Rentables pour qui les DU ?

Emploi du temps surchargé, 35 heures, formations étalées sur plusieurs semaines voire plusieurs mois, déficit de salariés, nomadisme des adjoints, tout concourt à parsemer d'embûches le chemin de la formation continue. Difficile dans ces conditions d'accepter pour le titulaire qu'un de ses salariés soit, au mieux, absent plusieurs lundis de suite. Les pharmaciens adjoints désireux de suivre un DU doivent donc faire preuve de persuasion. D'autant plus que les formations prises en charge par l'OPCA-PL sont normalement effectuées durant le temps de travail.

Un investissement.

Pourtant certains salariés motivés et des employeurs compréhensifs arrivent à trouver un terrain d'entente. Chacun y voyant le bénéfice qu'il peut en tirer. Telle Christelle Fraisse, adjointe en Seine-et-Marne : « Etudiante en 6e année, je suis arrivée en mai 2000 dans l'officine pour laquelle je travaille actuellement. Quelques mois plus tard j'ai été embauchée au poste d'adjointe, suite au départ d'un pharmacien. Dès la négociation de mon contrat de travail j'ai obtenu la possibilité de suivre la formation d'orthopédie dispensée à Paris-V. Pour toutes les formations annexes qui ont complété, dans une démarche logique, ce que j'avais appris au DU, j'ai toujours bénéficié de l'accord de mon titulaire. »

Il est clair qu'il s'agit d'un investissement. Il faut qu'en amont il y ait eu une réflexion commune sur le bien-fondé du diplôme envisagé et, une fois celui-ci obtenu, une volonté et une capacité à le valoriser. Côté titulaire, que va apporter la formation que va suivre l'adjoint, et comment vont-ils, ensemble, mettre à profit ce qu'il aura appris ?

La meilleure façon de déléguer.

A titre d'exemple, Christian Gerbaud, qui fait partie de ces officinaux qui aiment déléguer, recherche du personnel qualifié et adapté à ses besoins. Ce titulaire nîmois se définit lui-même comme « un maire à la tête d'un conseil municipal constitué de huit adjoints ». Il accorde donc énormément d'importance à la communication interne, à la formation de son équipe autant qu'à l'autonomie qu'elle procure. Ainsi plusieurs de ses collaborateurs présentent dans leur CV des compétences dans des domaines aussi variés que l'homéopathie, l'orthopédie, la biologie ou encore la biochimie, l'immunologie et la bactériologie. Une règle d'or : mettre au profit de l'équipe les compétences de chacun.

En pratique, les adjoints sont responsables d'au moins un rayon chacun. De véritables gestionnaires qui allient connaissances scientifiques et réalité socio-économique. Dotée d'un DU, la pharmacienne en charge de l'homéopathie gère le rayon comme une minientreprise. Réception et passage des commandes, entrevues avec les commerciaux, formation des préparateurs..., rien ne lui échappe. « Mais attention, être diplômé ne suffit pas à revendiquer un quelconque avantage sur les autres adjoints !, rappelle Christian Gerbaud. Je préfère des personnes pleines de qualités humaines plutôt que bardées de DU mais inaptes à les mettre en pratique. »

Un « plus » financier non quantifiable.

Nous touchons là l'autre interrogation des adjoints : mon salaire va-t-il augmenter suite à l'obtention de mon DU ? La convention collective précise que si des titres ou des compétences permettent l'exercice effectif d'une activité complémentaire spécialisée, le pharmacien adjoint doit obligatoirement être classé B (correspondant au coefficient... 500). Une nouvelle fois il s'agit donc de négocier en interne, au cas par cas. Entreprise délicate, tous les DU n'ayant pas une répercussion immédiate sur le chiffre d'affaires de l'officine, hormis ceux comme l'orthopédie ou le matériel médical qui permettent la vente de produits spécifiques et dont les effets financiers sont facilement quantifiables.

Premier argument, à moyen terme, il faut avoir en tête que les DU revalorisent et fidélisent la clientèle, qui détecte rapidement la spécificité et l'opportunité des conseils homéopathiques, vétérinaires, gériatriques... Second argument, en période où l'on parle de pénurie de personnel, il est évident qu'une façon de retenir son adjoint, a fortiori titulaire d'une formation supplémentaire, est de le responsabiliser. Mais cela passe aussi sans aucun doute par une réévaluation financière.

Dans les cabinets spécialisés de recrutement, le fait de détenir un ou plusieurs DU peut parfois être synonyme d'un « plus » rémunérateur. « Les DU les plus souvent souhaités par les titulaires sont ceux d'orthopédie, de phytothérapie, d'homéopathie et de MAD, précise Sylvie Grémaud, du cabinet Pharmemploi. Mais chaque cas est unique. Nous prenons en compte les diplômes que possède un candidat, mais ce n'est pas l'essentiel. Il faut que son profil corresponde à ce que nous recherchons. »

Un DU n'équivaut donc pas automatiquement à une plus-value salariale. Il est impossible de généraliser l'impact d'une formation universitaire sur des revenus, il n'y a pas de règle. Et de certifier que le DU d'orthopédie est plus rentable que celui de médication familiale. Tout dépend encore une fois du condiv et des nécessités de l'officine qui recrute.

Enfin, dans le domaine de l'intérim, les assistants ne peuvent apparemment espérer une énorme majoration salariale du fait de la détention d'une ou plusieurs formations complémentaires (voir interview ci-dessus), quels qu'ils soient. Jean-Louis Baracassa, de Pharmintérim, et Axelle Aldeguer, de Quick Médical Service, précisent cependant que les formations complémentaires sont évidemment prises en compte lors de la négociation de la rémunération. Rappelons que le salaire d'un intérimaire est fixé, grosso modo, par rapport à un taux horaire multiplié par le nombre d'heures effectuées dans le mois. S'il désire obtenir une revalorisation en rapport avec ses diplômes, c'est au niveau de ce taux qu'il lui faudra négocier. « Mais il s'agira, au mieux, d'une hausse de quelques dizaines de points sur la grille des coefficients », reconnaît Axelle Aldeguer.