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La coordination en pratique

Publié le 25 novembre 2023
Par Magali Clausener
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Trois grandes structures de coordination interprofessionnelle ont été définies par des lois : les maisons de santé pluriprofessionnelles, les équipes de soins et les communautés professionnelles territoriales de santé. En quoi consistent-elles ? Quelles sont les modalités de leur création ? Décryptage.

 

Les équipes de soins primaires

Les équipes de soins primaires (ESP) constituent le premier niveau de l’exercice coordonné. C’est en effet le mode de coordination interprofessionnelle le plus souple sur le terrain, même si la création d’une ESP doit répondre à certaines conditions pour percevoir des financements de l’agence régionale de santé (ARS).

Selon l’article L.1411-11-1 du Code de la santé publique : « Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours définis à l’article L.1411-11 sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’un centre de santé ou d’une maison de santé. L’équipe de soins primaires contribue à la structuration des parcours de santé. Son projet de santé a pour objet, par une meilleure coordination des acteurs, la prévention, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. »

Concrètement, une ESP doit comprendre au moins un médecin généraliste et un autre professionnel de santé, qui partagent la même patientèle sur un territoire donné. Outre des médecins, une telle équipe peut donc réunir des infirmières, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes ou encore des sages-femmes. La loi n’impose aucun statut juridique aux ESP. Généralement, le statut recommandé est celui d’une association loi 1901, notamment pour percevoir des financements de l’ARS.

Le principal objectif d’une ESP est d’améliorer la prise en charge des patients sur un territoire donné. Ainsi, l’une des missions des ESP est de contribuer à la structuration du parcours de santé des patients en collaboration avec les acteurs du premier recours, « dans une optique de prise en charge des besoins de soins non programmés et de coordination des soins », précise le ministère de la Santé. Les professionnels de santé appartenant à une ESP assurent par conséquent leurs activités de soins sur la base d’un projet de santé commun qu’ils élaborent. Ce projet doit décrire la ou les thématiques choisies par l’ESP et les modalités organisationnelles. Par exemple, il peut s’agir de la prise en charge de personnes fragiles : sujets âgés ou souffrant d’un handicap ou atteints de maladies chroniques. Une autre thématique peut être la réponse aux soins non programmés.

Les modalités organisationnelles concernent le partage des données de santé des patients via un système informatique, la mise en place de protocoles pluriprofessionnels et de réunions de concertation. Le projet de santé doit être adressé à l’ARS qui le validera et signera un contrat précisant les engagements de chacun des acteurs.

Une ESP peut, comme le précise le Code de la santé publique (CSP), prendre la forme d’une maison de santé pluriprofessionnelle. Elle peut également intégrer une communauté professionnelle territoriale de santé.

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Les maisons de santé pluriprofessionnelles

La première structure à avoir été définie par la loi est la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP).

Selon l’article L.6323-3 du CSP, « la maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens. Ces professionnels assurent des activités de soins sans hébergement de premier recours au sens de l’article L.1411-11 et, le cas échéant, de second recours au sens de l’article L.1411-12 et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu’ils élaborent et dans le respect d’un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé ».

Selon le cahier des charges de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), une MSP doit regrouper au moins deux médecins et au moins un professionnel paramédical comme un infirmier ou un kinésithérapeute. Certaines maisons de santé réunissent de nombreux professionnels : médecins, infirmiers, kinés, diététiciens, sages-femmes, etc. Les professionnels peuvent être réunis géographiquement sur un seul site, mais ils peuvent également exercer en dehors de la MSP. C’est en particulier le cas des pharmaciens d’officine et des biologistes médicaux.

Quant au projet de santé, la MSP doit le soumettre à l’ARS et, s’il est validé, elle peut bénéficier d’un financement public.

Le statut juridique d’une MSP peut prendre plusieurs formes mais pour bénéficier d’une rémunération versée dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), la MSP doit avoir créé une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) et contractualisé avec la caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) de rattachement.

Les communautés professionnelles territoriales de santé

« Afin d’assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé mentionnés à l’article L.1411-1 et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé mentionné à l’article L.1434-1, des professionnels de santé peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé […]. La communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) est composée de professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours […] et d’acteurs médicosociaux et sociaux ainsi que de services de prévention et de santé au travail, concourant à la réalisation des objectifs du projet régional de santé. Les membres de la CPTS formalisent, à cet effet, un projet de santé, qu’ils transmettent à l’agence régionale de santé. Le projet de santé précise en particulier le territoire d’action de la CPTS » (article L.1434-12 du CSP).

Les CPTS ont donc pour vocation d’améliorer l’organisation des soins en ambulatoire et le décloisonnement entre la ville, l’hôpital et le médicosocial et, par conséquent, l’exercice coordonné entre tous les acteurs de santé d’un territoire donné.

Selon les territoires, les CPTS peuvent regrouper un nombre plus ou moins important de professionnels. L’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) distingue quatre tailles de CPTS en fonction de la population couverte : moins de 40 000 habitants, de 40 000 à 80 000 habitants, de 80 000 à 175 000 habitants, plus de 175 000 habitants. Les professionnels et les structures membres d’une CPTS gardent leurs rémunérations et financements habituels, mais la CPTS perçoit en outre des fonds selon sa taille et les missions mises en œuvre dans le cadre de l’ACI.

L’ACI fixe en effet quatre missions prioritaires :

– faciliter l’accès aux soins des patients en facilitant l’accès à un médecin traitant et en améliorant la prise en charge des soins non programmés en ville ;

– organiser les parcours des patients ;

– développer des actions de prévention (perte d’autonomie, risques d’iatrogénie, obésité, etc.) ;

– préparer un plan de réponse à une situation sanitaire exceptionnelle et sa mise en œuvre en cas de survenue effective d’une crise grave qualifiée par les autorités sanitaires.

Afin de percevoir les aides annuelles, la CPTS doit signer l’accord conventionnel, sous la forme d’un contrat, avec l’ARS. Au-delà des grands principes fixés dans l’ACI, le contrat est construit pour chaque CPTS, afin de répondre aux spécificités locales, préciser les missions, les moyens déployés, les indicateurs et le suivi des résultats au niveau local.

Les équipes de soins spécialisés

L’article L.1411-11-1 du CSP définit également l’équipe de soins spécialisés (ESS) : « Une équipe de soins spécialisés est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins spécialistes d’une ou plusieurs spécialités hors médecine générale, choisissant d’assurer leurs activités de soins de façon coordonnée avec l’ensemble des acteurs d’un territoire, dont les équipes de soins primaires, sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent entre eux. L’équipe de soins spécialisés contribue avec les acteurs des soins de premier recours à la structuration des parcours de santé. » Les ESS ont été créées par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Pour l’heure, peu d’ESS ont été constituées et celles qui existent ont été lancées dans le cadre d’expérimentations et dans certaines spécialités (cardiologie, ophtalmologie, etc.).

La société interprofessionnelle de soins ambulatoires

La société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) a été créée en 2011 pour permettre aux structures d’exercice coordonné pluriprofessionnelles de percevoir collectivement des subventions afin de rémunérer les activités réalisées en commun par les professionnels de santé y exerçant. Cependant, les pharmaciens dont l’activité était soumise à la TVA ne pouvaient intégrer une Sisa. Le régime juridique des Sisa, notamment de celles constituées avec des MSP, a évolué avec l’ordonnance du 12 mai 2021, le décret d’application du 9 juin 2021 et le décret d’application du 18 juillet 2023. Ces évolutions permettent de prendre en compte les différents statuts de professionnels exerçant au sein des Sisa (professionnels de santé ou non, internes ou externes à la structure, salariés libéraux). L’ordonnance aborde également les questions financières et tarifaires et durcit les conditions de dissolution de la Sisa, notamment en cas de recours au salariat.

La CPTS n’est pas effectrice de soins

Les CPTS ne sont pas des effectrices de soins rappellent souvent les syndicats de professionnels de santé. Un point également soulevé par le rapport « Tour de France des CPTS » : « Dans des contextes de tensions fortes sur l’accès aux soins, et en particulier au médecin, les CPTS sont parfois tentées d’aller au-delà de leur rôle d’organisation des soins primaires sur le territoire et de se positionner en effecteurs de soin. Confrontées à des situations difficiles et par volontarisme, certaines CPTS financent des soins sur leurs enveloppes ACI. Par exemple, salariat d’infirmière de pratique avancée (IPA), financement d’un centre de santé structurellement déficitaire, financement d’un supplément aux rémunérations prévues par la convention pour les soins non programmés ou la prise en charge d’un patient en ALD ». De fait, « ces dispositifs, s’ils témoignent d’une volonté d’agir et s’ils proposent des solutions concrètes à des situations difficiles, ne correspondent ni à l’esprit ni à la lettre de l’ACI […]. Ils sont de surcroît source de confusion sur le rôle de chacun ce qui n’est pas propice ni au développement des CPTS, ni à leur acceptation sur le territoire par les professionnels moins impliqués ». Le rapport propose d’engager une réflexion sur cette problématique à laquelle sont confrontées les CPTS.