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L’hyperthyroïdie

Publié le 27 juin 2023
Par Thierry Pennable
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Ce dysfonctionnement thyroïdien s’accompagne de symptômes variés et non spécifiques qui reflètent une accélération du métabolisme de base. Les causes de l’hyperthyroïdie sont multiples mais, sept fois sur dix, elle est due à la maladie de Basedow.

La maladie

Définition

• L’hyperthyroïdie se caractérise par un hyperfonctionnement de la glande thyroïde qui accroît la synthèse et la sécrétion hormonales.

• Le syndrome de thyrotoxicose est défini comme l’ensemble des manifestations liées à l’excès d’hormones thyroïdiennes sans préjuger de la cause.

Remarque : toute hyperthyroïdie peut conduire à une thyrotoxicose, mais toutes les thyrotoxicoses ne sont pas dues à une hyperthyroïdie. Par exemple, si l’excès d’hormones n’est pas dû à une hypersécrétion mais à un phénomène de destruction cellulaire libérant les hormones stockées (thyroïdite subaiguë de De Quervain) ou à la prise d’un médicament (amiodarone, lithium…).

• La maladie touche environ 0,4 % de la population et apparaît en général entre 40 et 60 ans. Elle pourrait, en l’absence de traitement, engager le pronostic vital, immédiatement, ou en raison de complications, principalement cardiaques.

Rappels physiologiques

Glande thyroïde

Située à la base du cou, la thyroïde est une glande endocrine de petite taille dont le volume varie selon les personnes et la charge en iode dépendant de son activité.

Hormones thyroïdiennes

Elles sont sécrétées par la thyroïde à partir d’iode et d’un acide aminé, la tyrosine. De façon schématique, la thyroïde capte l’iode dans l’organisme, le stocke et le transforme en deux types d’hormones thyroïdiennes :

→ la tri-iodothyronine, T3 ou hormone T3, avec trois atomes d’iode ;

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→ la tétra-iodothyronine, T4 ou hormone T4, appelée thyroxine, avec quatre atomes d’iode.

• Hormones actives.

→ La T3 est la forme biologiquement active mais la T4, hormone inactive ou pro-hormone, représente environ 80 % des hormones produites par la thyroïde. La T4 se convertit en T3 en perdant un atome d’iode. Seulement 20 % de la T3 est directement sécrété par la thyroïde.

→ T3 et T4 sont présentes dans la circulation sanguine sous forme libre ou liée à des protéines de transport. Seules les fractions libres sont biologiquement actives. « La T4 libre a une activité dans le sens où elle peut se lier aux récepteurs périphériques pour être convertie en T3 », remarque la professeure Francoise Borson-Chazot, endocrinologue à l’hôpital Louis-Pradel, à Bron (69).

• Régulation de la sécrétion. La synthèse des hormones thyroïdiennes découle de stimulations en chaîne. Un rétrocontrôle au niveau de l’hypophyse et de l’hypothalamus à partir du taux sanguin d’hormones T3 et T4 maintient des sécrétions dans des limites étroites.

Physiopathologie

• L’hyperthyroïdie primaire correspond à un excès d’hormones thyroïdiennes lié à :

→ une production trop importante, à une libération excessive : maladie de Basedow (la plus fréquente), nodules thyroïdiens hypersécrétants (goitre multinodulaire toxique et adénome toxique) ;

→ une origine exogène, iatrogène ou médicamenteuse, génétique… L’hyperthyroïdie est dite avérée ou fruste en fonction de la sévérité de l’atteinte biochimique, avec une notion de continuum entre ces deux formes.

• L’hyperthyroïdie secondaire, d’origine hypophysaire, est rare. Elle survient en cas de stimulation non régulée de la glande thyroïde normale par de la TSH issue d’une sécrétion hypophysaire inappropriée.

Signes cliniques

Les symptômes de l’hyperthyroïdie sont variés et non spécifiques et peuvent concerner plusieurs fonctions de l’organisme (voir Info+). La thyroïde est surnommée la « grande imitatrice » en raison des symptômes très variés liés à son dysfonctionnement, qui évoquent souvent d’autres maladies. La thyroïde a la capacité de doubler ou de diminuer de moitié le métabolisme de tout l’organisme(1), avec une portée sur tous les appareils et systèmes.

• Signes généraux : hausse de l’appétit, perte de poids malgré une alimentation conservée, voire augmentée, sensation constante d’avoir chaud, avec crainte de la chaleur (thermophobie), hypersudation, entraînant une polydipsie. Les mains sont chaudes et moites.

• Signes cardio-vasculaires : tachycardie permanente, palpitations et essoufflement. Des complications cardiaques sont possibles dans des formes graves, chez les patients âgés ou en présence d’une pathologie cardiaque associée.

• Signes musculaires : fatigue et faiblesse musculaire dues à une amyotrophie.

• Signes neurologiques : tremblement des extrémités au repos fréquemment observé, état d’agitation, nervosité, anxiété, irritabilité et troubles du sommeil.

• Manifestations digestives : accélération du transit, diarrhée.

• Autres : d’autres symptômes moins fréquents sont observés dans moins de 10 % des cas d’hyperthyroïdie(2), à types de troubles menstruels, d’anorexie, de prise de poids, d’œdèmes des membres… Des manifestations ophtalmologiques spécifiques de la maladie de Basedow sont caractérisées par une rétraction des paupières supérieures, une exophtalmie (protrusion du globe oculaire), des signes inflammatoires locaux (hyperhémie conjonctivale, larmoiement, photophobie)…

Diagnostic

Interrogatoire

L’interrogatoire médical recherche des antécédents personnels ou familiaux de pathologie de la thyroïde ou de maladies auto-immunes, la prise de médicaments et/ou de compléments alimentaires pouvant causer une hyperthyroïdie iatrogène (voir plus loin), le délai d’apparition des symptômes, un épisode infectieux ORL récent, des symptômes compressifs (dysphagie, raucité de la voix…), une douleur cervicale antérieure, une grossesse et une exposition à l’iode.

Examen clinique

Il évalue le poids et l’évolution pondérale, le rythme et la fréquence cardiaques, la pression artérielle. La palpation et l’auscultation de la thyroïde permettent de déceler un souffle thyroïdien, tandis que l’examen des yeux recherche des signes oculaires d’exophtalmie, avant des examens neuromusculaire, cardio-vasculaire et de la peau.

Bilan biologique hormonal

Les dosages de la fonction thyroïdienne sont indiqués en cas de symptômes ou de signes évocateurs d’hyperthyroïdie ou de signes non spécifiques en cas d’antécédents familiaux de maladie thyroïdienne avérée, ou personnels de maladie de Basedow, autres maladies auto-immunes, diabète de type 1 ou anxiété/dépression non expliquée.?Ils sont aussi indiqués dans des situations cliniques particulières : fibrillation auriculaire, prise de certains médicaments, comme amiodarone et lithium (voir Info+ p. 39), syndrome de Turner ou de Down, grossesse ou désir de grossesse, avec dosage de la TSH en cas de facteurs de risque spécifiques.

• Dosages en cascade. Le dosage de la TSH est recommandé en première intention pour évaluer la fonction thyroïdienne. Afin de limiter les prélèvements, les dosages sont prescrits en cascade : TSH, puis T4L, puis +/- T3L en cas de TSH basse (< 0,1 mUI/L) ou confirmée (entre 0,1 et 0,4 mUI/L).

→ TSH dans l’intervalle de référence(3) et absence de symptomatologie forte : pas de recherche de pathologie thyroïdienne, sauf survenue de nouveaux signes cliniques évocateurs.

→ TSH < 0,1 mUI/L, alors dosage de T4L en seconde intention. Si T4L dans l’intervalle de référence(4), doser T3L pour distinguer une hyperthyroïdie fruste d’une hyperthyroïdie à T3, caractérisée par une TSH indétectable, une T4L normale mais une T3L élevée (adénome toxique, parfois récidive de maladie de Basedow).

→ TSH entre 0,1 et 0,4 mUI/L : nouveau dosage de la TSH seule, à six semaines d’intervalle. Si la TSH basse est confirmée, dosage de la T4L. Si la T4L se situe dans l’intervalle de référence, dosage de la T3L.

Remarque : le dosage de la T3L n’est recommandé qu’en cas d’hyperthyroïdie avec TSH basse et T4L dans l’intervalle de référence ou d’hyperthyroïdie sous amiodarone. Si traitement par amiodarone et TSH < 0,1 mUI/L, le dosage en cascade inclut d’emblée un dosage de T4L et de T3L.

• Interprétation du bilan hormonal.

→ TSH basse + T4L élevée + symptômes évocateurs d’hyperthyroïdie : hyperthyroïdie avérée.

→ TSH basse persistante + T4L et T3L dans l’intervalle de référence avec peu ou pas de symptômes : hyperthyroïdie fruste.

→ TSH basse isolée : recherche de causes extra-thyroïdiennes, pathologie non thyroïdienne, traitement médical par corticoïdes, analogues de la somatostatine ou dopamine, jeûne prolongé, premier trimestre de grossesse…

→ TSH basse + T4L dans l’intervalle de référence + symptômes : possible hyperthyroïdie par élévation isolée de la T3L (maladie de Basedow ou nodules autonomes).

→ TSH dans l’intervalle de référence ou légèrement élevée + T4L élevée : possible adénome hypophysaire ou syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes. Avis spécialisé clinique et biologique requis.

→ TSH basse et thyroïde douloureuse évoquent une thyroïdite subaiguë de De Quervain.

• Diagnostic étiologique. Le dosage des anticorps anti-récepteurs de la TSH (ARTSH) est utilisé pour confirmer un diagnostic de maladie de Basedow mais n’est pas indispensable devant un tableau clinique typique.

Imagerie médicale

• L’échographie thyroïdienne n’est indiquée qu’en cas de nodule ou adénopathie palpable, ou de signes de compression (dysphonie, dysphagie, dyspnée)(5). L’examen peut se discuter en cas de TSH élevée persistante avec anticorps anti-TPO négatifs, de palpation difficile ou de facteurs de risque de cancer de la thyroïde (irradiation durant l’enfance, antécédents familiaux de cancer de la thyroïde…).

Une échographie permet de mesurer le volume à traiter et d’écarter la présence d’un nodule suspect avant tout traitement radical, chirurgie ou irathérapie (voir plus loin).

• La scintigraphie thyroïdienne est principalement utilisée pour le diagnostic d’une hyperthyroïdie avec un nodule à la recherche d’un adénome toxique. En cas d’hyperthyroïdie avec goitre diffus (non nodulaire), elle permet parfois de confirmer une maladie de Basedow si les ARTSH sont négatifs alors qu’ils sont généralement à l’origine de cette forme d’hyperthyroïdie. L’examen permet aussi de vérifier le taux de fixation et de calculer la dose de radioactivité à administrer avant une irathérapie. La scintigraphie est contre-indiquée en cas de grossesse ou d’allaitement.

Suivi médical

• L’hyperthyroïdie nécessite un suivi médical au long cours, dont les modalités sont fixées par l’endocrinologue ou le médecin généraliste. La reprise des activités professionnelles et des loisirs fait l’objet d’un avis médical.

• Les patients ayant une hyperthyroïdie fruste non traitée, avec une TSH comprise entre 0,1 et 0,4 mUI/L, doivent évaluer leur fonction thyroïdienne par un dosage de la TSH tous les six à douze mois ou lors de nouveaux symptômes évoquant une hyperthyroïdie.

Son traitement

Objectifs

• La prise en charge de l’hyperthyroïdie a pour objectif de réduire l’hyperfonctionnement thyroïdien et ses conséquences et de prévenir les récidives et les complications. Dans les formes infracliniques d’hyperthyroïdie avec peu ou pas de symptômes, « la normalisation des hormones thyroïdiennes T4 et T3 reste un objectif à cause des risques que présente un excès de ces hormones sur les plans osseux et cardiaque à long terme, précise la professeure Françoise Borson-Chazot. Dans la maladie de Basedow, la TSH demeure souvent freinée en début de traitement et sa normalisation peut prendre du temps ».

• La prise en charge par un endocrinologue est recommandée(2) en cas d’hyperthyroïdie avérée, d’hyperthyroïdie fruste persistante, chez une femme ayant un projet de grossesse ou enceinte ou d’hyperthyroïdie avec discussion de traitement radical (irathérapie ou thyroïdectomie, voir plus loin).

Stratégies thérapeutiques

Le choix du traitement est adapté à chaque cas afin de faire baisser le taux des hormones thyroïdiennes, avec antithyroïdiens de synthèse, iode radioactif ou traitement chirurgical. Les modalités varient selon l’étiologie.

Hyperthyroïdie fruste

Elle est peu ou pas symptomatique et son diagnostic repose sur le bilan biologique hormonal. L’hyperthyroïdie fruste peut être stable, évoluer vers une hyperthyroïdie avérée ou revenir à une euthyroïdie. Son traitement n’est pas systématique, il est plus probable si l’hyperthyroïdie fruste est liée à un goitre multinodulaire toxique ou à un adénome toxique car elle se normalise rarement spontanément(2).

• Patients de moins de 65 ans asymptomatiques avec une TSH basse ≥ 0,1 mUI/L. Le traitement n’est pas recommandé, sauf en cas de pathologies cardiaques ou de facteurs de risque cardiovasculaire, de symptômes d’hyperthyroïdie, d’ostéoporose, de périménopause ou de ménopause chez une femme ne prenant ni œstrogènes, ni bisphosphonates.

• Patients de 65 ans ou plus. Le traitement est discuté si la TSH est basse ≥ 0,1 mUI/L, notamment en cas de comorbidités, et recommandé si la TSH est < 0,1 mUI/L de façon persistante.

Maladie de Basedow

Rarement peu symptomatique, cette maladie justifie pratiquement toujours un traitement. Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) sont recommandés (voir Médicaments). Après restauration de l’euthyroïdie par les ATS, plusieurs options thérapeutiques sont possibles selon le contexte et les préférences du patient : poursuite des ATS ou traitement radical par irathérapie ou thyroïdectomie.

• La poursuite des ATS est privilégiée, en visant une rémission prolongée, lors d’un premier épisode d’hyperthyroïdie, en présence de goitre peu volumineux et d’absence de tabagisme(2).

• L’irathérapie ou la chirurgie peuvent être proposées rapidement, notamment en cas de faible probabilité de rémission, suspicion de malignité thyroïdienne, goitre volumineux, comorbidité, telle une cardiopathie sous-jacente, ou complications liées aux ATS. L’irathérapie est déconseillée en cas d’orbitopathie, car risque d’aggravation, ou de projet de grossesse à court terme à cause de l’augmentation des anticorps anti-RTSH susceptibles de passer la barrière placentaire et d’induire une dysthyroïdie fœtale.

Goitre multinodulaire toxique ou adénome toxique

L’irathérapie est recommandée en première intention. Elle évite le risque de complications chirurgicales de type dysphonie par atteinte du nerf récurrent et hypoparathyroïdie en cas de thyroïdectomie totale.

• Le traitement chirurgical est privilégié en cas de suspicion de malignité associée, ?goitre volumineux, projet de grossesse dans les quatre à six mois, préférence du patient…

• De faibles doses d’ATS au long cours sont préférées en cas de fragilité, comorbidités, espérance de vie limitée, préférence du patient…

Hyperthyroïdie iatrogène

Antitussifs, antidiarrhéiques, amiodarone, agents de contraste iodés, antiseptiques iodés, préparations alimentaires riches en iode peuvent être à l’origine d’une hyperthyroïdie. Les interférons, l’immunothérapie anticancéreuse, par un mécanisme de thyroïdite, peuvent induire une hyperthyroïdie. Deux mécanismes sont possibles :

→ activation de nodules préexistants : arrêt du médicament en cause si possible, mais la saturation iodée persiste encore plusieurs mois, et traitement par ATS ;

→ thyroïdite iodée et libération d’hormones stockées dans les vésicules : arrêt du médicament en cause si possible et corticothérapie si la thyrotoxicose ne cesse pas spontanément. « Ces hyperthyroïdies peuvent être graves car elles touchent une population fragile, notamment à cause de troubles cardiaques, précise la professeure Borson-Chazot. Elles répondent souvent difficilement au traitement et le recours à un spécialiste est nécessaire ».

Hyperthyroïdie et grossesse

La grossesse chez une femme hyperthyroïdienne doit être suivie en milieu spécialisé pour un repérage d’une dysthyroïdie et d’un goitre chez le fœtus. L’hyperthyroïdie n’est pas une cause d’interruption thérapeutique de grossesse mais il est préférable d’éviter cette situation avec une contraception efficace(6).

Médicaments

Antithyroïdiens de synthèse

• Place thérapeutique. Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) sont prescrits :

→ pour une durée conseillée de dix-huit mois dans la maladie de Basedow ;

→ pour obtenir un état d’euthyroïdie en trois à huit semaines avant une chirurgie dans un goitre multinodulaire ou une maladie de Basedow.

Le traitement est souvent initié à une « dose d’attaque », déterminée en fonction de l’intensité de l’hyperhormonémie et de l’état thyrotoxique (voir tableau). Le but est de réduire l’hyperthyroïdie au premier contrôle, vers la troisième ou quatrième semaine de traitement(8), puis soit de diminuer progressivement la posologie pour obtenir une euthyroïdie, soit de maintenir la dose et d’ajouter de la lévothyroxine à posologie substitutive. Cette stratégie, dite « block and replace », consiste à doser fortement l’ATS pour bloquer la thyroïde et à associer un traitement hormonal de substitution.

• Molécules : thiamazole (Thyrozol), carbimazole (Néo-Mercazole), propylthiouracile (Propylex) et benzylthiouracile (Basdène). Le carbimazole est une prodrogue (voir Dico+ p. 40), dont le métabolite actif est le thiamazole.

Remarque : le thiamazole et le carbimazole sont recommandés en première intention, sous couvert d’une contraception efficace chez la patiente en âge de procréer, à cause d’un possible effet tératogène. Le propylthiouracile (PTU) est prescrit en cas d’antécédent d’allergies aux deux premiers, ou lors du premier trimestre de grossesse. Le benzylthiouracile est semblable au PTU, mais le Basdène, dosé à 25 mg au lieu de 50 mg pour Propylex, implique davantage de prises, et est donc peu utilisé.

• Mode d’action : les ATS inhibent l’organification de l’iode (voir Dico+ p. 40), et donc la synthèse de nouvelles hormones thyroïdiennes. Le propylthiouracile bloque la conversion périphérique de T4 (thyroxine) en T3 (triiodothyronine).

• Effets indésirables : nausées, céphalées, arthralgies, surtout dans le pouce, troubles gastriques, éruptions cutanées et prurit habituellement dans les huit premières semaines de traitement. Ils ne nécessitent en général pas de l’arrêter.

Attention ! L’agranulocytose est une complication rare mais potentiellement dangereuse du traitement par ATS (voir Dico+ p. 40).

Thérapies radicales

Irathérapie

L’irathérapie, ou traitement par iode radioactif (iode 131), est utilisé depuis plusieurs décennies pour traiter certaines formes d’hyperthyroïdie. L’iode radioactif (iode 131), administré sous forme d’injection intraveineuse ou de capsule, est absorbé par la glande thyroïde. Il détruit les cellules thyroïdiennes, ce qui réduit la quantité d’hormones thyroïdiennes produites et la taille de la thyroïde. Dans la plupart des cas, une seule prise d’iode 131 suffit. Remarque : l’irathérapie n’est pas indiquée en cas de désir de grossesse à court terme (< 6 mois) et contre-indiquée en cas de grossesse et d’allaitement. Elle est déconseillée en cas d’orbitopathie.

• Indications : goitre multinodulaire toxique ou adénome toxique (en première intention) ; maladie de Basedow si persistance après douze à dix-huit mois sous ATS ou en cas de récidive.

• Informations du patient.

→ Passage en hypothyroïdie définitive et hormonothérapie substitutive à vie par lévothyroxine ;

→ mesures de radioprotection à prendre vis-à-vis de l’entourage ;

→ possible persistance de l’hyperthyroïdie nécessitant une seconde prise d’iode ou de discuter un traitement par ATS ;

→ arrêter les ATS au moins deux à trois jours et au maximum sept jours avant l’irathérapie.

• Surveillance.

→ Consultation dans les deux à trois semaines après l’irathérapie.

→ Doser la TSH un à deux mois après l’irathérapie, puis entre six semaines et trois mois pendant six mois, puis tous les trois mois pendant un an ou jusqu’à l’apparition d’une hypothyroïdie. Dosage de la TSH deux semaines après l’irathérapie en cas d’orbitopathie.

• Effets indésirables. Les rayons ne diffusent que sur quelques millimètres et les cellules voisines qui ne captent pas l’iode ne sont pas affectées. Les effets indésirables sont rares, limités dans le temps et systématiquement gérés par l’équipe médicale. Une inflammation des glandes salivaires peut entraîner des douleurs dans la bouche, en haut du cou ou à l’avant des oreilles. Nausées et troubles digestifs sont possibles dans l’heure qui suit la prise de l’iode.

Chirurgie

Il peut s’agir d’une thyroïdectomie (ablation totale de la thyroïde) ou d’une lobectomie (thyroïdectomie partielle). L’opération s’effectue en état d’euthyroïdie obtenue par un traitement préalable par ATS.

• Indications : maladie de Basedow, adénome toxique ou goitre multinodulaire toxique si le goitre est volumineux, compressif ou suspicion de malignité, ou si l’iode radioactif n’est pas souhaitable.

• Surveillance : de la lévothyroxine après une thyroïdectomie totale, de la TSH entre six et huit semaines après lobectomie, et nouveau contrôle six à douze mois après si la première TSH est dans l’intervalle de référence du laboratoire.

Les conseils aux patients

Observance

• Prendre le traitement par antithyroïdiens de synthèse très régulièrement. Avec une demi-vie plasmatique plus longue, de quatre à douze heures selon les patients, le Néo-Mercazole autorise une prise quotidienne sans horaire strict.

• Signaler les effets secondaires au médecin et sa maladie et son traitement à tout professionnel de santé consulté.

• Insister sur le respect des rendez-vous médicaux et des prises de sang régulières prescrites.

• Consulter en urgence si l’état de santé s’aggrave ou se complique, notamment en présence de confusion, fièvre, palpitations.

• Avant une irathérapie, éviter d’appliquer des produits riches en iode sur la peau.

Vie quotidienne

Alimentation

• Éviter une alimentation trop grasse ou trop calorique durant la période de déséquilibre hormonal de deux à trois mois qui suit la mise en route d’un antithyroïdien de synthèse(8).

Revenir au régime alimentaire habituel, avec une alimentation diversifiée une fois les dosages hormonaux équilibrés.

• Avant une irathérapie, un régime alimentaire spécial n’est pas indispensable mais il est préférable d’éviter les aliments particulièrement riches en iode : crustacés, algues. Leur consommation occasionnelle n’empêche pas l’efficacité du traitement.

Loisirs

• En attendant la normalisation des dosages hormonaux, demander conseil à votre médecin traitant sur les activités qu’il est possible de pratiquer.

• Après une thyroïdectomie totale ou partielle, attendre d’avoir arrêté les médicaments antalgiques et de pouvoir bouger le cou normalement avant de conduire à nouveau un véhicule. Attendre la cicatrisation complète pour reprendre les activités sportives.

Activité professionnelle

• Hors chirurgie, le médecin traitant juge de l’utilité d’un arrêt de travail selon l’état de santé.

• Après une thyroïdectomie totale ou partielle, un arrêt de travail est prescrit. Il peut durer jusqu’à trois semaines compte tenu de l’étendue de la chirurgie, des traitements complémentaires, de la profession et des conditions d’exercice professionnel, ainsi que d’éventuelles complications. Un aménagement de poste temporaire ou une reprise à temps partiel thérapeutique peut être envisagé.

Accompagnement

Ne pas hésiter à contacter les associations de patients pour s’informer sur la maladie et sa prise en charge, telle l’Association française des malades de la thyroïde (asso-malades- thyroide.fr).

Avec l’aimable participation de Françoise Borson-Chazot, professeure des universités, endocrinologue à l’hôpital Louis-Pradel, Hospices civils de Lyon, à Bron (69).

(1) L’urgence thyroïdienne : la grande imitatrice !, Le Médecin du Québec, février 2012.

(2) Prise en charge des hyperthyroïdies en population générale, Haute Autorité de santé (HAS), décembre 2022.

(3) L’intervalle de référence peut varier selon les kits de dosage utilisés par les laboratoires. Exemple de valeurs normales de TSH entre 0,15 et 5 mU/L.

(4) Les valeurs de référence de T4L et T3L varient selon la technique d’analyse utilisée. Habituellement, T4L comprises entre 11 et 21 pmol/L et T3L entre 3,2 et 5,2 pmol/L.

(5) Exploration des pathologies thyroïdiennes chez l’adulte : pertinence et critères de qualité de l’échographie, pertinence de la cytoponction échoguidée, HAS, septembre 2021.

(6) Hyperthyroïdie, Collège des enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques (CEEDMM), juillet 2020.

(7) Choix d’un antithyroïdien de synthèse et équivalences, recommandations SFE-GRT, Société française d’endocrinologie, 2014.

(8) Hyperthyroïdie : suivi médical et vie quotidienne, Assurance maladie, avril 2023.

Info +

→ La crise thyrotoxique aiguë, exceptionnelle aujourd’hui, résulte d’une hyperthyroïdie sévère non traitée ou mal traitée. Elle combine hyperthermie, détresse cardiaque et respiratoire, convulsions, troubles de la conscience, voire coma. C’est une urgence vitale nécessitant un traitement rapide.

Info +

→ La thyrotoxicose factice est une hyperthyroïdie sans goitre ni orbitopathie, due à une prise intentionnelle ou accidentelle d’hormones thyroïdiennes en grande quantité. Si la prise cachée dans un but amaigrissant est devenue rare, les erreurs de prise du traitement hormonal substitutif d’une hypothyroïdie sont plus fréquentes.

L’avis du spé

“Une agranulocytose contre-indique tous les ATS”

Pr Françoise Borson-Chazot, professeure des universités, endocrinologue à l’hôpital Louis-Pradel, Hospices civils de Lyon, à Bron (69).

Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) sont-ils bien tolérés ?

Ces médicaments occasionnent le plus souvent des effets indésirables en début de traitement, surtout s’ils sont prescrits à des fortes doses. Environ 10 % des patients ressentent des effets secondaires mineurs, de l’urticaire notamment. La complication grave des antithyroïdiens de synthèse est l’agranulocytose, qui impose l’arrêt du traitement. Tout patient qui a de la fièvre doit faire une numération formule sanguine en urgence et consulter, même s’il avait des résultats normaux la veille, car il s’agit d’une réaction immunoallergique brutale associée à une chute massive des globules blancs. La survenue d’une agranulocytose est une contre-indication formelle et définitive à tous les antithyroïdiens de synthèse.

Info +

→ Dosage de la TSH et traitement. Un dosage de la TSH est réalisé avant et pendant certains traitements. Sous amiodarone : dans les trois premiers mois après l’instauration, puis tous les trois à six mois la première année, puis tous les six à douze mois pendant le traitement et jusqu’à douze mois après l’arrêt. Sous lithium : tous les six à douze mois. Une prise en charge spécialisée est indiquée en cas de TSH basse.

Dico +

→ Une prodrogue, ou promédicament, est une substance inactive qui a besoin d’être transformée en substance active au sein de l’organisme pour avoir une action thérapeutique efficace.

→ L’organification de l’iode est un processus biochimique qui se déroule dans la glande thyroïde. L’iode ingéré par l’alimentation sous forme d’iodure est converti en iode organique, puis incorporé dans la thyroglobuline, protéine du tissu thyroïdien, pour la production d’hormones thyroïdiennes.

→ L’agranulocytose correspond à la disparition quasi totale des granulocytes neutrophiles sanguins (leucocytes), ce qui expose aux maladies infectieuses et nécessite une prise en charge rapide. Les symptômes sont ceux d’une infection.

Info +

→ La puissance antithyroïdienne des divers ATS et leur capacité d’inhiber l’organification des iodures varient selon les molécules. Les cliniciens considèrent en général que 20 mg de Néo-Mercazole équivalent à 15 mg de Thyrozol, 200 mg de Propylex et 200 mg de Basdène(7). Cette bioéquivalence est surtout utile lorsqu’il faut remplacer un ATS par un autre.

Info +

→ Autres médicaments parfois utilisés pour traiter les conséquences de l’hyperthyroïdie : les bêta-bloquants pour réduire les troubles du rythme cardiaque et les corticoïdes pour les troubles oculaires de la maladie de Basedow.

En savoir +

→ Les Maladies de la thyroïde, Jean-Louis Wémeau, 2e édition, Éd. Elsevier Masson, avril 2022. Cet ouvrage présente les méthodes d’investigation avant d’aborder les différentes affections de la thyroïde : hyper- et hypothyroïdies, dysthyroïdies infracliniques… Cette deuxième édition consacre plusieurs chapitres à l’orbitopathie basedowienne, aux relations entre thyroïde et environnement et aux états de sensibilité réduite aux hormones thyroïdiennes.

→ Prise en charge des hyperthyroïdies en population générale, Haute Autorité de santé, décembre 2022.

Ces recommandations s’adressent à tout professionnel de santé en charge des personnes présentant des signes d’hyperthyroïdie, avec démarche diagnostique et prise en charge des hyperthyroïdies primaires.

→ Hyperthyroïdie, Assurance maladie, avril 2023.

Symptômes, diagnostic, prise en charge, l’Assurance maladie propose un dossier complet sur ameli.fr