Ce qu'ils attendent de vous - Le Moniteur des Pharmacies n° 2440 du 13/04/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2440 du 13/04/2002
 

MAD

Entreprise

Enquête

A l'instar de l'ensemble du système de soins français, l'activité de maintien à domicile est à un tournant. Pour en suivre l'évolution et pouvoir s'y adapter, encore faut-il connaître les attentes des différents acteurs du secteur. La parole est aux patients et aux différents professionnels de santé impliqués dans le MAD.

Poussé par la démographie et la recherche d'économies, demandé par les patients eux-mêmes, le maintien à domicile (MAD) connaît depuis 1996 un élan sans précédent. Les ordonnances Juppé avaient posé le principe d'un financement par dérogation tarifaire des réseaux de santé permettant une reconnaissance et une officialisation du travail effectué par les professionnels libéraux dans la prise en charge du patient à son domicile. Mais la lourdeur administrative de la commission Soubie a seulement permis, en cinq ans, à moins de vingt réseaux de pouvoir être expérimentés sur le terrain.

En 1999, les FAQSV ou fonds d'aide à la qualité des soins de ville (lire ci-dessous) ont pris, partiellement, le relais car ils permettent la prise en charge financière des réseaux. Mais ces aides ponctuelles ne peuvent assurer la pérennisation du financement d'un réseau.

Enfin, dernièrement, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a élargi le champ d'action des réseaux qui, en passant de réseaux de soins aux réseaux de santé, intègrent une dimension de prévention. Une dynamique législative dans laquelle les réseaux semblent devoir dominer le paysage futur du MAD, à laquelle s'ajoutent de nouvelles dispositions réglementaires et techniques.

L'arrivée de nouveaux TIPS, d'une forfaitisation concernant la nutrition entérale à domicile et de nouvelles normes pour l'oxygénothérapie inscrites dans les bonnes pratiques de dispensation de l'oxygène à domicile, contribuera aussi à remanier l'exercice de cette activité de MAD pour l'officinal. Après des années d'attentisme, le pharmacien peut soudain être pris de vertiges, contraint de prendre le train en marche sous peine de voir tout un marché sortir de l'officine.

Les patients veulent un service global

Mais qu'en pensent les partenaires professionnels de santé du pharmacien ? Et, surtout, quelles sont les attentes des patients ? Isabelle, jeune femme porteuse d'une pompe à insuline, explique : « Nous sommes obligés de passer par des prestataires de services, et le moins qu'ils puissent faire c'est d'être là au moment de l'urgence... Il m'est arrivé de tomber en panne de pompe et de ne trouver personne dans le service hospitalier pour me répondre car c'était un week-end et ils étaient débordés. Le pharmacien connaît ses clients et offre l'avantage d'être un intermédiaire de proximité compétent. »

Compétence, suivi du patient et proximité, tels sont en effet les attentes des patients et tout particulièrement quand il s'agit de MAD. « Ma mère, atteinte d'un cancer, est sortie de l'hôpital un samedi midi. Le cancérologue nous avait expliqué le vendredi que les soins prodigués par son service ne correspondaient plus à ses besoins, autrement dit, il souhaitait libérer un lit et l'orienter vers les soins palliatifs. Il n'y avait pas de place dans ce service, la décision a donc été prise abruptement de la renvoyer chez elle. Lorsque l'infirmière libérale est passée vers 16 heures à la maison, elle m'a annoncé que l'ordonnance pour les soins était incomplète, heureusement elle a pu s'arranger avec notre pharmacien. C'est lui ensuite qui nous a conseillés pour le matériel de confort comme le lit médicalisé et le fauteuil », raconte, encore indignée, Renée.

La compétence n'est toutefois pas toujours à la hdiv des attentes des patients qui aimeraient aussi parfois voir leur pharmacie de quartier s'investir dynamiquement dans le maintien à domicile. « Dans l'idéal, les pharmaciens devraient être d'un grand secours mais, en pratique, ils sont trop souvent insuffisamment informés sur la maladie d'Alzheimer, les nouvelles molécules sur lesquelles sont effectués des essais mais aussi les effets secondaires des traitements les plus récents. Il leur est donc difficile d'apporter des conseils éclairés aux familles qui s'adressent pourtant de façon privilégiée à eux. Quand le diagnostic tombe, sous le choc, c'est rare que les familles perçoivent l'ensemble du message délivré par le médecin, elle vont donc chercher plus d'information auprès de leur pharmacien, constate Huguette Drera, présidente de l'association France Alzheimer. C'est à la fois un problème d'information et de formation. » Huguette Drera dissocie également les pratiques dans les grandes officines, « où l'interlocuteur du patient change sans cesse », des petites « dans lesquelles le pharmacien connaît bien souvent mieux le malade et sa famille que le médecin lui-même et s'investit également plus volontiers que le personnel des grandes officines ».

Autre attente clairement exprimée : celle de voir le pharmacien jouer un rôle de pivot d'information dans les réseaux. « Il devrait pouvoir délivrer toutes les informations nécessaires à la famille et savoir également l'orienter vers le milieu associatif avant même de la sentir fragilisée », poursuit Huguette Drera. Enfin, la présidente de France Alzheimer prône une attitude plus clairement affichée de l'investissement de l'officine dans le secteur du MAD. « Je comprends que toutes les officines aient une spécificité, et ce n'est pas choquant que certaines ne souhaitent pas faire du maintien à domicile, mais alors elles doivent le dire clairement au lieu, pour ne pas perdre un client, de louer un lit qui de toute façon est livré par leur fournisseur sans que le pharmacien ne se déplace. Les malades et leurs familles attendent un service global. »

L'hétérogénéité des pratiques et des compétences, malgré une volonté affichée par l'ensemble de la profession officinale de répondre aux besoins de la population en matière de MAD, est également ressentie par les autres professionnels de santé libéraux et plus particulièrement les infirmières. Valérie de Bugny, infirmière coordinatrice du réseau Hopadom dans l'Eure, possède la double expérience d'une pratique en libéral, sans relation formalisée avec les pharmaciens, et d'un réseau dans lequel les officinaux centralisent les informations : « Les infirmières attendent des pharmaciens qu'ils soient en mesure de délivrer le matériel le mieux adapté au cas individuel du patient au coût le moins élevé possible. Malheureusement il existe une grande diversité de l'offre d'une pharmacie à l'autre. C'est parfois difficile de s'y retrouver : pour un même matériel, certaines officines ne font rien payer au patient alors que d'autres nous assurent que c'est irréalisable. Un peu plus de transparence sur leurs marges nous aiderait peut-être à expliquer aux patients les raisons du coût de leur matériel... »

Pouvoir répondre à l'urgence est une autre des revendications des infirmiers libéraux : « Une aiguille de Hubert d'avance, une ou deux tubulures, du sérum physiologique..., un stock minimal est nécessaire lorsqu'une sortie d'hôpital se fait un week-end et que nous, infirmiers libéraux, nous trouvons dans l'urgence. » Ces remarques, Valérie de Bugny les formule d'autant plus volontiers qu'elle connaît bien la valeur du partenariat entre infirmiers et pharmaciens. « Ils sont des acteurs incontournables, sur lesquels nous pouvons compter. Une prescription hospitalière mal rédigée ou une sortie le week-end sont des problèmes courants pour l'infirmier, heureusement le pharmacien peut les résoudre. »

Acteur de proximité, l'officinal peut aussi jouer un rôle centralisateur fondé sur la connaissance du patient et de son environnement affectif, matériel et social, expriment certains professionnels de santé. « Les pratiques sont très différentes selon les lieux et il existe je crois une réelle dichotomie dans les relations entre kinésithérapeutes et pharmaciens en ville, qui sont quasi inexistantes, et celles que l'on trouve en campagne, explique Francis Garde, kinésithérapeute dans la Drôme. Lorsque j'étais installé à Dijon, je n'avais aucun contact avec les pharmaciens du quartier où j'exerçais. Ici, à Montbrun-les-Bains, tout le monde se connaît ; il m'arrive de parler des patients avec la pharmacienne du village et parfois elle me consulte pour trouver le matériel adéquat pour un patient ; cela a été le cas récemment pour le choix d'une attelle d'épaule pour laquelle nous avons consulté ensemble son catalogue. » Le kiné drômois regrette d'ailleurs que le flux d'informations ne soit pas plus important, formalisé et surtout généralisé pour l'ensemble des deux professions : « Nous connaissons mal les différents types de modèles existants ; si les pharmaciens nous renseignaient sur le matériel qu'ils proposent, nous pourrions bien souvent améliorer le confort du malade en lui proposant non seulement pour le matériel prescrit des modèles réellement adaptés à sa situation, mais aussi des aides auxquelles le médecin ne pense pas forcément par méconnaissance des réelles possibilités physiques du malade à son domicile et par manque d'information sur le matériel qui existe. »

Un flux d'informations mieux formalisé entre les différents acteurs, c'est aussi le souhait de Marc Barrière, médecin généraliste à Alençon et coordinateur du réseau d'hospitalisation à domicile (HAD) de sa ville. « J'espère que notre structure va permettre une connaissance et une reconnaissance mutuelles des professions de santé pour aboutir à un partenariat efficace. Si nous nous sommes d'abord appuyés sur les libéraux c'est parce que la motivation de la relation individuelle doit rester le moteur. »

Un partenariat d'individu à individu permettant d'assurer une qualité de service fait aussi partie des requêtes de l'hôpital. « L'expérience menée au sein de l'HAD d'Alençon avec les pharmaciens est encore très récente puisque nous fonctionnons effectivement depuis janvier, précise Dominique Houlbert, diabétologue à l'hôpital d'Alençon. Le fait de rester en contact avec l'ensemble des libéraux impliqués dans l'HAD nous rassure, nous savons qu'il y aura une surveillance vigilante à domicile qui permettra au patient de bénéficier de soins de même qualité que s'il était à l'hôpital. De plus, nous pouvons expliquer et discuter avec les praticiens de ville nos objectifs en termes de soins, nous savons qu'il y a un retour, nos conseils sont suivis et les propositions qui nous sont faites sont prises en compte. Et grâce à notre espace "maladies chroniques" intégré dans l'hôpital et où les pharmaciens viennent chaque semaine à tour de rôle expliquer aux patients leurs ordonnances de sortie, nous avons toujours un contact direct avec la profession. »

Certains réclament des « pharmaciens référents »

Pratiquement, les attentes vis-à-vis du pharmacien des divers professionnels de santé impliqués dans le MAD touchent à la bonne connaissance du patient et de son environnement, au flux d'informations et à la compétence thérapeutique et technique pour ce qui concerne le matériel à proprement parlé. Autant de principes réunis dans le réseau, comme le souligne le Dr Didier Ménard, président de la Coordination nationale des réseaux : « Dans un premier temps le réseau permet à chacun de mettre en adéquation la représentation qu'il a des autres professionnels de santé avec la réalité. Il permet ensuite une coopération non hiérarchique pour accompagner le malade dans toute sa dimension médicosociale. Le pharmacien sait réagir rapidement à une situation, sa compétence en matière de médicaments et de MAD et la proximité relationnelle avec les patients en font un acteur incontournable des réseaux qui vont de plus en plus s'orienter vers de nouvelles perspectives, notamment la prévention. »

Face à cette évolution inéluctable, quelles sont les attentes des institutionnels et comment envisagent-ils le rôle du pharmacien dans ce nouveau paysage ? Dominique Osselin, responsable de la division de l'organisation et de la coordination des soins, qui a participé dès ses débuts à la commission Soubie, souhaite que le pharmacien devienne un acteur de santé publique et un acteur économique du MAD. « Il doit être le pivot entre le médecin et le patient en officialisant son rôle par des conseils et des aides matérielles, notamment dans le cadre de pathologies lourdes ou de toxicomanie. Une autre mission qui lui est dévolue concerne l'aide au patient à gérer sa pharmacie avec des conseils, par exemple aux personnes âgées pour éviter les médicaments "redondants". Côté information et éducation du patient, il pourrait aussi donner des conseils plus formalisés, par exemple par écrit, en particulier aux malades munis d'un traitement à long terme. Il faudrait arriver à la notion de "pharmacien référent", non dans une logique de contractualisation mais pour que le patient puisse dire : "Adressez-vous à mon pharmacien, il est le garant de mon dossier". Enfin, dans un cadre économique, les officinaux devraient pouvoir négocier avec leurs fournisseurs des prix plus avantageux dans le cadre des réseaux. »

Les pharmaciens seront-ils les grands oubliés des réseaux et écartés du maintien à domicile de demain ? Les attentes des divers professionnels de santé impliqués mais aussi les souhaits des patients montrent plutôt le contraire. Une situation qui a évolué en quelques années ; il n'y a pas si longtemps en effet la nécessité d'un engagement officinal n'était guère évident pour ces mêmes acteurs.

Comment bénéficier des fonds d'aide ?

Les fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) ont été créés pour une durée de cinq ans au sein de la CNAMTS par la loi 98-1144 du 23.12.1998 de financement de la Sécurité sociale (article 25). Le budget, qui dépasse légèrement les 100 millions d'euros, est consacré pour 20 % à des actions nationales, et 80 % aux actions régionales, qui relèvent des différents comités régionaux. La gestion d'un FAQSV est respectivement exercée par un comité national de gestion placé au sein de la CNAMTS et par des comités régionaux de gestion placés au sein des URCAM. Le comité national de gestion est en outre chargé d'attribuer les ressources du fonds à chaque région, en fonction notamment des derniers chiffres de recensement de l'INSEE. Les professionnels de santé exerçant en ville sont associés à la gestion du fonds. Celui-ci finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins ambulatoires, par l'octroi d'aides, d'une part à des professionnels de santé exerçant en ville ou à des regroupements de ces mêmes professionnels, et, d'autre part, le cas échéant, d'aides au développement de nouveaux modes d'exercice et de réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en ville à des établissements de santé. Enfin, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades prévoit la mise en place par décret d'une enveloppe budgétaire spécifique aux réseaux de santé dont le montant serait d'un peu moins de 23 millions d'euros pour 2002.

HAD : « Convaincre le secteur hospitalier de notre compétence »

« Les relations avec nos différents partenaires dans l'HAD à Alençon se sont tout de suite bien passées et nous n'avons pas de difficultés majeures, mais il faut préciser que les pharmaciens étaient à l'origine du projet, la meilleure façon sans doute pour eux de ne pas être oubliés, témoigne Claude Baroukh, président de Co-Pharm-Ec. De plus, notre habitude de prendre en charge les démarches administratives, notre connaissance et notre proximité des patients nous situaient naturellement comme leurs interlocuteurs privilégiés. Restait à convaincre le secteur hospitalier de notre compétence et de notre capacité à assurer le suivi du malade. Nous avons fait le choix de nous appuyer sur un fournisseur, Locapharm, avec qui nous avons passé une convention et qui nous permet d'assurer la maintenance et le suivi technique 24 heures sur 24 comme l'exige la réglementation. Et nous avons mis en place des modules de formation en partenariat avec l'hôpital qui permettent de crédibiliser totalement la compétence du pharmacien dans l'hospitalisation à domicile. »

Maisons de naissance : une autre approche du MAD

Proposées par un groupe de réflexion de sages-femmes et de parents en réaction à la technicisation croissante de l'accouchement au détriment de l'affectif et des relations humaines, les « maisons de naissance » pourraient bien voir le jour dans les prochaines années. Une première expérience est d'ailleurs fonctionnellement prête à Montpellier et attend le feu vert des autorités de tutelle. Il s'agit en fait de petites structures installées près, voire dans les hôpitaux mêmes, afin de pouvoir bénéficier de l'infrastructure hospitalière si nécessaire. Elles s'appuient sur le fait que l'accouchement est un acte hors pathologie qui, en dehors de toute complication, ne nécessite pas la haute technologie hospitalière.

Pour Francine Dauphin, sage-femme appartenant au Groupe national d'étude des maisons de naissance, « le pharmacien aura sans aucun doute un rôle essentiel car les femmes auront un minimum de prescriptions et retourneront rapidement chez elles ; il faut que les officinaux soient au courant du fonctionnement des maisons de naissance et sachent aussi conseiller les jeunes mamans. Entre le binôme médecin généraliste-sage-femme, le pharmacien a aussi un rôle à jouer, il faudra donc initier des réseaux de connaissance et d'information »

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