroviral bien suivi

-#gt; L'usage de préservatifs lors des rapports sexuels est nécessaire.

-#gt; Respecter les horaires de prise des médicaments. En cas d'oubli d'une prise, la patiente prendra le traitement dès qu'elle s'en aperçoit. Si le médicament doit être pris 2 fois par jour (1 fois/12 h), elle peut le prendre jusqu'à la 8e heure suivant l'heure habituelle de prise.

-#gt; Signaler aux professionnels de santé les autres traitements pris. La dapsone, le ganciclovir et la pyriméthamine majorent la toxicité hématologique de la zidovudine. Le fluconazole augmente la toxicité de Viramune. Millepertuis et rifampicine peuvent réduire son efficacité. Viramune peut aussi diminuer l'efficacité d'un anticoagulant oral ou du kétoconazole.

-#gt; Ne pas enlever les comprimés du conditionnement initial.

-#gt; Appeler son médecin en cas d'apparition de toxicité cutanée (éruption, fièvre, bulle) ou hépatique (nausées, ictère, urines foncées).

Un suivi gynécologique adapté

-#gt; Orienter la patiente vers un gynécologue. Une consultation gynécologique annuelle (au moins) est recommandée. Outre un suivi classique, le rapport Delfraissy demande un frottis annuel en l'absence de lésion cervicale et si l'état immunitaire est satisfaisant (#gt; 200/mm3). Sinon, un frottis deux fois par an et une colposcopie sont préconisés.

-#gt; Rappeler les modalités en cas d'oubli de comprimés de Varnoline.

-#gt; Déconseiller l'usage de spermicides qui fragilisent les muqueuses.

-#gt; Le tabac n'est pas compatible avec une contraception orale, d'autant que la patiente présente une hypercholestérolémie.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Combivir (zidovudine 300 mg + lamivudine 150 mg)

- Association combinée fixe de deux analogues nucléosidiques inhibiteurs de la transcriptase inverse du VIH.

- Indiqué dans le cadre d'associations antirétrovirales, pour la prise en charge de l'infection par le VIH chez l'adulte et chez l'adolescent de plus de 12 ans.

- La posologie est de un comprimé deux fois par jour.

-#gt; Viramune 200 mg (névirapine)

- Analogue non nucléosidique inhibiteur de la transcriptase inverse du VIH-1.

- Indiqué en association à d'autres agents antirétroviraux pour le traitement des patients infectés par le VIH-1 présentant un déficit immunitaire évolutif ou avancé.

- Chez l'adulte, la posologie est de 200 mg une fois par jour pendant 14 jours, puis de 200 mg deux fois par jour.

-#gt; Elisor 20 mg (pravastatine)

- Hypolipidémiant, inhibiteur de l'HMG-CoA-réductase.

- Indiqué dans le traitement des hypercholestérolémies pures (type IIa) ou mixtes (type IIb) en complément d'un régime hygiénodiététique adapté et assidu.

- Le traitement est instauré à la dose quotidienne de 10 mg en une prise. Elle peut être augmentée par palier de 10 mg toutes les 4 semaines au minimum, jusqu'à 40 mg par jour.

-#gt; Varnoline (désogestrel 0,15 mg + éthyniloestradiol 0,03 mg)

- Estroprogestatif combiné minidosé.

- Contraception orale.

- La posologie est de 1 comprimé par jour 21 jours par mois.

Un intervalle de 7 jours doit être respecté entre chaque plaquette.

Par Hélène Peyrière, Nicolas Terrail, Maxime Villiet, Pr Sylvie Hansel, pharmacie des hôpitaux Lapeyronie-Arnaud-de-Villeneuve, CHU de Montpellier

PATHOLOGIE

Qu'est-ce que l'infection par le VIH ?

Les virus de l'immunodéficience humaine VIH-1 et VIH-2, des Rétrovirus, sont essentiellement transmis par voie sexuelle. Ils provoquent une infection chronique de l'organisme induisant une inexorable destruction du système immunitaire en ciblant les lymphocytes T CD4.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Près de 42 millions de personnes sont aujourd'hui porteuses du VIH dans le monde. 19,2 millions sont des femmes et 3,2 millions des enfants. Plus de 17 millions de sujets sont décédés depuis le début de la pandémie, il y a presque 25 ans.

L'Afrique subsaharienne compte 70 % des cas. L'Asie du Sud-Est est, en nombre, la deuxième région touchée par le fléau. Les Etats de l'ex-URSS connaissent la progression de la maladie la plus inquiétante.

Dans les pays industrialisés, la situation est stabilisée. Pourtant, en Europe, l'augmentation des MST traduit un relâchement des comportements de prévention.

En France, environ 55 000 cas ont été déclarés depuis le début de l'épidémie. 23 000 sont encore en vie. En 2002, 2004 cas de sida et près de 700 décès ont été enregistrés. Le taux d'incidence était de 32,6 par million d'habitants.

SIGNES CLINIQUES

Les manifestations cliniques de l'infection par le VIH sont variées puisqu'elles ont pour origine un dérèglement immunitaire affectant l'organisme tout entier. Le sida n'est en fait que le résultat d'une lente évolution de l'infection dont il représente la phase terminale, lourdement compliquée.

Le taux d'ARN viral plasmatique témoigne de l'intensité de la réplication du virus : il est corrélé au taux de lyse des lymphocytes T CD4. Le nombre de lymphocytes indique l'étendue de la destruction de cette population cellulaire. La progression de la maladie est suivie par la quantification de la réplication du virus. Elle est appréciée par la charge virale plasmatique. La surveillance de la maladie repose donc sur deux examens fondamentaux : la population de lymphocytes CD4 résiduelle et la charge virale plasmatique.

Primo-infection

Après la contamination par le VIH, survient une période de quelques jours pendant laquelle il est impossible de diagnostiquer l'infection. L'antigène p24 est détectable environ 15 jours après et, l'ARN viral, 10 jours après environ.

La primo-infection est une période de réplication intense du virus.

Les symptômes cliniques de la primo-infection s'observent 1 à 6 semaines après la contamination. Le tableau évoque une mononucléose : fièvre, adénopathies disséminées, pharyngite érythémateuse, rash cutané, accompagnés d'une leucopénie et/ou d'une thrombopénie. Cet aspect banal fait largement méconnaître ce stade. Les signes de primo-infection disparaissent au maximum en un mois.

Lymphadénopathies généralisées

Après la séroconversion, 50 à 70 % des sujets infectés développent un syndrome de lymphadénopathies généralisées persistantes au niveau cervical, rétro-occipital, sous-mandibulaire, axillaire.

Progression de la maladie

Après une phase de latence clinique prolongée mais très variable (de 3 ans à plus de 10 ans) pendant laquelle le VIH reste quiescent dans les organes lymphoïdes, le statut immunitaire du patient commence inéluctablement à s'effondrer. A ce stade, la médiane de survie sans traitement est de 9 mois.

Parallèlement, des manifestations cliniques de plus en plus nombreuses et variées sont observées : des atteintes pulmonaires (pneumocystoses, mycobactérioses, mycoses...), neurologiques (céphalées, troubles cognitifs, atteintes motrices...), digestives (candidoses, ulcérations buccales, entérocolites...), cutanées (herpès, zona...) et des tumeurs malignes (Kaposi, lymphomes...). Ce déficit immunitaire profond caractérise la phase terminale de la maladie, caractérisant le syndrome d'immunodéficience acquise (sida).

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de l'infection par le VIH est sérologique. Il repose sur la détection des anticorps sériques qui apparaissent entre 3 semaines et 3 mois après la contamination (moyenne de 6 à 8 semaines). Aucun marqueur virologique n'est détectable pendant les 10 jours suivant la contamination.

Toutefois, dans certaines circonstances comme le diagnostic de primo-infection ou le diagnostic chez un enfant né d'une mère séropositive, le recours à d'autres méthodes s'impose : la détection d'antigènes viraux circulants, celle de matériel génétique viral dans le plasma, la détection du virus par culture lymphocytaire.

-#gt; Quatre générations de tests de dépistage immunoenzymatiques (ELISA) se sont succédé.

- Les tests de 1re génération, fabriqués avec des lysats de cellules infectées par le virus, exposaient à de nombreux faux positifs.

- Les tests de 2e génération (début des années 1990), utilisant comme antigènes des protéines de recombinaison génétique ou des peptides synthétiques, ont amélioré la sensibilité comme la spécificité du dépistage de l'infection. Les faux positifs sont devenus moins nombreux et la détection possible dans les 10 jours après la séroconversion habituelle.

- Les tests de 3e génération, détectant non seulement les IgG mais également toutes les autres immunoglobulines, ont permis de détecter les séroconversions dans les 5 jours.

- Les trousses de 4e génération (non utilisées en routine) combinent un test immunoenzymatique pour la détection des anticorps anti-VIH-1 ou VIH-2 avec un test de détection de capside (antigène p24). Ils autorisent une détection encore plus précoce du stade initial de l'infection (en moyenne 5 jours avant l'apparition des IgM).

-#gt; Les tests rapides par agglutination s'avèrent moins sensibles.

-#gt; Le dépistage implique la mise en oeuvre de deux tests ELISA différents, choisis dans une liste positive régulièrement mise à jour par l'Afssaps. Si les résultats sont positifs ou discordants, un test de confirmation doit être obligatoirement réalisé (Western-Blot).

TYPAGE DES RÉSISTANCES

Il importe que les traitements antirétroviraux soient prescrits à des doses optimisées afin de réduire la pression de sélection des combinaisons de mutations à l'origine d'une résistance. Dans la pratique clinique, le typage des résistances repose sur des tests génotypiques, rapides et peu onéreux.

Les deux types de tests ne peuvent être pratiqués que sur des échantillons comportant au moins 1 000 copies virales/ml de plasma.

Tests génotypiques

Fondés sur le séquençage des gènes cibles des antirétroviraux, ils permettent de s'intéresser à des mutations très faiblement représentées dans la population virale hébergée par un patient donné.

Leur interprétation repose sur des algorithmes intégrant la complexité des séquences virales mais dont il importe de connaître les limites : absence de prise en compte de l'histoire thérapeutique du patient, des niveaux du déficit immunitaire et de réplication virale, de considération des taux plasmatiques d'antirétroviraux.

Ces algorithmes rendent une réponse binaire (virus sensible ou résistant), ternaire (virus sûrement résistant, possiblement résistant, non résistant) ou plus nuancée encore, traduisant un degré de probabilité de réponse au traitement. Ils permettent de mettre en évidence l'existence de mutations de « transition » vers des formes résistantes, ou, à l'arrêt d'un traitement, de « retour » vers le virus sauvage.

Tests phénotypiques

Après amplification par PCR du segment du virus cible des antirétroviraux, celui-ci est introduit dans un vecteur viral. Ce vecteur recombinant est cultivé en présence de concentrations croissantes de différents antirétroviraux. Puis son degré de multiplication est quantifié. On en déduit la dose inhibitrice de l'antirétroviral testé.

Ce test vise à évaluer la capacité réplicative des virus porteurs de mutations multiples, qui semblent avoir une plus faible capacité à se répliquer que le virus sauvage.

Par Denis Richard et Philippe Azarias

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Le VHC n'aggrave pas l'infection à VIH. Mais l'inverse est vrai »

Le Pr Jean-Albert Gastaut, hématologiste à l'institut Paoli-Calmette de Marseille, est responsable du centre d'information et de soins de l'immunodéficience humaine de Sainte- Marguerite .

En France, environ 30 % des patients VIH+ sont également infectés par le virus de l'hépatite C (VHC). Cette coïnfection aggrave-t-elle le sida ?

Le fait d'être infecté par le VHC n'aggrave pas l'infection à VIH, ni en termes de rapidité d'évolution, ni en termes de sévérité. En revanche, l'inverse est vrai. Chez les coïnfectés, l'association des deux virus entraîne une évolution plus fréquente et plus rapide vers la cirrhose et favorise l'apparition d'un carcinome hépatocellulaire.

La charge virale du VHC est-elle plus élevée en cas de coïnfection avec le VIH par rapport aux patients infectés ?

Oui, ceci augmente le risque de transmission du VHC. Ainsi la transmission du VHC de la mère à l'enfant, qui est de 3 % environ chez les patientes monoïnfectées par le VHC, passe à 20 % en cas de coïnfection avec le VIH.

Le Pr Jean-Albert Gastaut, interrogé par Christine Julien

THÉRAPEUTIQUE

Quels sont les antirétroviraux ?

Si le nombre de patients vivant avec le VIH et pris en charge médicalement est stable, l'innovation thérapeutique dans ce domaine est toujours majeure, et l'arsenal thérapeutique très évolutif. Le point sur les nouveautés depuis la parution de notre précédent « Cahier formation » sur l'infection par le VIH.

INTERACTIONS AVEC LES ANTIRÉTROVIRAUX RÉCENTS

ANTIRÉTROVIRAUX

A ce jour, l'arsenal thérapeutique antirétroviral compte dix-neuf principes actifs, correspondant à vingt-deux spécialités.

Il s'est fortement enrichi en quatre ans, puisque deux nouvelles classes pharmacologiques (inhibiteurs nucléotidiques de la transcriptase inverse, inhibiteurs de fusion), cinq principes actifs (ténofovir disoproxil, lopinavir, atazanavir, fosamprénavir, enfuvirtide) et six spécialités (Trizivir, Viread, Agénérase, Kaletra, Reyataz, Fuzeon) sont nés.

Tous les antirétroviraux qui peuvent être délivrés en ville nécessitent une prescription initiale hospitalière (PIH), valable un an avec les renouvellements intermédiaires possibles pour tous les médecins.

Les inhibiteurs de la transcriptase inverse

- Les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INRT)

La classe des INRT comporte toujours six principes actifs : la zidovudine (AZT, Retrovir), la didanosine (ddI, Videx), la zalcitabine (ddC, Hivid), la stavudine (d4T, Zerit), la lamivudine (3TC, Epivir) et l'abacavir (ABC, Ziagen).

Mais elle s'est enrichie d'une spécialité, résultat de l'association de l'abacavir, de la zidovudine et de la lamivudine (Trizivir). Ce médicament s'inscrit dans le concept d'amélioration de l'observance par la diminution du nombre d'unités de prise journalières.

Ce concept avait vu le jour avec Combivir (association d'AZT et de 3TC).

- Les inhibiteurs nucléotidiques de la transcriptase inverse

Il s'agit d'une nouvelle classe thérapeutique, datant d'un an et demi. Elle est composée d'un seul représentant à l'heure actuelle : le ténofovir disoproxil (Viread).

- Le ténofovir agit en bloquant la transcriptase inverse du VIH. Son activité s'exprime dans un spectre cellulaire large : lymphocytes T, monocytes, macrophages et cellules dendritiques.

L'un des principaux apports de Viread réside dans sa capacité à réduire la charge virale chez des patients en échec virologique précoce aux autres antirétroviraux. De plus, il présenterait une moindre toxicité mitochondriale.

Il s'utilise en association à d'autres antirétroviraux, à la posologie d'un comprimé à 245 mg par jour en prise unique lors d'un repas.

Les effets indésirables observés sont essentiellement des troubles digestifs et une hypophosphatémie.

- L'adéfovir dipivoxil, qui était disponible sous ATU nominative il y a 3 ans, n'est plus développé aujourd'hui dans le VIH par manque d'efficacité et à cause d'une toxicité importante. Mais il demeure intéressant dans le traitement de l'hépatite B chronique où il est utilisé à plus faible posologie.

- Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNRT)

Il n'y a pas de nouveaux médicaments dans la classe des INNRT. Néanmoins, l'utilisation importante de la névirapine (NVP, Viramune) et l'éfavirenz (EFV, Sustiva) - deux représentants majeurs de cette classe - a permis de prendre du recul sur ces produits et de mieux cadrer leur emploi.

- Il est tout d'abord indispensable d'inclure ces INNRT dans une multithérapie puissante, sinon la pression antirétrovirale est insuffisante et permet l'émergence rapide d'une mutation virale, induisant une résistance totale à cette classe thérapeutique.

- De plus, les effets indésirables enregistrés avec ces médicaments sont à l'origine de nouvelles règles de surveillance (lors des consultations habituelles) à propos de l'apparition d'allergies cutanées et d'hépatites immunoallergiques lors des deux premiers mois sous névirapine, et de la persistance des troubles neuropsychiques enregistrés sous éfavirenz qui peuvent perdurer plusieurs semaines et se révéler très invalidants chez certains patients.

- La delavirdine (DLV, Rescriptor) est toujours en ATU nominative. Son utilisation est très limitée à cause d'interactions médicamenteuses très importantes et d'un risque élevé d'éruptions cutanéomuqueuses.

LES SITES D'ACTION DES ANTIRÉTROVIRAUX Les molécules appartenant aux classes des inhibiteurs de l'intégrase, des inhibiteurs de glycosidases et des inhibiteurs de la transcription sont encore en cours de développement.

Les inhibiteurs de la protéase

Cette classe s'enrichit régulièrement de nouveaux principes actifs, d'améliorations galéniques ou de nouveaux schémas thérapeutiques. Outre la grande efficacité des médicaments qui la composent, leur utilisation est parfois délicate en raison de la taille et du nombre d'unités de prise journalières importantes (jusqu'à 16/j pour un médicament !). S'y ajoutent des effets indésirables notamment digestifs et métaboliques difficilement supportables, des contraintes de prise par rapport aux repas ou aux médicaments coprescrits.

Néanmoins, les nouveautés de cette classe - des formes galéniques moins contraignantes, des principes actifs entraînant moins d'effets indésirables - lui permettent de conserver une place majeure dans la stratégie antirétrovirale.

-#gt; Deux nouveaux médicaments ont obtenu l'AMM dans cette classe : l'amprénavir (APV, Agénérase), caractérisé par un profil de résistance différent, et l'association lopinavir/ritonavir (Kaletra), mieux tolérée.

-#gt; Une nouvelle forme de nelfinavir en comprimé pelliculé est venue remplacer les comprimés. Les comprimés sont plus petits et plus lisses pour une meilleure déglutition.

-#gt; L'atazanavir (ATV, Reyataz) est aussi un nouveau représentant de la classe. C'est le premier inhibiteur de protéase (IP) en prise unique journalière. Il est spécifiquement indiqué chez les patients ayant un taux de cholestérol ou des triglycérides très élevés. Il est disponible en ATU nominative.

-#gt; Le fosamprénavir - dérivé de l'amprénavir - devrait bientôt être disponible. Il permet de diminuer considérablement le nombre de gélules à avaler au quotidien.

-#gt; Le ritonavir possède aujourd'hui résolument une place à part. Son fort pouvoir inhibiteur enzymatique et sa mauvaise tolérance à pleine dose l'ont positionné essentiellement dans les schémas thérapeutiques comme agent pharmacocinétique permettant de diminuer les doses et les contraintes d'administration des autres inhibiteurs de protéase. Il est ainsi utilisé à 100 ou 200 mg deux fois par jour (en « baby-dose »), sans efficacité intrinsèque propre (voir tableau page 12). A la posologie de 400 mg 2 fois/j associé à un autre inhibiteur de protéase, il représente une véritable bithérapie.

Les inhibiteurs de la fusion

Cette nouvelle classe thérapeutique a pour unique représentant l'enfuvirtide (Fuzeon), plus connu sous son nom de code T-20.

Ce médicament s'administre par voie sous-cutanée à raison de 90 mg deux fois par jour.

Il agit en inhibant la fusion entre le virus et la cellule réceptrice. Son efficacité intrinsèque est satisfaisante, y compris sur des souches multirésistantes.

Trois phénomènes limitent son utilisation : une synthèse très difficile à l'échelle industrielle se traduisant par une productivité très faible, ne permettant de traiter que 12 à 15 000 patients fin 2003 ; un coût de traitement très élevé : 20 000 Euro(s)/ patient/an, venant s'ajouter à une multithérapie de 10 à 12 000 Euro(s) ; une fréquence importante de réactions au point d'injection.

Les médicaments à venir

De nouvelles molécules sont en essais cliniques. Les résultats de ces essais conditionneront leur avenir. Parmi les projets les plus aboutis, se trouvent :

-#gt; le tipranavir, premier inhibiteur non peptidique de la protéase ;

-#gt; l'emtricitabine (FTC), nouvel INRT dont la structure est proche de celle du 3TC, efficace à une prise par jour ;

-#gt; le DPC 083, proche de l'éfavirenz, en prise unique quotidienne, et le TMC 125 sont les prochains INNRT.

De nouvelles classes pharmacologiques sont également à l'étude notamment les inhibiteurs de l'intégrase, les inhibiteurs de la transcription ou les inhibiteurs des glycosidases.

MODALITÉS DE TRAITEMENT

Instauration du traitement

Depuis 2002 et la parution du nouveau rapport Delfraissy concernant la prise en charge des personnes infectées par le VIH, l'indication de début de traitement a évolué.

-#gt; La charge virale plasmatique n'est plus directement prise en compte pour la prise en charge thérapeutique. Elle garde en revanche toute sa valeur pour le suivi thérapeutique.

-#gt; L'indicateur permettant de statuer sur le moment d'instaurer un traitement antirétroviral est essentiellement fondé aujourd'hui sur le taux de lymphocytes T4. Un traitement est débuté chez le patient symptomatique et/ou ayant un taux de lymphocytes T4 inférieur à 200/mm3.

Stratégie thérapeutique

Les recommandations actuelles à propos du traitement de première intention sont toujours l'association de trois antirétroviraux.

-#gt; Trois combinaisons sont possibles : 2 INRT + 1 IP, 2 INRT + 1 INNRT, ou 3 INRT.

-#gt; Néanmoins, si les lymphocytes T4 sont inférieurs à 200/mm3 et/ou la charge virale est élevée, il est recommandé de débuter le traitement par la seule combinaison 2 IN + 1 IP, voire une quadrithérapie.

-#gt; L'inclusion de nouvelles molécules dans les schémas thérapeutiques recommandés doit tenir compte non seulement de l'efficacité virologique, mais aussi de la facilité de prise et des effets indésirables au long cours.

Ainsi, l'utilisation du ritonavir à faible dose associé à un inhibiteur de protéase permet de simplifier les schémas thérapeutiques en optimisant la pharmacocinétique de l'inhibiteur de protéase. Mais le groupe d'experts du rapport Delfraissy s'inquiète de l'utilisation à long terme de cette association, qui favorise probablement l'apparition de troubles métaboliques, notamment du métabolisme des lipides.

L'apport des inhibiteurs de la fusion est à évaluer avec attention. Les derniers essais rapportent que le ténofovir disoproxil ne doit pas être associé à la lamivudine et à l'abacavir, car cette trithérapie s'accompagne d'absence de réponse virologique.

-#gt; Enfin, les interruptions thérapeutiques programmées chez les patients en succès thérapeutique, d'un point de vue immunovirologique, doivent être réservées aux protocoles de recherche clinique. Toutefois, une interruption provisoire peut être envisagée chez un patient ayant une mauvaise observance ou des effets indésirables importants, si les LT4 #gt; 350/mm3.

Immunothérapie

L'immunothérapie est un concept intéressant dans le cas où les lymphocytes T4 tardent à remonter. Il s'agit alors de stimuler leur croissance par l'injection d'interleukine 2 (Macrolin).

-#gt; Ce médicament est disponible sous ATU de cohorte à partir du moment où le patient a une charge virale basse et des LT4 #lt; 200/mm3 malgré au moins 6 mois sous trithérapie comportant au moins un inhibiteur de protéase.

-#gt; Le recul aujourd'hui est encore insuffisant pour pouvoir juger de la réelle efficacité de ce traitement et du bénéfice pour le patient, d'autant que le schéma thérapeutique est lourd : 1 injection 2 fois/j pendant 5 jours, toutes les 6 semaines jusqu'à la 24e semaine, puis toutes les huit semaines.

Cas particulier de la femme enceinte

La prise en charge thérapeutique de la femme enceinte séropositive, ne nécessitant pas de traitement pour elle-même, est aujourd'hui très bien codifiée.

-#gt; Elle n'a pas évolué ces dernières années. Il s'agit toujours d'une monothérapie AZT à partir de la 28e semaine d'aménorrhée, à raison de 500 mg/j per os en 2 à 5 prises. Au moment de l'accouchement, l'AZT est injectée en intraveineuse à raison de 2 mg/kg en bolus suivi de 1 mg/kg/h jusqu'au clampage du cordon. L'enfant, quant à lui, reçoit 2 mg/kg/j per os d'AZT en sirop durant ses 6 premières semaines de vie.

-#gt; La grande évolution concerne la femme déjà traitée, pour qui la poursuite d'une trithérapie semble aujourd'hui tout à fait licite. L'objectif est alors d'optimiser le traitement pour atteindre ou garder une charge virale indétectable en utilisant si possible les médicaments pour lesquels on dispose de plus de recul, tout en évitant ceux dont la toxicité est plus avérée. Ainsi, on tente de privilégier l'utilisation de la zidovudine, de la lamivudine, de la névirapine et du nelfinavir. On évite l'éfavirenz qui s'est révélé embryotoxique chez l'animal, et si possible la didanosine, la zalcitabine et la stavudine dont la toxicité mitochondriale semble plus importante.

Dans le cas où la charge virale n'est pas contrôlée au moment du terme, il peut être intéressant d'utiliser une dose de névirapine au moment du travail, en cas de non-résistance.

SUIVI THÉRAPEUTIQUE

Lors de l'instauration d'un traitement antirétroviral ou lors d'une modification de traitement, le patient revoit son médecin au bout de 2 semaines, puis après 1 mois de traitement.

Le rythme des consultations est variable d'un patient à l'autre, selon son état clinique, ses difficultés avec le traitement... Ensuite, le patient vient en consultation 3 à 4 fois par an.

Les critères d'efficacité

Les critères d'efficacité du traitement n'ont pas changé. Il s'agit de l'évolution clinique du patient, du taux de lymphocytes CD4 et de la charge virale.

En revanche, leur manipulation et leur interprétation s'affinent. On considère aujourd'hui que l'instauration d'un traitement efficace doit s'accompagner au bout d'un mois d'une baisse de charge virale de 1 log, soit une réduction d'un facteur 10, et devenir indétectable (#lt; 400 copies/ml) dans les trois à six mois. L'efficacité thérapeutique se matérialise aussi par une remontée progressive des T4.

Les dosages plasmatiques

Les indications de dosages plasmatiques d'inhibiteurs de protéase et d'inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNRT) se sont élargies.

Réservés auparavant aux situations d'échecs ou d'effets indésirables, ils sont aujourd'hui indiqués dans trois situations :

-#gt; en initiation de traitement, dans le cas où une interaction médicamenteuse est attendue dans une multithérapie complexe, chez les insuffisants hépatiques ou les patients coïnfectés par le VHB et/ou le VHC, chez les sujets âgés et les enfants, ainsi que dans les schémas simplifiés à une prise par jour (hors AMM) pour amélioration de l'observance ;

-#gt; en situation d'échec pour apprécier un éventuel sous-dosage plasmatique ;

-#gt; en présence d'une toxicité afin de repérer un éventuel surdosage plasmatique.

Les tests de résistance

-#gt; Les tests génotypiques sont très souvent associés aux dosages des antirétroviraux dans le suivi thérapeutique.

Ils sont toujours recommandés en cas d'échec thérapeutique car ils permettent d'identifier les médicaments qui pourront être gardés dans le schéma thérapeutique.

Ils sont désormais étendus à tous les échecs thérapeutiques, y compris les échecs à un premier traitement.

-#gt; Les tests phénotypiques ne sont toujours pas indiqués en pratique courante. Ils sont réservés aux essais thérapeutiques.

Les complications associées

Les complications associées aux traitements antirétroviraux constituent un problème majeur.

-#gt; Des bilans réguliers des risques cardiovasculaires, des lipoatrophies et des lipodystrophies sont recommandés. Ils consistent en une recherche de surcharge pondérale, un dosage du cholestérol total, du HDL et du LDL-cholestérol, des triglycérides et de la glycémie à jeun.

-#gt; Amylases et transaminases font aussi partie des dosages classiques pour repérer une pancréatite sous didanosine ou une cytolyse hépatique sous inhibiteur de protéase ou INNRT dont le risque est augmenté chez le patient coïnfecté par le VHB ou le VHC.

-#gt; L'hémogramme est systématique chez le sujet sous zidovudine (AZT) pour détecter une éventuelle anémie ou une neutropénie.

-#gt; Le dosage des lactates n'est pas préconisé en routine. Il n'est réalisé qu'en cas de symptômes cliniques évocateurs d'une toxicité mitochondriale (douleurs diffuses, fatigabilité et troubles digestifs) sous inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse.

-#gt; L'apparition de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, ballonnements) est surveillée surtout chez le patient sous inhibiteurs de protéase.

-#gt; Une recherche des signes de lithiase rénale (douleur abdominolombaire unilatérale, sécheresse cutanée) est entreprise systématiquement chez le sujet sous indinavir.

PROPHYLAXIE DES INFECTIONS OPPORTUNISTES

Un recul plus important permet aujourd'hui d'affiner les recommandations en termes de prophylaxie primaire et secondaire des infections opportunistes lorsque l'immunité des patients sous multithérapie antirétrovirale est restaurée.

-#gt; La prévention primaire, médicamenteuse, peut être levée lorsque le taux de lymphocytes T4 est supérieur à la valeur seuil de prophylaxie propre à chaque pathologie (#gt; 100/mm3 pour les infections à Mycobacterium avium, #gt; 200/mm3 et 15 % des lymphocytes totaux pour la pneumocystose et la toxoplasmose) depuis plus de 3 mois en maintenant le traitement antirétroviral.

-#gt; Quant à la prévention secondaire également médicamenteuse, notamment celle des infections à Cytomégalovirus ou à mycobactéries, de la toxoplasmose et de la cryptococcose, il semble aujourd'hui acceptable de la stopper lorsque le taux de lymphocytes T4 est supérieur à 200/mm3 depuis plus de 6 mois sous multithérapie antirétrovirale.

Il est néanmoins nécessaire de rester vigilant car la survenue d'une infection opportuniste reste toujours possible.

Par Frédéric Chauvelot

CONSEILS AUX PATIENTS

Une observance optimale

L'efficacité virologique des traitements nécessite une observance la plus parfaite possible (#gt; 95 %).

-#gt; Etablir avec le patient un plan de prise adapté à son rythme de vie. L'adhésion du patient à son traitement n'est jamais acquise : à chaque délivrance de traitement, refaire un point.Toujours lui remettre un support papier.

-#gt; Rappeler la relative flexibilité des prises : 2 prises par jour sont séparées de 12 heures avec une tolérance de plus ou moins 2 heures. Pour 3 prises quotidiennes, l'intervalle est de 8 heures avec une tolérance de plus ou moins 1 heure.

-#gt; Contrôler l'oubli en suscitant une aide visuelle (pilulier transparent), sonore (sonnerie d'une montre) ou routinière (la prise est associée à un geste quotidien).

En cas d'oubli, prendre rapidement la dose oubliée (sauf si l'oubli date de la veille) et poursuivre le traitement tel qu'il est prévu.

-#gt; Parer aux imprévus : toujours avoir sur soi un à deux jours de traitement.

-#gt; Ne jamais interrompre un ou plusieurs médicaments.

Des contraintes

- Les repas

Videx et Crixivan sont pris strictement à jeun : 45 min à 1 h avant ou 2 à 3 heures après un repas.

Les antiprotéases (sauf Agénérase) Viread sont pris au cours ou moins de 2 heures après un repas.

- Les boissons

Crixivan nécessite un apport hydrique régulier : après chaque prise, boire 2 à 3 grands verres d'eau faiblement minéralisée. Eviter les eaux à teneur en bicarbonates supérieure à 100 mg/l. Entre les prises, boire au moins 500 ml (eau, lait, jus de fruits, thé...).

Videx s'avale exclusivement avec de l'eau plate.

Le jus de pamplemousse est déconseillé avec le saquinavir et l'indinavir.

- Les effets secondaires

En cas de cauchemars ou d'insomnie sous Sustiva, prendre le médicament le matin. Privilégier la prise au coucher pour des effets secondaires à type de vertiges.

En cas de nausées, conseiller la prise du médicament à jeun au coucher et/ou entre le petit déjeuner et le déjeuner. Pour un traitement à prendre lors des repas, préférer une prise à la fin.

- La conservation

Les médicaments peuvent être transférés durant 2 à 3 jours dans un autre flacon ou pilulier au sec et bien fermé (pour Crixivan, utiliser un tube vide possédant un bouchon déshydratant).

Crixivan, Kaletra et Norvir capsules se conservent au réfrigérateur mais il est possible de les transporter deux jours à température ambiante.

Les signes d'intolérance ou d'hypersensibilité

La consultation s'impose en cas de :

-#gt; réaction d'hypersensibilité à l'abacavir (ne jamais reprendre de l'abacavir en cas d'arrêt de traitement justifié par une intolérance) ;

-#gt; troubles cutanés sévères sous névirapine (Viramune) ;

-#gt; signes annonciateurs d'acidose lactique (favorisée par la grossesse et les traitements du VHC) : troubles digestifs et neuromusculaires, altération de l'état général et dyspnée ;

-#gt; signes de pancréatite : douleurs abdominales violentes... Le risque est majeur à partir d'un taux de triglycérides supérieur à 15-20 g/l.

Gérer les complications au long cours

Le syndrome lipodystrophique, les anomalies glucidolipidiques et leurs possibles conséquences cardiovasculaires, les anomalies osseuses et les atteintes mitochondriales imposent l'instauration précoce de règles hygiénodiététiques.

-#gt; Conseiller un régime pauvre en sucres rapides et graisses animales saturées. La consommation d'oméga-3 est bénéfique. Sauf en cas de diarrhée, favoriser une alimentation riche en fibres. Les apports caloriques sont diminués en cas de surpoids. Limiter également l'alcool.

-#gt; La prévention de l'ostéoporose repose sur un apport calcique suffisant (#gt; 800 mg/j). Eviter de maigrir et prendre les corticoïdes au long cours.

-#gt; La pratique d'un exercice physique régulier (au moins 2 h par semaine) est à encourager pour lutter contre les lipodystrophies, l'ostéoporose et les troubles glucidiques.

-#gt; Inciter l'arrêt du tabac.

-#gt; La consultation d'un diététicien est gratuite à l'hôpital.

-#gt; La sécheresse cutanée induite par certains traitements est prévenue par l'utilisation de syndet, d'une crème émolliente et par un apport hydrique suffisant.

La prise en charge des diarrhées

20 % des patients ont une entéropathie ou une colite à VIH avec une perte de poids et malabsorption.

-#gt; Une consultation médicale s'impose si la diarrhée dure au-delà de 3 jours.

-#gt; Prévenir la déshydratation : boire souvent en petites quantités des boissons salées, des infusions, des jus de fruits dilués.

-#gt; Adopter un régime sans résidu : biscottes, pain blanc, viande, féculents bien cuits, compotes de pommes-coings... Sont autorisés yaourts et fromages à pâte dure.

-#gt; A la fin de l'épisode diarrhéique, reprendre progressivement une alimentation équilibrée en réintroduisant les légumes verts et les fruits cuits et bien épluchés.

-#gt; En cas de diarrhée chronique, éviter le lait, les fibres, les légumes fermentescibles, les fruits et légumes crus avec peau.

Par Christine Julien

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Actions Traitements

190, bd de Charonne, 75020 Paris, tél. : 01 43 67 66 00, fax : 01 43 67 37 00 - http://www.actions-traitements.org

L'association de patients Actions Traitements informe sur les nouveaux traitements de l'infection à VIH. Son site est extrêmement riche. S'y trouve notamment le journal « Info Traitements », mensuel d'information sur les traitements du VIH/sida et des coïnfections. Il met aussi à disposition des informations thérapeutiques provenant de sources institutionnelles et associatives, des comptes rendus des principales conférences internationales, des conseils pratiques aux patients. Des outils d'aide à l'observance comme les fiches « Info Cartes » et la réglette d'interactions médicamenteuses peuvent être imprimés.

INTERNET

Rapport Delfraissy

http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/delfraissy/index.htm

Le rapport Delfraissy est un recueil de recommandations d'un groupe d'experts pour la prise en charge du VIH. Ce rapport, paru en 2002, est mis à jour régulièrement. Organisé en 25 chapitres, il aborde des nouveaux thèmes comme « VIH et femmes » ou « VIH et univers carcéral ». De la gestion des effets secondaires à l'observance, de l'épidémiologie aux traitements, un rapport indispensable.

LIVRES

VIH, édition 2004

P.-M. Girard, Ch. Katlama et G. Pialoux, éd. Doin

La 6e édition de « VIH » insiste plus particulièrement sur les différences de prise en charge de la maladie entre les pays industrialisés et les pays pauvres. Plusieurs thèmes font leur entrée : les lipodystrophies, les troubles glucidolipidiques, la pathologie mitochondriale, les atteintes ostéoarticulaires, l'accroissement du risque cardiovasculaire. Les stratégies thérapeutiques et les interactions médicamenteuses sont également détaillées.

Diagnostic différentiel

La primo-infection à VIH se manifeste cliniquement par des symptômes peu spécifiques tels qu'un syndrome pseudo-grippal ou un syndrome mononucléosique. D'autres pathologies se manifestent ainsi : la mononucléose infectieuse, une primo-infection à CMV, les hépatites virales, la grippe, la rubéole, la toxoplasmose et la syphilis.

Il importe d'évoquer le diagnostic de primo-infection à VIH chez un sujet à risque de contamination par le virus et de rechercher les marqueurs virologiques (ARN VIH, antigène p24, anticorps anti-VIH).

Effets indésirables les plus fréquents*

- Amprénavir : troubles gastro-intestinaux, rash cutané, paresthésie, hyperglycémie.

- Ténofovir : néphrotoxicité, hypophosphatémie, diarrhées.

- Lopinavir : nausées, diarrhées, éruption cutanée, asthénie, céphalée.

- Atazanavir : hyperbilirubinémie, troubles digestifs, bloc auriculoventriculaire du 1er degré.

- Enfuvirtide : douleurs au point d'injection.

Contre-indications*

- Amprénavir : association à certains médicaments ; enfant #lt; 4 ans, grossesse, insuffisance rénale ou hépatique pour la solution buvable.

- Ténofovir : insuffisance rénale sévère.

- Lopinavir : insuffisance hépatique sévère, grossesse, association à certains médicaments.

- Atazanavir : adolescents #lt; 16 ans, créatininémie ou bilirubinémie #gt; 1,5N, transaminases #gt; 5N, cardiomyopathies, association à certains médicaments.

Traitement postexposition

La circulaire de la DGS « relative aux recommandations de mise en oeuvre d'un traitement antirétroviral après exposition au risque de transmission du VIH » (circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS n° 2003/165 du 2 avril 2003) propose des grilles d'aide à la décision thérapeutique par type d'exposition et les modalités thérapeutiques.

En cas d'exposition accidentelle au sang ou après une relation sexuelle non protégée, un traitement prophylactique de 4 semaines mis en oeuvre dans les premières heures (4 à 48 heures) permettrait de réduire les risques d'infection.

Il faut orienter le plus rapidement possible la personne concernée vers les urgences hospitalières ou un service spécialisé (liste auprès de VIH Info Soignants au 0 810 630 515).

Cas particulier de la méthadone

Des patients infectés par le VIH sous trithérapie antirétrovirale peuvent aussi suivre un traitement de substitution. La méthadone et la buprénorphine sont métabolisées par le cytochrome P450 dont l'activité peut être modifiée par les inhibiteurs de protéase et les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse. Chez l'homme, les données d'interactions recueillies concernent la méthadone. Ainsi la dose de méthadone doit être augmentée lorsqu'elle est associée à l'éfavirenz, à la névirapine, au ritonavir, parfois avec le nelfinavir. En revanche, la méthadone réduit l'aire sous la courbe de la didanosine et de la stavudine tandis qu'elle augmente celle de la zidovudine. Des adaptations de posologies des antirétroviraux sont alors envisageables. Ces interactions ont été étudiées dans la thèse d'exercice de Christophe Lecointre : « Interactions méthadone/ antirétroviraux. Etat des lieux en 2003 ».

Des outils pour un meilleur dialogue

La maîtrise des connaissances de tous les principes actifs, de leurs 30 combinaisons et de leurs interactions est une gageure. Face à des patients parfois surinformés, le dialogue est facilité par une connaissance des traitements et de leurs effets secondaires.

Pour entamer la discussion et apporter des précisions supplémentaires sur un aspect du traitement, utiliser les outils des associations de lutte contre le sida tels que :

- les Info Cartes qui résument le minimum à savoir pour chaque molécule et la réglette « Antiprotéases et interactions médicamenteuses », une aide précieuse lors de traitements prescrits en ville pour une affection banale, toutes deux disponibles auprès d'Actions Traitements ;

- les journaux associatifs : Infotraitements, Remaides... disponibles auprès des services hospitaliers concernés notamment.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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