L'insuffisance rénale chronique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2502 du 20/09/2003 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2502 du 20/09/2003
 

Cahier formation

l'essentiel L'insuffisance rénale chronique se manifeste par une élévation de l'urémie, de la créatininémie et du taux d'acide urique. Suivent des anomalies phosphocalciques et une anémie. L'hypertension artérielle est fréquente. La survenue de complications cardiovasculaires et ostéoarticulaires signe un stade avancé. Si le diabète est l'une des principales causes, la néphrotoxicité de certains médicaments dont les AINS est un facteur d'aggravation. Le traitement fait appel aux antihypertenseurs, à l'érythropoïétine, aux molécules correctrices des troubles phosphocalciques, hydroélectrolytiques et métaboliques. Le respect de règles diététiques, portant en particulier sur les apports en protides, potassium, phosphore, sel et eau, est indissociable de la conduite thérapeutique globale. L'évolution quasi inéluctable vers le stade terminal nécessite à terme la mise en place d'un traitement de suppléance : dialyse et transplantation.

ORDONNANCE

Un patient âgé atteint d'insuffisance rénale chronique

Un patient obèse de 75 ans qui n'a plus qu'un rein souffre d'insuffisance rénale chron ique prise en charge par Kayexalate, Eucalcic et Un-Alfa. Cette pathologie s'accompagne d'une hypertension artérielle traitée par Chronadalate LP 30.

LA PRESCRIPTION

Docteur Laurent Dubois

Néphrologue

4, sente du Fournil

32307 Pavie

32 3 99999 8

Le 12 septembre 2003

M. Alain B.

75 ans, 100 kilos

Kayexalate : une demi-mesure de poudre le soir.

Eucalcic 1,2 g/15 ml : 1 sachet le soir.

Un-Alfa 0,25 µg : 1 capsule matin et soir.

Chronadalate LP 30 : 1 comprimé le matin.

Traitement pour 3 mois.

Régime sans sel.

Bilan biologique complet à prévoir dans 3 mois.

LE CAS

Ce que vous savez du patient

- Monsieur B. est un fidèle client de l'officine. Il se présente avec un renouvellement d'ordonnance. Il y a 10 ans, il a subi une néphrectomie à la suite de la découverte d'une tumeur rénale.

Depuis cette intervention, il fait l'objet d'un suivi biologique régulier car il est hypertendu (14/10) et obèse (100 kg pour 1,70 m).

Comme il pose volontiers des questions sur ses bilans biologique et biochimique, l'équipe officinale a eu connaissance d'une créatininémie élevée (48 mg/l, soit 425 micromole/l au lieu de 8 à 13 mg/l).

Voici les autres résultats notables du bilan :

- kaliémie : 5,9 mEq/l (N = 3,5 à 5 mEq/l) ;

- calcémie : 75 mg/l (N = 84 à 102 mg/l) ;

- phosphorémie : 45 mg/l (N = 25 à 45 mg/l).

Pas de doute, monsieur B. souffre d'insuffisance rénale chronique sévère.

Ce que le médecin lui a dit

Il confie avec inquiétude que le néphrologue a évoqué l'éventualité d'un traitement par dialyse.

Sa demande spontanée

Sur les conseils d'un ami, il souhaite acheter du Sorbitol Delalande pour venir à bout d'une constipation passagère.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Cette ordonnance, déjà délivrée à plusieurs reprises, ne comporte pas d'interaction médicamenteuse. En revanche, la demande de monsieur B. concernant Sorbitol Delalande ne doit pas être honorée. Ce médicament peut induire une nécrose colique éventuellement fatale avec Kayexalate (association déconseillée).

ANALYSE DES POSOLOGIES

Pour Kayexalate

En cas d'insuffisance rénale chronique avancée, l'hyperkaliémie est constante par défaut d'élimination du potassium. La quantité de Kayexalate à administrer est en rapport direct avec le taux de potassium sanguin. Comme la kaliémie de monsieur B. n'est pas très élevée (5,9 mEq/l), le médecin ne lui a prescrit qu'une demi-mesure soit 7,5 grammes de Kayexalate. Avec ce médicament, on vise à maintenir la kaliémie vers 5 mEq/litre.

Pour Eucalcic 1,2 g/15 ml et Un-Alfa 0,25 µg

L'insuffisance rénale chronique retentit sur le métabolisme phosphocalcique dès que la filtration glomérulaire est inférieure à 50 ml/min. Elle se traduit par une hypocalcémie asymptomatique. Un apport calcique a donc été prescrit à monsieur B. La posologie, qui est faible (1 sachet par jour), pourrait laisser croire que l'hypocalcémie de monsieur B. est modérée. En réalité, c'est tout le contraire puisque sa calcémie est effondrée à 75 mg/litre. Dans ce cas, il est judicieux d'associer au calcium un dérivé de la vitamine D pour prévenir les ostéodystrophies rénales. D'où la prescription d'Un-Alfa. Cette vitamine D, hydroxylée en 1, peut être métabolisée en calcitriol chez l'insuffisant rénal et stimuler l'absorption intestinale active du calcium. Ainsi, un sachet par jour d'Eucalcic suffit.

Les doses d'Un-Alfa doivent être faibles car la vitamine D favorise simultanément l'absorption du phosphore, ce qui n'est pas souhaitable : l'hyperphosphorémie étant fréquente chez l'insuffisant rénal.

Pour Chronadalate LP 30

La posologie de Chronadalate est correcte. La forme LP permet une seule prise par jour, ce qui favorise l'observance au traitement.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Un traitement rigoureux de l'hypertension artérielle freine la progression de l'insuffisance rénale. L'hypertension artérielle, souvent sévère, nécessite fréquemment plusieurs médicaments pour obtenir une synergie. Chez l'hypertendu insuffisant rénal, l'objectif tensionnel à atteindre se situe au-dessous de 130/80 mmHg. Dans le cas de M. B., on peut se demander si la monothérapie antihypertensive prescrite est suffisamment efficace. Précédemment il avait reçu comme traitement antihypertenseur un inhibiteur de l'enzyme de conversion. Cette classe thérapeutique est à privilégier dans l'insuffisance rénale chronique en raison de son effet néphroprotecteur potentiel par diminution de la pression intraglomérulaire, mais la survenue d'une toux sèche a nécessité l'arrêt du traitement.

SUIVI DU TRAITEMENT

La surveillance biologique trimestrielle doit être respectée.

-#gt; Chez l'insuffisant rénal, la prescription d'Un-Alfa expose au risque majeur d'hypercalcémie et d'hyperphosphorémie entraînant des calcifications des tissus mous (cornée, conjonctive, peau, vaisseaux, rein).

-#gt; Surveiller étroitement la calcémie pour suivre le remaniement osseux.

-#gt; La surveillance du bilan phosphocalcique doit être stricte avec le traitement associant vitamine D et calcium.

-#gt; Chez ce sujet de 75 ans non dialysé, un contrôle de la calciurie - qui doit rester entre 2 et 3 mmol/24 h (80 à 120 mg/24 h) - et de la phosphaturie - qui doit être comprise entre 400 et 600 mg/24 h (13-20 mmol/24 h) - doit être effectué.

-#gt; La kaliémie doit également être contrôlée afin de maîtriser les effets de la prise de Kayexalate.

-#gt; L'insuffisance rénale nécessite un suivi régulier de l'ionogramme, de la créatininémie ainsi que de l'hématopoïèse.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Kayexalate : la poudre est mise en suspension dans un peu d'eau qui peut être sucrée et aromatisée (sucre vanillé, sirop...), mais pas dans un jus de fruits. La prise le soir minimise les effets digestifs (irritation gastrique, nausées...). -#gt; Eucalcic : l'apport calcique est donné le soir, en dehors du repas, en même temps qu'Un-Alfa. Ainsi le calcium est mieux absorbé. -#gt; Un-Alfa : prise indifférente par rapport aux repas. -#gt; Chronadalate : le comprimé doit être pris tous les jours à la même heure, de préférence le matin, sans le rompre.

CONSEILS AU PATIENT

Des mesures diététiques rigoureuses

Monsieur B. est obèse. Contre l'hypertension artérielle et pour retarder le recours à la dialyse, un régime hypocalorique adapté, mis en oeuvre par une diététicienne, serait nécessaire.

- Vis-à-vis des protides

L'insuffisance rénale évoluée justifie un régime hypoprotidique afin de limiter les apports de phosphore (viandes, charcuteries, poissons et produits laitiers).

- Vis-à-vis du sodium

Le rein ne peut plus éliminer correctement l'eau et le sel qui s'accumulent dans l'organisme en provoquant un oedème des membres inférieurs et un essoufflement. L'oedème aigu du poumon ou une défaillance cardiaque globale sont deux conséquences graves. Pour cette raison, le néphrologue a prescrit à M. B. un régime sans sel. Ce régime sans sel est triplement utile :

- contre l'hypertension artérielle ;

- en raison de la prise de Kayexalate qui échange le potassium contre du sodium avec risque d'hypernatrémie ;

- pour combattre l'obésité, des aliments sans sel étant moins appétissants. En revanche, M. B. ne doit surtout pas utiliser les sels de régime, trop riches en potassium. Il peut assaisonner ces plats avec des épices et des aromates.

- Vis-à-vis du potassium

Un régime pauvre en potassium est impératif. Eliminer chocolat, banane et fruits secs.

- Quelle boisson conseiller ?

Au début de l'insuffisance rénale chronique,une polyurie-polydypsie correspond à l'adaptation des néphrons restant fonctionnels, pour éliminer les électrolytes et les métabolites. L'oligurie n'apparaît que tardivement.

Monsieur B. doit donc boire normalement et éviter une déshydratation, dramatique pour les reins. Il faut écarter les jus de fruits trop riches en potassium. Pour lutter contre l'acidose métabolique de l'insuffisance rénale chronique, l'eau de Vichy (Célestins, Saint-Yorre), riche en bicarbonates, peut être conseillée sans dépasser 250 ml par jour (apport élevé en sodium).

Des règles d'hygiène à respecter

-#gt; Les infections urinaires peuvent avoir de graves conséquences sur le rein.

Des douleurs et brûlures à la miction, une envie d'uriner fréquente, la présence de sang dans les urines, une fièvre imposent une consultation pour qu'un examen cytobactériologique des urines soit prescrit. Il faut éviter toute stase au niveau urinaire.

-#gt; M. B. doit conserver une activité physique régulière, bénéfique sur le plan cardiovasculaire (au moins 20 minutes de marche chaque jour).

Contre la constipation

Privilégier les règles hygiénodiététiques habituelles plutôt que les médicaments, dans un premier temps.

Pas d'automédication

Il faut attirer l'attention de monsieur B. sur la néphrotoxicité des médicaments (AINS...). De plus, il doit prendre conscience que son insuffisance rénale ralentit l'élimination de certains médicaments qui peuvent s'accumuler dans son organisme et devenir toxiques.

Avec Kayexalate

La constipation peut être renforcée. Les laxatifs à base de magnésium (Chlorumagène, Héparexine, Lubentyl à la magnésie...) sont déconseillés car ils réduisent l'efficacité de la résine.

Lors de l'ingestion de la poudre, le patient doit être assis afin d'éviter une inhalation susceptible d'entraîner des complications bronchopulmonaires.

Avec Eucalcic

La spécialité peut accélérer le transit intestinal, ce qui contrebalance les effets de la résine.

Avec Un-Alfa

Les capsules doivent impérativement être conservées à l'abri de la lumière et de l'humidité.

Avec Chronadalate LP

Il s'agit de comprimés osmotiques constitués d'une partie biologiquement inerte qui reste intacte pendant le transit et que l'on peut retrouver dans les selles.

La nifédipine est sensible à la lumière, il est donc préférable de ne sortir les comprimés de leurs alvéoles qu'immédiatement avant emploi.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Kayexalate (polystyrène sulfonate de sodium)

- Résine échangeuse de cations dont l'affinité pour le potassium est supérieure à celle pour le sodium. La résine libère dans le côlon les ions sodium pour fixer les ions potassium qui sont éliminés dans les fèces.

- Indiqué dans l'hyperkaliémie.

- La posologie indicative est de une mesure (15 g), 1 à 4 fois par jour.

-#gt; Eucalcic 1,2 g/15 ml suspension buvable, en sachet (carbonate de calcium)

- Apport calcique (1,2 g de calcium élément par sachet). L'apport massif du calcium dans la lumière intestinale permet une absorption passive de calcium. Les sels alcalins (carbonates) diminuent l'absorption du phosphore en le complexant sous forme de phosphate de calcium insoluble, non assimilable, qui est éliminé dans les selles.

- Indiqué dans les hypocalcémies et hyperphosphorémies de l'insuffisance rénale chronique.

- La posologie moyenne est de 2 à 3 sachets par jour.

-#gt; Un-Alfa 0,25 µg capsule (alfacalcidol)

- Dérivé hydroxylé en 1-alpha de la vitamine D qui favorise l'absorption intestinale du phosphore et du calcium.

- Indiqué dans l'ostéodystrophie rénale avant ou au stade de la dialyse (clairance créatinémie #lt; 30 ml/min/1,73 m2).

- La posologie est de 0,5 à 1 µg par jour en prévention.

-#gt; Chronadalate LP 30 comprimé

(nifédipine)

- Antagoniste calcique de la famille des dihydropyridines.

- Indiqué dans l'hypertension artérielle.

- La posologie est de 1 comprimé par jour.

Par Marie-Claude Guelfi et Christine Alessandra-Dupuy, pharmaciennes hospitalières

PATHOLOGIE

Qu'est-ce que l'insuffisance rénale chronique ?

L'insuffisance rénale chronique est une perte irréversible de tissu fonctionnel qui, en l'absence de traitement, évolue progressivement vers une disparition complète des fonctions rénales et l'apparition de complications multiviscérales.

L'insuffisance rénale chronique (IRC) est une diminution irréversible et permanente (depuis au moins 3 mois) du débit de filtration glomérulaire (DFG). Pour le mesurer, on dose la créatinine plasmatique ou on utilise la formule de Cockcroft et Gault (voir ci-dessous), sauf chez le sujet obèse ou de plus de 75 ans.

-#gt; La créatininémie, marqueur imparfait du DFG, garde néanmoins une valeur d'alerte.

-#gt; La formule de Cockcroft et Gault est plus précise. Le DFG d'un sujet sain de 40 ans est de 120 ± 15 ml/min/1,73 m2. La diminution du DFG avec l'âge est de l'ordre de 1 ml/min par an.

-#gt; Un DFG de moins de 60 ml/min/1,73 m2 signe une insuffisance rénale indiscutable.

-#gt; Un DFG entre 60 et 89 ml/min/1,73 m2 accompagné de marqueurs d'atteinte rénale persistant plus de 3 mois traduit une maladie rénale chronique.

-#gt; Quel que soit le DFG, la persistance pendant plus de 3 mois de marqueurs biologiques d'atteinte rénale (protéinurie, leucocyturie, hématurie, microalbuminurie chez le diabétique de type I) et/ou d'anomalies morphologiques (asymétrie de taille, contours bosselés, reins de petite taille, gros reins polykystiques, néphrocalcinose, calcul, hydronéphrose) témoigne d'une maladie rénale.

ÉPIDÉMIOLOGIE

En France, 1,74 à 2,5 millions de personnes souffrent d'une insuffisance rénale chronique non terminale. Parmi les 45 000 patients atteints d'insuffisance rénale chronique terminale, environ deux tiers (26 à 29 000) sont traités par dialyse et un tiers bénéficie d'un greffon rénal fonctionnel. La population dialysée augmente de 6 % par an.

La prévalence de l'insuffisance rénale chronique non terminale est estimée à 260 par million d'habitants.

PHYSIO-PATHOLOGIE

-#gt; Le tissu rénal fonctionnel est un ensemble complexe de structures vasculaires et urinaires. L'unité fonctionnelle, le néphron, est constituée du glomérule, où est filtrée l'urine primitive, et des différents segments du tubule où la composition de cette urine est ajustée aux besoins de l'organisme. La perte de tissu rénal fonctionnel peut être liée à une néphrectomie, à sa destruction par des glomérulonéphrites, des néphrites tubulo-interstitielles, des vascularites, des pyélonéphrites, des lésions dégénératives des glomérules (néphropathie diabétique) ou des vaisseaux (néphroangiosclérose de l'hypertension artérielle), des maladies congénitales ou héréditaires (polykystose rénale) ou des néphropathies médicamenteuses. Le tissu rénal est alors le siège d'une fibrose progressive qui tend à détruire les zones restées intactes.

-#gt; La progression de l'insuffisance rénale est liée :

- à une surcharge fonctionnelle des zones épargnées ;

- à l'hypertension artérielle ;

- à la protéinurie qui a un effet toxique sur les cellules tubulaires rénales.

-#gt; La perte du tissu rénal fonctionnel a des conséquences liées à la réduction :

- de la capacité de filtration de l'urine (fonction glomérulaire) qui entraîne une accumulation des substances normalement éliminées (eau, sodium, déchets azotés...) ;

- des capacités d'adaptation de la composition de l'urine (fonction tubulaire) qui entraîne des modifications de la composition des liquides de l'organisme ;

- des capacités de production d'hormones (fonction endocrinienne) portant notamment sur la synthèse d'érythropoïétine et de dérivés hydroxylés de la vitamine D.

SIGNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES

L'insuffisance rénale chronique reste longtemps inapparente, à l'exception des signes propres de la maladie rénale initiale : hématurie, protéinurie, oedèmes, infection urinaire... Les manifestations cliniques n'apparaissent que tardivement au cours de l'IRC, à la suite d'une longue évolution d'anomalies biologiques.

Au niveau biologique

Les premiers signes sont une élévation des taux sanguins des déchets azotés (urée, créatinine, acide urique), puis l'apparition d'anomalies phosphocalciques (hyperphosphorémie, hypocalcémie, hyperparathyroïdie secondaire), d'une acidose métabolique (abaissement des bicarbonates sanguins), d'une anémie normochrome arégénérative.

Au niveau clinique

Le défaut de concentration des urines se traduit assez tôt par une nycturie. L'hypertension artérielle est le signe le plus constant. Elle est liée à la stimulation du système rénine-angiotensine et à une rétention sodée.

Plus tardivement et progressivement apparaissent une asthénie secondaire à l'anémie, des troubles digestifs (anorexie, nausées, vomissements) liés à l'accumulation des déchets azotés, des troubles neuromusculaires (crampes, impatiences motrices), des anomalies osseuses (ostéomalacie, hyperparathyroïdie, douleurs, fractures).

Au stade ultime, l'insuffisance rénale peut se révéler par un accident cardiovasculaire (oedème pulmonaire aigu de surcharge, trouble du rythme lié aux désordres électrolytiques, péricardite) ou neurologique (coma urémique).

FACTEURS DE RISQUE

La connaissance de différentes situations à risque permet de dépister l'apparition d'une insuffisance rénale, grâce à une surveillance systématique.

-#gt; Anomalie rénale signée par une protéinurie et une hématurie : malformation de l'appareil urinaire, lithiase, infections urinaires hautes récidivantes, néphropathie connue, suites d'insuffisance rénale aiguë réversible.

-#gt; Age et sexe : la prévalence est deux fois supérieure chez l'homme jusqu'à l'âge de 75 ans et trois fois supérieure après 75 ans, mais l'incidence de l'insuffisance rénale chronique augmente avec l'âge dans les deux sexes.

-#gt; Circonstances pouvant favoriser la survenue d'une maladie rénale : antécédents familiaux de néphropathie, diabète, hypertension artérielle (une élévation de 20 mmHg de la pression artérielle diastolique double le risque d'élévation de la créatinine), maladie athéromateuse, maladie systémique avec atteinte rénale potentielle (sclérodermie, lupus, sarcoïdose...), insuffisance cardiaque, insuffisance hépatique, goutte, dysglobulinémie monoclonale, consommation prolongée ou régulière de médicaments potentiellement néphrotoxiques, traitement par aminosides ou chimiothérapie néphrotoxique (cisplatine), administration de produits de contraste iodés notamment chez les diabétiques.

ÉTIOLOGIES

Les néphropathies diabétiques et vasculaires deviennent les principales causes d'insuffisance rénale chronique terminale en France. Elles représentent plus de 40 % des nouveaux cas.

Les glomérulonéphrites chroniques primitives (20 % des cas), les néphropathies interstitielles chroniques (12 %) et les néphropathies héréditaires et congénitales (9 %) viennent ensuite.

Ces pathologies surviennent cependant rarement chez les jeunes sauf en cas de composantes héréditaires.

ÉVOLUTION ET STADES

L'insuffisance rénale chronique s'aggrave spontanément et sa progression s'accompagne d'une accumulation de complications. La vitesse de progression est exprimée en ml/min de DFG perdus par mois ou par an. La décroissance du DFG au cours d'une néphrite interstitielle chronique est de l'ordre de 2 ml/min par an ; elle peut atteindre 12 ml/min par an chez des patients atteints de néphropathie diabétique protéinurique dont la pression artérielle n'est pas bien équilibrée.

Cette évolution peut conduire le patient à passer par différents stades définis par la valeur du DFG.

Ces stades correspondent à des seuils où le risque de complications nécessite une surveillance et des traitements spécifiques.

Facteurs de progression « spontanée »

Les principaux facteurs de progression de l'IRC sont l'hypertension artérielle, la protéinurie et une consommation excessive de protéines.

-#gt; L'hypertension artérielle (HTA) fait partie du tableau clinique des néphropathies évoluées et son rôle dans la progression de l'IRC est clairement démontré. Les conséquences rénales de l'HTA sont aggravées par l'hyperglycémie. L'HTA contribue directement à accroître la protéinurie.

-#gt; Une consommation de protéines alimentaires supérieure à 1 g/kg/j accélère la progression de l'IRC. Cet apport protéique contribue à l'élévation des taux sanguins d'urée, à l'hyperphosphorémie et à l'acidose.

-#gt; La protéinurie contribue directement à la progression de l'IRC. Un passage glomérulaire excessif de protéines plasmatiques dans l'urine stimule les cellules de l'épithélium tubulaire et accélère la fibrose glomérulaire et interstitielle.

Facteurs surajoutés d'aggravation

Une cause potentiellement réversible doit être recherchée toutes les fois que survient une aggravation de l'IRC plus rapide que sa progression habituelle.

Les principales causes sont :

- la néphrotoxicité de certains antibiotiques, des produits de contraste iodés, des AINS. Une élévation importante de la créatinine peut survenir lors de l'abaissement rapide de la pression artérielle par un inhibiteur de l'enzyme de conversion ou un antagoniste des récepteurs à l'angiotensine II. Au-delà de 20 % de variation, il faut adapter la posologie ou rechercher une anomalie vasculaire ;

- les sténoses des artères rénales, d'origine athéromateuse ;

- les obstacles urinaires, surtout chez le sujet âgé.

COMPLICATIONS

Les plus fréquentes sont d'ordre cardiovasculaire.

Complications cardiovasculaires

Elles sont responsables de 50 % des décès.

-#gt; L'hypertension artérielle est d'autant plus fréquente que l'IRC est évoluée. Elle est le facteur de risque prédominant pour les complications cardiaques et vasculaires des dialysés. L'hypertrophie ventriculaire gauche, observée chez la majorité des patients en IRC terminale, est un facteur indépendant de décès des insuffisants rénaux chroniques débutant la dialyse. L'objectif du traitement antihypertenseur est d'atteindre des chiffres tensionnels inférieurs ou égaux à 130/80 mmHg, voire 125/75 mmHg chez les patients protéinuriques.

-#gt; L'athérome est le premier facteur de mortalité des patients en IRC traités par dialyse ou transplantation.

Complications ostéoarticulaires

Elles sont essentiellement représentées par l'ostéodystrophie rénale qui combine les effets du déficit de synthèse de la vitamine D active (ostéomalacie), de l'hyperparathyroïdie et de l'acidose métabolique. Les taux sanguins de parathormone s'élèvent très tôt au cours de l'IRC, dès que le DFG s'abaisse au-dessous de 80 ml/min. Les anomalies phosphocalciques contribuent à l'excès de risque vasculaire par le biais des calcifications vasculaires.

Anémie

Secondaire au déficit en érythropoïétine, elle est souvent aggravée par une carence en fer et/ou une tendance hémorragique. L'anémie est un facteur d'hypertrophie ventriculaire gauche et est associée à un risque accru d'insuffisance cardiaque et de mortalité. Elle peut être actuellement corrigée par l'érythropoïétine humaine recombinante, même chez les patients non dialysés.

Hépatites

Le risque d'infection chronique par les virus des hépatites B et C impose une vaccination contre l'hépatite B dès le diagnostic d'insuffisance rénale chronique.

Anomalies électrolytiques

Elles résultent de la réduction des capacités d'adaptation rénale aux variations quotidiennes des apports ou des pertes. Les capacités d'excrétion du sodium sont réduites précocement, la rétention de potassium est propre aux stades avancés de l'IRC. Une hyperkaliémie dangereuse peut survenir à la faveur d'une erreur diététique (apport de potassium, notamment sous forme de sels de régime), de prise médicamenteuse (diurétique épargneur de potassium, inhibiteur de l'enzyme de conversion...), d'une acidose ou d'un épisode catabolique aigu.

La surcharge hydrique n'est rencontrée qu'au stade terminal de l'IRC.

Une restriction hydrique peut provoquer une aggravation de l'IRC si elle entraîne une déshydratation. Au-dessous d'un DFG de 25 ml/min s'installe une acidose métabolique par accumulation d'acides inorganiques. Comme tous les déchets azotés, l'acide urique s'accumule chez les patients en IRC, ce qui peut déclencher des crises de goutte.

Malnutrition

Elle concerne en France 30 % des dialysés. Elle s'installe progressivement avant le début du traitement de suppléance, car la détérioration de la fonction rénale s'accompagne d'une diminution spontanée de l'apport alimentaire calorique et protidique. L'apparition d'une dénutrition doit être recherchée par des paramètres cliniques (poids, index de masse corporelle, masse et force musculaires) et biochimiques (surtout albumine plasmatique). L'aide d'une diététicienne est indispensable pour évaluer les apports nutritionnels, adapter la restriction protidique aux habitudes alimentaires, maintenir l'apport énergétique et assurer un suivi à long terme.

Par le Pr Maurice Laville, néphrologue

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter l'insuffisance rénale chronique ?

Corriger les conséquences de l'insuffisance rénale, protéger la fonction rénale résiduelle et retarder la survenue des complications sont les trois objectifs.

TRAITER LA CAUSE

-#gt; La prise en charge doit être précoce. La dégradation de la fonction rénale peut être ralentie ou même stoppée par la correction d'une uropathie obstructive, le traitement d'une maladie lithiasique, d'un diabète ou l'arrêt d'un médicament néphrotoxique...

-#gt; Les principales molécules néphrotoxiques sont :

- certains antibiotiques (aminosides, Colimycine) et antifongiques (amphotéricine B) ;

- certains médicaments anticancéreux (cisplatine, méthotrexate) ;

- le lithium ;

- les produits de contraste iodés dont l'utilisation reste possible sous certaines conditions ;

- les AINS (préférer les antalgiques comme le paracétamol et les corticoïdes) ;

- la ciclosporine.

RALENTIR LA PROGRESSION

Cela passe par des règles diététiques, l'utilisation de médicaments adaptés et le recours à des mesures complémentaires.

PRISE EN CHARGE D'UNE INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE

Les mesures diététiques

-#gt; Les apports sodés doivent être limités en cas d'hypertension artérielle, d'oedèmes ou d'insuffisance cardiaque. A l'inverse, la perte de sel peut être importante au cours de certaines néphropathies et une supplémentation est alors nécessaire. Les apports sont définis en fonction de la néphropathie causale, du stade de l'insuffisance rénale, du poids, de l'ionogramme sanguin et de la tension artérielle.

-#gt; Les apports protidiques sont diminués pour limiter la protéinurie dès que l'insuffisance rénale est sévère. Un apport calorique suffisant est cependant nécessaire pour éviter la dénutrition.

-#gt; Une restriction des apports alimentaires en potassium (légumes, fruits secs, chocolat, banane...) et en phosphore (protéines animales, parmesan, gruyère, germes de blé, pistache...) est souvent nécessaire pour prévenir l'hyperkaliémie et l'hyperparathyroïdisme secondaire.

Antihypertenseurs

La normalisation de la pression artérielle est un objectif majeur pour ralentir l'évolution de la maladie. Elle doit être, dans l'idéal, inférieure à 130/80 mmHg voire 125/75 chez les patients protéinuriques. Toutes les classes d'antihypertenseurs sont utilisables. Les associations sont fréquentes en privilégiant les doses efficaces les plus faibles pour limiter les effets indésirables.

-#gt; Les diurétiques de l'anse (furosémide, bumétanide) limitent l'inflation hydrosodée et restent efficaces sur la diurèse à un stade avancé de l'insuffisance rénale. Ils sont alors utilisés à fortes doses.

-#gt; Les diurétiques hyperkaliémiants (antialdostérones, amiloride, triamtérène) sont contre-indiqués chez l'insuffisant rénal.

-#gt; Les thiazidiques sont inefficaces à partir d'une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min.

-#gt; Certains IEC sont particulièrement indiqués car, en plus de leur action antihypertensive, ils possèdent un effet néphroprotecteur en ralentissant la progression de la néphropathie par diminution de la protéinurie. Une adaptation posologique en fonction du degré d'insuffisance rénale et un suivi de la créatininémie tous les deux à trois mois sont impératifs. Les principaux effets indésirables sont l'apparition d'une toux sèche, une hyperkaliémie et parfois une aggravation de l'anémie. L'association d'un IEC à un diurétique est fréquente et majore le risque d'insuffisance rénale aiguë par diminution de la filtration glomérulaire. La surveillance de la fonction rénale doit alors être renforcée.

-#gt; Les inhibiteurs des récepteurs de l'angiotensine II, parfois mieux tolérés, ont le même intérêt.

QUELS MÉDICAMENTS POUR QUELLES CONSÉQUENCES DE L'IRC ?

Erythropoïétine

-#gt; L'érythropoïétine humaine recombinante (époétine alfa, Eprex ; époétine bêta, NeoRecormon ; darbepoétine alfa, Aranesp) est une hormone glycoprotéique obtenue par génie génétique. L'EPO administrable par voie sous-cutanée ou intraveineuse stimule la formation des érythrocytes à partir des cellules-souches de la moelle osseuse. Avant de débuter le traitement, toute carence en fer, en vitamine B12 ou en acide folique doit être corrigée. Une cause extrarénale de l'anémie (carence martiale, hémolyse, hypersplénisme) doit également être éliminée.

-#gt; Le traitement comprend une phase correctrice, durant laquelle l'augmentation du taux d'hémoglobine doit être très progressive, et une phase d'entretien où l'objectif est de maintenir une hémoglobinémie stable (entre 10 et 13 g/dl). Une supplémentation en fer est souvent nécessaire en cours de traitement.

-#gt; Les principaux effets indésirables sont une hypertension artérielle dose-dépendante et un syndrome pseudo-grippal lors des premières injections. Les encéphalopathies hypertensives peuvent être prévenues en respectant l'augmentation progressive des doses. La surveillance du traitement est clinique (pression artérielle) et biologique (hématocrite, érythrocytes, taux d'hémoglobine, fer sérique).

-#gt; Ce traitement onéreux améliore le confort de vie des patients. La transfusion sanguine est un recours pour corriger l'anémie, uniquement si elle est mal supportée et/ou si l'hémoglobine est inférieure à 70 g/l. Pour l'instant, ces médicaments ne sont délivrés que par les pharmacies hospitalières et les services de dialyse à domicile.

Les correcteurs des troubles phosphocalciques

-#gt; Le carbonate de calcium (Eucalcic, Calcidia) permet d'augmenter la quantité de calcium absorbée au niveau de l'intestin grêle et de diminuer l'absorption intestinale du phosphore en le complexant sous forme de phosphate de calcium, éliminé dans les selles.

-#gt; Si d'autres spécialités à base de sels de calcium (carbonate ou autres) peuvent être utilisées sans indication spécifique dans la prévention et le traitement de l'ostéodystrophie rénale, la présence de phosphore dans Ostram contre-indique ce sel de calcium chez l'insuffisant rénal.

-#gt; Le sevelamer (Renagel) est un hypophosphorémiant qui chélate les phosphates dans le tube digestif. Il est indiqué chez l'hémodialysé à une posologie adaptée au taux de phosphates sériques. Ses effets indésirables sont essentiellement gastro-intestinaux (diarrhée, nausées, vomissements, dyspepsie, constipation, douleurs abdominales). La concentration sérique de phosphate doit être vérifiée toutes les 2 à 3 semaines jusqu'à ce que le taux se stabilise à une valeur inférieure ou égale à 1,94 mmol/l.

-#gt; Une supplémentation en dérivés hydroxylés actifs de la vitamine D (calcifédiol, calcitriol ou alfacalcidol) est nécessaire pour pallier l'insuffisance du rein.

Ces traitements imposent une surveillance de la phosphorémie et de la calcémie hebdomadaire en début de traitement, puis mensuelle. Il faut y ajouter une surveillance mensuelle de la créatininémie, de la magnésémie, des phosphatases alcalines et du calcium urinaire.

-#gt; Si l'hyperparathyroïdisme secondaire n'est plus contrôlable par un traitement médicamenteux, une parathyroïdectomie devient nécessaire.

QUELLES SONT LES PRINCIPALES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES ?

Correcteurs des troubles hydroélectrolytiques et métaboliques

-#gt; L'hyperkaliémie peut être corrigée par le polystyrène sulfonate de sodium (Kayexalate), une résine échangeuse d'ions qui piège le potassium au niveau intestinal. Des troubles digestifs mineurs, à type de constipation ou de nausées, peuvent survenir. Le régime alimentaire doit être adapté en limitant les aliments riches en potassium. En cas d'hyperkaliémie sévère (supérieure à 6,5 mmol/l), le recours à la dialyse en urgence est nécessaire.

-#gt; L'hyperuricémie, le plus souvent asymptomatique, ne nécessite aucun traitement. Les hypo-uricémiants se justifient quand le taux d'acide urique dépasse 600 micromoles/l. L'allopurinol est utilisé en adaptant la posologie au degré d'insuffisance rénale (100 à 300 mg/j).

-#gt; L'acidose métabolique se corrige en apportant du bicarbonate de sodium (2 à 4 g/j) sous forme de poudre, de gélules ou d'eau bicarbonatée (Vichy Célestinsâ Saint-Yorre).

L'apport d'ions sodium implique une surveillance de la tension artérielle. La solution buvable Alcaphor à base de trométamol et de citrates de sodium et de potassium n'est utilisée qu'en cas de régime désodé strict.

-#gt; La prescription d'acide folique à la posologie de 2 à 5 mg/24 h et de vitamine B6 (environ 250 mg/j) diminue l'hyperhomocystéinémie, facteur de risque de thrombose artérielle et veineuse.

Prévention des complications iatrogéniques

La prise de médicaments néphrotoxiques doit être évitée et la posologie des médicaments à élimination rénale adaptée à la valeur de la clairance de la créatinine. L'automédication est à proscrire.

Mesures complémentaires

-#gt; Toute dyslipidémie doit être prise en charge par des mesures hygiénodiététiques puis, en cas d'échec, par un traitement médicamenteux : statines en cas d'hypercholestérolémie ou fibrates à posologie adaptée en cas d'hypertriglycéridémie.

-#gt; Le contrôle de la glycémie doit être optimal chez le diabétique insulinodépendant ou non. La diminution de la consommation d'alcool, l'arrêt du tabac et une réduction pondérale en cas d'obésité sont nécessaires.

-#gt; La pratique d'une activité physique (marche, natation...) est recommandée.

-#gt; La vaccination contre l'hépatite B est à entreprendre le plus tôt possible.

TRAITEMENT DE SUPPLÉANCE

L'indication de débuter le traitement de suppléance dépend du débit de filtration glomérulaire (moins de 15 ml/min) et du condiv : mauvaise tolérance à l'urémie (anorexie, nausées, asthénie marquée, oedème pulmonaire, hypertension résistante). Le patient doit être informé le plus tôt possible des techniques disponibles.

La dialyse

Elle repose sur un échange entre le sang du malade et une solution de composition électrolytique voisine de celle du plasma (dialysat) au travers d'une membrane :

- semi-perméable naturelle (le péritoine) dans le cas de la dialyse péritonéale ;

- artificielle (membrane du dialyseur) dans le cas de l'hémodialyse.

Les critères de choix de la technique reposent sur plusieurs paramètres : état général, âge, conditions de vie, activités, motivation, pathologie associée.

Les objectifs sont de maintenir l'équilibre hydroélectrolytique, d'éliminer les toxines urémiques et de recharger l'organisme en tampons sanguins (bicarbonate ou acétate).

- La dialyse péritonéale

Indiquée chez le patient qui garde une bonne diurèse résiduelle, elle nécessite la mise en place d'un cathéter péritonéal. La membrane du péritoine, richement vascularisée, est la membrane d'échange.

-#gt; Dialyse péritonéale chronique ambulatoire

La cavité péritonéale est en permanence remplie de dialysat stérile renouvelé plusieurs fois par jour par le patient. Le dialysat reste en contact avec le péritoine 4 à 5 heures durant la journée et 8 à 12 heures durant la nuit.

-#gt; Dialyse nocturne ou dialyse péritonéale automatisée

L'utilisation d'un cycleur permet d'assurer l'épuration pendant le sommeil du patient. Le cathéter intrapéritonéal est connecté à plusieurs poches de dialysat reliées à la machine qui assure les remplissages et les vidanges de la cavité péritonéale.

- L'hémodialyse

Elle nécessite la mise en place d'un accès vasculaire avec réalisation d'une fistule artérioveineuse. Les séances durent 4 heures en moyenne, à raison de 3 par semaine. Des séances prolongées (6 à 8 heures) ou plus fréquentes (2 à 3 heures, six fois par semaine) reproduisent une épuration plus physiologique. Elle peuvent se réaliser dans un service hospitalier, dans une unité d'autodialyse ou à domicile. Les dialyses en urgence sont pratiquement toujours effectuées par hémodialyse.

La transplantation rénale

-#gt; La greffe peut se faire à partir d'un donneur décédé ou vivant.

-#gt; Un bilan médical complet est réalisé avant d'inscrire le patient sur la liste d'attente gérée par l'Etablissement français des greffes.

-#gt; Le suivi du patient greffé par le néphrologue permet de surveiller la fonction rénale, les effets du traitement immunosuppresseur et l'apparition d'éventuelles complications au long cours.

PERSPECTIVES

Aucun médicament ne restaure un fonctionnement normal du rein atteint de lésions chroniques. Les recherches s'orientent vers une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques des maladies rénales et vers la recherche de molécules « néphroprotectrices ».

Par Chrystelle Rey

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Il faut encourager le don de reins »

Quelle est la situation des greffes de rein en France ?

La France compte environ 18 000 transplantés rénaux. En 2001, 5 124 personnes attendaient une greffe. Parmi elles, 2 531 avaient été inscrites sur liste d'attente la même année. En 2002, 2 022 transplantations ont été effectuées. En région parisienne, le délai moyen d'attente est de 30 mois, mais certains malades doivent patienter jusqu'à 8 ans voire au-delà !

Comment faire face à la pénurie ?

Les prélèvements sur cadavres (95 % des cas), qui reposent sur le principe théorique du consentement présumé, ne sont en pratique jamais effectués sans l'accord de la famille qui, pour diverses raisons, refuse dans un cas sur trois. Il faut donc encourager le don d'organes, d'abord en communiquant largement auprès du public, en favorisant les prélèvements à partir de donneurs vivants. Ils ne représentent que 5 % des cas contre 50 % aux Etats-Unis. Pourtant on vit très bien avec un seul rein, mais en France, la loi est trop restrictive : seule la famille directe peut donner un organe (et éventuellement le conjoint en cas d'urgence). La révision de la loi de bioéthique de 1994 doit élargir cette possibilité à toute personne justifiant de deux ans de vie commune avec le futur transplanté, ainsi qu'aux neveux, nièces, oncles, tantes et petits-enfants.

Les espoirs futurs reposent sur les xénogreffes réalisées à partir de reins de porcs. La problématique repose sur la possibilité de transmission de virus animaux à l'homme. Incontestablement, la crise de la vache folle a freiné le développement de cette méthode. Le développement d'un rein à partir de cellules-souches a déjà été réalisé chez la souris. C'est également une piste.

Yvanie Caillé, Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux, interrogée par Laurent Lefort

CONSEILS AUX PATIENTS

Priorité au dépistage des maladies rénales

-#gt; Contrôler régulièrement la tension artérielle et la créatininémie. -#gt; Utiliser des bandelettes urinaires pour déceler une protéinurie, une hématurie microscopique, une infection urinaire.

-#gt; Une prise en charge précoce permet de différer la dialyse ou la transplantation.

Vaccination préventive contre l'hépatite B

-#gt; La diminution de la réponse immunitaire au cours de l'évolution de la maladie fait initier précocement un schéma vaccinal spécifique.

-#gt; Quatre injections sont réalisées par voie intramusculaire.

Le contrôle du taux sérique d'anticorps anti-HBs est effectué six semaines environ après la dernière injection.

-#gt; Un premier rappel est nécessaire au douzième mois. Les injections suivantes ont lieu tous les deux à quatre ans.

Limiter les transfusions sanguines

Les transfusions sont à éviter chez l'insuffisant rénal chronique et le dialysé car l'apparition d'anticorps anti-HLA peut compromettre une éventuelle transplantation rénale.

Préserver les voies d'abord de dialyse

-#gt; L'autosurveillance tensionnelle ne doit jamais se faire au bras porteur de la fistule artérioveineuse.

Surveiller les complications

-#gt; Sténose, thrombose et infection de la fistule artérioveineuse sont des complications potentielles à connaître chez l'hémodialysé.

-#gt; Une infection de la cavité péritonéale et une distension de l'abdomen avec hernie sont possibles en dialyse péritonéale.

Conseils diététiques

L'équilibre nutritionnel est indispensable chez l'insuffisant rénal chronique qui doit préserver sa fonction rénale et chez le dialysé pour éviter la dénutrition. L'aggravation de l'insuffisance rénale peut entraîner un dégoût pour la nourriture : fractionner les repas, en autorisant en quantité raisonnable les aliments que le patient affectionne particulièrement.

- Protides

Si l'insuffisance rénale débute, une restriction protidique stricte n'est pas nécessaire. Consommer de la viande, du poisson ou des oeufs une fois par jour pour assurer un apport d'environ 1 g/kg/j. A terme, l'apport peut être diminué à 0,7 à 0,8 g/kg/j en privilégiant les protéines d'origine animale, riches en minéraux.

- Glucides

Une ration plus importante en glucides complexes d'absorption lente (riz, pâtes, biscottes, pain) est recommandée. La ration de glucides simples d'absorption rapide (miel, confitures, pâtisseries) est normale (mais diminuée chez le diabétique).

- Lipides

Les huiles végétales riches en acides gras mono-insaturés (arachide, olive) et polyinsaturés (tournesol, maïs, noix) sont préférées aux acides gras saturés (beurre, lard) en raison de leur effet dans la prévention des complications cardiovasculaires.

- Eau

Boire normalement en surveillant le volume quotidien de boissons (1,5 à 2 litres par jour) ; sauf cas particulier ou les apports hydriques seront augmentés ou diminués sur décision médicale.

- Sels minéraux

-#gt; Eviter le chocolat, les légumes et les fruits secs, les pistaches, certains fruits riches en potassium (banane). -#gt; Conseiller aux patients de faire cuire les légumes dans deux eaux de cuisson consécutives et en jetant à mi-cuisson la première eau.

-#gt; Réduire l'apport en sel à 4 g par jour en supprimant le sel de cuisson et en diminuant la consommation d'aliments salés (crustacés, fromages, charcuteries, plats cuisinés, conserves...). En présence d'oedèmes, d'une hypertension artérielle sévère ou d'une insuffisance cardiaque, cet apport est réduit à 2 g par jour.

-#gt; Faire cuire les aliments avec un bouquet garni, rajouter du poivre ou des épices.

Produits de contraste

Les produits de contraste iodés entraînent simultanément des modifications du débit sanguin rénal et des effets toxiques sur le rein. Leur utilisation pour la réalisation d'un scanner, d'une urographie intraveineuse ou d'une artériographie est possible avec précautions :

-#gt; à la dose la plus faible possible ;

-#gt; interrompre la prise de diurétiques, d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion, d'antagonistes de l'angiotensine II et de metformine ;

-#gt; assurer une large hydratation avant et après l'examen, en augmentant la ration hydrique quotidienne, y compris par perfusion de sérum physiologique ;

-#gt; surveiller la fonction rénale pendant les 48 heures suivant l'examen.

Par Chrystelle Rey

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

FNAIR (Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux)

31, rue des Frères-Lion, 31000 Toulouse (http://www.fnair.asso.fr) - tél. : 05 61 62 54 62 - e-mail : fnair@wanadoo.fr

L'association aide, informe et réunit les insuffisants rénaux, les dialysés et les transplantés rénaux. Elle vise également à susciter la recherche dans la prévention et le traitement de l'insuffisance rénale chronique, de la dialyse et de la transplantation. Une autre de ses missions consiste à défendre les droits des patients et à faciliter leur vie quotidienne. On peut télécharger sur le site le dépliant « Comment lutter contre l'insuffisance rénale chronique ? ».

Société de néphrologie

Centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite Cedex - http://www.soc-nephrologie.org

Cette association a essentiellement pour but de promouvoir la recherche et l'enseignement dans tous les domaines de la néphrologie. Sur son site, des informations destinées aux patients sont disponibles. On retiendra plus particulièrement le livret « Vivre avec une maladie des reins » et la brochure « La fourchette gourmande » qui est un guide diététique destiné à aider les insuffisants rénaux, les hémodialysés, les patients avec dialyse péritonéale et les transplantés.

LIVRES

Recommandations pour la pratique clinique.

Diagnostic de l'insuffisance rénale chronique chez l'adulte

ANAES, service Communication, 2, avenue du Stade-de-France,

93218 Saint-Denis-la-Plaine Cedex - tél. : 01 55 93 70 00 -

http://www.anaes.fr

Publiées en septembre 2002 par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), ces recommandations ont été réalisées à la demande du Collège universitaire des enseignants en néphrologie. Elles ont pour but de concourir à la prise en charge précoce des patients ayant une insuffisance rénale chronique non terminale. Elles précisent les méthodes d'évaluation de la fonction rénale, définissent une classification de la sévérité de l'atteinte rénale et dictent la conduite à tenir lors de la découverte d'une insuffisance rénale.

Formule de Cockcroft et Gault

- Avec la créatininémie en mg/l

-#gt; Chez l'homme

DFG (ml/min) = [(140-âge) x poids/7,2] x créatininémie en mg/l.

-#gt; Chez la femme

DFG (ml/min) = [(140-âge) x poids/7,2] x créatininémie en mg/l x 0,85.

- Avec la créatininémie en µmol/l

DFG (ml/min) = [(140-âge) x poids/créatininémie en µmol/l] x k.

Avec k = 1,23 pour les hommes, 1,04 pour les femmes ; poids en kg ; âge en années.

Contre-indications absolues chez l'adulte

- Inhibiteurs de l'enzyme de conversion : grossesse (à partir du 2e trimestre).

- Antagonistes de l'angiotensine II : grossesse (à partir du 2e trimestre).

- Polystyrène de sodium : kaliémie inférieure à 5 mEq/l, pathologie intestinale obstructive (voie orale).

- Carbonate de calcium : hypercalcémie, hypercalciurie (Calcidia), hyperphosphorémie initiale supérieure à 65 mg/l (#gt; 2,2 mmol/l), lithiase calcique et calcifications tissulaires, immobilisation prolongée s'accompagnant d'hypercalciurie et/ou d'hypercalcémie.

- Trométamol, citrates de sodium et de potassium : anurie et insuffisance rénale grave, alcalose, diarrhées, troubles du transit des gastrectomisés et des colectomisés.

- Sevelamer : hypophosphatémie, occlusion intestinale.

- Dérivés actifs de la vitamine D : hypercalcémie, hypercalciurie (Dédrogyl), lithiase calcique (sauf Un-Alfa), hyperphosphorémie (Un-Alfa), hyperparathyroïdisme primaire (Rocaltrol), immobilisation prolongée (pour les fortes doses).

- Erythropoïétine : grossesse (innocuité non établie), HTA non contrôlée, antécédents récents d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral, angor instable, érythroblastopénie.

- Allopurinol : allaitement.

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