Comment traiter l'anxiété généralisée et le trouble panique ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2423 du 08/12/2001 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2423 du 08/12/2001
 

Cahier formation continue

Comment agissent les benzodiazépines ? Les benzodiazépines, modulateurs allostériques des récepteurs centraux au GABA, n'agissent qu'en présence de GABA. Leur fixation sur ce récepteur facilite l'action du GABA et augmente la fréquence d'ouverture du canal chlore. L'influx de cet anion dans le neurone postsynaptique inhibe la neurotransmission à l'origine de l'action anxiolytique et hypnotique des benzodiazépines. Après un usage trop prolongé de benzodiazépines, les récepteurs GABA-a deviennent plus sensibles et/ou moins nombreux, ce qui conduit à un phénomène de tolérance ou, lors d'un arrêt brutal du traitement, à un syndrome de sevrage. CLAIRE WITT-DEGUILLAUME

Le traitement du trouble anxieux généralisé (TAG) et du trouble panique (TP) repose sur l'action complémentaire des psychothérapies et des chimiothérapies. La prescription ne doit jamais découler du renoncement du praticien face à la plainte anxieuse du patient. Bien souvent, une évaluation clinique initiale correctement menée et un suivi psychothérapique sont déterminants. Si une anxiété passagère ou situationnelle ne justifie pas en elle-même la prescription d'anxiolytiques - l'écoute et le soutien psychologique l'atténuent souvent rapidement -, les troubles anxieux caractérisés relèvent d'un traitement conduit avec rigueur.

Les médicaments

Les anxiolytiques constituèrent longtemps la seule perspective de prise en charge chimique des manifestations de l'anxiété. Ils agissent essentiellement sur la transmission médiée par l'acide gamma-aminobutyrique (GABA) ou par l'histamine. Depuis les années 60, les antidépresseurs ont confirmé leurs indications dans le traitement de fond des manifestations anxieuses chroniques à des posologies différentes de celles employées dans les troubles phobiques et obsessionnels compulsifs.

- L'effet placebo demeure efficace dans le cadre du traitement prophylactique de l'anxiété généralisée, avec un succès d'environ 60 %.

- Les signes somatiques d'anxiété (ulcères, colopathies, dermatoses, etc.) cèdent à une psychothérapie ou, si besoin, à la prescription d'anxiolytiques légers.

Benzodiazépines

Les benzodiazépines agissent en modulant les récepteurs cérébraux de type GABA-a en présence du GABA. Au nombre d'une douzaine, elles exercent notamment une activité anxiolytique, hypnotique, amnésiante, anticonvulsivante et myorelaxante.

- Elles ont peu d'effets latéraux cliniquement significatifs lorsque les posologies recommandées sont respectées. Au plan somatique, il importe cependant de veiller à ce que leur administration n'entraîne ou ne potentialise pas une insuffisance respiratoire. Au niveau neuropsychologique, les benzodiazépines ont un effet amnésiant antérograde dépendant de la dose, d'une éventuelle association à l'alcool et de la vulnérabilité individuelle (âge notamment), surtout lors d'une prise unique ou répétée sur une courte période.

- Leur bonne tolérance somatique associée à leur capacité à induire une anxiolyse puissante et rapide explique l'engouement des patients et donc le risque d'abus, se soldant par un phénomène de tolérance et de dépendance.

-> La tolérance se traduit par la nécessité d'augmenter les doses pour conserver une action thérapeutique suffisante.

-> La dépendance se traduit par l'observation de signes psychiques et physiques lors de l'arrêt du traitement. Trois phénomènes sont distingués mais ils peuvent s'intriquer lors de l'interruption du traitement anxiolytique.

- Le rebond se caractérise par la récurrence des signes pathologiques, avec une intensité souvent supérieure à ce qu'ils étaient avant traitement. Ces signes cèdent progressivement à l'arrêt du traitement.

- La rechute est une reprise véritable de l'activité pathologique, démasquée par l'arrêt du traitement.

- Le sevrage se traduit par une symptomatologie nouvelle, induite par l'arrêt brutal du traitement. Il affecte environ 10 % des patients ayant bénéficié d'un traitement anxiolytique pendant une période comprise entre 3 mois et un an. Il serait plus significatif avec les molécules dont la demi-vie est brève et chez les sujets associant la prise d'anxiolytiques à celle d'alcool. Le sevrage s'observe dans les 24-48 heures (demi-vie brève) ou dans les 7-10 jours (demi-vie prolongée avec métabolites actifs) suivant l'interruption du traitement. Les signes, qui régressent spontanément en deux à quatre semaines, correspondent à : des troubles du sommeil avec des cauchemars, de l'irritabilité et de l'anxiété, une labilité thymique (dépression, excitation maniaque), des nausées, des crampes musculaires, des céphalées, des vertiges, des troubles sensoriels divers, voire, de façon exceptionnelle, des attaques de panique, une impression de déréalisation et des hallucinations, des crises convulsives.

Ces manifestations du sevrage sont supprimées ou atténuées si l'arrêt du traitement est très progressif, étalé sur 10 jours à deux mois, selon les situations.

- Pour ces raisons, la prescription des anxiolytiques fait l'objet d'un encadrement légal étroit en France. Le traitement doit être de courte durée (4 à 6 semaines) sachant que la durée maximale de prescription est de 12 semaines. Il est mené à une dose minimale efficace parfois difficile à évaluer précocement. La vigilance s'impose chez les sujets toxicophiles. Le traitement est régulièrement réévalué s'il doit se prolonger. Lors de son arrêt, les doses sont progressivement réduites.

Autres anxiolytiques

- Le méprobamate (Equanil)

Le méprobamate, carbamate indiqué dans l'anxiété légère à sévère, a un profil thérapeutique proche de celui des benzodiazépines.

Son administration expose à un risque de sevrage proche de celui décrit pour les barbituriques avec de la confusion mentale, de l'obnubilation, des myoclonies, des convulsions ou tout signe évoquant un delirium tremens chez un sujet alcoolodépendant. Il importe d'arrêter progressivement son administration.

- L'hydroxyzine (Atarax)

L'hydroxyzine, dérivé de la pipérazine, a une action à la fois anxiolytique et antagoniste des récepteurs H1 (d'où ses indications en dermatologie).

Son efficacité anxiolytique a été démontrée dans le traitement à court terme de l'anxiété généralisée, avec peu de risque d'effet rebond lors de l'arrêt du traitement.

Son AMM ne concerne cependant que les formes mineures de l'anxiété.

- La buspirone (Buspar)

La buspirone est un agoniste sérotoninergique 5-HT1A dont l'activité est comparable à celle des benzodiazépines. Elle n'expose que peu à des effets latéraux sédatifs et ne donne pas lieu à usage abusif.

La buspirone respecte la fonction ventilatoire. Mais elle ne se révèle pas active immédiatement : elle ne peut être administrée comme traitement curatif d'une crise d'angoisse.

Divers

La captodiamine (Covatine) et l'étifoxine (Stresam) sont d'autres anxiolytiques.

La première est indiquée dans l'anxiété et ses manifestations somatiques, la seconde est préconisée dans les manifestations psychosomatiques de l'anxiété.

Antidépresseurs

C'est dans cette famille que l'on observe les avancées les plus significatives, de nombreux laboratoires sollicitant des extensions d'AMM dans des formes bien spécifiques d'anxiété.

- On peut estimer que toutes les molécules ont un potentiel thérapeutique dans ce domaine, même si seules certaines d'entre elles ont une AMM dans l'anxiété : la clomipramine, le citalopram, la paroxétine et la venlafaxine, qui sont indiqués dans l'anxiété généralisée ou le trouble panique.

- Les effets indésirables liés à un tricyclique (clomipramine) peuvent s'avérer handicapants et dangereux (sécheresse buccale, tachycardie, constipation, rétention urinaire, troubles du rythme cardiaque).

- Le traitement par un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (citalopram, paroxétine) ou un antidépresseur d'action duale (venlafaxine) est généralement bien toléré.

Il n'expose qu'à des manifestations d'hypersérotoninergie avec des signes psychiques (hypomanie, confusion, troubles du sommeil), moteurs (tremblements, rigidité, hyperréflexie) et végétatifs (sueurs, anomalies tensionnelles, tachycardie, frissons, hyperthermie).

Bêtabloquants

Les bêtabloquants n'ont pas d'indication ici, sauf si les conséquences cardiovasculaires (hypertension, coronaropathies, etc.) de l'anxiété dominent le tableau.

- Le propranolol (Avlocardyl) bénéficie d'une indication dans les manifestations fonctionnelles cardiaques à type de tachycardie et de palpitations au cours de situations émotionnelles transitoires.

Les stratégies

Le traitement de l'anxiété reste délicat, même si les molécules utilisées bénéficient d'une relative bonne tolérance. Il implique d'être adapté à la forme que revêt la pathologie anxieuse et d'être conduit dans le respect de règles précises.

Il s'accompagne le plus souvent d'une psychothérapie au long cours menée par un spécialiste. Elle peut faire appel aux techniques de la relaxation ou aux thérapies cognitivocomportementales.

Crise d'angoisse

- Le traitement d'une crise d'angoisse isolée impose l'isolement du patient. Il faut le rassurer, favoriser sa relaxation musculaire et l'aider à contrôler sa respiration.

- Une benzodiazépine ou un équivalent d'action rapide administré par voie orale est alors indiqué.

La voie intramusculaire peut avoir un intérêt du fait de l'action psychologique liée à la modalité d'administration.

Trouble panique

Le traitement du trouble panique associe nécessairement une prise en charge psychothérapique à la prescription médicamenteuse.

- La chimiothérapie prophylactique fait appel aux antidépresseurs. Les tricycliques et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) constituent une alternative de plus en plus appréciée : ils n'engendrent pas de risque de dépendance et les IRS les plus récents bénéficient d'une bonne tolérance également. Leur administration peut exposer cependant, de façon transitoire, à une exacerbation de l'anxiété.

- Certaines benzodiazépines sont aussi utilisées hors AMM : la plupart sont indiquées notamment dans l'anxiété généralisée et la crise d'angoisse mais aucune ne possède l'indication « trouble panique ». Certains spécialistes les proscrivent estimant que leur action sur la mémoire limite les effets bénéfiques d'une thérapie comportementale.

-> L'alprazolam est fréquemment prescrit par les psychiatres à des doses importantes (3 à 8 mg/j) atteintes en deux semaines depuis une dose initiale de 0,25 mg/jour, administrées en trois fois du fait de sa demi-vie courte. Il s'avère rapidement efficace. Sa bonne tolérance facilite sa prescription par rapport aux antidépresseurs tricycliques.

-> Le clonazépam (Rivotril), anticonvulsivant, est également utilisé dans cette situation. Sa demi-vie plus longue que celle de l'alprazolam favorise une meilleure observance, et expose moins à un risque de rebond matinal d'anxiété.

- Il est fréquent d'associer un anxiolytique à faible posologie et un antidépresseur dans cette indication en début de traitement lorsque les manifestations cliniques d'anxiété sont encore importantes et invalidantes pour le patient. Cette stratégie permet aussi de pallier l'efficacité retardée des antidépresseurs, puisqu'ils n'agissent qu'au terme de quelques semaines d'un traitement conduit à posologie suffisante. Le traitement doit être administré pendant au moins six mois d'affilée, puis arrêté progressivement, en sachant que les rechutes ne sont pas rares (elles imposent une augmentation de la posologie ou la reprise du traitement).

Anxiété généralisée

Le traitement ambulatoire, sauf exception, associe un anxiolytique sur une période limitée ou un antidépresseur à une psychothérapie.

- L'anxiété généralisée constitue une indication importante des anxiolytiques administrés par voie orale, qu'il s'agisse des benzodiazépines qui ont une AMM explicite dans l'anxiété généralisée ou d'alternatives comme la buspirone, le méprobamate et l'hydroxyzine, ces deux derniers étant alors utilisés hors AMM.

- La posologie est déterminée de façon empirique suivant la sensibilité et le terrain du sujet : une insuffisance respiratoire contre-indique le recours aux benzodiazépines et fait privilégier l'usage de la buspirone.

- Le choix de la molécule repose sur des critères cinétiques.

- Le traitement est efficace en une à deux semaines mais l'effet sédatif peut s'émousser avec le temps, ce qui explique qu'il ne soit pas pertinent d'en prolonger l'administration, sauf sur avis d'un psychiatre. On procède par cures courtes (de 4 semaines au maximum) et éventuellement répétées. L'AMM autorise néanmoins la prescription prolongée d'anxiolytiques dans cette indication après réévaluation de l'activité du traitement.

- Les antidépresseurs (venlafaxine) se révèlent aussi actifs que les benzodiazépines, mais leur délai d'action est plus important. Pour cette raison, une association temporaire à celles-ci ou à d'autres anxiolytiques est fréquente.

Contre-indications des anxiolytiques

Benzodiazépines

- Insuffisance respiratoire sévère

- Syndrome d'apnée du sommeil

- Insuffisance hépatique sévère

Méprobamate

- Insuffisance respiratoire

Hydroxyzine

- Risque de glaucome par fermeture de l'angle

- Risque de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques

Buspirone

- Insuffisance rénale et/ou hépatique sévère

Etifoxine

- Etat de choc

- Insuffisance rénale et/ou hépatique sévère

- Myasthénie

Contre-indications des antidépresseurs

Clomipramine

- Risque connu de glaucome par fermeture de l'angle

- Risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques

- Infarctus du myocarde récent

- Association aux IMAO non sélectifs et au sultopride

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (paroxétine, citalopram)

- Enfant de moins de 15 ans

- Association aux IMAO non sélectifs (iproniazide)

- Association aux IMAO-A sauf exception (paroxétine)

- Insuffisance rénale sévère (citalopram)

Venlafaxine

- Age inférieur à 18 ans

- Association aux IMAO non sélectifs (iproniazide)

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