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« Contre le burn out des soignants, l’enjeu c’est la prévention »
La crise sanitaire a levé un voile sur la souffrance des professionnels de santé. Un phénomène dont Catherine Cornibert s’est saisie il y a six ans. Cette docteure en pharmacie dirige les actions de l’association SPS, à l’origine d’une plateforme téléphonique de soutien et, à Paris, d’un lieu de répit pour les soignants.
Soins aux professionnels de la santé (SPS). Une appellation on ne peut plus explicite. Cette association, fondée en 2015, a pour objectif de venir en aide aux professionnels de santé en souffrance et d’agir pour leur mieux-être. A l’origine de cette initiative, un duo médecin-pharmacien. Eric Henry exerce dans le Morbihan et il est président d’un syndicat national de médecins. Catherine Cornibert a passé 17 années dans l’industrie pharmaceutique, dont une douzaine au sein des directions marketing et communication du laboratoire Sanofi. « J’ai grandi dans une officine installée au cœur de la maison familiale », souligne cette Franc-Comtoise d’origine, fille d’un ingénieur-chimiste et d’une pharmacienne. En 2009, elle quitte son poste et décide de fonder une agence de conseil en santé qu’elle baptise ACS. Un pas est franchi lorsqu’elle participe à l’organisation d’un colloque sur la santé des soignants, sensibilisée à ce phénomène par un chef de service en gastroentérologie.
Une souffrance révélée
A cette occasion, une enquête menée auprès de 2 000 soignants révèle que la moitié d’entre eux se disent menacés par le burn out. Une réalité dont peu ont alors conscience. L’association SPS est créée en 2015. Première pierre de l’édifice, une plate-forme d’écoute et de soutien psychologique est ouverte dès la fin 2016. Gratuite, anonyme et confidentielle, elle est active 24 heures sur 24*. L’initiative reçoit le soutien de l’Assurance maladie. L’association compte quelque 300 adhérents et de nombreux partenaires publics ou privés qui assurent son financement. « Tous les professionnels du secteur de la santé et du médicosocial sont concernés, et pas seulement les soignants. Cela représente une cinquantaine de métiers », explique la pharmacienne. Depuis son lancement, la plateforme a reçu plus de 13 000 appels, dont 10 000 entre 2020 et 2021, au plus fort de la crise sanitaire. « L’an dernier, nous avons également intégré les étudiants en santé. Ils représentent le tiers des appels. » Les professionnels qui sollicitent la plateforme sont salariés à 60 %. Dans les trois quarts des cas, ce sont des femmes et le quart de l’effectif vit en région Ile-de-France. Pharmaciens et équipes officinales réclamant de l’aide représentent près de 5 % des demandes. « Avant la crise sanitaire, nous remontaient surtout des difficultés d’ordre économique. Depuis, il est plutôt question d’agression physique et verbale, d’épuisement, de manque de reconnaissance. » La prise en charge inclut des propositions axées sur le sport, l’activité physique ou encore la nutrition. « On peut constater que les préparatrices, par exemple, privilégient plutôt les ressources non médicamenteuses, comme la relaxation, l’hypnose et des démarches de sociabilité. »
Un espace de répit à deux pas de l’Arc de triomphe
La plateforme est également sollicitée dans des situations d’urgence. Ainsi, il y a eu une vingtaine d’appels d’urgence immédiate en 2020, pendant la nuit. La sollicitation du Service d’aide médicale urgente (Samu) est déclenchée sans délai. « Quelques personnes avec des idées suicidaires nous ont contactés et les passages à l’acte ont pu être évités. » Cet engagement a valu à l’association d’être reconnue d’intérêt général en 2019. En septembre 2021 s’est ouvert à Paris le premier lieu de soins et de ressources, la Maison des soignants. Située à deux pas de l’Arc de triomphe, offrant un espace de près de 800 m2, elle est un lieu pour se ressourcer avec l’appui de consultations psychologiques, de permanences juridiques, de groupes de parole, ainsi que d’ateliers sur la gestion du stress. L’objectif est d’inaugurer une structure de ce type dans chaque région d’ici cinq ans. « Le vrai enjeu est la prévention », estime Catherine Cornibert. Désormais, l’association envisage aussi d’évaluer les besoins pour les aidants. Près du tiers des professionnels de la santé appartiennent à cette population souvent fragilisée.
* Numéro vert 0 805 23 23 36.
BIO Catherine Cornibert
Départ de chez Sanofi et création de la société de conseil ACS
2015 Participation à la création de l’association Soins aux professionnels de la santé (SPS)
2021 Inauguration, en septembre, de la première Maison des soignants à Paris
UNE FEMME DE SANTÉ À PART ENTIÈRE
En raison de l’utilité de son initiative, Catherine Cornibert a été primée en 2021 par l’association Femmes de santé (www.femmesdesante.fr), un collectif pluriprofessionnel de femmes médecins, infirmières, dirigeantes, aidantes, étudiantes, « startuppeuses », pharmaciennes, consultantes, avocates ou encore psychologues.
Ce collectif promeut l’expertise et les actions lancées par les femmes dans le système de santé, avec la volonté farouche de valoriser l’aspect humain.
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