A bout de course - Le Moniteur des Pharmacies n° 2485 du 12/04/2003 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2485 du 12/04/2003
 

Actualité

Enquête

Ces dernières années, le portage des médicaments à domicile a fait couler beaucoup d'encre. Qu'en est-il aujourd'hui ? Les sociétés de portage sont-elles toujours actives ? Les pharmaciens se sont-ils organisés pour contrer l'apparition de telles sociétés ? Enquête.

Rappelez-vous : il y a quelques années, les sociétés de portage des médicaments à domicile fleurissaient partout en France. Avidement lancées sur ce créneau promis à un bel avenir, elles déclaraient répondre à la demande existante, celle des personnes malades, handicapées, âgées ou encore de tous ceux ne voulant tout simplement pas se déplacer. Las ! En peu de temps, ces sociétés ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. Aujourd'hui, la plupart ont même disparu.

Assistance Pharma Presto, elle, a réussi à subsister. Elle se présente aujourd'hui comme un prestataire de services et de transports sécurisés et spécialisés au service des administrations, du service médical, des entreprises et des particuliers. Son site Internet (simplement informatif, pas d'inscription possible ni de livraison par ce biais) donne le ton : « Première société européenne à réaliser le portage de médicaments à domicile en urgence 24 heures sur 24, première société européenne de transports spécialisée dans les produits sanguins et examens de laboratoire à mettre en place ce type particulier de prestation répondant aux normes exigées de sécurité et de traçabilité par la réglementation ».

Concernant le portage proprement dit, Assistance Pharma Presto annonce « livrer les médicaments à domicile pour les particuliers avec le plus strict respect des règles déontologiques des instances professionnelles pharmaceutiques : libre choix par le patient de sa pharmacie et application du secret du médicament et du secret médical ». Le fonctionnement est simple : « un agent vient à domicile prendre l'ordonnance que vient de prescrire le médecin, va chez le pharmacien du client chercher les médicaments, puis les livre à domicile le plus rapidement possible à moto ou au volant d'un véhicule marqué Assistance Pharma Presto. Durée de la course : dix à vingt minutes », explique l'un des employés. Qui précise qu'une fiche de liaison (renseignements sur les traitements habituels, conseils du pharmacien) strictement confidentielle, cachetée avec l'ordonnance, est remise au pharmacien qui la retourne avec les médicaments, complétée, si nécessaire, dans un paquet clos et scellé.

Qui sont principalement les clients ? Quelle est la part du portage aux particuliers dans l'activité de la société ? Le directeur ne souhaite pas répondre aux questions du Moniteur. Tout juste lâche-t-il que « la société a dix ans d'existence, emploie une quinzaine d'agents, est actuellement la seule société de portage en activité et bénéficie d'un excellent accueil auprès des pharmaciens ».

Des prestations trop coûteuses.

Seule ombre au tableau de cet idyllique portrait, le coût de la prestation. Sur Paris, depuis le domicile, cela revient à 39 euros en journée (du lundi au vendredi, de 8 h à 18 h) et 54 euros la nuit ! Pour les autres départements de la région parisienne (Assistance Pharma Presto ne dessert pas la province), les tarifs sont de 54 euros en journée et de 69 euros la nuit.

Avec de tels prix, il paraît clair que le service de portage aux particuliers doit représenter une goutte d'eau face au transport et à la livraison ciblant les hôpitaux, les administrations et les entreprises, une activité sans aucun doute plus lucrative. A signaler : Assistance Pharma Presto a Europe Assistance comme client. Lorsque le contrat inclut l'assistance à domicile, Europe Assistance assure la livraison des médicaments : « On envoie un coursier au domicile - la course est à notre charge - et le malade paie uniquement ses médicaments. » D'autres sociétés d'assistance telle Axa Assistance proposent également du portage à domicile.

Des professionnels discrets.

Quid de Vital'Portage, qui montrait il y a encore cinq à six ans une belle forme en regroupant quelque 300 franchisés, ambulanciers en majorité, et déclarait couvrir environ 80 départements ? Disparue corps et biens, ou presque puisque seuls quelques ex-franchisés continuent pour leur propre compte. L'un d'entre eux est basé à Oignies, dans le Pas-de-Calais, et étend son activité sur trois ou quatre communes du secteur. Lorsqu'on interroge cet ambulancier, il nous explique que « la livraison s'effectue dans la journée en respectant le choix du client quant à son pharmacien, avec un coût de prestation correspondant à un forfait, variable selon la ville ». On n'en saura pas plus.

Les « porteurs » de médicaments semblent s'être donné le mot : ne pas trop faire parler d'eux. Pour quelles raisons ? La loi paraissant respectée, peut-être ne souhaitent-ils tout simplement pas raviver de vieilles querelles, notamment avec les pharmaciens !

Alors pourquoi une telle hécatombe parmi les dizaines de petites entreprises qui s'étaient lancées sur ce créneau ? D'abord parce que, même si la demande existe, les malades ne sont pas prêts à payer quelques dizaines d'euros pour un service que le pharmacien propose, lui, gratuitement. Un service qui peut s'avérer encore plus coûteux en cas de problèmes techniques, de médecin non joignable, de produit manquant... puisqu'il nécessitera alors une nouvelle course.

Il ne faut pas non plus oublier qu'en France la distribution géographique des officines fait que, la plupart du temps, peu de kilomètres séparent les habitants d'une pharmacie. « Une activité privée de portage s'était mise en place dans la Nièvre mais ça n'a pas marché. Il faut insister sur le fait qu'en France les pharmaciens sont répartis sur le territoire de manière homogène, contrairement à d'autres pays où la densité est moindre et où le portage par des sociétés privées a plus de chance de se développer. Ce service de proximité peut inclure le portage à domicile, dans le respect du Code de la santé publique. Ce qui est important, c'est qu'on soit près de notre population », souligne Isabelle Adenot, présidente du conseil de l'ordre des pharmaciens de la région Bourgogne.

Solidarité en province.

Et puis l'entraide, notamment en province, fonctionne plutôt bien. Car, outre son pharmacien, le malade peut compter la plupart du temps sur un membre de sa famille, son voisin, le facteur, la mairie, les centres sociaux (avec une prise en charge par le département)... Et quand les malades habitent des villages reculés, « le portage peut se faire par l'intermédiaire des cars », précise Jean Rolland, vice-président du conseil de l'Ordre de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse. « Il n'y a jamais eu de problème, sauf peut-être une fois, où le car est arrivé en retard... Cela fait partie des impondérables. »

Selon Henri Lepage, président du conseil de l'ordre des pharmaciens de la région Centre et vice-président du conseil central A, « il y a une valeur morale qui s'inscrit dans le portage des médicaments par le biais de l'entraide familiale et sociale qui existe autour des personnes âgées, des malades en difficulté. Le fait que des entreprises commerciales puissent susciter des habitudes de livraison à domicile pour ceux qui peuvent payer va à l'encontre de cette entraide. Que se passe-t-il quand ces personnes ne peuvent plus payer ? ».

Le mandataire, la personne à qui le patient confie le mandat de retirer ses médicaments, a donc un rôle d'importance, tant pour le malade que pour le pharmacien. « C'est à celui-ci que le pharmacien est confronté lorsqu'il délivre les médicaments. Dans le cadre du cahier des charges de l'opinion pharmaceutique, on introduit cette notion de mandataire : le pharmacien doit savoir à qui il a donné les médicaments, à qui il a transféré l'information ; il doit pouvoir apprécier la relation familiale, affective ou sociale qui existe avec le malade. Par opposition, dans l'acte de dispensation à domicile, il existe un dialogue direct entre le patient et le pharmacien, un questionnement, des explications qui ne peuvent être communiquées qu'au malade », tient à signaler Henri Lepage.

« De plus, il y a le système mis en place pour le maintien à domicile, qui est en train de se structurer en réseaux dans lesquels s'intègrent les pharmaciens. Ces réseaux sont coordonnés et organisés au sein des cantons par les centres locaux d'information et de coordination. Le pharmacien intervient dans la mise en place du maintien à domicile du patient et cela va prendre un poids de plus en plus important. Dans ce cadre on peut parler de dispensation à domicile, avec un suivi thérapeutique en coordination avec les autres professionnels de santé, et non plus de distribution de médicaments », poursuit Isabelle Adenot qui appartient à un tel réseau, assurant ainsi la livraison de matériel médical et la dispensation des médicaments au domicile.

Toutefois, hormis dans le cadre de ces réseaux qui se mettent peu à peu en place, il ne semble pas que les pharmaciens aient changé fondamentalement leurs habitudes en matière de portage. Mis à part quelques récentes affaires de tournées organisées, rapidement stoppées... Selon Bernard Champanet, pharmacien à Albi et président du Syndicat des pharmaciens du Tarn, « pour la plupart des pharmaciens, le portage est une pratique ponctuelle et cela doit rester ainsi. Il ne faut pas tomber dans la généralisation, qui peut alors soulever le délicat problème de la sollicitation de clientèle et de la collaboration pharmacien-médecin, avec des dérives à redouter ».

Il semble donc que les demandes et les besoins des malades soient aujourd'hui à peu près couverts par le service de proximité du pharmacien et l'entraide familiale et sociale. Et ils le seront encore mieux demain grâce aux réseaux de maintien à domicile. Les sociétés privées de portage - telles qu'elles existaient ou existent encore - n'auraient, pour le moment, guère d'avenir en France.

Salon-de-Provence : Un modèle porteur d'avenir

Ici, tout le monde l'appelle Bernard. Tous les jours de la semaine, au volant de sa Saxo, il sillonne les rues pour apporter les médicaments à ceux qui ne peuvent pas se déplacer : une maman dont l'enfant est malade, une mamy calfeutrée chez elle l'hiver, des personnes avec une jambe cassée ou une mobilité réduite. Une quinzaine de fois par jour, à l'exception du samedi et des vacances, Bernard Desbourdes fait figure de sauveur quand il sonne à la porte des patients. « Certains sont de vrais habitués. Ils m'attendent avec des jus de fruits, un café et des petits gâteaux, et il m'est difficile de refuser, au risque de leur faire de la peine. »

Création d'emplois.

Service social à lui tout seul, Bernard est salarié à plein temps du GIE Pharmaportage depuis trois ans. Ce service de portage gratuit de médicaments à domicile a été créé, sous forme associative, il y a huit ans par Michel Jourdan, titulaire à Salon-de-Provence. « Quand la libéralisation du portage s'est mise en place, j'ai pensé que c'était une bonne occasion de nous rassembler sous une même bannière et de faire quelque chose ensemble plutôt que chacun dans son coin en nous tirant dans les pattes. Mais c'est du social pur et simple. Quand on est pharmacien, on est attaché à une certaine éthique et il n'est pas question de laisser les gens se débrouiller eux-mêmes. »

Sur les quatorze pharmacies de la ville, douze ont adhéré à une association qui, il y a trois ans, s'est transformée en GIE. L'emploi-jeune à mi-temps des débuts s'est transformé en un emploi à plein temps et Pharmaportage a ajouté depuis à sa palette la livraison des commandes groupées, le ramassage de déchets médicaux et la prise en charge de la livraison des produits homéopathiques Dolisos.

Le GIE a également passé un accord avec la maison de retraite municipale pour la livraison de médicaments en urgence. Dans ce cas, le livreur s'approvisionne chez le pharmacien de garde car il n'est pas question de favoriser qui que ce soit. Cette « équité entre tous » est un élément auquel Michel Jourdan tient particulièrement.

Pharmaportage, qui ne reçoit aucune subvention, revient à environ 150 euros par mois à chaque pharmacien. Pour Michel Jourdan, ce n'est pas un problème : « Si nous faisions nous-mêmes le portage, ce qui nous arrive pendant les congés de Bernard, cela nous coûterait autant, compte tenu du coût horaire d'un pharmacien ou d'un préparateur. Et puis, quelle tranquillité d'esprit. » -

Dominique Fonsèque-Nathan

Nord-Pas-de-Calais : Mes concurrents sont chômeurs...

Vivre du portage de médicaments, c'est presque une « vraie fausse bonne idée » ! Dans le Nord-Pas-de-Calais, les candidats n'ont certes pas manqué au milieu des années 90 à Lille, Arras... Certains ont même un temps adopté l'enseigne Vital'Portage, une franchise qui ne « répond » plus aujourd'hui. « Pourquoi ai-je tenu ?, s'interroge Jean-Louis Coupé, fondateur de Médica-Lens, qui s'est lancé en 1994. Ma spécificité, c'est ma clientèle, à 98 % des ayants droit du régime minier, obligés de se fournir auprès de la Société de secours minière, pas toute proche. Ce sont des personnes âgées de 80 à 90 ans et parfois des mamans coincées par la maladie de leurs enfants. » Ce service, qui coûte 13 euros (dont 19,6 % de TVA), est sans doute plus rentable que de faire appel à une aide ménagère à qui il faudra deux heures pour être servie avec un ticket de passage numéroté. « Mon offre doit leur convenir car souvent elles me confient la gestion des renouvellements. » Jean-Louis Coupé comptabilise de deux à dix sollicitations par jour. A cette activité de portage, il faut ajouter celle de transport autorisée par la municipalité il y a sept ans.

« Faiblesse » de cette organisation, les décès qui frappent sa clientèle : 17 % des ayants droit par an... Ce qui a amené Jean-Louis Coupé à engager une action de promotion dans les villes de la périphérie de Lens. « Je vis de cette activité, mais sans plus. Mes concurrents sont des chômeurs qui servent leur quartier, mais sans être organisés. Jusqu'au jour où il y aura un problème. Le portage proposé par une microentreprise comme la mienne, c'est viable, car il y aura toujours des personnes âgées. »

Il existe une autre structure, basée à Berlaimont, dans l'Avesnois. Squad, c'est son nom, assure depuis 1999 le portage moyennant 6,10 Euro(s)HT avec TVA à 5,5 %, mais « ce n'est qu'un service très accessoire et complémentaire à nos activités "prestations toutes mains", livraisons de course, repassage, explique Eric Bayart. Le portage de médicaments nous est essentiellement demandé l'hiver, avec une cinquantaine de livraisons entre novembre et février, à 80 % pour des personnes âgées et 20 % pour des personnes non mobiles. » A Oignies, c'est un ambulancier qui assure ce service dans la continuité de Vital'Portage, à raison de quatre ordonnances par jour en moyenne.

Des délais longs.

D'autres formules de portage existent aussi comme à Noeux-les-Mines, où le centre communal d'action sociale s'est associé à La Poste pour une formule originale, explique son responsable M. Deteve. Le service est gratuit pour les personnes âgées de plus de 60 ans qui ont droit à un badge, certificat médical à l'appui. Les ordonnances sont mises sous enveloppe, timbrées à 0,46 Euro(s)et postées avec le badge accroché au pli. Le facteur les dépose chez le pharmacien indiqué sur l'enveloppe (régime minier ou indépendant) et le CCAS assure la livraison vers 15 h après appel téléphonique dans les officines. Seul bémol : « Nous ne faisons pas dans l'urgence, il faut compter un délai de 24 à 48 h. »

A Liévin, le comité de coordination des personnes âgées propose de prendre en charge la livraison de médicaments moyennant 2 Euro(s)et dessert aussi bien les logements particuliers que les foyers logements.

La lecture des Pages jaunes du Nord, rubrique « Portage de médicaments à domicile », réserve aussi une surprise : la pharmacie Antoine Petit à Beauvois-en-Cambrésis y est inscrite. « C'est un service que je fais à la demande uniquement de mes clients, explique Antoine Petit, qui peut confier son officine à son épouse pharmacienne. Jamais personne d'autre ne m'a contacté. Il est bien sûr gratuit et attendu à la campagne où beaucoup de personnes n'en peuvent plus de se déplacer. Et puis tout le monde le fait. » - J.-L.D.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !