L'IVG ambulatoire bien accueillie par les femmes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2450 du 22/06/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2450 du 22/06/2002
 

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L'utilisation de la pilule abortive en ville devrait être repoussée de plusieurs mois. L'AMM du RU 486 doit être revue, son mode d'approvisionnement précisé et son prix en ville fixé. Mais déjà une étude de l'hôpital Broussais à Paris montre que l'IVG ambulatoire est bien acceptée par les femmes. Explications.

Avant la fin de cette année, les femmes pourront avorter à domicile. « Cela fait quinze ans que l'avortement par mifépristone est pratiqué en milieu hospitalier en France. Il n'entraîne pas de complications graves et est très bien supporté par les femmes, explique d'emblée le Dr Elisabeth Aubeny, gynécologue et présidente de l'Association française pour la contraception. Actuellement, les hôpitaux sont surchargés et il n'y a pas de structures adaptées. Les femmes attendent souvent seules dans une salle plusieurs heures, pendant lesquelles elles n'ont rien à faire. Désormais, on donne aux femmes le choix d'être plus libres et plus responsables, celles qui optent pour cette procédure ambulatoire pourront être actives durant leur IVG, à la maison et accompagnées de leurs proches. »

IVG toujours limitée à cinq semaines de grossesse

Les médecins libéraux pourront donc délivrer la mifépristone dans les conditions fixées par le décret paru au J.O du 5 mai 2002. Ce dernier stipule que les IVG ambulatoires ne peuvent être réalisées que dans le cadre d'une convention conclue entre un médecin et un établissement de santé public ou privé. Seuls les gynécologues et les médecins généralistes ayant reçu une formation seront habilités à pratiquer l'IVG médicamenteuse.

Le protocole reste identique : une prise de 600 mg de mifépristone suivie 48 heures plus tard de 400 microgrammes de misoprostol (analogue de prostaglandine) par voie orale. Jusqu'à présent, tous les médicaments étaient obligatoirement administrés à l'hôpital où les femmes restaient sous surveillance durant trois à quatre heures après la prise du misoprostol. Si le nouveau décret établit que « la prise des médicaments » doit être réalisée en présence du médecin, les recommandations professionnelles publiées par l'ANAES en mars 2001 précisent que, le jour de la prise du RU 486, « les comprimés de misoprostol sont confiés à la patiente pour qu'elle les prenne chez elle 48 heures plus tard. » Restent obligatoires la limite d'IVG médicamenteuse à cinq semaines de grossesse, le recueil du consentement écrit de la femme, la proposition systématique d'une consultation psycho-sociale pré et post-IVG, le délai de réflexion de huit jours et la visite de contrôle dans les dix à quinze jours suivants l'interruption. En outre, le médecin doit préciser par écrit puis donner à la patiente le protocole à respecter pour l'IVG, l'informer sur les mesures à prendre en cas de survenue d'effets secondaires ou de complications. Enfin, il s'assure que « la patiente dispose d'un traitement analgésique et qu'elle peut se rendre dans l'établissement de santé signataire de la convention dans un délai de moins de une heure. » Le centre hospitalier référent « s'engage à accueillir la patiente à tout moment et à assurer la prise en charge liée aux complications et aux échecs éventuels. »

Avec le protocole mifépristone/misoprostol, l'expulsion de l'embryon se produit dans les 24 heures qui suivent la prise du misoprostol pour 85 % des femmes, et dans les trois à quatre heures (soit la durée d'hospitalisation) pour 70 % d'entre elles. Ce sont ainsi 30 % des femmes qui « expulsent » d'ores et déjà l'embryon chez elles.

« Les complications médicales relatives à l'IVG médicamenteuse, qui sont rares et bien connues, sont les mêmes qu'à l'hôpital, affirme Elisabeth Aubeny. Il n'y a jamais eu d'accident avec le misoprostol oral et les éventuelles hémorragies, qui ne surviennent que dans 0,5 à 1 % des cas, se produisent de toute façon tardivement, dix à quinze jours après l'expulsion. »

A ces données médicales françaises, s'ajoutent des exemples concluants à l'étranger. Les Etats-Unis pratiquent en effet l'IVG exclusivement en ambulatoire depuis quatre ans. Les Antilles françaises, la Tunisie et le Vietnam ont également opté pour la procédure à domicile. « Le risque principal est que les femmes ne prennent pas le misoprostol à la maison. Le médecin devra être très vigilant dans le suivi de ses patientes », note Elisabeth Aubeny.

Qu'en est-il de l'impact psychologique d'un avortement à domicile ? D'après une étude réalisée au début du mois de mai dernier au Centre d'orthogénie de l'Hôpital Broussais, toutes les patientes jugent qu'elles ont fait le bon choix, 70 % des femmes estiment que la procédure s'est correctement déroulée et 85 % recommanderaient l'IVG ambulatoire à une proche. « La plupart du temps, les femmes choisissent cette option pour des raisons d'intimité. Si cela s'est bien passé, c'est sans doute parce qu'elles étaient chez elles, entourées de leur(s) proche(s), ce qui dédramatise beaucoup cet acte émotionnellement douloureux », assure Dominique Roitman, conseillère conjugale et familiale à l'Hôpital Broussais qui réalise des entretiens pré et post-IVG.

Un taux de complications inférieur à 1 %

« Toutes les femmes ne sont pas prêtes à assumer un avortement à la maison, tempère pourtant Isabelle Dagousset, gynécologue à l'hôpital Broussais et responsable de l'étude. Celles qui sont hésitantes, fragiles ou angoissées, doivent indiscutablement rester à l'hôpital. L'expulsion de l'embryon (non visible à ce stade de la grossesse) s'accompagne de saignements équivalents à des règles importantes et de douleurs d'intensité variable selon les femmes. »

Mais l'enquête a révélé que toutes les femmes ont jugé les saignements et la douleur « acceptables » à la maison. Le taux de succès (98,5 % à Broussais) et de complications (inférieur à 1 %) de l'IVG médicamenteuse ambulatoire restent identiques à l'IVG médicamenteuse pratiquée à l'hôpital et aucune femme n'est revenue à l'hôpital avant la visite de contrôle. 15 % d'entre elles ont téléphoné après la prise du misoprostol pour avoir des renseignements concernant l'utilisation des antalgiques. « Aucune des cent femmes incluses dans notre étude n'a rejeté la méthode médicamenteuse à domicile. Ce succès tient à la qualité de l'information délivrée aux patientes avant l'IVG », estime Isabelle Dagousset.

Les médecins seront-ils nombreux à s'investir ?

En soulageant les hôpitaux surchargés, la pratique de l'IVG ambulatoire pourrait améliorer les conditions de prise en charge des IVG médicamenteuses ou chirurgicales qui doivent encore être réalisées à l'hôpital. Côté médecins, rien n'est joué. Les procédures contractuelles avec l'établissement de santé, l'envoi de nombreux formulaires, la commande des médicaments « à usage professionnel » auprès d'une officine, la formation qualifiante obligatoire, sont autant d'arguments qui font craindre à Elisabeth Aubeny que les médecins soient peu nombreux à s'investir. En outre, la valorisation financière de l'acte, prenant en compte toutes ces contraintes, s'impose. Et pour l'heure, le coût de l'IVG ambulatoire n'est pas encore connu.

L'Ordre réclame une clause de conscience

Pour s'approvisionner en RU-486, le médecin devra passer une commande à usage professionnel auprès d'une officine. Christian Blaesi président de la section A de l'Ordre estime que les pharmaciens qui le souhaitent devraient pouvoir ne pas délivrer la pilule abortive en invoquant la clause de conscience. Il s'appuie sur l'article L.2212-8 du Code de la santé publique qui fixe les limites de la clause de conscience pour les professionnels de santé dans le cadre de la loi sur les IVG. « On comprendrait mal que le pharmacien d'officine, maintenant impliqué (dans les IVG), soit le seul professionnel de santé à qui l'on ne reconnaîtrait pas une telle clause », explique-t-il dans les Nouvelles pharmaceutiques. - N.F.

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