L'ordonnance d'un patient souffrant d'arythmie complète par fibrillation auriculaire - Le Moniteur des Pharmacies n° 2413 du 29/09/2001 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2413 du 29/09/2001
 

Cahier formation continue

Cette ordonnance présente deux objectifs thérapeutiques :

- Prévenir une récidive de la fibrillation auriculaire par Flécaïne.

- Prévenir un risque embolique d'origine cardiaque secondaire à la fibrillation auriculaire par Préviscan.

Validation du choix des médicaments

- Flécaïne (flécaïnide) est un antiarythmique dont les propriétés sont celles de la classe 1c de Vaughan-Williams (inotrope négatif). Il allonge le temps de conduction intra-auriculaire, nodale et intraventriculaire. Il augmente légèrement les périodes réfractaires effectives des oreillettes, des ventricules, du noeud auriculoventriculaire et des voies accessoires antérogrades et rétrogrades. Il n'entraîne pas de modification significative de la fréquence cardiaque, sauf chez les patients présentant un dysfonctionnement sinusal. Il est notamment indiqué dans la prévention des récidives des tachycardies supraventriculaires en l'absence d'altération de la fonction ventriculaire gauche.

La posologie usuelle journalière varie de 100 mg à 300 mg (dose maximale) en 2 prises.

- Préviscan (fluindione) est un anticoagulant, antivitamine K (AVK), qui inhibe, au niveau des hépatocytes, la dernière étape de la synthèse vitamine K-dépendante des facteurs de la coagulation (II,VII, X, IX). Les AVK n'ont pas d'action sur les facteurs circulants déjà synthétisés. L'action anticoagulante apparaît dans les 36 à 72 heures après administration orale et peut persister 4 à 5 jours après arrêt du traitement. Préviscan est ici indiqué dans la prévention de la maladie thromboembolique.

La posologie initiale est toujours probatoire et, en raison d'une sensibilité variable, strictement individuelle. La dose usuelle quotidienne de 20 mg (1 comprimé) est à adapter en fonction de la valeur de l'INR.

Détection des interactions médicamenteuses

L'association de Flécaïne et de Préviscan ne pose pas de problème. En revanche, le patient a également pris de l'amiodarone. Les effets de Cordarone peuvent se manifester longtemps après son arrêt. Compte tenu de l'absence de fenêtre thérapeutique ainsi que de la demi-vie longue de la molécule (variabilité interindividuelle de 20 à 100 jours), deux interactions potentielles entraînent des précautions d'emploi.

- Cordarone/Flécaïne

L'association d'antiarythmiques de classes différentes peut apporter un effet thérapeutique bénéfique, mais s'avère le plus souvent très délicate. Elle nécessite une surveillance clinique étroite et un contrôle de l'ECG.

- Cordarone/Préviscan

L'interaction, décrite pour l'acénocoumarol et la warfarine, pourrait être extrapolable à la fluindione. Elle peut entraîner une augmentation de l'effet anticoagulant et du risque hémorragique, d'où la nécessité d'une surveillance plus fréquente de l'INR.

Elaboration d'une opinion pharmaceutique

- Condiv

La fibrillation auriculaire se traduit par la disparition des battements organisés de l'oreillette. L'activité électrique devient très rapide, anarchique avec une fréquence et une amplitude irrégulières. L'ECG met en évidence une irrégularité de l'activité auriculaire (signe constant) et des irrégularités plus ou moins nettes de la ligne de base (en « toit d'usine »). La transmission des influx est totalement aléatoire. Les complexes QRS, traduction des contractions ventriculaires, sont irréguliers (arythmie complète). Comme les contractions ventriculaires surviennent à des moments différents du remplissage, le rythme et l'amplitude des quantités éjectées varient. La perte de la contraction auriculaire favorise la stagnation du sang dans l'oreillette avec un risque de formation et de migration de caillots. L'arythmie complète par fibrillation auriculaire peut alors entraîner une embolie artérielle et une altération hémodynamique.

La prise en charge de l'arythmie complète par fibrillation auriculaire relève d'une stratégie multiple comprenant :

-la prévention des accidents emboliques par traitement anticoagulant réduisant le risque de 40 à 70 % ;

- le ralentissement des fibrillations auriculaires trop rapides ;

- la tentative de réduction des fibrillations auriculaires récentes ;

- la recherche et le traitement d'éventuelles causes favorisantes cardiaques ou extracardiaques.

- Analyse des posologies

Les posologies de l'ordonnance sont correctes.

- Gestion des interactions

Calciparine et Digoxine ont été arrêtées par le cardiologue. Compte tenu des demi-vies de ces molécules, il n'y a pas d'incidence avec le nouveau traitement.

La conversation téléphonique avec le cardiologue confirme que les interactions entre Cordarone et les médicaments de l'ordonnance ont été prises en compte et sont gérées par une surveillance clinique et un contrôle de l'ECG étroits du patient.

- Suivi du traitement

- Avant la mise en place du traitement

L'arythmie permanente de M. J est objectivée par un pouls irrégulier (rythme et amplitude), une pression artérielle difficile à mesurer. Sur l'ECG, l'absence d'onde P et la totale irrégularité des complexes QRS confirment le diagnostic.

Le bilan de l'arythmie complète par fibrillation auriculaire consiste à rechercher et corriger des facteurs favorisants ou déclenchants (cardiopathie valvulaire, cardiopathie hypertensive, dysthyroïdie, correction des troubles hydroélectrolytiques...).

Les bilans biologiques (kaliémie, créatininémie, TSH) et échographiques (contrôle de la fonction cardiaque et recherche d'une cardiopathie éventuelle) effectués sont normaux.

- Pour Flécaïne, les perturbations hydroélectrolytiques (hypo- ou hyperkaliémie) peuvent favoriser les effets proarythmiques des antiarythmiques de classe 1 et doivent être corrigées avant son administration. Ces effets se traduisent par la survenue d'une forme plus grave d'arythmie : extrasystoles ventriculaires, tachycardie et fibrillation ventriculaire, torsades de pointes.

- Pour Préviscan, médicament à marge thérapeutique étroite, une surveillance clinique et biologique s'impose. Il est donc nécessaire de vérifier l'absence de contre-indications (affections hémorragiques, lésions pouvant saigner, ulcères gastroduodénaux...) et d'effectuer un bilan minimal qui comporte : groupe Rhésus (dans l'éventualité d'une transfusion), NFS, plaquettes, temps de Quick exprimé en INR, fonction rénale (créatinémie, kaliémie) et hépatique (ALAT, ASAT). Chez ce patient déjà sous AVK depuis sa première consultation, l'INR doit être stabilisé entre 2 et 3.

- Après la mise en place du traitement

La surveillance consiste à :

- Rechercher la notion de palpitations, les effets indésirables extracardiaques de Flécaïne (vertiges, vision trouble), les signes d'insuffisance cardiaque, d'embolie systémique. La survenue sous traitement d'un bloc auriculoventriculaire, d'un bloc de branche complet permanent doit faire arrêter son utilisation.

- Contrôler l'ECG (rythme, espace PR, largeur QRS, espace QT).

- Contrôler l'ionogramme sanguin, la fonction rénale, l'hémostase. Un Holter cardiaque peut éventuellement être nécessaire.

La prise de Préviscan implique la surveillance de l'INR une fois tous les 15 jours. Des contrôles supplémentaires sont nécessaires en cas d'introduction d'un nouveau médicament ou modification de la dose d'AVK, d'affection... Un INR supérieur à 5 est associé à un risque hémorragique excessif.

Le patient a un carnet où figurent les résultats des contrôles biologiques, les modifications de posologie, l'INR souhaité et son groupe Rhésus. Ce carnet est remis gratuitement par la Fédération française de cardiologie aux patients, aux pharmacies... qui en font la demande.

Une fois le traitement stabilisé, les examens cliniques et biologiques sont mensuels.

Propositions de conseils au patient

- Pour l'ensemble du traitement

- Respecter les posologies et la durée du traitement prescrit, même si le patient se sent mieux.

- Eviter le stress et le surmenage physique.

- Contrôler régulièrement la tension artérielle.

- En cas de palpitations, consulter immédiatement le médecin traitant.

- Eviter l'alcool pendant le traitement et s'assurer que les médicaments pris en automédication n'en contiennent pas.

- Eviter l'exposition au soleil ou s'en protéger en raison du risque de photosensibilisation induit par Cordarone.

- Encourager le patient à avoir une activité physique régulière et adaptée comme la marche. - Ne pratiquer un sport qu'avec l'autorisation du médecin.

- Les examens de suivi médical établis par le médecin sont rigoureusement indispensables.

- Tenir à jour le carnet de suivi et le présenter à chaque consultation.

- Avec Flécaïne

Eviter les excitants (thé, café et tabac).

- Avec Préviscan

- Proscrire salicylés et AINS. Préférer le paracétamol. Attention aux antibiotiques pouvant dérégler la flore intestinale et aux laxatifs lubrifiants pouvant entraîner une fuite de vitamine K !

- Surveiller l'alimentation : consommation modérée d'avocats, brocolis, choux, épinards...

- Reconnaître les signes de surdosage (épistaxis, gingivorragie, saignements prolongés lors de coupures, ecchymoses fréquentes).

- Eviter les activités avec risque trop important de chutes ou de blessures.

- Contacter le médecin en cas d'ulcérations buccales.

- Signaler ce traitement en cas d'extraction dentaire, d'injection intramusculaire, d'infiltration intra-articulaire ou de ponction lombaire.

LE CAS

Monsieur J., 55 ans, consulte son médecin généraliste car il souffre de palpitations depuis une semaine. Le praticien découvre à l'électrocardiogramme (ECG) une arythmie complète par fibrillation auriculaire (AC/FA) avec une réponse ventriculaire entre 110 et 120 battements par minute (BPM). Il adresse son patient à un cardiologue et, dans l'attente de la consultation, prescrit Préviscan, Calciparine 0,4 ml et Digoxine pour éviter une embolie et diminuer le rythme cardiaque.

Lors de la visite chez le cardiologue, ce dernier réalise une échocardiographie qui montre une insuffisance mitrale mais pas d'autre anomalie. Il entérine le traitement instauré par le médecin généraliste et y associe un traitement par Cordarone (un comprimé par jour) avec contrôle trois semaines après. Le cardiologue a naturellement pris en compte les risques d'élévation de la digoxinémie et de survenue de bradycardie excessive. A la consultation de contrôle, M. J. est toujours en AC/FA, mais plus lente (réponse ventriculaire entre 85 et 90 BPM).

Le cardiologue décide d'hospitaliser M. J. Après arrêt de Digoxine, le choc électrique externe effectué permet le retour en rythme sinusal. M. J sort après 5 jours d'hospitalisation.

L'ordonnance

- Flécaïne : 1 comprimé matin et soir.

- Préviscan : 1 comprimé par jour.

qsp 1 mois.

Arrêt des autres médicaments.

Plan de prise conseillé

-> Flécaïne : la prise peut se faire avant, pendant ou après le repas avec un grand verre d'eau.

-> Préviscan : afin de maintenir un effet constant, la prise de l'AVK doit se faire de façon régulière pendant ou en dehors des repas mais toujours à heure fixe dans la journée.

Les palpitations sont les manifestations cliniques les plus fréquentes des troubles du rythme.

Les antiarythmiques, indiqués pour traiter les troubles du rythme peuvent aussi favoriser l'apparition d'autres arythmies : c'est l'effet proarythmique.

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