- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- Déserts médicaux : pourquoi la loi Mouiller peut tout changer pour les pharmaciens

© Getty Images
Déserts médicaux : pourquoi la loi Mouiller peut tout changer pour les pharmaciens
Derrière l’article 12 de la proposition de loi Mouiller, adoptée en commission des Affaires sociales du Sénat le 6 mai et examinée ce 13 mai en séance publique, se cache une transformation majeure du rôle officinal. Le texte prévoit que les pharmaciens puissent évaluer et prendre en charge certaines pathologies bénignes, selon des protocoles validés par la Haute Autorité de Santé (HAS). Infections cutanées, rhinites allergiques, sinusites : l’officine devient une porte d’entrée clinique à part entière. Pour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), cette réforme marque un point d’inflexion majeur : « C’est vraiment un grand, grand pas qui est franchi là. »
Créations d’officines : ligne rouge sur le maillage
L’un des points les plus sensibles porte sur l’autorisation de créer une officine ex nihilo dans une commune de moins de 2 500 habitants, lorsqu’aucune pharmacie n’y subsiste. Jusqu’ici, seules les opérations de transfert ou regroupement étaient autorisées.
« Si la dernière officine a fermé il y a dix ans, on ne peut pas rouvrir comme si de rien n’était. Ce serait déstabilisant pour les communes voisines », alerte Philippe Besset.
Il demande l’introduction dans la loi d’un délai maximum de deux ans après la fermeture pour ouvrir ce droit à la création. Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) pointe lui aussi un risque d’effets d’aubaine : « Certains maires pourraient bloquer volontairement l’installation de nouveaux projets, en espérant obtenir une création directe. Il faut encadrer strictement. »
20 000 € pour 1 000 officines : une aide à étendre
Par amendement, le gouvernement prévoit de généraliser une aide de 20 000 euros à destination de 1 000 officines, soit cinq fois plus que ce que permet aujourd’hui le dispositif réservé aux zones classées fragiles. « C’est une mesure essentielle. Cela va permettre d’aider réellement les officines en tension économique, au-delà des seules zones fragiles », insiste Philippe Besset. Mais l’USPO émet des doutes sur la portée effective de cette extension. « Dans l’avenant conventionnel signé avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), les aides restent conditionnées aux territoires fragiles. La loi peut dire autre chose, mais si la caisse ne suit pas, l’aide ne sera pas versée », prévient Pierre-Olivier Variot. « Sauf si l’État finance en direct. Là, c’est un autre levier. »
Les préparateurs reconnus dans la chaîne de soins
Autre avancée saluée par les deux syndicats : la reconnaissance des préparateurs en pharmacie, qui pourraient, après une courte formation, réaliser certains gestes techniques (tests antigéniques, Trod) par délégation. « J’ai toujours milité pour cela. La fin de l’état d’urgence ne devait pas mettre fin à leur montée en compétence », défend Philippe Besset. Après négociation, les amendements intègrent l’avis conjoint des académies de médecine et de pharmacie, avec un délai maximum de deux mois pour ne pas bloquer le dispositif.
Une réforme institutionnelle en prime
Autre satisfaction pour la FSPF, un amendement gouvernemental introduit une réforme de la représentativité syndicale et du scrutin aux Unions régionales de professionnels de santé – URPS (vote pour une bannière syndicale) – une demande historique du syndicat. « C’est un train qui arrive à l’heure. Je milite pour cela depuis longtemps », souligne Philippe Besset.
Un texte sous haute tension politique
La proposition de loi Mouiller, déclarée d’urgence, pourrait être adoptée avant l’été. Après son examen au Sénat, elle sera transmise à l’Assemblée nationale, avant une probable commission mixte paritaire. Soutenue par le gouvernement, elle s’inscrit dans le Pacte contre les déserts médicaux et pourrait devenir le véhicule législatif de plusieurs mesures annoncées début mai. Pour les syndicats, il s’agit d’un texte structurant, à défendre avec détermination mais sans aveuglement. « Je soutiens le pacte dans son ensemble, mais j’ai demandé des améliorations. Il faut que tous les leviers soient activés, sans déséquilibrer le maillage existant », conclut Philippe Besset. « C’est une loi d’accès aux soins, pas une loi de concurrence. », conclut-il.
- Pénurie de médicaments : Vigirupture a les stocks à l’œil
- Médecins, pharmaciens, infirmiers : la loi redistribue les cartes
- Economie officinale : les remises sur les génériques divisées par deux
- Remises sous pression : les pharmaciens prêts à l’affrontement
- Les pharmaciens et les libéraux de santé dans la rue le 1er juillet


