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Précarité étudiante : les futurs pharmaciens à bout de souffle
À Clermont-Ferrand, une étudiante en 5e année décrit un quotidien verrouillé : 35 heures à l’hôpital, aucune possibilité de job étudiant, une rémunération si faible qu’elle « ne couvre même pas [son] loyer ». À Montpellier, une autre, étrangère, travaille les samedis « mais cela ne suffit plus ». À Toulouse, une étudiante confie avoir économisé 30 000 euros en travaillant deux ans de nuit avant ses études, sans quoi son projet de devenir docteur en pharmacie aurait été « impossible ». Ces voix ne sont pas isolées.
Selon les derniers chiffres publiés par l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), un tiers des 30 000 étudiants en pharmacie sont boursiers. Un chiffre en trompe-l’œil. 28,3 % se sont vus refuser l’aide, et 27 % l’ont perdue en cours de route, selon l’Anepf. « Les critères d’éligibilité ne reflètent pas la réalité économique des étudiants », alerte l’organisation. Plus de 55 % d’entre eux déclarent avoir rencontré des difficultés financières lors de leur 5e année hospitalo-universitaire. Une année pourtant charnière dans leur cursus, mais durant laquelle l’investissement à temps plein à l’hôpital exclut toute autre source de revenu.
Bourses : un filet trop étroit
Dans les faits, 86,44 % des étudiants estiment qu’ils devraient bénéficier d’une bourse si celle-ci était calculée sur leur revenu réel plutôt que sur celui des parents.
L’écart entre la situation administrative et les besoins concrets est abyssal. Il pousse 42,53 % des étudiants à travailler pour financer leurs études, 29,27 % à renoncer à des soins et 46,37 % à ne pas chauffer leur logement.
Près de 63 % des répondants qualifient leur niveau de préoccupation financière « d’important » à « très important ».
Une réforme structurelle reportée
Le gouvernement avait promis une refonte « structurelle » du système des bourses. Elle a été repoussée à la rentrée 2026. En attendant, une réforme paramétrique intervenue en 2023 a certes augmenté de 500 millions d’euros le budget des bourses, mais cette hausse ne suffit pas à compenser l’inefficacité du ciblage. D’autant que la baisse du nombre de boursiers ces dernières années (720 000 en 2021 contre 665 000 en 2023) révèle un effet d’éviction préoccupant.
Des revendications chiffrées
L’Anepf formule plusieurs demandes précises et chiffrées, parmi lesquelles :
- une indexation des plafonds d’accès aux bourses sur le Smic ;
- une indexation du montant des bourses sur l’inflation, afin de préserver le pouvoir d’achat des étudiants ;
- une linéarisation des bourses pour supprimer les effets de seuil ;
- une territorialisation des montants, notamment en Île-de-France où les coûts explosent ;
- une ouverture des bourses aux étudiants extracommunautaires et aux doctorants non financés ;
- un rattachement des BFFS (formations sanitaires et sociales) aux Crous, pour une gestion unifiée.
Le Fonds de dotation, dernier recours
Face à l’inaction structurelle, le Fonds de dotation de l’Anepf a distribué 65 000 euros depuis 2022 pour soutenir les cas les plus critiques. Des aides d’urgence, des bourses d’été, parfois juste de quoi payer une facture EDF.
Mais « les étudiants ne peuvent pas compter éternellement sur la philanthropie », martèle Valentin Masseron, porte-parole de l’Anepf.
Ce que les pharmaciens doivent entendre
Derrière cette crise étudiante, c’est l’avenir même de la profession qui vacille. Car la précarité érode les vocations, fragilise les parcours et creuse les inégalités sociales dès l’entrée dans la filière. Un système de formation performant ne peut reposer sur des sacrifices personnels et une insécurité permanente.
Selon l’Anepf, la réforme des bourses ne relève plus de la promesse : « C’est une condition de survie. »
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