Le pharmacien navigue à vue - Le Moniteur des Pharmacies n° 2423 du 08/12/2001 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2423 du 08/12/2001
 

COLLOQUE : OBSERVANCE CHEZ LES SENIORS

Actualité

Un senior sur deux ne prend pas correctement ses médicaments. Quelles solutions mettre en place pour améliorer le suivi des traitements ? Le Comité régional d'éducation pour la santé d'Ile-de-France (CRESIF) a voulu y apporter des éléments de réponse en organisant un colloque sur l'observance thérapeutique chez les personnes âgées.

VISAVU

Meilleure hygiène de vie, progrès de la médecine..., l'espérance de vie des Français a considérablement augmenté. Elle est actuellement estimée à 82 ans pour les femmes et 74 ans pour les hommes. Qui dit avancée en âge dit polymédication. Neuf, c'est le nombre moyen de médicaments prescrits par un médecin généraliste à l'attention d'une personne âgée. Un chiffre qui dépasse cependant fréquemment la dizaine et qui ne facilite pas l'observance. En effet, près de un patient sur deux ne suit que partiellement sa thérapeutique.

L'inobservance se manifeste tout d'abord par une réduction de l'efficacité des traitements. Viennent ensuite les problèmes, plus rares, liés au surdosage. Médicaments principalement incriminés : les psychotropes. « L'automédication chez la personne âgée joue aussi un rôle à ne pas négliger dans les effets nocifs dus aux médicaments », souligne le Dr Stéphane Tessier, directeur du CRESIF. Près de un tiers des seniors ont recours à l'automédication, surtout en ce qui concerne les laxatifs, les antalgiques et les antitussifs. Les pathologies iatrogéniques se manifestent principalement par des chutes liées à l'hypotension orthostatique ou à des syndromes confusionnels.

Attention au cumul d'ordonnances !

Chaque année, environ 900 décès par chutes sont liés aux médicaments, en particulier les spécialités cardiovasculaires, les psychotropes et tous les anti-inflammatoires.

Surprescription, effets secondaires, galénique inadaptée, baisse des facultés cognitives et manuelles des patients..., les raisons amenant à une mauvaise observance ne manquent pas. Plus que jamais, la prévention des accidents liés à la prise ou à la non-prise de médicaments passe par le pharmacien. Telle est l'une des conclusions résultant d'une étude (mars à juin 2001) menée par le CRESIF auprès des personnes âgées et de leurs aidants. « Le pharmacien apparaît plus accessible, plus disponible que le médecin et, fait important, il entretient des relations privilégiées avec les aidants », souligne Stéphane Chateil, chargé d'études au CRESIF. Pour lui, une meilleure circulation des informations entre pharmaciens et médecins ne pourrait être que profitable aux personnes âgées. « Elle permettrait aussi de réduire le risque lié à la multiplicité des consultations chez différents praticiens », précise-t-il. Car seul le pharmacien peut visualiser le cumul d'ordonnances. Encore faut-il que le patient soit fidèle... « Nous ne pouvons pas exercer correctement notre métier si nous ne connaissons pas bien nos patients , affirme Jean Lamarche, titulaire à Paris. Nous devons adapter nos recommandations en fonction du niveau intellectuel et du degré de dépendance des personnes. »

Etape numéro un pour assurer un plan de prise optimal : détailler les posologies. « L'idéal est de les inscrire sur une feuille faisant office de mémo », propose Marie-Claude Guelfi, responsable du DU de gérontologie et de pharmacie clinique (Paris-V). Règle d'or, intégrer le rituel de la prise médicamenteuse dans la vie quotidienne. « En pratique, il suffit de donner des repères, c'est-à-dire de faire correspondre les moments de prise aux repas ou à la venue de l'aide ménagère », explique Jean Lamarche.

Des piluliers « nouvelle génération »

L'officinal peut aussi proposer des aides à l'administration du médicament : coupe- et écrase-comprimés pour les personnes ayant des difficultés de déglutition, piluliers en cas de mémoire défaillante. En attendant des dispositifs plus sophistiqués déjà disponibles aux Etats-Unis ! Tel le Compu-Med (photo ci-contre) qui présente automatiquement le compartiment correspondant au jour de la semaine (rempli préalablement) et qui sonne à chaque horaire de prise médicamenteuse. Plus élaboré encore, le Dosing Partners : un microprocesseur connecté à Internet et intégré à chaque emballage retransmet quotidiennement à un ordinateur central les données enregistrées. En cas d'oubli, une infirmière appelle le malade...

Outre l'indication des posologies, l'officinal participe à l'éducation des patients. L'étude réalisée en Ile-de-France le prouve : plus les personnes âgées connaissent leur maladie, plus elles sont conscientes des limites de leur traitement, meilleure est l'observance. « L'une des causes majeures de rupture thérapeutique correspond à l'apparition d'effets secondaires », rappelle Stéphane Chateil. Et puisqu'un patient averti en vaut deux, l'équipe officinale doit prévenir de l'éventuelle survenue d'effets indésirables. « Informer les patients, c'est bien. Impliquer les aidants, c'est encore mieux », telle pourrait être la conclusion de l'étude menée par le CRESIF. En effet, les aidants non professionnels de santé manquent souvent d'informations et de formation sur les pathologies. Résultat, le suivi devient machinal (avec un risque d'erreurs important) et sombre vite dans l'assistance, surtout dans certaines périodes critiques. Une hospitalisation, la retraite du médecin traitant, tout changement brutal de traitement (génériques...), le déménagement d'un enfant... Tout bouleversement des habitudes peut déstabiliser les patients âgés en défaveur de l'observance thérapeutique.

Au pharmacien de repérer ces épisodes difficiles pour redoubler de vigilance au moment opportun. Et avec le papy-boom annoncé pour les années à venir, les officinaux ne sont pas au bout de leurs recommandations.

Sept conseils pour améliorer l'observance des seniors

- Améliorer les échanges d'information pharmacien-médecin.

- Adapter ses recommandations au niveau intellectuel et au degré de dépendance du patient.

- Etablir à l'attention du client un mémo pour la posologie.

- Donner des repères quotidiens pour la prise des médicaments.

- Proposer des aides à la dispensation, piluliers, coupe-comprimés...

- Informer sur la pathologie les patients et leurs aidants.

- Eviter les bouleversements d'habitudes.

Les génériques, le pharmacien et la personne âgée

« Je ne suis pas partisan d'une substitution systématique derrière le médecin. Pour les traitements chroniques des personne âgées, il est le mieux placé pour juger de leur aptitude à prendre des génériques ! », s'exclame Alain Tison. Pharmacien gérant d'une pharmacie minière à Auchel (Pas-de-Calais), il sait de quoi il parle puisque la moyenne d'âge de sa clientèle avoisine les 70 ans. Et pourtant, il a mis en place avec succès la délivrance de génériques sans se heurter aux hésitations de ses patients et, surtout, sans les déstabiliser. En s'appuyant sur le fonctionnement en réseau propre au régime minier, il organise des réunions trimestrielles avec les médecins pour déterminer les molécules à substituer. D'un accord tacite, les généralistes comme les spécialistes donnent le feu vert au pharmacien en prescrivant en DCI.

Force est de constater que cette démarche porte ses fruits, bien que Alain Tisson reconnaisse la nécessité de faire preuve de patience au comptoir. Son combat en faveur de l'observance chez les seniors ne s'arrête pas là. « Pour assurer la conformité des prises chez les personnes âgées, il faut faire évoluer les pratiques pharmaceutiques », affirme-t-il. Sa proposition : préparer quotidiennement des plateaux individuels livrés à domicile par les aide ménagères. En attendant, ses préparateurs se déplacent chez certains patients pour apporter et expliquer l'ordonnance. En quelque sorte pour remplacer un entourage souvent absent.

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