Substitution par un biosimilaire : l’exclusion des insulines fait débat

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Substitution par un biosimilaire : l’exclusion des insulines fait débat

Publié le 16 mai 2025
Par Matthieu Vandendriessche
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En février dernier, un arrêté ministériel a fixé six nouvelles molécules qui peuvent faire l'objet d'une substitution par un biosimilaire en pharmacie. Les insulines n'en font pas partie au motif que cette substitution présenterait un risque pour les patients diabétiques. Explications.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a indiqué fin 2024 qu’elle exclut la possibilité de substitution en officine des groupes biologiques similaires de l’insuline asparte, l’insuline glargine et l’insuline lispro, que ce soit en initiation ou en cours de traitement. Cette décision a été prise après consultation du comité scientifique temporaire (CST), composé d’associations de patients et de représentants de professionnels de santé. Cet organisme a eu pour mission de définir les conditions dans lesquelles les pharmaciens peuvent réaliser cette substitution. C’est sur la base de ses recommandations, en complément de l’expertise interne de l’agence, qu’un avis final est transmis par l’ANSM au ministre de la Santé.

Refus de l’agence du médicament

La position d’exclusion a été défendue par la Fédération française des diabétiques (FFD). « Dans le diabète, les indications des traitements sont bien définies. Elles ne se croisent pas comme dans le cas de maladies inflammatoires », relève Jean-François Thébaut, vice-président de la FFD. Cependant, en cas d’erreur de prescription ou de dispensation, l’insuline peut présenter des effets indésirables graves voire mortels. L’ANSM met en avant des modalités d’utilisation différentes entre dispositifs d’administration. Elle pointe « l’impossibilité matérielle de mettre à disposition des pharmaciens un tableau exhaustif, actualisé et facilement accessible » sur la compatibilité entre les différentes insulines concernées.

La compétence officinale dans le viseur

En phase avec les arguments de l’ANSM, Jean-François Thébaut souligne le risque spécifique lié à la substitution entre insulines ultrarapides (asparte et lispro). « Le niveau de connaissances et de compétences de la plupart des pharmaciens et préparateurs en pharmacie ne nous semble pas suffisant pour garantir leur sécurité d’emploi », estime-t-il. En cause, le risque d’hypoglycémie sévère. Le représentant de la FFD est en revanche moins catégorique sur la substitution de l’insuline glargine (abasaglar). « Cette insuline lente ne présente pas de risque particulier. Les patients peuvent contrôler immédiatement leur niveau de glycémie. » Aussi, affirme-t-il, « la consultation du CST a eu lieu dans un cadre global concernant l’accès aux médicaments biosimilaires dans l’insulinothérapie. Si la réflexion avait porté spécifiquement sur l’insuline lente, il n’y aurait pas eu forcément de véto de notre part. »

Une seconde chance pour les insulines

Pour Sonia Jouve, membre de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui a siégé au sein du CST, ces arguments ne tiennent pas : « Il y a eu une opposition qui nous paraissait justifiée au plan scientifique concernant les jeunes enfants et les femmes enceintes. Il y a aussi le sujet des pompes à insuline. Mais de manière générale, substituer des insulines ne serait pas plus complexe que pour d’autres classes thérapeutiques. » La représentante des pharmaciens considère que « l’ANSM a préféré exclure d’un seul bloc la substitution pour les insulines afin de ne pas créer de situations restrictives ».Selon Sonia Jouve, l’opportunité de substitution pourrait être examinée à nouveau et acceptée une fois passée la vague des molécules ciblées dans l’arrêté de février 2025.

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