Qu'est-ce que la goutte ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2425 du 05/01/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2425 du 05/01/2002
 

Cahier formation continue

La goutte a été décrite dès l'Antiquité sous sa forme aiguë de crises fluxionnaires articulaires survenant lors de la précipitation de cristaux d'acide urique dans les articulations. A cette époque, elle portait le nom de podagre.

La maladie est en réalité chronique et due à l'accumulation d'acide urique dans les tissus de l'organisme. L'hyperuricémie, augmentation pathologique du taux sanguin d'acide urique, ne doit pas être assimilée à la maladie elle-même. Asymptomatique, elle est découverte lors des contrôles de routine.

Epidémiologie

Depuis que les hyperuricémies sont traitées, la goutte s'est raréfiée. Ce sont donc plutôt les hyperuricémiques qui sont aujourd'hui pris en charge.

La survenue d'une goutte ne concerne que 10 % des hyperuricémiques et à 90 % des hommes, plutôt entre 30 et 50 ans.

La fréquence de l'hyperuricémie dans les populations occidentales est évaluée à 5 à 18 % pour les hommes et 2,5 à 3,5 % pour les femmes.

L'atteinte des hommes est habituellement une goutte primitive. Chez les femmes, il s'agit plutôt d'une goutte secondaire.

Physiopathologie

L'accumulation d'acide urique dans l'organisme est due à l'augmentation de sa synthèse à partir du métabolisme d'une classe de nucléotides, les purines endogènes et alimentaires (protéines des viandes, abats surtout). L'acide urique est en fait le stade ultime de la dégradation de ces purines grâce à la transformation de la xanthine par la xanthine-oxydase. L'acide urique libre diffuse facilement dans les tissus avec une prédilection pour les espaces articulaires, sous-cutanés et le rein.

La goutte ne se constitue qu'après plusieurs années d'hyperuricémie, quand les taux sont constamment ou durablement supérieurs ou égaux à 70 mg/l (ou 420 mmol/l). En fait, le risque de goutte est considéré comme important à partir d'une uricémie supérieure ou égale à 90 mg/l (ou 536 mmol/l).

Etiologies

L'excès alimentaire ne fait que favoriser la goutte, ou la révéler lors d'une crise inaugurale, qu'elle soit primitive ou secondaire. Sa part est cependant trop faible dans le pool des purines de l'organisme pour bouleverser à lui seul l'équilibre métabolique.

- La goutte primitive de l'adulte

Elle est due à l'augmentation de dégradation des purines endogènes, pour une raison vraisemblablement enzymatique. Il existe d'ailleurs une goutte congénitale rare affectant le nourrisson, le syndrome de Lesch-Nyhan, par déficit en HGPRTase (hypoxanthine-guanine-phosphoribosyltransférase). La goutte primitive est la forme la plus fréquente de la maladie (90 %).

- La goutte secondaire

Elle peut être provoquée par une insuffisance rénale, des hémopathies (les syndromes myéloprolifératifs, les leucémies et leur traitement), le saturnisme, le psoriasis cutané étendu. Il faut aussi se méfier des médicaments hyperuricémiants : diurétiques thiazidiques, salicylés à faible dose, oméprazole, ciclosporine, pyrazinamide, éthambutol...

Certaines situations particulières sont aussi favorables à une goutte secondaire : alcoolisme aigu, effort musculaire intense, jeûne, insuffisance respiratoire aiguë.

L'accès goutteux

- Sémiologie

- La crise de goutte concerne classiquement l'articulation métatarsophalangienne du gros orteil et plus rarement d'autres articulations (coude, poignet, genou, doigt...).

Elle est souvent inaugurale : on ne retrouve pas toujours un facteur déclenchant (excès alimentaire et/ou alcoolique, effort musculaire subit, médicaments, intervention chirurgicale...).

Elle commence en pleine nuit par une douleur atroce qui réveille le patient, monte en pic en deux à trois heures et rend le poids du drap insupportable. Confiné au lit par la douleur, le patient tente désespérément et sans succès de trouver une position qui le soulage.

L'articulation est très inflammatoire, chaude et oedématisée.

La peau violacée est luisante, en « pelures d'oignon », parfois ecchymotique.

Le patient ne peut se lever.

Un fébricule à 38° ou 38 °5 n'est pas exceptionnel.

- La crise goutteuse évolue spontanément vers la régression dans un intervalle de deux à quatre jours à deux semaines. La fluxion diminue, mais la douleur se réveille toujours la nuit pour s'estomper « au chant du coq ». La peau desquame.

- Le diagnostic repose sur les signes cliniques évocateurs, les antécédents personnels et familiaux d'hyperuricémie, de lithiase rénale urique. En cas de doute, le test thérapeutique à la colchicine est pratiqué. Si l'arthrite est spectaculairement améliorée en 24 à 48 heures par une prise à la posologie habituelle, le test signe l'accès goutteux.

- Evolution et pronostic

La résolution de la crise est la règle, surtout sous traitement. La récidive (même localisation ou non) dépend de la prise en charge.

L'enjeu est d'éviter l'évolution chronique qui fait la gravité de la maladie. Le pronostic vital est alors menacé par l'atteinte rénale.

La goutte chronique

La goutte chronique s'installe rarement avant 30 ans et ne se voit plus autant que lorsque les hyperuricémies n'étaient pas systématiquement traitées et les crises moins bien prises en charge.

Les dépôts d'acide urique s'accumulent dans les articulations (arthropathie chronique avec plus ou moins de crises surajoutées), dans les tissus sous-cutanés (tophi) et dans le rein (lithiase et néphropathie).

- Les tophi

Ce sont des concrétions nodulaires indolores, d'abord molles puis dures, visibles sous une peau fine qui s'ulcère facilement et laisse alors s'écouler un contenu crayeux, qui est une bouillie d'acide urique. Elles se retrouvent classiquement au pavillon de l'oreille, aux coudes, aux pieds et mains que les tophi peuvent déformer. Ils sont parfois très discrets, en tête d'épingle, il faut donc les rechercher soigneusement pour porter le diagnostic d'arthropathie goutteuse à la simple observation.

Les tophi goutteux sont classiquement localisés au niveau des pieds, des mains, des coudes et du pavillon de l'oreille. DR FRANCESCHINI

- L'arthropathie chronique

La répétition des crises ou « crisettes » provoque un enraidissement des articulations avec des douleurs mécaniques évoquant l'arthrose. Ce rhumatisme chronique s'associe classiquement aux tophi sous-cutanés, association qui permet de poser le diagnostic.

- L'atteinte rénale

Elle se signale par une lithiase uratique dans 10 à 30 % des cas, lithiase acide et radiotransparente, évoquée dans un condiv de goutte (arthrite tophacée classique) ou d'hyperuricémie durable non ou mal traitée. La complication habituelle est la crise néphrétique. Elle se traduit par une douleur intense et spasmodique sur le trajet de l'uretère, douleur qui peut irradier dans les fosses lombaires.

Une lithiase peut aussi se déclencher lors des traitements uricoéliminateurs, surtout lorsque le débit urinaire est insuffisant (précipitation des cristaux).

La néphropathie uratique est de plus en plus retardée lors de l'évolution d'une goutte primitive en raison de la surveillance biologique du rein et des traitements. Au stade chronique elle se caractérise par une protéinurie, une hématurie, une leucocyturie ou une acidose (tardive). Ces critères sont plus ou moins marqués en fonction de l'atteinte rénale.

Evolution

Si l'arthropathie chronique est invalidante, le plus souvent modérément, l'atteinte rénale chronique est en revanche le facteur limitant la survie du patient. En l'absence d'une maîtrise thérapeutique correcte, elle évolue vers l'insuffisance rénale terminale, imposant la dialyse, puis la greffe.

Diagnostic différentiel

- Accès goutteux

Devant une crise monoarticulaire, différencier la goutte :

- d'une arthrite purement inflammatoire (spondylarthrite ou polyarthrite, voire une sarcoïdose) ;

- d'une arthrite septique (ostéonécrose) ;

- d'une autre arthrite microcristalline : chondrocalcinose surtout (pyrophosphate de calcium) ;

- d'une bursite aiguë (sur Hallux valgus par exemple) ;

- d'une tendinite.

- Goutte chronique

- L'arthropathie peut aussi être due à une arthrose, une chondrocalcinose, une polyarthrite, un rhumatisme psoriasique...

- Les tophi associés à l'arthropathie peuvent se confondre avec des chondromes des doigts, des nodules rhumatoïdes.

Les variantes cliniques de l'accès goutteux

- Les crises hyperalgiques pseudo-phlegmoneuses peuvent se confondre avec un abcès.

- Les « crisettes » ont des signes atténués par le traitement (bien sûr insuffisant dans ce cas).

- Les atteintes des articulations du membre inférieur sont plus fréquentes que celles du membre supérieur (longue évolution).

- Les atteintes polyarticulaires sont rares. Elles se rencontrent surtout lors d'évolutions longues.

Examens complémentaires

- Accès goutteux

- L'uricémie mesurée durant trois jours consécutifs est en général supérieure à la norme (70 mg/l).

- L'uraturie des 24 heures est indispensable car elle confirme l'excès de synthèse urique par élévation de son élimination rénale.

- Les dosages biologiques de l'inflammation montrent que la protéine C réactive et la vitesse de sédimentation sont augmentées. La numération-formule sanguine est caractérisée par une hyperleucytose polynucléée.

- Les dosages biologiques peuvent aussi mettre en évidence des désordres associés : hyperglycémie, hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, fonction rénale altérée...

- La ponction articulaire est réservée aux situations où un doute subsiste. Elle révèle un liquide trouble, avec de très nombreux globules blancs, mais stérile, contenant des microcristaux d'acide urique intra- et extra-articulaires.

- Goutte chronique

- Les radios articulaires montrent des signes assimilables à une arthrose dégénérative.

- Les radios centrées sur les reins ne montrent pas la lithiase radiotransparente, mais l'échographie rénale confirme ce diagnostic.

- Les ponctions-biopsies de tophi (non nécessaires habituellement), la ponction-biopsie rénale participent au bilan d'une atteinte rénale bien installée.

- Protéinurie, hématies-leucocytes par minute, dosages des 24 heures pour les clairances font partie des tests urinaires.

- Uricémie, cholestérolémie, glycémie sont contrôlées.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !