Après un rapport pa rtisan, un décret explosif ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2463 du 02/11/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2463 du 02/11/2002
 

MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE

Actualité

L'événement

Galvaudant les recommandations du dernier rapport interministériel sur la distribution du médicament vétérinaire, un projet de décret vise à autoriser les vétérinaires à tenir, dans certaines conditions, officine ouverte.

Prenant appui sur le dernier rapport des services d'inspection des ministères de l'Agriculture et de la Santé sur la distribution du médicament vétérinaire (voir Le Moniteur n° 2449), un projet de décret prévoit d'autoriser le vétérinaire à délivrer des médicaments sans avoir examiné les animaux et les éleveurs à se fournir librement à son cabinet, y compris en son absence. Cette prescription à distance serait toutefois encadrée : le vétérinaire serait lié avec « son » éleveur par une convention et un mandat sanitaire et serait tenu de réaliser un audit annuel du cheptel.

Un décret qui entérine les dérives. Pour l'officine, ce projet de décret est inacceptable car il revient à entériner, en légiférant, les dérives constatées en matière de dispensation par les vétérinaires. En outre, pour les animaux de compagnie, ils pourraient, sans examen, délivrer uniquement des médicaments pour les animaux vus depuis moins d'un an. « Nous sommes opposés à ce que les vétérinaires tiennent officine ouverte, maintient avec fermeté Pierre Crouchet, vice-président de l'Association de pharmacie rurale (APR). En ne reprenant qu'une partie du rapport, ce décret favorise des intérêts particuliers et renvoie à des arrêtés d'application qui ne relèvent que du seul ministère de l'Agriculture, alors que le problème du médicament vétérinaire doit être mis à plat dans sa globalité. » L'APR a fait part de son vif désaccord et de ses objections auprès des administrations concernées.

Ce projet de décret vient en percuter deux autres, déposés de longue date en Conseil d'Etat. Compte tenu de la réforme déjà en cours, « l'assouplissement des conditions de prescription des vétérinaires est une proposition sans objet », estime Claude Andrillon, secrétaire général adjoint du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL). « Les divs en préparation vont dans le sens d'un pragmatisme éclairé et d'une responsabilité accrue du vétérinaire chargé de la surveillance sanitaire de l'élevage », lui rétorque Robert Allaire, président du Syndicat national des vétérinaires français.

Un rapport très critiqué. L'APR ne tire pourtant pas à boulet rouge sur le principe d'un « audit sanitaire d'élevage », proposé dans le rapport interministériel élaboré par l'IGA et l'IGAS*, jugeant même qu'il s'agit d'une innovation intéressante. Pierre Crouchet n'est en effet pas opposé sur le principe à un assouplissement des conditions de prescription des vétérinaires, sous réserve, comme le précise le rapport, que « le vétérinaire dispose de tous les éléments de connaissance du troupeau nécessaires pour justifier de la dérogation à l'examen préalable. » Mais en contrepartie, souligne-t-il, « il faut mettre en place des contrôles rigoureux confiés à des services officiels » et veiller à ce que « les audits d'élevage préconisés dans ce rapport ne profitent pas financièrement à leurs divs. L'application de schémas thérapeutiques à l'instar de ce qui se fait à l'hôpital en humain est transposable à l'animal de rente, mais l'éleveur doit pouvoir conserver le libre choix de son fournisseur. »

Mis à part ce bon point, le rapport suscite toujours des critiques de tous bords. « Ce div est partisan et les propositions sont extrêmement démagogiques », reproche Robert Allaire, estimant que la part belle est faite au lobby agricole et que les considérations économiques l'emportent sur les impératifs de santé publique. Claude Andrillon, lui, reproche aux divs « d'être sortis des exigences de leur mission de santé publique ». Sur les dérives et les comportements affairistes, « ce rapport ne fait pas de distinction entre les errements et incivilités des différents ayants droit et le grand banditisme », souligne-t-il.

« Angélisme et hypocrisie. » Quant aux propositions émises, « c'est faire preuve d'angélisme et d'hypocrisie que de vouloir changer la loi ou modifier les règles pour les adapter aux déviances, poursuit-il. Il faut être pragmatique et la seule approche possible est un retour à l'état de droit, préalable indispensable à l'aménagement éventuel des divs réglementaires et législatifs sur la dispensation du médicament vétérinaire. »

Pharmaciens et vétérinaires déplorent d'une seule voix la proposition d'étendre le rôle des groupements d'éleveurs afin qu'ils puissent avoir accès à l'ensemble des médicaments vétérinaires sous certaines conditions. « A chacun son métier ! exhorte Pierre Crouchet, leur vocation n'est pas de vendre du médicament. » Pour le président Allaire, « cette proposition a été prise au mépris de la sécurité alimentaire et répond à une demande économique du business agricole ».

Pour les syndicats de vétérinaires, pas question de supprimer l'obligation d'une ordonnance, ce qui aurait pour double effet de déprécier l'acte vétérinaire et de banaliser le médicament. Une ordonnance reste utile quand le produit est dangereux. Elle peut en revanche être considérée comme superfétatoire lorsqu'elle est liée aux résidus, dans la mesure où existe un suivi vétérinaire régulier et où c'est l'éleveur qui a la maîtrise de l'application du traitement. Sur ce fondement, l'APR milite toujours pour l'instauration d'exonérations pour les animaux de rente et l'autorisation pour le pharmacien de délivrer les médicaments entrant dans les plans de prophylaxie. Mais les vétérinaires rejettent toute idée d'exonération de médicaments destinés aux animaux de rapport du fait du danger potentiel des résidus et de la traçabilité imposée par la consommation de la chair de ces animaux ou des produits dérivés.

* Inspection générale de l'Agriculture et Inspection générale des Affaires sociales.

A noter

Vétérinaires et pharmaciens ont parfois bien peu de poids face aux éleveurs et à leurs groupements. Point significatif de la puissance de leur lobby, le médicament vétérinaire reste encore et toujours un domaine partagé par les ministères de la Santé et de l'Agriculture, ce dernier veillant jalousement à garder la main sur le sujet. Et vu le condiv politique, ce n'est pas près de changer.

A retenir

Les ordonnances vétérinaires sont aujourd'hui souvent rédigées sans réel examen des bêtes (demandes des éleveurs, problèmes pratiques liés à la taille des élevages)...

Le projet de décret vient entériner cette « prescription à distance » sous réserve d'un audit annuel de l'élevage par le vétérinaire.

Le projet de div étend la possibilité de délivrer sans examen de la bête aux animaux de compagnie vus dans l'année.

Le rapport IGA/IGAS sur le sujet stigmatisait à la fois l'attitude des pouvoirs publics, des vétérinaires et des pharmaciens. Ses recommandations de durcir sanctions et contrôles, voire de retirer certaines aides européennes aux éleveurs « dissipés » semblent avoir bien peu de chances d'être suivies.

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