Comment traiter la goutte ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2425 du 05/01/2002 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2425 du 05/01/2002
 

Cahier formation continue

Les médicaments utilisés dans le traitement de la goutte sont de deux types : les médicaments de l'accès aigu (colchicine et AINS) et les médicaments visant à réduire la thésaurismose urique. Ils sont eux-mêmes subdivisés en trois classes : les inhibiteurs de la synthèse urique, les uricolytiques et les uricosuriques. Ces deux types de médicaments se complètent.

Les hypo-uricémiants n'ont aucune influence sur l'accès aigu de goutte ; ils peuvent même déclencher une crise. Quant aux médicaments de l'accès aigu, ils n'ont aucune action sur la surcharge uratique.

Le traitement de l'accès aigu

Il s'agit d'un traitement symptomatique qui doit être énergique et précoce, car tout retard thérapeutique augmente la difficulté à traiter la goutte. Il comprend trois composantes : le repos, le régime et les médicaments.

Le repos

Il s'agit d'un repos au lit, l'articulation malade pouvant être protégée du poids des draps par un arceau. Ce repos s'impose tant que les manifestations douloureuses ne sont pas calmées. La chaleur ou le froid peuvent soulager temporairement la douleur. L'application de chaleur (douche chaude) soulage la douleur et la raideur en relaxant les muscles endoloris et en stimulant la circulation sanguine dans la région affectée. Néanmoins, la chaleur peut aussi exacerber les symptômes lorsque l'articulation est déjà enflammée. L'application d'une vessie de glace ou d'une compresse froide ou de la glace concassée dans un linge, qui soulage l'inflammation, est donc à préférer lorsque l'articulation est enflammée. Le froid provoque un resserrement des vaisseaux sanguins engourdissant la région endolorie.

Les baumes calmants locaux (anti-inflammatoires) sont généralement peu efficaces.

Le régime

Il comporte une alimentation légère à base de légumes, de fruits, d'hydrates de carbone, avec 2 à 3 litres d'eau minérale (Evian, Vittel, Contrexéville...) par jour, dont un demi-litre d'eau de Vichy Saint-Yorre ou Célestins pour alcaliniser les urines, avec éviction de l'alcool.

Les deux ou trois premiers jours, les graisses et viandes sont interdites.

Les médicaments

La première règle qui s'impose est de ne pas utiliser les corticoïdes par voie générale. La cortisone par voie générale a un effet favorable immédiat, mais son arrêt aboutit généralement à une rechute.

La répétition du traitement au long cours par les corticoïdes tend à avoir une réaction défavorable sur l'évolution générale de la goutte, créant des formes rebelles aux autres traitements, appelées « gouttes cortisonées ».

En revanche, la colchicine et les AINS sont les médicaments de choix de la crise aiguë.

- La colchicine

Cet alcaloïde extrait de la colchique est le traitement spécifique de la goutte depuis près de 200 ans.

- La colchicine est prescrite en première intention. Elle n'a pas d'action sur le métabolisme de l'acide urique, ne modifie ni son taux sanguin, ni son pool, ni son excrétion urinaire. Elle empêche indirectement la phagocytose des cristaux d'acide urique par les polynucléaires neutrophiles. Cette action est notamment obtenue par la diminution de la mobilité des polynucléaires.

- Son effet sur les douleurs se manifeste en 10 à 24 heures et aboutit à la disparition totale de la crise en 3 à 4 jours dans 90 % des cas, pour peu que la colchicine soit prescrite dès le premier jour.

- Le traitement requiert 3 mg le premier jour, soit trois comprimés à 1 mg, 2 mg les deux jours suivants, et 1 mg les trois ou quatre jours suivants. Il est poursuivi pendant toute la durée des phénomènes douloureux et à raison de 1 mg/j, 7 à 10 jours encore pour éviter le retour des phénomènes aigus.

- Les accès graves peuvent nécessiter une augmentation de la posologie, sans dépasser 7 mg de colchicine sur 48 h pour un même accès.

- L'effet indésirable majeur de la colchicine réside dans les diarrhées qui peuvent être combattues en prescrivant, au lieu de Colchicine Houdé, Colchimax qui contient dans sa formule un ralentisseur du transit (tiémonium, poudre d'opium).

- Les AINS

- Les AINS sont communément utilisés en deuxième intention. Ils aident à soulager la douleur et à réduire le gonflement et la raideur articulaire, mais ne contribuent pas à prévenir les lésions articulaires.

- Ils sont habituellement administrés durant 2 à 3 jours, pendant les repas afin de prévenir les effets indésirables digestifs.

- Deux molécules sont plus particulièrement utilisées : l'indométacine (Indocid), 100 à 150 mg/24 h ; le diclofénac (Voltarène), 75 à 100 mg/24 h. Les formes à libération prolongée d'indométacine ne sont pas préconisées dans cette indication.

- L'aspirine n'est pas utilisée dans le traitement de la crise de goutte car elle interfère avec l'élimination urinaire de l'acide urique et n'est active qu'à forte dose, dépassant souvent 3 grammes.

- La phénylbutazone (Butazolidine) est peu prescrite du fait du risque d'agranulocytose. Les arthrites microcristallines, dont la goutte, figurent toutefois dans ses indications.

- Les autres traitements

Les accès de goutte peuvent aussi être traités par aspiration de l'articulation atteinte, suivie de l'injection locale d'esters de corticostéroïdes. L'acétate de prednisolone (Hydrocortancyl) est utilisé à une dose de 10 à 50 mg en fonction de la dimension de l'articulation atteinte.

Le traitement de fond

- Le traitement de la diathèse hyperuricémique a pour but de réduire la surcharge en acide urique et d'amener l'uricémie sous la valeur de 50 à 60 mg/l, afin de diminuer la fréquence des crises. Il s'appuie sur le régime hypopurinique, l'augmentation de la diurèse, l'utilisation d'uricoéliminateurs ou d'urico-inhibiteurs.

- Au stade de la goutte aiguë, le traitement de fond permet d'éviter la répétition des crises et l'évolution vers la goutte chronique avec ses manifestations articulaires et rénales, alors que le traitement symptomatique des crises permet seulement de les juguler.

- Au stade de la goutte chronique, le traitement de fond peut aboutir à la réduction ou à la disparition même des tophi sous-cutanés, à l'amélioration partielle ou à la stabilisation des manifestations articulaires. Mais il ne permet pas la régression de l'insuffisance rénale à partir du moment où elle s'est constituée.

Le régime

Il doit être associé à une vie réglée sans surmenage, mais avec une activité physique suffisante (marche quotidienne).

- Les aliments contenant des précurseurs de l'acide urique sont supprimés : gibiers, abats, viandes faisandées et viandes grasses, crustacés et fruits de mer, poissons en conserve et poissons gras.

- Les légumes secs, asperges, épinards, choux et alcool sont déconseillés.

- La ration calorique de base ne doit pas excéder plus de 2 000 kcal par jour avec une diminution portant particulièrement sur les protéines et les lipides.

- L'augmentation des boissons (eaux minérales : 1,5 l/j + eaux de Vichy : 0,5 l/j) permet d'augmenter la diurèse et d'alcaliniser les urines.

- L'efficacité du régime reste malgré tout modeste, avec une baisse de l'uricémie d'environ 10 mg/l.

Les uricoéliminateurs ou uricosuriques

Les uricosuriques agissent en augmentant l'uraturie, par augmentation de la clairance rénale de l'acide urique sans modification de la filtration glomérulaire. Ils ne sont plus représentés que par la benzbromarone (Désuric) depuis que le probénécide n'est plus commercialisé.

- Le traitement ne doit jamais être mis en oeuvre moins de 8 jours après la guérison d'une crise aiguë. Il doit être institué progressivement à raison de un comprimé par jour d'abord puis, 10 jours plus tard, deux comprimés par jour si l'uricémie reste anormalement élevée. Il ne doit pas être interrompu au cours des crises.

- Il doit toujours être instauré sous couvert de Colchicine Houdé (1 mg le soir au coucher durant les 2 à 6 premiers mois, puis tous les 2 jours si aucune crise n'est survenue, puis tous les 3 jours...). Elle doit être arrêtée si les crises aiguës ne se manifestent plus. La prise de Désuric doit s'accompagner de boissons abondantes et bicarbonatées.

Les urico-inhibiteurs

Inhibant la production endogène d'acide urique, ils ne sont plus représentés que par l'allopurinol.

L'allopurinol (Zyloric) agit en inhibant l'action de la xanthine-oxydase qui transforme l'hypoxanthine et la xanthine en acide urique. Il réduit également l'activité de l'amidotransférase en favorisant la voie de recyclage de l'hypoxanthine.

- Les intolérances sont rares. Zyloric peut être prescrit en cas de lithiase ou d'insuffisance rénale.

Dans ce dernier cas, la fréquence des effets indésirables (voir tableau page 13) peut être accrue.

- Comme pour la benzbromarone, le traitement ne doit jamais être commencé lors d'une crise aiguë de goutte.

- La colchicine (1 mg par 24 heures) doit être associée à l'allopurinol dans les deux ou trois premiers mois afin d'éviter le déclenchement d'une crise. En pratique, ce risque de déclenchement de la crise semble cependant moins important qu'avec la benzbromarone.

Un uricolytique, l'urate-oxydase

L'urate-oxydase (Uricozyme) est une enzyme peptidique uricolytique extraite des cultures d'Aspergillus flavus qui dégrade l'acide urique en allantoïne, facilement éliminée par voie rénale.

- Uricozyme s'utilise uniquement par voie parentérale.

Aussi n'est-il pas utilisé dans le traitement de fond mais réservé à la prévention de l'insuffisance rénale aiguë pouvant accompagner l'hyperuricémie se manifestant au cours des chimiothérapies des leucémies et des lymphomes malins (ceci est dû à l'utilisation des cytostatiques).

- Il est aussi indiqué dans les gouttes sévères polyarticulaires tophacées avec lithiase urique ou avec insuffisance rénale.

- L'usage d'Uricozyme est réservé au milieu hospitalier.

Les cures thermales

Les cures thermales (Evian, Vittel, Contrexéville) peuvent présenter un intérêt dans les formes rénales et dans les formes avec lithiase.

Elles permettent de réaliser des cures de diurèse qui sont destinées à favoriser l'élimination de l'acide urique.

L'ablation chirurgicale

Pour certains tophi, l'ablation chirurgicale peut parfois être envisagée à titre complémentaire, en particulier lorsqu'ils sont trop volumineux.

Contre-indications

Colchicine

- Insuffisance rénale grave.

- Insuffisance hépatique sévère.

- AINS

- Antécédents d'asthme ou d'allergie déclenchés par la prise de diclofénac ou de substances d'activité proche, telles que les autres AINS, l'aspirine.

- Ulcère gastroduodénal en évolution.

- Insuffisance hépatocellulaire sévère.

- Insuffisance rénale sévère.

- Femme enceinte (à partir du 6e mois).

- Allaitement.

- Benzbromarone

- Insuffisance rénale modérée ou sévère.

- Antécédent de lithiase rénale.

- Uricurie supérieure ou égale à 700 mg par litre sous régime alimentaire normal.

- Goutte secondaire aux hémopathies.

- Porphyrie hépatique.

- A éviter pendant la grossesse et l'allaitement.

- Allopurinol

- Allaitement.

- Déconseillé pendant la grossesse.

Colchicine : attention à l'intoxication !

- L'intoxication aiguë est rare. Souvent volontaire, elle est gravissime (30 % de mortalité).

- Elle survient après absorption de 10 mg de colchicine. La mort est constante au-delà de 40 mg.

- Diarrhées profuses, nausées, vomissements, hypotension, déshydratation, polypnée, oligurie, hématurie, hémorragie sont les signes visibles d'un surdosage.

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