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Maillage officinal : le projet de décret « territoires fragiles » enfin dévoilé
Les représentants des pharmaciens ont enfin pu consulter le projet de décret d’application de l’ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie dans les territoires fragiles. Décryptage d’un texte très attendu.
Ce projet de décret, que Le Moniteur des pharmacies s’est procuré, définit les critères nationaux de cadrage qui permettront aux agences régionales de santé (ARS) de déterminer dans leur région la liste des Territoires de vie-santé (TVS) fragiles où « l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. » Sur ces territoires, « le maillage des officines pourra être renforcé grâce à des aides financières et par un assouplissement des règles encadrant les autorisations de transfert ou de regroupement des officines », rappelle le texte.
Deux critères nationaux ont été retenus pour établir la liste des TVS dits « fragiles » : une densité standardisée d’officines inférieure au seuil empirique au 2/3 de la densité médiane, et une part supérieure à 20 % de la population située à plus de 15 minutes d’une officine. Les TVS répondant au moins à l’un des deux critères sont pris en compte et additionnés afin de déterminer la part de population résidant en territoires « fragiles ». Part qui est fixée à 13,3 % en Normandie et 11,5 % dans le Grand Est, les deux régions de l’hexagone les plus mal loties, les mieux pourvues étant les régions Paca (2,7 %) et Hauts-de-France (3,3 %). La Corse (18,8 %) et la Guyane 54,3 % étant, de loin, les plus fragiles. En moyenne nationale les territoires en fragilité officinale couvrent 6 % de la population française totale (hors Mayotte). Les parts de population seront réactualisées tous les cinq ans par le ministère chargé de la santé.
Les ARS aux manettes
Afin de tenir compte des spécificités régionales, le texte accorde une marge de manœuvre importante aux ARS. Elles auront en effet la possibilité de moduler les critères nationaux, et d’ajouter ou de retirer leurs propres critères. Deux adaptations des conditions générales d’autorisation d’ouverture des officines pourront également être activées dans ces territoires fragiles. Dans des communes contigües totalisant un nombre d’habitants supérieur à 2 500, une ouverture par voie de transfert ou de regroupement pourra être autorisée. Le critère de la présence de la population résidente pourra, lui, être allégé afin de faciliter l’ouverture d’une pharmacie auprès d’un centre commercial, d’une maison de santé ou d’un centre de santé.
Les ARS fixeront la liste des TVS fragiles par arrêté pris après avis « du conseil de l’ordre des pharmaciens territorialement compétent, de l’Union régionale des professionnels de santé pharmaciens, du représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif de la profession, et de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie », précise le texte.
Des niveaux de lecture différents
Les deux chambres patronales se distinguent par des niveaux de lecture différents du texte. Pour Philipe Besset, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), ce projet de décret va dans le bon sens, même si les critères retenus pourraient être améliorés et affinés. « Nous souhaiterions que l’activité de l’officine soit prise en compte, souligne-t-il. Une pharmacie qui fait 3,5 M€ de CA avec six pharmaciens sur un territoire fragile n’est pas en situation de fragilité. Celle qui fait 1 M€ avec un seul titulaire âgé de 65 ans l’est, et c’est elle que nous devons aider car si elle venait à fermer, ce serait une catastrophe pour le territoire. Nous souhaiterions également que l’offre de soins figure parmi les critères car l’absence de médecins est un signe de fragilité pour les officines. »
Pierre-Olivier Variot, le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) porte, lui, un regard beaucoup plus critique. « Ce projet ne contient aucune mesure sur le volet du maintien des officines, regrette-t-il. Il renvoie simplement à des Fonds d’intervention régionales (FIR) avec les ARS, et à la négociation conventionnelle avec l’Assurance maladie. Les critères retenus nous paraissent également extrêmement complexes à appréhender, et risquent de se transformer en usine à gaz. » Pour Pierre-Olivier Variot, ce projet de décret ne répond donc pas aux attentes du maillage officinal et risque même de le déstabiliser. « En permettant aux ARS de déterminer leurs propres critères, on risque de recréer les systèmes dérogatoires que nous avons pu connaître il y a quelques années, avec des élus qui intervenaient pour qu’une officine vienne s’installer dans leur circonscription, sans que cela réponde toujours à un véritable besoin en matière d’accès aux médicaments. Le fait d’autoriser des créations ou des transferts auprès de maisons de santé ou dans des centres commerciaux, ou de prendre en compte la consommation de soins, sans tenir compte de la démographie officinale à proximité, nous inquiète aussi particulièrement car cela pourrait déstabiliser le maillage officinal dans des zones où les pharmacies constituent bien souvent la seule porte d’entrée du système de santé. Nous avons donc alerté la DGOS lors d’une réunion la semaine dernière sur les dangers que représentait ce texte. »
Le message semble avoir été entendu. Les deux chambres patronales sont conviées à une nouvelle réunion le 12 avril prochain au ministère de la Santé pour faire avancer ce dossier. « Si tout va bien, le décret devrait être publié dans le mois, espère Philippe Besset. Et cela tombe bien car nous en aurons besoin pour lancer en conventionnel à l’automne les discussions sur les mesures à adopter pour assurer la pérennité de ces officines installées sur des territoires fragiles », conclut le président de la FSPF.
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