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Prévention et santé publique au programme de l’officine

Publié le 19 janvier 2024
Par Annabelle Alix
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Trods, délivrance à l’unité ou culottes menstruelles gratuites, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 incite l’officine à se lancer dans les défis de la prévention, de la lutte contre les ruptures, le gaspillage et la précarité des femmes. Le point sur les mesures.

De nouvelles missions entérinées, et des actions en faveur de la prévention, de la santé publique et de la lutte contre les inégalités sociales, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 a été publiée le 27 décembre 2023(1). Les changements effectifs et à venir au programme de l’officine.

Depuis le 1er janvier 2024…

• Immédiatement applicable, l’article 65 limite à trois jours la durée des arrêts de travail prescrits ou renouvelés via une téléconsultation pour limiter les recours abusifs. Deux exceptions à la règle :

→ la téléconsultation a lieu avec le médecin traitant ou la sage-femme référente ;

→ le patient justifie d’une impossibilité de consulter un professionnel compétent pour obtenir une prolongation de son arrêt.

Cap sur la prévention

• Créé par la LFSS 2023, le dispositif « Mon bilan prévention », expérimenté dans les Hauts-de-France, s’étend à toute la France en 2024. Les médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens peuvent proposer ces bilans, pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, à des âges clés de la vie : 18-25 ans, 45-50 ans, 60-65 ans et 70-75 ans. Ils permettront « de faire le point sur les habitudes de vie : alimentation, sommeil, activité physique et sportive…, et sur l’environnement pour bénéficier de conseils personnalisés, adopter des habitudes de vie favorables et ainsi vivre plus longtemps en bonne santé », explique le ministère de la Santé. L’objectif est aussi « d’augmenter les taux de participation aux dépistages des principaux cancers et d’améliorer le taux vaccinal ».

Les volontaires doivent se connecter à l’espace réservé aux professionnels sur le site du ministère de la Santé, pour figurer sur la liste des professionnels proposant ce service et pouvoir être contactés par les patients.

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• L’article 39 prévoit la gratuité des préservatifs féminins pour les moins de 26 ans, sans ordonnance, y compris pour les mineures sans le consentement parental.

On attend : un arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, pour définir le nombre et les catégories de préservatifs délivrés, après décret pris en Conseil d’État fixant la procédure et les conditions.

Nouvelles missions !

• L’article 52 autorise les pharmaciens à délivrer, sans ordonnance, certains médicaments à prescription médicale obligatoire, après réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod).

On attend :

→ un décret pris en Conseil d’État pour fixer les conditions d’application ;

→ un arrêté du ministre de la Santé – après avis de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour fixer les médicaments concernés et les Trods à réaliser et les résultats autorisant cette délivrance ;

→ un arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, pour fixer provisoirement, sur proposition du directeur général de l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie, la tarification des prestations ;

→ l’entrée en vigueur de nouvelles stipulations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les syndicats de titulaires. Elles fixeront alors le tarif définitif des prestations.

Gaspillage et ruptures

• L’article 53 prévoit la délivrance de médicaments à l’unité quand la forme pharmaceutique le permet. Et de limiter la délivrance des dispositifs médicaux et autres produits de santé au besoin nécessaire à la durée du traitement, si le conditionnement le permet.

On attend :

→ un arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, pour établir la liste des produits de santé concernés ;

→ un décret en Conseil d’Etat pour fixer les modalités particulières de conditionnement, d’étiquetage, d’information de l’assuré et de traçabilité des délivrances.

• L’article 71 étend les préparations hospitalières spéciales, réalisées par les pharmacies d’usage intérieur (PUI) en cas de rupture de stock et sur autorisation, aux cas d’arrêt de commercialisation.

→ Les pharmacies d’officine pourront être autorisées à délivrer ces préparations par un arrêté du ministre de la Santé.

→ Le ministre de la Santé peut aussi autoriser certaines officines à réaliser des préparations officinales spéciales, à titre exceptionnel ou temporaire, face à une menace, une crise sanitaire grave ou une rupture de stock ou un arrêt de commercialisation d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur. Ces préparations doivent être :

→ soumises à prescription médicale ;

→ réalisées selon une monographie publiée par l’ANSM ;

→ préparées à partir d’une matière première à usage pharmaceutique fournie par un établissement public de santé fabriquant industriellement des médicaments.

On attend :

→ un arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, fixant les prix de cession pour la réalisation et la dispensation des préparations hospitalières spéciales et des préparations officinales spéciales.

→ À titre temporaire, le recours à des préparations magistrales peut être recommandé par le directeur général de l’ANSM pour faire face à une rupture ou à une tension d’approvisionnement d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur. Un arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale fixe alors le tarif de base du remboursement et le prix de vente au public.

• L’article 72 s’attaque aux ruptures d’approvisionnement.

→ Il oblige les laboratoires à mettre à disposition des officinaux toutes les informations dont ils disposent en cas de rupture.

→ À titre temporaire, un arrêté du ministre de la Santé peut rendre obligatoire le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle, ou la délivrance de médicaments à l’unité en cas de rupture.

Combattre la précarité

• L’article 40 prévoit la gratuité des protections hygiéniques réutilisables, coupes et culottes menstruelles, pour les moins de 26 ans et les femmes à revenus trop faibles.

→ Les moins de 26 ans bénéficient d’une prise en charge à 60 % par l’Assurance maladie. Le reste à charge pourra être remboursé par la mutuelle ;

→ les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2s), quel que soit leur âge, seront pris en charge à 100 %.

On attend :

→ un arrêté des ministres chargés de la santé et de la Sécurité sociale, pour fixer la liste des produits remboursés selon certains critères (spécifications techniques, respect des normes relatives à la composition, à la qualité et aux modalités de distribution visant la non-toxicité pour la santé et l’environnement…) et un arrêté fixant la base de remboursement et le prix de vente maximal.

→ un décret d’application pris en Conseil d’Etat. »

(1) Journal officiel du 27 décembre 2023.

Angines et cystites en premier !

Délivrer, sans ordonnance, certains médicaments à prescription médicale obligatoire, après réalisation d’un Trod, sera sans doute possible avant la fin des négociations conventionnelles. Un tarif pourrait être fixé assez rapidement par arrêté de la direction de la Sécurité sociale. Quitte à le réajuster à la hausse plus tard, ceci afin d’accélérer la mise en œuvre des premières missions, « angines » et « cystites ».