Loi Mouiller : protocoles, préparateurs, aides… trois gains nets pour l’officine

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Loi Mouiller : protocoles, préparateurs, aides… trois gains nets pour l’officine

Publié le 14 mai 2025 | modifié le 19 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Adoptée au Sénat, la proposition de loi portée par le sénateur Philippe Mouiller (LR) acte trois avancées concrètes pour les pharmaciens : extension du périmètre des protocoles de coopération, encadrement élargi des compétences des préparateurs, élargissement des aides dans les zones fragiles. La question sensible de la régulation de l’installation des médecins a été écartée.

Soutenue par une majorité sénatoriale transpartisane, cette loi traduit la volonté politique de structurer l’offre de soins de proximité autour des professionnels de santé de premier recours. Pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), c’est à la fois une avancée pragmatique et une consolidation du maillage officinal.

1. Protocoles de coopération : le verrou territorial sauté

L’article 12 de la loi modifie le code de la santé publique pour permettre aux pharmaciens de réaliser des actes de soins dans le cadre de protocoles de coopération, y compris hors des zones fragiles mentionnées à l’article L.1434-4. Jusqu’ici, ces dispositifs expérimentaux – comme les protocoles Osys – étaient limités aux zones sous-dotées.

Le code précise désormais que « les pharmaciens d’officine peuvent, dans le cadre de protocoles de coopération, réaliser des actes de soins, y compris en dehors des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. »

Cette levée de restriction territoriale ouvre la voie à une généralisation des protocoles interprofessionnels, y compris dans les zones bien dotées.

2. Préparateurs : dépistage et vaccination sous encadrement pharmaceutique

Le même article autorise les préparateurs en pharmacie à participer à la réalisation de tests antigéniques sous la supervision du pharmacien, dans des conditions qui seront définies par décret après avis des académies de médecine et de pharmacie. « Il reste quelques étapes à franchir, mais nous sommes sur la bonne voie », résume Philippe Besset.

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La mise en œuvre est attendue pour début 2026, en vue de la campagne hivernale 2025-2026.

3. Zones fragiles : cinq fois plus d’officines aidées

« L’extension conventionnelle pour aider les pharmacies hors territoire fragile est passée », note Philippe Besset. Grâce à ce levier, le nombre de pharmacies éligibles aux aides financières passera de 200 à 1 000, selon les estimations de la FSPF. « Nous sommes en train de retravailler les critères », souligne Philippe Besset.

Ce soutien renforcé vise à stabiliser le maillage officinal dans les zones à faible densité médicale.

Deux amendements écartés

Deux amendements ont été écartés dans la version finale adoptée par le Sénat :

la réforme des URPS pharmaciens : un amendement du gouvernement visait à réformer les Unions régionales des professionnels de santé pharmaciens (URPS). Il a été déclaré irrecevable par les administrateurs du Sénat, car déconnecté du périmètre de la loi Mouiller. « Ce n’était pas le bon texte. On le reverra sans doute dans le PLFSS », anticipe Philippe Besset.

– La création d’officines ex nihilo dans les communes sans pharmacie : autre sujet explosif, un amendement proposait d’autoriser la création directe d’une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants, même plusieurs années après la fermeture de la dernière pharmacie.

« Si la dernière officine a fermé il y a dix ans, on ne peut pas rouvrir comme si de rien n’était. Ce serait déstabilisant pour les communes voisines », alertaient Philippe Besset et Pierre-Olivier Variot.

Non à la régulation des médecins

L’article 3 de la proposition de loi prévoit que l’installation de médecins généralistes dans des zones déjà bien pourvues en professionnels de santé est conditionnée à un engagement d’exercice à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins. Cette mesure vise à renforcer l’accès aux soins dans les territoires sous-dotés tout en préservant une certaine liberté d’installation pour les médecins.

De plus, le texte introduit une « mission de solidarité territoriale obligatoire », soutenue par le gouvernement, qui prévoit que les médecins déjà installés en zone dense effectuent un certain nombre de consultations dans des « zones prioritaires ». Ce dispositif est conçu pour améliorer l’accès aux soins dans les déserts médicaux en mobilisant les ressources existantes.

Comparaison avec la proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale

Cette approche diffère de celle adoptée dans la proposition de loi votée à l’Assemblée nationale le 7 mai 2025, qui imposait des contraintes plus strictes à la liberté d’installation des médecins, en conditionnant leur installation dans les zones bien dotées à un départ concomitant d’un autre praticien.

Le texte sénatorial, soutenu par le gouvernement, propose ainsi une régulation plus souple, visant à inciter les médecins à contribuer à l’amélioration de l’accès aux soins dans les territoires en difficulté, tout en maintenant une certaine flexibilité dans leur choix d’installation.