Se protéger des collaborateurs indélicats - Le Moniteur des Pharmacies n° 2411 du 15/09/2001 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2411 du 15/09/2001
 

VOLS

Entreprise

Même si elles sont rares, nul n'est à l'abri des indélicatesses de ses employés. Vol de marchandises et détournements des espèces, la pilule est très amère quand on découvre le pot aux roses. Il existe néanmoins des parades et des moyens de contrôle qui permettront d'éveiller les soupçons.

Il ne faut jamais se fier aux apparences, car les cas les plus spectaculaires relèvent étonnamment d'individus en qui on avait toute confiance. CHUCK SAVAGE/CORBIS STOCK MARKET

Les détournements, ça n'arrive pas qu'aux autres. Selon une enquête de KPMG, 67 % des entreprises (tous secteurs confondus) ont été victimes de fraudes et plus de la moitié des dirigeants pense que la fauche a tendance à augmenter. La sophistication des techniques de fraudes, la crise des valeurs morales et l'insuffisance des actions de prévention sont les trois raisons les plus citées pour expliquer cette augmentation. L'insuffisance du contrôle interne est citée par plus de la moitié des dirigeants comme facteur ayant favorisé la fraude dans leur entreprise. Le détournement est soit interne (les salariés en général), soit externe (les clients ou autres), plus rarement les deux (en cas de connivence entre un client et un employé).

Détectez les fuites par l'analyse des marges

Les cas de détournements internes significatifs décelés en officine restent relativement rares, d'une part parce que le personnel en pharmacie est, dans sa très grande majorité, intègre et honnête, d'autre part parce que les larcins ne peuvent porter que sur des détournements d'espèces ou de coulage de marchandises, surtout sur la parapharmacie... Toutefois, lorsqu'ils se révèlent, ils peuvent s'avérer spectaculaires, courant souvent sur plusieurs années. « Sans une validation annuelle comptable et extracomptable de la marge, un détournement de 3 000 francs par mois dans une officine qui réalise un chiffre d'affaires de 8 millions de francs pourrait passer inaperçu », indique Olivier Delétoille, directeur associé de KPMG Entreprises. L'air de rien, sur quatre ans, le montant de la fraude atteindrait la coquette somme de 144 000 francs, alors qu'annuellement cela ne représente approximativement que 0,33 % du taux de marge.

Comment se protéger du vol des collaborateurs ? A cette question qui peut paraître désobligeante, l'expert-comptable de KPMG apporte des réponses concrètes : « Le titulaire doit tout d'abord mettre en place un tableau de bord mensuel afin de déceler rapidement les dérives, dont l'origine peut résider dans le coulage du stock et le détournement d'espèces. »

Un titulaire vigilant se doit de contrôler sa caisse tous les soirs et de ne pas conserver trop de liquidités à la pharmacie ou chez soi. Celui-ci devra redoubler d'attention avec l'arrivée de l'euro pendant la période transitoire. S'il est consciencieux, « il fera également valider la marge en valeur et en pourcentage par son expert-comptable à l'occasion de l'arrêté des comptes annuellement ou sur une période déterminée ».

S'il existe un comptable interne à l'officine, le titulaire doit avoir pour principe de base de ne jamais lui confier le carnet de chèques (entamé ou pas). « Pour tenir la comptabilité, les talons de chèques suffisent. Mais le fait d'être seul à détenir la signature n'est pas un gage de sécurité suffisant. »

Etant au centre du dispositif de contrôle interne de son officine, « il est rare que le titulaire soit amené à payer des factures non dues », remarque encore Olivier Delétoille. Malgré cela, « rien ne ressemble plus à une vraie facture qu'une fausse facture ! Il ne faut jamais se fier aux apparences, car les cas les plus spectaculaires relèvent étonnamment d'individus en qui on avait toute confiance ».

Déclarez toute fraude pour être en règle avec le fisc

Un malheur n'arrive jamais seul. Le titulaire peut être doublement pénalisé par celui qui a abusé de sa confiance. Olivier Delétoille évoque le cas d'un pharmacien victime d'un détournement d'espèces par un salarié, évalué à 200 kF sur trois ans. Le chiffre d'affaires ainsi détourné n'apparaît pas en comptabilité. Lors d'un contrôle fiscal, le titulaire fait part de ses infortunes à l'inspecteur. Il aurait mieux fait de se taire ! En effet, informé ainsi des faits, l'inspecteur a notifié un redressement de base d'imposition du montant du détournement, au motif que la créance sur l'employé indélicat aurait dû être portée à l'actif du bilan et être provisionnée à hdiv du risque de non recouvrement... Au passage, il n'oublie pas non plus le montant de la TVA et, enfin, s'assure de notifier à cette « brebis galeuse » un redressement au titre de l'impôt sur le revenu. Les vols doivent être déclarés pour être en règle avec le fisc qui gagne ainsi sur deux tableaux.

Autre histoire vécue, celle d'un commerçant qui s'est fait voler 195 000 francs d'espèces à son domicile situé au-dessus de son entreprise. De bonne foi, il considère qu'il s'agit d'une perte attachée à des recettes commerciales. Mais le fisc rejette la charge au motif qu'il ne s'agit pas d'une perte d'exploitation puisque le vol a été commis au domicile de l'exploitant, et qu'il n'est pas établi que les espèces volées appartenaient à l'actif commercial. Le vol de ces deniers au domicile est donc un vol de deniers privés pouvant provenir de prélèvements personnels comptabilisés antérieurement au délit. Par chance, l'div du vol a été identifié. De fait, la perte ne saurait être définitive et la victime a les moyens de se retourner contre l'div (la créance peut être récupérable).

Chiffrer la démarque inconnue permet de déceler le vol dont on est victime. Pour cela, il est indispensable d'examiner précisément l'évolution du taux de marge à l'occasion de l'arrêté des comptes. La simple constatation à la baisse, ou non, du taux par exemple d'une année sur l'autre n'est pas suffisante. « Les variations notamment de plus de 0,3 % doivent être expliquées, précise Olivier Delétoille. Mais un taux de marge stable n'est pas pour autant rassurant et ne signifie pas qu'il n'y a pas d'erreurs... » L'objectif du contrôle est de valider la marge comptable par une approche commerciale afin de déceler d'éventuels dysfonctionnements. De deux chose l'une, explique Olivier Delétoille, ce travail révélera :

- Soit des anomalies dans l'élaboration des comptes (chiffrage du stock erroné ; factures d'achats non comptabilisées ou comptabilisées deux fois ; recettes non comptabilisées, évaluation erronée des « dus clients » à la clôture des comptes, etc.). Il s'agit ici de faire face à des risques de double paiement ou fiscaux compte tenu des anomalies relevées dans la comptabilité.

- Soit un détournement (chiffre d'affaires, coulage de stocks ou autres).

La méthode proposée par KPMG Entreprises peut être déclinée avantageusement, avec l'aide de l'expert-comptable, en deux étapes.

La première étape consiste à approcher la marge par secteur d'activités, quatre pouvant être distingués :

- Le secteur « médicaments remboursables » (SMR) : le répartiteur joint à ses relevés mensuels une analyse des douze derniers mois d'achats. Sur ce document figure, sur la ligne « SMR », les achats du dernier mois, les achats des douze derniers mois ainsi que le taux de marge brut moyen. A partir de ce document, on reconstitue la marge SMR.

- Le secteur « grand public et non remboursable » (taux de TVA à 5,5 %) : les informations nécessaires ne sont pas forcément transmises par le répartiteur. Dès lors, on raisonnera de manière empirique. Il convient de tenir compte également des escomptes, des remises et d'appréhender les achats directs ou par l'intermédiaire d'un groupement.

- Pour le secteur de la parapharmacie, la méthode est identique.

- Le secteur « activités de services à marge 100 % » (location de matériel notamment).

La seconde étape est la validation de la marge globale. « Selon le poids de chaque secteur, on détermine le taux de marge global théorique », expose Olivier Delétoille.

Un écart sensible entre cette marge théorique et la marge effective informe le titulaire de l'indélicatesse dont il est victime.

On constate ici que le taux de marge théorique est proche du taux de marge réel, ce qui dans notre exemple est rassurant. Le pharmacien peut, a priori, dormir sur ses deux oreilles.

Précautions élémentaires

Analyser votre marge par une approche de gestion rigoureuse.

Ne pas multiplier les endroits où se trouve l'argent.

Au comptoir, faire remplir les chèques sur-le-champ.

A la caisse, placer un écran d'affichage des prix, bien à la vue des clients.

Installer une vidéosurveillance en informant le personnel de sa présence.

Garder le ticket de caisse tiré à

la suite d'un remboursement du client (des touches diminuant la recette sont prévues à cet effet).

Ne jamais servir avec un tiroir resté ouvert.

Le train de vie anormalement élevé d'un salarié doit mettre la puce à l'oreille.

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