Pénuries de médicaments : plan hivernal ou pas, les pharmaciens tirent la langue

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Pénuries de médicaments : plan hivernal ou pas, les pharmaciens tirent la langue

Publié le 4 février 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Malgré la mise en place du plan hivernal par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de nombreux médicaments essentiels restent en tension en officine. Antibiotiques, antiviraux, traitements chroniques… Le constat reste alarmant.

Bien qu’annoncées cet été les mesures de répartition des stocks voulue par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans le cadre du plan hivernal et les actions des industriels n’ont pas forcément eu l’effet escompté. En plein boom des épidémies, il est toujours difficile d’obtenir certaines molécules comme la clarithromycine, l’amoxicilline-acide clavulanique, l’oseltamivir.

Des pénuries qui dépassent le cadre hivernal

Par ailleurs, de très nombreux autres médicaments, hors pathologies saisonnières, sont également en tension depuis des semaines. « Nous avons des remontées sur Trulicity, Rifadine, la vitamine B12 », explique Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). D’autres pharmaciens font face à des tensions ou des ruptures sur Hydrocortancyl, Zithromax, la vitamine A en pommade ophtalmique, la prédnisolone. « Il n’y a aucun moyen de savoir à l’avance quelles spécialités seront impactées. Nous avançons à l’aveugle en colmatant des brèches en permanence », poursuit Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). 

12 heures par semaine

Face à ces tensions, les pharmaciens d’officine doivent redoubler d’efforts pour pallier les ruptures. L’an dernier, l’USPO avait estimé à 12 heures le temps passé à chercher des solutions. « Concrètement, au quotidien, cela se traduit par une charge de travail accrue : recherche d’alternatives, gestion des stocks tendus, explications aux patients inquiets et négociations constantes avec les grossistes-répartiteurs pour tenter d’obtenir les médicaments les plus demandés », explique Pierre-Olivier Variot. Las, malgré l’énergie déployée, certains échanges n’aboutissent pas. « Nous sommes par exemple en tension sur Praluent. À la mi-décembre, nous avions deux boîtes pour l’ensemble du département », déplore Xavier Schneider, titulaire à Truchtersheim (Bas-Rhin).

Une crise post-Covid qui persiste

Depuis la pandémie de Covid-19, l’approvisionnement en médicaments s’est considérablement détérioré. La crise sanitaire a mis en lumière la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et la dépendance européenne aux matières premières pharmaceutiques produites en Asie. Cette situation, combinée à une demande accrue pour certains traitements, a entraîné des tensions durables sur de nombreux médicaments essentiels.

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Difficultés logistiques, fluctuations des prix des matières premières et nouvelles réglementations sanitaires ont allongé les délais de production et de livraison, compliquant davantage la situation.

Des pénuries inexpliquées

En outre, certaines ruptures restent sans explication. Concernant la quétiapine, particulièrement en tension ces dernières semaines, Pierre-Olivier Variot précise : « Nous avons appris qu’il y avait un problème sur la chaîne de production du fabricant grec. Pour les autres médicaments, nous n’avons pas d’explications, nous subissons comme les patients. »

Une situation sous haute surveillance

L’ANSM continue de publier régulièrement la liste des médicaments en rupture ou en tension et met en place des mesures correctives. Cependant, malgré ces efforts, les ruptures persistent et compliquent le travail des pharmaciens, en première ligne pour gérer la crise et rassurer les patients.

Au-delà de l’officine, cette problématique relance la question de la nécessaire relocalisation de la production de médicaments en France et en Europe.