L'anthroposophie fait-elle les malheurs de Weleda ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2465 du 16/11/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2465 du 16/11/2002
 

Actualité

Enquête

Le rapport Guyard publié en juin 1999 sur les sectes et l'argent classe la Société anthroposophique comme une secte. Il distingue pour la France trois pôles constituant cette mouvance : un pôle pédagogique avec les Ecoles Steiner, un pôle financier avec la Nouvelle économie fraternelle, et un pôle santé reposant sur un réseau de praticiens et sur les laboratoires Weleda.

Si, contrairement au rapport Guyard, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) ne considère pas expressément l'anthroposophie comme une secte, elle explique que le mouvement n'en est pas moins « sous surveillance ».

L'anthroposophie est née avec Rudolf Steiner (1861-1925), en 1913, lorsqu'il crée un mouvement de pensée sous le nom de Société anthroposophique. Inventant sa propre philosophie, il met au point une médecine, une pédagogie, une agriculture, une sociologie et même une histoire des civilisations. C'est à Dornach, dans un petit village de la Suisse alémanique, que se dresse aujourd'hui le Goetheanum, le siège de la Société anthroposophique. Elle aurait des représentations dans quarante-cinq pays environ, regroupant une galaxie de structures ou associations qui suivent l'enseignement de son fondateur Rudolf Steiner.

La France compte une dizaine d'Ecoles Steiner (650 dans le monde) et la Nouvelle économie fraternelle (NEF), fondée en 1968, se présente comme une société financière coopérative qui, même si elle n'en a pas le statut, se veut la « banque du monde alternatif », proche de l'économie solidaire. Elle pèserait plus 6 millions d'euros. Quant à la « branche santé », elle est représentée par un réseau d'environ 300 médecins anthroposophes, dûment inscrit à l'Ordre, et les laboratoires Weleda, qui emploient 208 salariés pour 21 598 000 euros de chiffre d'affaires (1 100 salariés dans dix-sept pays pour un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros) qui produisent les « remèdes anthroposophiques ».

Des « métaux végétalisés ». « Tous nos produits sont préparés conformément à la Pharmacopée et respectent la réglementation, explique Marc Follmer, directeur général de Weleda. Nous n'avons aucun lien avec un mouvement sectaire. Je précise que la médecine anthroposophique est reconnue en Allemagne et en Suisse. »

En France, jusqu'à présent, l'anthroposophie n'est pas une technique médicale reconnue et elle n'a fait l'objet d'aucune évaluation validée scientifiquement. « La médecine anthroposophique est un élargissement de la médecine classique par une vision plus élargie de l'être humain et des médicaments, détaille Jean Chazarenc, médecin responsable des laboratoires Weleda. Elle est fondée sur le principe de similitude et d'analogie entre un processus pathologique et sa contre-image dans la nature. Prenez la chélidoine. Lorsqu'on la casse en deux, un liquide jaunâtre s'écoule qui ressemble à la bile. Nous pouvons donc en tirer un médicament pour améliorer la fonction biliaire. »

Les procédés de fabrication pharmaceutique reprennent pour partie les méthodes de dilutions homéopathiques. Les plantes sont largement utilisées, même s'il ne s'agit pas de phytothérapie. La médecine anthroposophique a également recours à des remèdes tirés du monde minéral et à des « métaux végétalisés », issus d'une agriculture « biodynamique ». Le principe est de faire croître une plante sur une terre qui a reçu une dilution d'un métal pour qu'elle s'en imprègne.

Si on ne peut incriminer les produits Weleda, on peut, en revanche, se poser quelques questions sur les objectifs de la médecine anthroposophique. D'abord, à la lecture du site Internet de la maison mère de Weleda, en Suisse, qui indique que, « sur le plan thérapeutique, selon le type et la gravité de la maladie, l'âge et l'état des forces du patient, le médecin d'orientation anthroposophique utilise de préférence des préparations naturelles pour stimuler les forces d'autoguérison de l'organisme mais également, si nécessaire, des médicaments allopathiques habituels ». Ainsi le « remède anthroposophique » serait supérieur à la médecine allopathique qui ne sera utilisée qu'en seconde intention. « C'est parfaitement choquant, s'exclame Daniel Grunwald, représentant de l'ordre national des médecins au sein de la MILS. C'est l'exemple parfait d'une publicité anormale pour des pratiques médicales ou des médecines non éprouvées et non conventionnelles. Nous n'avons pas jusqu'ici connaissance de pratiques médicales douteuses sous-tendues par une conception anthroposophique. Mais dois-je rappeler qu'un médecin doit soigner son patient selon les règles de l'art et les avancées de la science, et ne doit prescrire que des médicaments conformes aux données actuelles de la science ? »

Le gui est un cancer. Ce qui inquiète avant tout les observateurs de la « médecine anthroposophique », c'est la promotion qu'elle fait d'un remède censé détruire les cellules cancéreuses, l'Iscador, une préparation à base de jus de gui fermenté. L'idée d'utiliser le gui dans les cas de tumeur est venue à Rudolf Steiner par analogie entre cette plante et la maladie. En résumé : le gui, comme le cancer, se nourrit de la vie, l'arbre, et prospère sur un être qui meurt comme l'arbre en hiver. « Le gui contient des substances comme la viscotoxine qui a une action antitumorale, explique Jean Chazarenc. Mais nous n'utilisons l'Iscador que comme adjuvant aux traitements classiques, à la chimiothérapie ou à la chirurgie. »

Ces traitements sont notamment utilisés dans une clinique privée anthroposophe, la Lukas Klinik, située en Suisse, spécialisée dans le traitement des cancers. Aucune étude scientifique n'est venue confirmer le bénéfice thérapeutique de l'Iscador, mais le site Internet américain de Weleda, lui, ne s'embarrasse pas de précautions et explique que l'Iscador est utilisé par 60 % des cancéreux allemands, « fréquemment » en complément d'autres méthodes mais aussi « parfois » en traitement de première intention...

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