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Régulation à l’installation des médecins : le Sénat défie la ligne coercitive de l’Assemblée
Lundi 12 mai 2025, les sénateurs entament l’examen d’une proposition de loi portée par Philippe Mouiller (LR) visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires. Ce texte intervient à un moment décisif : une semaine après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une proposition concurrente défendant une régulation contraignante de l’installation médicale, le Sénat affiche sa propre vision. Plus libérale, plus incitative.
Dans ce contexte, l’exécutif – fragilisé par son absence de majorité absolue à l’Assemblée – s’intéresse de près à cette initiative sénatoriale. Le Premier ministre François Bayrou, qui a dévoilé le 25 avril un plan national contre les déserts médicaux, pourrait y voir un véhicule législatif stratégique.
Deux philosophies, un même objectif
La proposition de loi Garot, adoptée à l’Assemblée avec le soutien de plusieurs groupes, instaure une conditionnalité à l’installation dans les zones surdotées. Une ligne dure, rejetée massivement par les syndicats de médecins.
Face à cette approche coercitive, le Sénat défend un modèle plus souple :
– pour les généralistes, l’installation dans une zone bien pourvue serait conditionnée à un exercice à temps partiel dans une zone sous-dotée ;
– pour les spécialistes, un système dit de « un pour un » imposerait qu’une nouvelle installation ne puisse avoir lieu qu’en remplacement d’un départ, sauf si le praticien accepte lui aussi un exercice à temps partiel dans un territoire en tension.
Le texte sénatorial reprend l’architecture d’une régulation négociée, visant à responsabiliser sans contraindre. Une ligne qui fait écho à celle défendue par l’exécutif.
Bayrou en quête d’un compromis soutenable
Le plan annoncé fin avril par François Bayrou préconise notamment d’imposer jusqu’à deux jours de consultation par mois en zone prioritaire, afin de réallouer 30 millions de consultations vers les territoires sous-dotés. Cette mesure, déjà partiellement présente dans le texte du Sénat, pourrait être formalisée via des amendements gouvernementaux.
Le sénateur Philippe Mouiller, président de la commission des Affaires sociales, ne ferme pas la porte à une intégration des mesures gouvernementales :
« Je constate qu’une grande partie des annonces du Premier ministre figurait déjà dans notre texte. Dès lors que les propositions complémentaires du gouvernement iront dans le bon sens pour l’accès aux soins, nous pourrons les insérer », a-t-il déclaré à l’AFP.
Les échanges avec Matignon sont d’ores et déjà entamés. Signe que l’exécutif cherche à construire une majorité de substitution autour du Sénat.
Une procédure accélérée révélatrice
Autre indicateur de l’intérêt stratégique du gouvernement : le recours à la procédure accélérée, qui permet de limiter à une seule lecture par chambre. Ce choix traduit une volonté politique forte d’éviter l’embouteillage législatif et de sécuriser un calendrier d’adoption.
L’exécutif pourrait ainsi court-circuiter une potentielle navette conflictuelle avec l’Assemblée sur la régulation à l’installation. Une manière aussi de desserrer l’étau des médecins libéraux, très remontés contre le texte Garot.
Une confrontation institutionnelle en gestation
La chambre haute peut-elle faire échec à la régulation coercitive ? Si le Sénat adopte le texte Mouiller, le conflit de lignes avec l’Assemblée sera frontal. La conciliation entre les deux textes en commission mixte paritaire s’annonce difficile, sauf à ce que le gouvernement arbitre clairement en faveur de la version sénatoriale.
Dans cette séquence, le Sénat apparaît comme un partenaire institutionnel alternatif, capable d’incarner une voie médiane entre le laisser-faire et la régulation autoritaire. Un positionnement stratégique à l’heure où l’exécutif cherche des majorités de projet plus que des majorités d’appareil.
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