Installation régulée des médecins : vers une grève le 28 avril

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Installation régulée des médecins : vers une grève le 28 avril

Publié le 17 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi
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La proposition de loi Garot, qui soumet l’installation des médecins à l’accord des Agences régionales de santé, provoque une mobilisation disparate dans le camp libéral. Grève, manifestations, divisions et soutiens… Le point sur les lignes de fracture.

Annoncée pour le 28 avril, la « grève nationale intersyndicale illimitée » contre la proposition de loi sur l’encadrement territorial de l’installation médicale laisse entrevoir une mobilisation inégale. Portée notamment par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), elle reçoit le soutien de l’Ordre des médecins, de SOS Médecins et d’une partie des syndicats de médecins libéraux. Mais sur le terrain, la dynamique reste incertaine.

« Nous, médecins installés, soutenons les jeunes médecins, mais chacun réagira selon sa spécialité », avertit Philippe Cuq, coprésident de l’Union Avenir Spé – Le Bloc. « Quand des opérations sont prévues, ce n’est pas évident d’arrêter. »

Autrement dit : la participation dépendra du degré de contrainte de chaque activité médicale. La présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML), Sophie Bauer, le résume : « Fermeront ceux qui peuvent pour manifester le 29 avril. Mais on sait très bien que dans certains territoires, si des cabinets ferment, il y aura des morts. »

MG France prévoit une fermeture des cabinets pour les manifestants du 29 avril, quand la FMF, elle, appelle à une grève dès le 28. Mais la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) s’oppose pour sa part à tout arrêt d’activité prolongé. La mobilisation s’annonce donc hétérogène, voire symbolique.

L’attractivité du libéral est-elle remise en cause ?

Adopté début avril en première lecture à l’Assemblée nationale, l’article phare de la proposition transpartisane déposée par le député socialiste Guillaume Garot instaure une régulation des nouvelles installations. Il prévoit que l’Agence régionale de santé (ARS) devra donner son aval pour toute installation, sauf dans les zones sous-dotées où cet accord serait accordé de droit.

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Dans les territoires bien pourvus, un médecin ne pourrait s’installer qu’en remplacement d’un confrère partant. Objectif affiché : corriger les déséquilibres géographiques dans l’accès aux soins.

Pour Lucas Poittevin, président de l’Anemf, cette mesure « mettra à mal l’attractivité de la médecine libérale, qui est aujourd’hui le premier rempart du système de santé ». Une critique largement partagée chez les internes, jeunes médecins et professionnels installés.

L’indignation des médecins vs le besoin des patients 

Mais la profession ne fait pas l’unanimité sur la place publique. Dans un sondage UFC-Que Choisir publié fin 2024, 93 % des Français se disent favorables à un encadrement de l’installation des médecins. Cette semaine, France Assos Santé a dénoncé « l’outrance et l’indignité » d’une partie du corps médical mobilisée, en rappelant les millions de patients sans accès à un médecin traitant.

Dans une tribune au Monde, un collectif de médecins – dont François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France – souligne que la régulation territoriale existe déjà pour les pharmaciens, infirmiers ou kinésithérapeutes. Ils proposent d’en limiter l’application aux seuls médecins installés en secteur 2, c’est-à-dire ceux qui pratiquent des dépassements d’honoraires.

L’impact hospitalier sera limité

Du côté des hôpitaux, les effets de la grève devraient rester limités. « Des services minimums sont prévus dans le droit public comme dans le privé », rappelle Anna Boctor, présidente de Jeunes Médecins. La direction des hôpitaux devrait assurer leur mise en œuvre.

Mais sur le plan symbolique, le pari est risqué. « Les Français ne sont pas dupes, estime Anna Boctor. Ils doivent faire confiance à leurs médecins pour travailler sur l’accès aux soins, plutôt que suivre des logiques électoralistes. »

À quelques semaines du passage du texte au Sénat, début mai, les lignes sont claires : une contestation forte sur le principe, mais fragmentée dans les formes. Et une opinion publique de plus en plus sensible aux arguments des partisans de la régulation.

Que prévoit la proposition de loi Garot ?

– Un médecin libéral ou salarié ne pourrait s’installer que dans une zone sous-dotée, sauf à remplacer un départ dans une zone bien pourvue.

– L’Agence régionale de santé (ARS) serait l’autorité de validation des nouvelles installations.

– Le principe d’autorisation serait de droit en cas de pénurie médicale locale.

L’examen du texte au Sénat est prévu début mai.

Avec AFP