Comment traiter les troubles du rythme cardiaque ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2413 du 29/09/2001 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2413 du 29/09/2001
 

Cahier formation continue

Action des antiarythmiques sur le tissu nodal MARIE GUIBERT

Les progrès thérapeutiques de ces trente dernières années ont fait évoluer la rythmologie du statut de science descriptive et contemplative (analyse de l'ECG) à celui de spécialité interventionnelle avec les possibilités curatives qui en découlent. Les médicaments restent le socle du traitement antiarythmique, même s'ils sont loin de donner entière satisfaction.

Les antiarythmiques

Le médicament antiarythmique idéal n'existe pas. Dans certains cas, le traitement peut même être plus dangereux que le trouble du rythme à traiter. Il n'y a pas de médicament antiarythmique sans effet secondaire cardiaque ou extracardiaque potentiellement grave.

Les antiarythmiques modifient les propriétés électrophysiologiques des cellules myocardiques. Habituellement, ils diminuent l'automaticité et la conductivité myocardiques. Ils peuvent parfois favoriser l'éclosion d'arythmie d'un autre type : c'est l'effet arythmogène ou proarythmique.

La plupart des antiarythmiques sont contre-indiqués en cas d'altération de la contractilité ventriculaire. Ils le sont également dans certains troubles de la conduction intracardiaque où ils font courir le risque de bradycardie sévère.

Selon leurs propriétés électrophysiologiques, les antiarythmiques sont divisés en quatre classes selon la classification de Vaughan-Williams.

- La classe I

Ils modifient les mouvements transmembranaires de sodium. Ils sont aussi qualifiés de stabilisants de membrane.

Ce groupe est subdivisé en 3 classes : Ia, Ib et Ic.

- La classe Ia englobe les quinidiniques (Longacor, Sérécor), le disopyramide (Rythmodan).

- La classe Ib comprend la lidocaïne par voie intraveineuse (Xylocaïne, Xylocard) et la mexilétine (Mexitil).

- La classe Ic est représentée par le flécaïnide (Flécaïne), le propafénone (Rythmol), le cibenzoline (Cipralan, Exacor). Figurent également dans cette classe l'aprindine (Fiboran) et un bêtabloquant, le nadoxolol (Bradyl).

La plupart de ces médicaments ont l'inconvénient d'altérer la contractilité myocardique. Ils peuvent, rarement, être à l'origine d'arythmies ventriculaires graves. Les effets secondaires extracardiaques sont peu fréquents (troubles digestifs avec les quinidiniques).

- La classe II

Ce sont des bêtabloquants qui s'opposent aux effets arythmogènes des catécholamines : acébutolol (Sectral), aténolol (Ténormine), métoprolol (Lopressor, Selen), nadolol (Corgard), oxprénolol (Trasicor), pindolol (Visken), propranolol (Avlocardyl, Hémipralon).

- La classe III

-> L'amiodarone (Cordarone) est « l'antiarythmique à tout faire ». Elle agit essentiellement sur les flux transmembranaires de potassium et permet de réduire ou de prévenir les troubles du rythme aux niveaux auriculaire, jonctionnel ou ventriculaire.

Elle n'a quasiment pas d'action dépressive myocardique, mais un risque de bradycardie subsiste si la posologie est excessive.

Pour être efficace, l'amiodarone doit d'abord avoir saturé les tissus de l'organisme, en particulier le tissu adipeux. C'est la raison pour laquelle le début du traitement fait souvent appel à une dose de charge (6 comprimés à 200 mg par jour pendant 6 jours en milieu hospitalier, 3 comprimés par jour pendant 10 à 30 jours en ambulatoire). Cet antiarythmique est ensuite administré en 5 prises par semaine, ce qui diminue la dose totale ingérée et l'incidence des effets secondaires.

Un traitement bref n'entraîne que peu d'effets secondaires. L'élimination très lente et l'accumulation dans l'organisme font que la toxicité extracardiaque est réelle en cas de traitement au long cours. Des troubles thyroïdiens (hypo- ou hyperthyroïdie), pulmonaires (pneumopathie fibrosante), oculaires (dépôt cornéen), cutanés (photosensibilité, pigmentation bleu ardoise), neurologiques (polynévrite) ou hépatiques (anomalies biologiques) peuvent alors apparaître.

-> Le sotalol (Sotalex) est un bêtabloquant ayant une activité antiarythmique de classe III.

Il présente un effet similaire à l'amiodarone.

- La classe IV

Ce sont les inhibiteurs calciques : diltiazem (Tildiem) par voie injectable et vérapamil (Isoptine). Ils sont indiqués en traitement et prévention des tachycardies paroxystiques supraventriculaires.

Les méthodes non pharmacologiques

Elles sont employées en cas d'échec ou de mauvaise tolérance des antiarythmiques, mais aussi d'emblée, pour éviter une prise médicamenteuse au long cours chez un sujet jeune.

- Le choc électrique externe

Il a été le premier traitement non pharmacologique des troubles rythmiques cardiaques. Il consiste à délivrer à travers le thorax un courant électrique dans le but de rétablir le rythme cardiaque physiologique. La délivrance d'un courant d'un voltage élevé (de l'ordre de 100 volts), mais de très brève durée (en centièmes ou millièmes de secondes), provoque la dépolarisation brutale de l'ensemble des cellules myocardiques et permet ainsi de les resynchroniser.

C'est le moyen le plus rapide d'obtenir la réduction d'une tachycardie, qu'elle soit ventriculaire ou supraventriculaire. Si le malade est inconscient, le choc électrique externe peut être délivré immédiatement. Si le patient est conscient, il est nécessaire d'effectuer une brève anesthésie générale.

L'effet est pratiquement constant, mais de courte durée. Il doit impérativement être suivi d'un traitement médicamenteux pour prévenir les récidives.

- Les défibrillateurs automatiques implantables

Ils sont destinés à administrer automatiquement un choc électrique en cas de fibrillation ou de tachycardie ventriculaire rapide. Les dispositifs implantés se composent d'un petit boîtier placé dans la région sous-claviculaire et de sondes fixées dans les cavités cardiaques. Le coût élevé de ces appareils en limite actuellement les indications, bien que leur efficacité ne soit plus à démontrer, en particulier chez les patients rescapés de mort subite (ayant eu un arrêt circulatoire d'évolution favorable).

- Les méthodes ablatives

Elles ont pour but de détruire le substrat arythmogène pour éviter définitivement toute récidive d'arythmie, sans traitement médicamenteux au long cours. Ces méthodes complexes ne sont pratiquées que par des équipes de chirurgie cardiologique entraînées.

La radiofréquence est la technique la plus souvent utilisée. Un bistouri électrique modifié est introduit dans les cavités cardiaques et permet de brûler une petite zone de myocarde impliquée dans la genèse du trouble rythmique.

Les stratégies thérapeutiques

La conduite thérapeutique à tenir varie selon la nature du trouble du rythme.

- Les extrasystoles auriculaires

Fréquentes et/ou répétitives, elles font craindre un passage en fibrillation auriculaire, en particulier lorsqu'il existe une cardiopathie évoluée.

Des antiarythmiques de classe I (Ia/Ic) ou l'amiodarone (en cas d'altération de la contractilité ventriculaire gauche) sont alors prescrits.

- La fibrillation auriculaire

L'absence de contraction des oreillettes favorise la formation de caillots avec risque d'embolie artérielle périphérique.

Un traitement anticoagulant est donc prescrit chaque fois qu'il n'y a pas de contre-indication formelle. Il fait appel à des héparines non fractionnées par voie intraveineuse ou sous-cutanée, voire des héparines de bas poids moléculaire à dose curative - bien qu'il n'y ait pas d'AMM dans cette indication -, puis des antivitamines K.

La réduction du trouble du rythme, si elle ne survient pas spontanément, peut être obtenue, selon les cas, par amiodarone à forte dose ou choc électrique externe.

Le rythme cardiaque doit être ralenti en utilisant de la digoxine (les digitaliques ne sont en pratique plus utilisés que pour ralentir la cadence des fibrillations auriculaires) ou de l'amiodarone par voie orale, voire intraveineuse.

Ensuite se pose le problème de la prévention des récidives de l'arythmie. Les médicaments de classe 1 (1a/1c) sont assez efficaces. L'amiodarone n'est utilisée qu'en cas d'altération de la contractilité ventriculaire gauche ou d'échec des autres thérapeutiques.

- La tachycardie jonctionnelle

Elle est facilement réduite par des manoeuvres qui provoquent une hypertonie vagale transitoire : manoeuvre de Valsalva (expiration forcée à glotte fermée), déglutition d'un verre d'eau glacée, déclenchement du réflexe nauséeux, compression des globes oculaires, massage sinocarotidien (pression modérée exercée sur la bifurcation carotidienne sous l'angle de la mâchoire).

Le patient peut apprendre à faire lui-même certaines de ces manoeuvres. En cas d'échec, il faut recourir à des antiarythmiques injectables par voie intraveineuse : ATP (Striadyne), vérapamil (Isoptine)...

Si le bilan cardiologique révèle l'existence d'une voie accessoire faisant communiquer électriquement les oreillettes et les ventricules, en plus de la voie normale, nodohissienne, la destruction de celle-ci par radiofréquence doit être envisagée. Sinon un traitement antiarythmique oral peut être indiqué pour prévenir les récidives.

- Les tachycardies ventriculaires

La tachycardie ventriculaire doit être réduite en urgence par choc électrique externe ou injection d'un médicament antiarythmique sous surveillance continue de l'ECG.

Lorsqu'il existe une cardiopathie, ce type de tachycardie est un élément de mauvais pronostic en raison du risque de mort subite.

Le traitement préventif des récidives peut faire appel aux médicaments antiarythmiques (amiodarone ou bêtabloquants avec parfois association des deux), à la destruction du point de départ de la tachycardie par radiofréquence ou au défibrillateur automatique implantable.

- Les extrasystoles ventriculaires

Elles sont bénignes sur un coeur parfaitement sain. En cas de cardiopathie, la constatation d'extrasystoles ventriculaires fréquentes et/ou répétitives est le témoin d'un risque élevé de troubles rythmiques ventriculaires graves pouvant entraîner une mort subite.

Les moyens destinés à prévenir les tachycardies ventriculaires doivent être utilisés, sauf le vérapamil.

- Les fibrillations ventriculaires

La fibrillation ventriculaire coïncide toujours avec un arrêt circulatoire et le décès du patient en quelques minutes, en l'absence de prise en charge adaptée.

Le traitement de l'accès de fibrillation ventriculaire est le choc électrique externe immédiat. Dans l'attente de celui-ci, les gestes élémentaires de survie (bouche-à-bouche et massages cardiaques) doivent être pratiqués par l'entourage.

Chez les survivants, la récidive peut être prévenue par les médicaments antiarythmiques (bêtabloquants et/ou amiodarone).

La cardiopathie sous-jacente doit toujours être énergiquement traitée (traitement médicamenteux antiangineux, revascularisation myocardique par angioplastie ou pontage aortocoronaire...).

L'implantation d'un défibrillateur automatique est souvent indiquée.

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