« À Mayotte, la situation ne s’améliore toujours pas »

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« À Mayotte, la situation ne s’améliore toujours pas »

Publié le 13 janvier 2025
Par Audrey Chaussalet
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Gérard Eap, président de la section syndicale DROM COM de l'Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) à Mayotte était l'invitée de la première conférence de presse du syndicat de l'année 2025. Un mois après le passage du cyclone Chido, il témoigne, aux bords des larmes, d'une situation sanitaire ainsi que des conditions de travail toujours aussi alarmantes et déplorables.

« La pénurie d’eau plonge l’archipel dans une crise sanitaire. Tout le monde n’a pas de l’eau que l’on pourrait qualifier de potable. L’eau qui coule du robinet, c’est de la boue ! Pour éviter les infections diverses, les Mahorais la diluent dans de l’eau de javel à forte dose entraînant des réactions cutanées, problèmes digestifs divers et gastro-entérites chez les nourrissons. Le mieux serait d’utiliser des pastilles de purification d’eau, mais du jour au lendemain, les prix ont flambé alors que des épidémies de choléra, salmonellose, diphtérie etc. guettent. Dans ce contexte, il était essentiel, pour nous, de donner de l’eau potable à nos salariés. Grâce à l’aide humanitaire mis en place par la profession, nous allons pouvoir donner trois packs d’eau à chacun des cinquante employés qui travaillent dans l’une des vingt-sept pharmacies que compte Mayotte. Les antibiotiques manquent également cruellement. Je peux dispenser que 3 ou 4 boîtes par jour alors que je vois passer une trentaine d’ordonnances par jour. Les médecins sont contraints à amputer à tour de bras. Il faudrait que les autorités lèvent des contingents et que nous puissions bénéficier de stocks d’urgence. Sur l’Augmentin et l’amoxicilline en priorité.

Les réseaux électriques et internet n’ont pas encore été rétablis partout sur l’île. À ce jour, deux pharmacies travaillent encore sans courant, ou à l’aide d’un électrogène pendant 3 ou 4 heures pas jour. Après, elles sont plongées dans le noir. Pas facile dans ces conditions de télétransmettre les droits des patients à l’Assurance maladie ! Quand ils ont des droits. Beaucoup de pharmaciens délivrent gratuitement pour assurer tant bien que mal la continuité des traitements de nos patients. Mais, face au chaos, beaucoup les ont interrompus. Grâce à l’entraide de la profession, des modems de connexion internet satellite ont été envoyés aux vingt-sept pharmacies et cela va nous permettre de travailler dans de meilleures conditions. Il ne faut pas oublier que nous sommes en sous-effectif. Beaucoup de nos employés n’ont plus de toit et sont contraints de gérer leurs proches. Aujourd’hui, nous sommes toujours sans nouvelle de deux salariés officinaux. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus ! Notre peine est immense. La Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) nous a accordé pendant trois mois une avance de trésorerie à hauteur de 50 %. C’est bien, mais c’est insuffisant. Au vu des conditions, il est regrettable que l’avance à hauteur de 80 %, comme nous le demandions, ne nous ait pas été accordée.

Que dire de la pré-alerte cyclonique avant le passage de la tempête Dikeledi prévue ce dimanche ! Nous espérons juste que ce cyclone sera moins fort. Certaines des pharmacies de Mayotte n’ont plus de toit en dur, juste une simple toile. »

Lundi matin, la rédaction du Moniteur des pharmacies n’est pas parvenue à avoir d’autres nouvelles de Gérard Eap. Le sud de Mayotte était une nouvelle fois en proie à des vents extrêmement forts et des pluies torrentielles. 

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